Éducation en éthique : expérience et réflexion éthique
Affichage sur Internet : le 3 juillet 1997
Publiée : le 15 septembre 1997 (CMAJ 1997;157:642)
Sujet : Medical education must make room for student-specific
ethical dilemmas, Joye St. Onge, CMAJ
1997;156:1175-7 [full text / en bref]
Mme St. Onge a su traduire le gouffre qui sépare l'expérience
des étudiants en médecine et l'enseignement éthique qu'ils
reçoivent. À titre d'étudiant, j'ai en fait pu constater ce vide
qui prévaut dans notre formation en éthique. Le discours éthique
qui nous est proposé est à mille lieues d'un quelconque ancrage
expérientiel.
Aujourd'hui, les approches principielle et casuistique
dominent l'enseignement de l'éthique -- pédagogie qui demeure au
niveau proprement théorique. Les étudiants perdent, selon mon
expérience, le contact avec la réflexion éthique. Ils qualifient
les cours d'inutiles. La dimension humaniste est éradiquée des
discussions. Que faut-il faire pour donner une approche éthique à
la médecine?
Il ne s'agit pas uniquement d'introduire une dimension
particulière dans la pratique médicale. Les changements
importants dans nos réseaux de santé nécessitent une définition
novatrice de la compétence professionnelle du médecin.
Parler de compétence professionnelle ne suppose plus
uniquement une compétence technique et scientifique permettant de
poser un diagnostic en conformité avec la science médicale. Les
compétences communicationnelle et éthique doivent tenir une place
prépondérante dans la compétence professionnelle du médecin.
Parler de compétence éthique, dans le cadre de la relation
médecin-patient, c'est s'inscrire dans un horizon particulier,
vécu au quotidien : celui de la décision. La décision, en matière
de santé, eu égard à l'alliance thérapeutique, revêt un caractère
spécifique : son aspect dialogal. L'univers éthique qui se crée
est celui du dilemme d'action au coeur même de la souffrance et
de l'appel à l'aide du patient.
Décider d'un choix thérapeutique n'est pas toujours facile. Le
patient malade est souvent souffrant. Ses habiletés
communicationnelles sont restreintes. Le médecin est limité dans
ses interventions par des contraintes économiques,
professionnelles, institutionnelles et légales. Toutes ces
entraves à un dialogue humain, pour être dépassées (subsumées par
l'alliance thérapeutique), nécessitent de la part du médecin
l'acquisition d'une compétence éthique.
Cette compétence éthique, elle peut se forger en partie par
une pédagogie appliquée. Au coeur même de notre expérience
d'étudiants en médecine, nous avons l'occasion de faire face à
des dilemmes éthiques particuliers, dilemmes relatifs à la
relation avec nos pairs, avec nos professeurs et, dans les stages
et les expériences cliniques, avec des patients. Ces dilemmes
exigent que nous nous ouvrions à l'appel d'aide, à l'écoute de la
souffrance de l'autre, à son acceptation. Le dialogue s'institue
souvent dans un cadre limité (stress, horaires de cours,
hiérarchie institutionnelle et manque de savoir médical).
Le développement d'une compétence éthique pourrait bénéficier
aux étudiants en médecine. Une approche intégrée de l'éthique
médicale qui s'articulerait d'abord en une approche
expérientielle et dialogique pourrait permettre de développer
l'insight, la réflexion critique et les habiletés
communicationnelles. Une approche en éthique médicale théorique
permettrait de mettre en perspective les nombreux problèmes
éthiques liés aux technosciences. Une telle intégration
permettrait aux étudiants d'acquérir une formation dynamique tant
au niveau professionnel[1] qu'au niveau éthique[2].
Stéphane P. Ahern, BA
Étudiant
Doctorat en médecine
Faculté de médecine
Maîtrise en philosophie
Faculté de théologie, d'éthique et de philosophie
Université de Sherbrooke
Sherbrooke (Qué.)
Références
- Schön DA. Le praticien réflexif. À la recherche du savoir
caché dans l'agir professionnel. Montréal : Les Éditions
Logiques; 1994.
- Racine L, Legault GA, Bégin L. Éthique et ingénierie.
Montréal : McGraw-Hill; 1991.