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CHAPITRE XXIV*
INFORMATION INTERNATIONALE
LES ÉCHANGES CULTURELS
COMME nous l'avons dit dans la première partie de notre
Rapport, l'intérêt que nous portons à la « projection » du Canada à l'étranger
concerne ces échanges fructueux dans les domaines artistiques et intellectuels qui
stimulent l'activité culturelle des nations et sont, pour les peuples, la pierre
angulaire de la connaissance et de la compréhension mutuelles. Nous avons déjà montré
que le Canada est à l'arrière-garde des nations quant à l'aide accordée à ces
échanges. Nous ne possédons ni bureau central d'information en matière d'éducation et
de culture, ni régime permettant les échanges culturels ou prévoyant la distribution de
bourses internationales; nous n'avons pas de fonds et peu de moyens pratiques pour
soutenir les rapports qui existent entre les sociétés savantes, pour envoyer à
l'étranger l'élite de nos artistes et de nos musiciens, les meilleurs de nos tableaux et
de nos livres, ou pour encourager les autres pays à nous déléguer témoins et
témoignages de leur propre culture.
2. Tout cela a été exposé par les sociétés et les particuliers
qui ont comparu devant nous. Il nous a toujours semblé évident que ces questions ne
peuvent être dissociées de ce problème central que constitue l'aide à notre propre
développement national dans le domaine des arts, des lettres et des sciences. En outre,
nous avons reçu une lettre du Premier ministre, élargissant les termes de notre mandat
original; cette lettre nous demandait d'examiner les moyens qui pourraient amener
l'étranger à une meilleure connaissance du Canada. En conséquence, nous présentons,
dans une série de recommandations finales et comme dans une synthèse de notre enquête,
une proposition visant à confier à un conseil unique la responsabilité fondamentale de
l'aide et de l'appui qu'il convient d'accorder à toute activité culturelle bénévole,
au pays même, et aux échanges culturels avec d'autres nations. Ce conseil, dans notre
esprit, devrait donc se charger de fonctions comparables aux fonctions conjuguées
du British Council et du Conseil des arts de Grande-Bretagne.
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On trouvera tous les détails utiles sur la constitution éventuelle de ce conseil et
sur son action, au chapitre XXV, qui contient nos recommandations officielles. Si nous en
parlons ici, c'est que nous croyons que cet organisme, si on l'établit, devrait jouer un
rôle essentiel dans la « projection » du Canada à l'étranger, surtout par la
coordination des initiatives bénévoles, clefs de voûte des échanges internationaux
dans l'ordre culturel.
3. Nous voulons cependant dire un mot, ici, d'une question en
particulier dont l'influence se fait sentir sur les échanges culturels de caractère
bénévole. Si nous ne nous abusons, le gouvernement canadien détient des sommes très
considérables sous formes de fonds « gelés », dans de nombreux pays de l'Europe
occidentale. Les circonstances exceptionnelles qui nous ont assuré ces fonds imposent des
précautions spéciales quant à leur emploi. Leur usage bien compris peut contribuer à
l'avènement d'une meilleure compréhension mutuelle et de relations plus cordiales entre
le Canada et ces différents pays; toute dépense inutile ou inconsidérée risque
d'avoir un effet contraire. On a proposé des plans divers : fondation de bourses
d'études semblables à celles du régime américain Fulbright, bourses de voyages,
échanges éducatifs ou culturels. Une partie de ces fonds a déjà été consacrée à
l'achat de tableaux destinés à la Galerie nationale. Nous n'avons pas l'intention de
soumettre, sur ce sujet, de recommandations précises. Nous signalons, toutefois, le
besoin qu'il y aurait d'établir et ensuite d'appliquer, au Canada et dans les pays en
cause, un plan simple et logique, visant spécifiquement à étendre la connaissance et la
compréhension réciproques, et à encourager les relations amicales entre ces nations et
la nôtre.
LE SERVICE INTERNATIONAL DE RADIO-CANADA
4. Nous avons eu l'occasion d'exposer ailleurs l'oeuvre importante
accomplie par le Service international de Radio-Canada, qui cherche et réussit à
présenter « une image honnête, objective et variée du Canada et de son mode de vie » (1). Nous avons remarqué
l'encouragement et la publicité que cet organisme donne, d'autre part, à l'activité
culturelle du Canada. Nous signalons une fois encore (comme nous l'avons fait pour les
émissions d'ordre national), l'importance qu'il y a de s'assurer du concours des artistes
les mieux doués et les plus représentatifs de nos diverses régions. Au Service
international, l'habileté linguistique doit être considérée comme un élément
essentiel, nous le concédons. Nous reconnaissons aussi le besoin de recourir aux conseils
et à l'aide de nationaux des pays auxquels les émissions sont destinées. Mais, en même
temps, nous devons souligner l'importance qu'il y aurait à faire entendre la voix du
Canada à l'étranger, aussi souvent que faire se peut, par l'intermédiaire de Canadiens
éminents.
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En conséquence nous recommandons :
a) |
Que le Service international de Radio-Canada soit maintenu et que son
activité soit étendue, en vue de permettre aux pays étrangers de mieux connaître et de
mieux comprendre le Canada. |
|
b) |
Qu'on s'efforce à cette fin, et par tous les moyens, de s'assurer, le plus souvent
possible, le concours de Canadiens qui se sont illustrés dans les domaines les plus
variés. |
L'OFFICE NATIONAL DU FILM
5. Nous avons parlé, dans notre première partie, de la tâche importante
accomplie par l'Office national du film qui, au moyen de documentaires, présente le
Canada à l'étranger. Chez nous, comme en dehors de nos frontières, on se plaît à
reconnaître leur qualité, leur intégrité et leur originalité. Nous avons recommandé
ailleurs l'extension générale du travail de l'Office. Nous nous bornerons ici à
suggérer qu'il s'emploie avec une vigueur accrue à poursuivre l'oeuvre nécessaire qu'il
accomplit en faisant connaître le Canada à d'autres peuples. L'image a toujours été
plus convaincante que le verbe; et, à notre époque si sensible à l'influence
picturale, bien des gens ne s'intéressent qu'à l'aspect illustré des choses.
6. Nous demandons avec instance, cependant, que l'Office national du
film continue à envoyer à l'étranger des films qui nous dépeignent tels que nous
sommes, plutôt que des films destinés à persuader les autres peuples des seuls bons
côtés de notre société. Notre Commission croit à la valeur des libres traditions
démocratiques telles qu'on les entend généralement en notre pays. Nous pensons
également que, pour que les autres se familiarisent avec notre manière de vivre, le
moyen le plus efficace et le plus honnête de la leur présenter est de leur permettre de
lire nos journaux et nos livres, de voir nos tableaux, d'entendre notre musique et de les
inviter à partager avec nous le plaisir que nous procurent les films que nous tournons
pour notre information et pour notre divertissement. Si nous suivons cette ligne de
conduite, nous serons assurés que les films que nous envoyons à l'étranger auront été
tournés par des artistes et non par des propagandistes du cinéma; des uvres de ce
genre pourraient certes nous valoir l'amitié et la compréhension de ceux qui sont
imperméables à la propagande mais sensibles à l'appel de l'évidence. Il est
parfaitement possible de préparer, sur le Canada et les Canadiens, des films qui soient,
à la fois, fidèles et attrayants. Le meilleur critère des bandes destinées à
l'étranger est l'approbation préalable des Canadiens eux-mêmes.
7. Nous n'entendons pas dire par là que les temps de crise ne
motivent pas la production de certains films ayant un objet bien défini, et nous voulons
parler ainsi de ces uvres destinées à persuader par le recours à
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l'émotion, plutôt qu'à convaincre par l'appel à l'intérêt objectif et au
raisonnement. Il est hors de doute cependant que l'Office du film devrait s'inspirer des
directives du ministère des Affaires extérieures dans la production de ce genre de
films. Il saute aux yeux que, si de tels films ne réussissaient pas à éveiller
l'intérêt des autres nations, ils n'auraient occasionné qu'un gaspillage inutile; pour
exercer une influence, ils doivent être un reflet de la politique du ministère auquel
nous confions la conduite de nos relations étrangères. Que l'on comprenne bien que nous
parlons ici, non pas de films sur le Canada destinés au marché canadien aussi bien qu'au
marché étranger; nous ne pensons qu'à ceux qui sont produits avec l'intention
d'influencer en notre faveur l'opinion d'autres pays.
8. Nous remarquons qu'un ministère vient de prendre l'initiative
d'encourager certaines sociétés américaines à produire, au Canada, des films
commerciaux traitant de sujets canadiens. Cette ligne de conduite nous parait fort
avantageuse, dans la mesure où l'on prend soin que ces films (même ceux de pure fiction)
ne présentent pas une caricature grossière de la vie ou de l'histoire du Canada. Nous ne
songeons pas à proposer qu'on réglemente les films produits selon les formules
habituelles par les sociétés commerciales. Cependant, si les films produits au Canada à
l'usage du public américain doivent faire naître l'idée d'un patronage ou d'une
approbation, même officieux, de fonctionnaires de l'État canadien, il conviendrait de
prendre toutes les précautions nécessaires pour s'assurer qu'ils ne souffrent d'aucune
déformation mélodramatique, surtout là où la réputation des institutions canadiennes
serait en jeu.
En conséquence nous recommandons :
c) |
Que l'Office national du film soit muni de fonds pour accroître, par
l'intermédiaire des circuits commerciaux et autres, la distribution à l'étranger de
films destinés à expliquer le Canada aux Canadiens et aux habitants des autres pays. |
|
d) |
Que, dans tous les cas où des films d'un caractère spécial sont
nécessaires pour instruire ou éclairer des nations étrangères, la préparation de ces
film soit faite en coopération étroite avec le ministère intéressé, en règle
générale le ministère des Affaires extérieures. |
|
e) |
Que, dans tous les cas où l'aide ou l'approbation officielles sont accordées à
un film commercial destiné surtout à l'étranger, on prenne des mesures appropriées
pour empêcher toute déformation préjudiciable aux institutions ou à l'histoire du
Canada. |
LE MINISTÈRE DES AFFAIRES EXTÉRIEURES
AGENTS DE PRESSE ET D'INFORMATION
9. Nous avons signalé que le service d'information du ministère des
Affaires extérieures aurait beaucoup à gagner à étendre son activité, même en
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Grande-Bretagne et aux États-Unis. Il souffre surtout du manque d'attachés de presse
et d'information compétents. En comparaison avec ses voisins, le Canada n'est pas
représenté de façon appropriée. C'est que, quel qu'en soit le nombre, les bulletins
imprimés ou les dépêches spéciales ne peuvent remplacer des attachés de presse
capables et expérimentés. De tels fonctionnaires connaissent les journaux et les
journalistes des pays où ils sont accrédités; ils savent ce qu'on désire et comment le
présenter. En gagnant la confiance et l'amitié de ceux avec qui ils établissent des
contacts, ils peuvent contribuer dans une large mesure à communiquer une image équitable
et précise de la vie, de la politique et des points de vue du Canada.
10. Nous avons noté également le besoin d'un nombre plus
considérable et plus varié de textes imprimés ou polycopiés, rédigés en plusieurs
langues et, d'autre part, de crédits plus généreux pour les bibliothèques de nos
missions à l'étranger.
En conséquence nous recommandons :
f) |
Que le ministère des Affaires extérieures augmente le nombre des attachés de
presse et d'information employés à l'étranger. |
|
g) |
Que le ministère prévoie un plus grand nombre de textes imprimés ou polycopiés
pour distribution à l'étranger et qu'il expédie un plus grand nombre de livres à nos
missions diplomatiques. |
[page 430 blanche]
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*Extrait de : Canada. Commission
royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport.
Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil
privé.
 
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