La traduction de Bonheur d'occasion
Elle est l'oeuvre d'un écrivain américain, Mme Hannah Josefson
Mlle Gabrielle Roy a eu l'amabilité de nous donner quelques renseignements fort intéressants au sujet de la traduction en anglais de son roman Bonheur d'occasion et du choix de ce dernier par le Literary Guild américain, qui groupe plus d'un million de membres.
La traductrice de l'histoire de Florentine Lacasse est Mme Hannah Josefson, épouse de M. Matthew Josefson, écrivain connu aux Etats-Unis.
Mme Josefson a déjà fait, pour les Américains, des traductions de Louis Aragon et de Philippe Soupault, l'auteur du
Bon apôtre, des Souvenirs de James George, etc.
La traduction paraissait donc tout à fait entre bonnes mains, et Mlle Roy engagea l'interprète choisie par les éditeurs Reynal et Hitchcock, de New-York, à prendre la marge de liberté nécessaire dans son travail, quant au style typiquement canadien-français.
Il en résulte, dit Mlle Roy, qu'on s'en est tenu fidèlement au texte français, ne modifiant que les dialogues, de façon à leur donner une résonance en quelque sorte universelle, particulièrement pour les lecteurs de langue anglaise. Chose fort heureuse, on a soigneusement évité d'introduire de l'argot américain comme équivalent (un équivalent qui aurait été faux d'ailleurs) du parler populaire montréalais. L'oeuvre ne court ainsi aucun risque d'être reçue comme une expression du milieu populaire des Etats-Unis. La traductrice a saisi tout de suite cette évidence: les sentiments, les consciences de Bonheur d'occasion ne sont pas d'ailleurs que du Canada français. Elle a bien recréé notre atmosphère pour le lecteur de langue anglaise. Très prise par la rédaction d'en autre roman et de nouvelles, Mlle Roy n'a pu parcourir le texte anglais que très rapidement.
Les interrogations que pose Mlle Roy au sujet de la guerre demeurent donc intactes dans la traduction de Mme Josefson. Seuls sont omis certains détails ayant trait à des questions réglées, classées, sur lesquelles il ne sied guère de revenir lorsqu'on s'adresse à un public étranger.
Mlle Roy ajoute qu'il est difficile de prévoir à combien d'exemplaires le livre sera tiré, en dépit du million de membres du
Literary Guild. Elle n'ose ni confirmer ni mettre en doute le chiffre de 500,000 que nous transmettait hier une agence de nouvelles.
Quoi qu'il en soit, nous ne pouvons qu'exprimer à Gabrielle Roy la fierté que nous ressentons de voir ainsi s'agrandir le rayonnement de son oeuvre, que la féliciter de ce qu'elle contribuera peut-être à faire comprendre la guerre sous un aspect nouveau dans l'esprit d'une grande partie des Américains... et peut-être des Anglais, ce qui aurait certainement un intérêt spécial; et aussi de faire comprendre les Canadiens français...
Jacques de Grandpré
Source : Le Devoir, 8 février 1947.
Avec la permission du journal Le Devoir.
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