CHAPITRE VIII*
LES MUSÉES
LE MUSÉE NATIONAL
L'ÉTUDE de l'évolution de certains organismes du
gouvernement fédéral nous porte à croire que les réalisations de fonctionnaires
dévoués et clairvoyants ont souvent dépassé de beaucoup ce que pouvait laisser
prévoir l'appui très restreint qu'ils recevaient des gouvernements et du public. Le
Musée national actuel nous en fournit un exemple frappant; il date de 1842, alors que la
Commission géologique du Canada fut instituée pour recueillir des renseignements précis
sur les richesses naturelles du pays, ses roches, ses sols et ses minéraux; préparer des
cartes et collectionner des échantillons. Toutefois, les géologues ont été, de tout
temps des gens d'un grand savoir et d'une curiosité s'étendant à de nombreux domaines.
Le Musée national, avec ses collections précieuses, témoigne du zèle et du dévouement
que les directeurs de la Commission géologique ont apportés à l'interprétation des
instructions qu'ils recevaient. Logan, Selwyn et Dawson, ainsi que leurs enthousiastes
collègues et successeurs, ont réussi à créer et à mettre en marche un grande
institution nationale, presque en marge de leurs fonctions officielles, sans toutefois
négliger celles-ci; il suffit, pour s'en rendre compte, de lire l'histoire du premier
siècle d'activité de la Commission géologique, écrite par l'actuel conservateur du
Musée (1) .
2. Bien qu'essentiellement musée d'histoire naturelle, le Musée national
n'a pas été restreint, par ses directeurs successifs, aux collections géologiques et
biologiques du Canada; on y a organisé une importante section d'anthropologie qui compte
une très riche collection ethnologique portant sur les Iroquois, les Esquimaux et les
Indiens de la côte ouest; cette section possède, en outre, une magnifique collection
d'enregistrements, sur disques, de plus de six mille chansons canadiennes en français,
ainsi que plusieurs centaines de chansons en anglais, recueillies surtout dans les
provinces Maritimes. Le Musée a réuni aussi trois mille chants d'origine indienne. Ces
collections sont partiellement le fruit de travaux effectués sur place par des groupes
qui, chaque été, se livrent à des recherches dans diverses parties du Canada. Il arrive
aussi que, grâce à certaines ententes, le Musée défraie une partie des travaux de
professeurs d'université, ou collabore avec d'autres institutions canadiennes ou
étrangères. Ces ententes
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ont trait principalement aux recherches dans les domaines de l'archéologie et du
folklore.
3. Le directeur du Musée nous a fait part d'une foule de renseignements
intéressants sur les travaux, les projets et les problèmes du Musée. Cette institution
fait actuellement partie du Service des parcs nationaux, au ministère des Ressources et
du Développement économique. Elle a pour mission de « faire connaître les roches, les
minéraux, les minerais, les fossiles tant vertébrés qu'invertébrés, les sols, la
topographie, les panoramas, les oiseaux, les mammifères, les reptiles, les amphibies, les
poissons, les forêts et les ressources hydrauliques du Canada, ainsi que ses groupements
ethniques et leurs cultures... " » (2). Évidemment, l'activité du Musée, à l'heure
actuelle, ne s'exerce pas dans tous ces domaines. Il a évolué et s'est transformé en
même temps que le ministère dont il relève, et il a limité ses initiatives dans
certains secteurs pour les accroître en d'autres. Par exemple, bien que toujours associé
à la Commission géologique qui l'a créé, le Musée ne relève plus de cet organisme.
Les spécimens géologiques y sont toujours exposés, mais les travaux de recherches sur
le terrain et le classement relèvent d'un autre service. On compte maintenant trois
sections scientifiques au Musée, celles de la zoologie, de la botanique et de
l'anthropologie. Cette dernière, toutefois, comme nous l'avons dit plus haut, a pris des
proportions considérables et étonnantes. En plus de réunir d'importantes collections
indiennes et esquimaux, cette section s'est livrée à des recherches dans les domaines du
folklore, de la musique, de la danse, des costumes, ainsi que des arts et métiers, chez
les Indiens, les Esquimaux et les Canadiens d'origine anglaise et française; elle est en
train de réunir une collection de meubles canadiens-français; et elle se propose
d'enregistrer ensuite, à Terre-Neuve, les chants et les danses populaires.
4. On nous a exposé d'une façon assez approfondie deux problèmes dont la
solution immédiate s'impose. D'abord, les locaux du Musée national sont tout à fait
insuffisants. L'espace y est si restreint qu'environ les deux tiers des objets doivent
rester en entrepôt; l'aile gauche de l'immeuble est toujours occupée « provisoirement
» par la Galerie nationale, en vertu d'une entente conclue en 1910. Bien que le Musée
ait un statut distinct et qu'il soit administré par son propre directeur depuis 1920, la
Commission géologique, dont les premiers fonctionnaires ont fondé le Musée, occupe
encore une grande partie de l'immeuble. On projette d'effectuer la séparation matérielle
du Musée et de la Commission géologique, qui ont déjà des administrations distinctes,
et l'on espère que l'espace ainsi libéré pourra servir au Musée.
5. Le budget du Musée national est proportionné à ses locaux plutôt
modestes. Nous apprenons qu'en Grande-Bretagne, les subventions accordées par l'État à
dix musées importants, en 1949, ont atteint le chiffre global de 1,176,639 livres
sterling. Le Chicago Natural History Museum et l'American Museum of Natural
History ont des budgets annuels de
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$1,012,000 et $2,085,025, respectivement, tandis que le Smithsonian Institute dépense
annuellement $1,062,737 dans à peu près les mêmes domaines que ceux auxquels
s'intéresse le Musée national. Le budget du Musée national du Canada, pour 1949-1950,
était de $177,500. Nous avons fait une constatation intéressante: l'American Museum
of Natural History emploie plus d'hommes de science à temps continu, dans la seule
division des insectes et des araignées, que nous n'en employons dans tout notre Musée
national.
6. Durant l'audition des témoignages relatifs au Musée, il a aussi été
question de certains problèmes d'administration générale. Ce musée, bien que désigné
Musée national, est réellement une section d'une division d'un ministère. Il en est
résulté une certaine confusion de terminologie, voire de pensée. Parlant d'un autre
ministère, le directeur déclare qu'il « ... pourrait fort bien occuper une ou deux
salles du Musée national, bien qu'il s'agisse d'un ministère distinct de celui
des Mines et Ressources » (3).
On a affirmé aussi que « d'autres ministères ... aimeraient sans doute
être invités à organiser, au Musée national, des expositions composées
d'échantillons des ressources auxquelles ils s'intéressent directement » (4). Même si l'on a employé
aussi souvent les mots « autres ministères » et « ministère distinct », il ne
faudrait pas croire qu'il existe au Musée un esprit étroit de compartimentage, une sorte
d'isolement dans un cadre administratif exigu. Le directeur du Musée et d'autres chefs du
ministère nous ont donné l'excellente impression de gens qui s'intéressaient au Musée
en tant qu'institution nationale; et, nous le répétons, son caractère largement
national est le résultat de l'enthousiasme désintéressé des géologues et autres
savants d'hier et d'aujourd'hui. C'est grâce à leur zèle que cet établissement s'est
élevé à la hauteur d'une institution nationale que cependant ils sont encore portés à
trop considérer en fonction d'un ministère.
7. Nous avons aussi examiné, avec le directeur, la définition des
diverses fonctions du Musée et leur importance relative. On en a mentionné quatre:
la réunion de spécimens « d'histoire naturelle »; les recherches et les
publications scientifiques fondées sur ce matériel; les expositions; le travail
général d'éducation par divers moyens: expositions ambulantes, conférences,
causeries, bandes de projections, et autres. Il est difficile, nous dit-on, de ranger ces
quatre fonctions par ordre d'importance, mais on croit que l'aménagement de collections
et les recherches l'emportent sur les deux autres. On en trouve la preuve dans ce fait que
les dix spécialistes des trois sections s'adonnent tout d'abord à la recherche
scientifique, bien qu'ils collaborent aux expositions et aux initiatives d'ordre
éducatif.
8. Enfin, nous avons étudié l'importante question du double emploi. Nous
avons appris qu'outre l'herbier national établi au Musée il existe au ministère de
l'Agriculture un herbier du même genre, bien que plus
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restreint; ce même ministère possède, apparemment, le seul herbier mycologique
national, de même que certaines collections de spécimens d'horticulture accessibles au
public. On nous a fait remarquer que ce dédoublement des initiatives de différentes
institutions n'est pas rare dans d'autres pays et n'aboutit pas nécessairement à des
travaux superflus. Mais, sauf erreur, ce problème a quelque peu inquiété certains
fonctionnaires. En 1939 se tenait, sous la présidence d'un représentant de la Commission
du service civil, une réunion de hauts fonctionnaires du Musée et du ministère de
l'Agriculture, convoqués pour étudier la question. Toute décision a été différée
jusqu'à ce qu'on ait officiellement défini les véritables fonctions du Musée national.
AUTRES « MUSÉES NATIONAUX »
9. Outre les observations soumises sur le Musée national, nous en avons
reçu un certain nombre au sujet d'autres musées nationaux. Un de ceux-ci, le Musée de
la guerre, existe déjà. Les autres devraient, croit-on, être établis afin de combler
de graves lacunes dans notre vie nationale.
10. Le Musée de la guerre nous a présenté un mémoire intéressant.
L'organisme souffre des maux communs à tous nos musées et galeries nationaux : manque
d'espace et de fonds. Le Musée de la guerre occupe un immeuble en stuc d'un seul étage,
mesurant 110 pieds sur 48. Il dispose aussi, dans un autre immeuble, d'un atelier et d'un
entrepôt occupant un espace de 75 pieds sur 40. Pour 1949-1950, son budget était de
$16,900. En 1949, 97,404 personnes ont visité ce musée, et nous apprenons qu'en 1950 le
nombre des visiteurs a dépassé 100,000. Étant donné l'insuffisance de ses
aménagements, ce musée se voit dans l'impossibilité d'accepter une foule de pièces
intéressantes mais trop volumineuses, tels des avions, des canons et des chars de combat.
Mais le plus regrettable, c'est que, à cause du manque d'espace à Ottawa, des pièces
importantes de la collection du Musée de la guerre ont dû être dispersées dans
différents centres de l'Ontario, du Québec et des provinces Maritimes, et logées dans
des endroits impropres à cette fin. En outre, il y a, en entrepôt au camp Borden, à
Valcartier et ailleurs, des quantités considérables de matériel de guerre étranger,
destiné au Musée national de la guerre. En août 1949, une très forte quantité
d'équipement allemand, japonais et italien (armes portatives, mortiers, instruments
d'optique) logé dans un bâtiment provisoire en bois, au camp Borden, a été détruite
par le feu; c'est là une perte irréparable. Si le conseil du Musée se trouve dans
l'impossibilité, par suite du manque d'espace, d'accepter d'autres objets, il est à
craindre qu'ils ne se perdent ou ne soient détruits.
11. À part le Musée de la guerre, le Canada n'a aucun musée historique
pour la conservation et l'exposition des sujets d'époque, bien que notre capitale compte,
parmi ses trésors, plusieurs collections intéressantes.
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Les Archives nationales possèdent actuellement un embryon de musée historique :
costumes, armes, tableaux, pièces de monnaie, médailles, et autres objets de valeur. Les
précieuses collections ethnographiques du Musée national (indiennes, esquimaux et
autres), que nous avons déjà mentionnées, sont très importantes. Plusieurs tableaux
commémorant la dernière guerre, présentement logés à la Galerie nationale mais
rarement exposés, trouveraient peut-être une place appropriée dans un musée
historique. Enfin, les historiens, de même qu'un groupe restreint mais enthousiaste de
numismates, seraient heureux de voir les collections nationales de monnaies, maintenant
dispersées et presque inaccessibles, rassemblées sous un même toit et exposées de
façon satisfaisante.
12. En outre, nous n'avons pas, ainsi qu'on nous l'a rappelé, de musée
qui illustre l'apport considérable de notre pays au progrès général de la science et
de la technique. Dans les quinze années qui viennent de s'écouler, le Canada est devenu
l'un des pays industriels les plus importants du monde, et un musée scientifique
servirait non seulement à rappeler ses réalisations dans les sphères scientifique et
technologique, mais aussi à orienter nos progrès dans ces domaines. Le Conseil national
de recherches a recueilli et entreposé un grand nombre d'objets illustrant le
développement de l'aviation au Canada; bien peu de Canadiens, probablement, sont au
courant des expériences qui ont été faites chez nous, au début du siècle, en vue de
la mise au point d'hélices et, un peu plus tard, d'hélices à pas réglable. Le Conseil
national de recherches est aussi le gardien d'un certain nombre d'objets d'une grande
valeur historique, ayant trait aux sciences en général, à la radio et à l'arpentage;
or ces objets, de même que ceux du musée des instruments aratoires actuellement logé à
la Ferme expérimentale d'Ottawa, devraient, croit-on, faire partie d'un musée national
des sciences. L'avis formulé à cet égard par la Conférence nationale des universités
canadiennes nous a fort intéressés :
« Les découvertes sur le blé précoce, l'avoine à l'épreuve de la rouille,
l'élevage de porcs à bacon, de races de bonnes pondeuses, et des milliers d'autres
réalisations aussi importantes, dans le domaine agricole, ont fortement influé sur
l'économie canadienne. L'évolution des machines agricoles, depuis l'époque des
instruments manuels, est digne d'avoir sa place dans tout musée scientifique. Les
méthodes des industries canadiennes, comme celles de la pâte de bois et du papier, des
mines, du raffinage, de la verrerie, et autres, et la mise au point de la lampe à
incandescence, du téléphone, de la radio, du radar, de la télévision, etc., devraient
être conservées, ne fût-ce que sous forme de maquettes, pour les générations futures,
qui oublieront que ces choses n'existaient pas à l'époque de nos parents ou de nos
grands-parents. Il faudrait faire état des découvertes de l'insuline, de la prémarine,
de l'emménine, de la parathormone, et de bien d'autres réalisations importantes dans les
domaines médical et biologique, comme preuves stimulantes de l'activité du Canada dans
le vaste domaine des sciences » (5).
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13. On nous a dit aussi qu'il n'existe pas au Canada de jardin botanique
satisfaisant, bien qu'il se fasse, à Montréal et ailleurs, des travaux importants dans
ce secteur. De tous les pays évolués du monde, le Canada est le seul à souffrir d'une
telle pénurie. Au sujet de cette lacune plutôt étrange dans un pays aussi riche en
ressources forestières et agricoles, nous avons reçu des observations convaincantes de
la part de la Société royale du Canada, de l'Institut botanique de l'Université de
Montréal, de la Société canadienne d'histoire naturelle, du Jardin botanique de
Montréal, de l'Institut professionnel du service civil du Canada, ainsi qu'un exposé
soumis conjointement par la succursale de Victoria et des Îles de l'Institut agricole
canadien et la Victoria History Society; voici un passage de ce dernier mémoire :
« Étant donnée la place importante que les ressources végétales occupent dans
notre économie, il semble malheureux que le Canada soit à peu près le seul pays au
monde à ne pas posséder de jardin botanique. On conçoit facilement l'effet qu'a pu
avoir cette lacune sur l'agriculture, la sylviculture et la conservation en général. Il
est malheureux de constater combien, partout au Canada, la vie végétale a souffert des
inondations et de l'érosion par l'eau ou le vent, combien de terres forestières sont
dénudées » (6).
14. On a précisé qu'étant données les variations climatiques entre les
diverses régions du Canada, aucun jardin botanique, où qu'il fût, ne pourrait réunir
une collection suffisamment typique de la flore canadienne. On a ajouté que, quelque
souhaitable qu'il fût de créer un jardin botanique dans la région d'Ottawa, il faudrait
établir des succursales ailleurs, en collaboration avec les jardins botaniques existants
ou projetés dans quelques-unes des nombreuses zones climatiques du pays; les autorités
qui ont témoigné devant nous partagent cet avis. D'autre part il existe au Canada
quelques jardins zoologiques locaux, mais la Société canadienne d'histoire naturelle et
d'autres groupements ont souligné l'importance d'établir au Canada un jardin zoologique
national. Enfin, on a fait des observations à retenir au sujet de l'absence d'un aquarium
national, lacune plutôt étonnante dans un pays où la pêche, outre son importance
marquée au point de vue économique, est la plus ancienne industrie.
MUSÉES LOCAUX
15. Sauf de très rares exceptions connues, les musées locaux sont chez
nous des initiatives courageuses mais précaires. Ils rendent des services à la
collectivité mais ces services sont nécessairement limités par des aménagements
impropres et aussi par le fait qu'ils sont assurés par des travailleurs bénévoles. Il
est probablement exact d'affirmer que la plupart des citoyens du Canada passent toute leur
vie sans se rendre compte de la satisfaction intellectuelle et de l'enrichissement de
culture que pourraient
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leur valoir des musées bien conçus et convenablement aménagés. La situation
pitoyable des musées canadiens n'a d'égale que l'indifférence générale du public à
l'égard de leur insuffisance, mais il n'est pas facile de faire le départ entre les
causes et les effets.
16. Cette indifférence rend d'autant plus difficile la réunion de
données exactes. Dans une ville de l'Ouest, nous sommes en quelque sorte tombés par
hasard sur une collection enfouie dans un sous-sol. Le conservateur s'est fait un plaisir
de nous montrer les pièces de sa collection et de nous exposer ses problèmes, mais sa
modestie l'avait empêché de présenter un mémoire pour nous renseigner. Toutefois, nous
avons reçu une foule de renseignements précieux d'un grand nombre de musées locaux et
de leurs conservateurs, ainsi que de l'Association des musées canadiens, de création
récente.
17. Le musée a débuté au Canada, nous dit-on, par l'établissement, en
1831, de l'Halifax Mechanics Institute, qui fondait, peu de temps après, un musée
et une salle de lecture publics. En 1903, un relevé des musées du Canada publié, comme
la plupart de ces relevés, par une institution des États-Unis, ne mentionnait que vingt
et un musées canadiens. Le nombre s'en est considérablement accru. Il est difficile
d'établir des chiffres exacts, d'abord parce que, ainsi que nous l'avons dit plus haut,
les musées mènent une existence précaire, et ensuite parce que les listes ne font pas
la distinction entre musées et galeries d'art. Abstraction faite des beaux-arts, les
musées canadiens sont surtout consacrés aux vestiges de l'époque de colonisation, à
divers domaines des sciences et des sciences naturelles, ainsi qu'aux objets d'époque,
particulièrement à ceux de l'histoire régionale.
18. Les deux musées historiques du Canada ont des états de service longs,
précieux et généralement reconnus. Leur influence s'étend bien au delà de leur
voisinage immédiat. Le Royal Ontario Museum, maintenant partie intégrante de
l'Université de Toronto, possède de très grandes collections portant sur une foule de
sujets, y compris l'histoire naturelle, l'histoire générale et l'histoire de l'art. Ce
musée, le plus considérable au Canada, s'occupe très activement de travaux de recherche
et de publication, ainsi que d'initiatives générales d'ordre éducatif dans toute la
province et même au delà. Il s'agit là d'une institution d'importance nationale. Le
musée de Saint-Jean est plus petit mais beaucoup plus ancien, puisqu'il a maintenant un
siècle d'existence. C'est le principal musée de la ville de Saint-Jean, de la province
du Nouveau-Brunswick et même des provinces voisines, et il s'occupe particulièrement
d'organiser des expositions et d'aider les écoles dans leur enseignement.
19. Nous avons appris également qu'un certain nombre d'universités
canadiennes, notamment Laval, Western Ontario et l'université de la Colombie-Britannique,
se préoccupent de plus en plus de former des collections. Tous les mémoires que nous
avons étudiés semblent reconnaître
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toutefois que, ainsi que nous l'avons dit plus haut, les musées canadiens sont
malheureusement trop rares et trop pauvres par rapport à la population et aux ressources
du Canada. Sauf à Toronto et à Montréal, ils ne reçoivent que bien peu d'aide sous
forme de fonds publics. Les recettes annuelles globales de tous les musées du Canada,
publics ou privés, ne suffiraient pas à acquitter le coût d'un seul avion de notre
service transcontinental. La population semble vouloir secouer l'apathie qui l'a portée
à tolérer cet état de choses. Des groupes et des particuliers nous ont soumis des
observations sérieuses quant à l'importance des services que des musées satisfaisants
pourraient rendre dans le domaine de l'enseignement postscolaire. La question est traitée
dans huit mémoires différents, et tous se plaignent de négligence dans divers domaines,
mais plus particulièrement dans ceux des sciences physiques et des sciences appliquées.
Un groupe des provinces des Prairies nous a également signalé l'absence déplorable d'un
musée de folklore qui illustrerait une phase, non seulement pittoresque mais extrêmement
importante, de l'histoire de l'Ouest canadien.
20. Si l'on déplore la pauvreté et l'insuffisance des musées canadiens,
ce n'est pas seulement à cause de la pénurie actuelle de bons musées, mais parce qu'il
se perd chaque année des pièces de collection irremplaçables. On nous a fait part de la
perte ou de la destruction de matériel de ce genre dans toutes les parties du pays. Ces
pertes sont attribuables tant à l'ignorance et à l'apathie générale qu'à l'absence
d'institutions en mesure de recevoir et d'exposer ce matériel, ou même de l'entreposer.
21. Les représentants de la Société d'archéologie et de numismatique de
Montréal, groupement à la garde duquel sont confiées les collections historiques du
Château de Ramezay, ont parlé en termes énergiques de l'indifférence à l'égard des
musées d'histoire, dans un pays où l'on détruit des monuments historiques importants,«
uniquement pour agrandir un parc de stationnement » (7). Ils ont rappelé à la Commission qu'en Europe et
en Asie la loi, aussi bien que les traditions, protègent les monuments du passé. Ce
groupement est allé jusqu'à réclamer un embargo sur la vente à l'étranger d'objets
d'importance nationale particulière, ainsi que le versement de subventions suffisantes
aux musées pour la conservation de ces objets. Les musées archéologiques et
historiques, ainsi que les musées d'art, affirme-t-on, contribuent au développement d'un
esprit vraiment canadien sans qu'interviennent les questions de race, de religion ou de
convictions politiques, et c'est pourquoi il y a lieu de leur venir en aide. Ce point de
vue était corroboré par des faits invoqués par d'autres groupes du Canada de langue
française, région particulièrement riche en souvenirs historiques. Il nous a fort
intéressé d'apprendre que des églises paroissiales, résistant à l'engouement
populaire pour la nouveauté, ont conservé une grande partie des uvres magnifiques
des premiers orfèvres canadiens.
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*Extrait de : Canada. Commission
royale d'enquête sur l'avancement des arts, lettres et sciences au Canada. Rapport.
Ottawa : Imprimeur du roi, 1951. Reproduit avec la permission du Bureau du Conseil
privé.
 
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