Un réseau mondial de rédacteurs de revues médicales
Bruce P. Squires, MD, PhD
Journal de l'Association médicale canadienne 1995; 152 : 1762-1764
On peut obtenir des réimpressions du texte complet en
s'adressant à : Dr Bruce P. Squires, JAMC, CP
8650, Ottawa ON K1G 0G8; fax 613 523-0937
Dans le cadre idyllique du Centre de conférences de la
Fondation Rockefeller
à Bellagio, en Italie, sur les rives du lac de Côme,
22 personnes de 13
pays se sont réunies du 13 au 17 mars 1995 pour
déterminer comment
s'attaquer aux problèmes de plus en plus complexes
auxquels font face les
rédacteurs de revues médicales. La
conférence a
débouché sur la création d'une nouvelle
association mondiale
de rédacteurs médicaux, la World Association of
Medical Editors
(WAME).
Ce sont les Drs Suzanne et Robert Fletcher qui, pendant qu'ils
étaient
rédacteurs des Annals of Internal Medicine, ont fourni
l'impulsion
nécessaire à la conférence de Bellagio et
à la fondation
d'une association mondiale de rédacteurs médicaux.
Au cours d'une
réunion du Comité international des
rédacteurs de revues
médicales (le Groupe de Vancouver), en 1990, plusieurs
membres ont
convenu que même si le groupe ne participerait pas
officiellement à la
planification, il aiderait les Fletcher à préparer
un projet de
conférence à soumettre à la Fondation
Rockefeller pour obtenir
son appui.
Pour préparer la conférence, on a demandé
à des
groupes de quatre ou cinq participants de répondre aux
questions
suivantes :
- Quels sont les buts communs des rédacteurs de revues
médicales et de quelles compétences
spécialisées ont-
ils besoin pour les atteindre?
- À quels obstacles et défis quotidiens les
rédacteurs de
revues médicales se heurtent-ils lorsqu'ils essaient
d'atteindre leurs buts?
- A-t-on besoin d'une organisation mondiale de
rédacteurs de revues
médicales? Dans l'affirmative, comment créer une
telle organisation?
- Comment les rédacteurs de revues médicales
peuvent-ils
créer un réseau mondial de communication
électronique pour
discuter de leurs buts et de leurs besoins et pour mettre en
commun des
renseignements, des idées et des solutions?
- Comment les rédacteurs de revues médicales
peuvent-ils se servir de leur poste pour promouvoir des sciences
et une pratique
médicales de grande qualité et améliorer les
normes de
santé dans leur région et dans le monde entier?
Les réponses ont été distribuées aux
participants
éventuels et ont servi de tremplin à la discussion
au cours de la
conférence. À Bellagio, les participants ont
créé des
groupes de rédaction pour préparer des
communications sommaires
sur chacune des questions.
Buts communs
Les participants ont convenu que la raison d'être
fondamentale des revues
médicales (et de leurs rédacteurs) doit être
de promouvoir la
science et l'art de la médecine et l'amélioration
de la santé.
Même si des revues différentes peuvent concentrer
leur attention sur des
aspects différents de ce but, plusieurs buts sont les
mêmes pour
toutes :
- publier des articles originaux, importants, bien
documentés,
critiqués par les pairs et portant sur des recherches
cliniques et des
recherches en laboratoire;
- fournir de l'éducation continue sur les sciences
fondamentales et les
sciences cliniques afin d'appuyer la prise de décisions
cliniques
éclairées;
- permettre aux médecins de demeurer au fait dans un ou
plusieurs
domaines de la médecine;
- améliorer la santé publique à
l'échelle
internationale en améliorant la qualité des soins
médicaux, de
la prévention des maladies et de la recherche
médicale;
- favoriser un débat responsable et
équilibré sur des
questions et des politiques controversées qui touchent la
médecine et
les soins de santé;
- promouvoir l'examen critique par les pairs comme moyen de
discussion
scientifique et de contrôle de la qualité en
médecine et appuyer
les efforts d'amélioration de l'examen critique par les
pairs;
- parvenir au niveau le plus élevé de journalisme
médical
éthique;
- promouvoir l'autovérification et l'amélioration
du processus de
rédaction fondée sur des bases scientifiques;
- produire des publications qui sont pertinentes,
crédibles et
agréables à lire;
- prévoir les enjeux, les tendances et les
problèmes importants
dans les domaines de la médecine et des soins de
santé;
- informer les lecteurs sur des aspects non cliniques de la
médecine et
de la santé publique, y compris des grandes questions
politiques,
philosophiques, éthiques, environnementales,
économiques, historiques
et culturelles; et
- reconnaître qu'outre ces objectifs précis, une
revue a une
responsabilité sociale, soit celle d'améliorer la
condition humaine et de
préserver l'intégrité des
sciences.
Compétences spécialisées requises
Les participants ont reconnu qu'aucun rédacteur de revue
médicale ne
peut connaître personnellement toutes les disciplines
scientifiques, mais ils ont
convenu que les rédacteurs de revues médicales
devraient être
des médecins possédant de l'expérience
clinique ou de
l'expérience en recherche, ainsi qu'une solide
connaissance des sujets
couverts par leur revue. Ils doivent bien connaître les
méthodes
scientifiques et les principes de la conception, de
l'exécution et de
l'évaluation de la recherche. Ils doivent aussi
posséder une solide base
en la science, la déontologie et l'art de l'examen
critique par les pairs, non
seulement pour choisir (ou rejeter) les examinateurs, mais aussi
pour évaluer
la qualité de l'examen critique effectué par des
pairs.
Étant donné la complexité des
activités quotidiennes de
la rédaction de toute revue, les participants ont compris
clairement que les
rédacteurs de revues médicales ont besoin de tout
un éventail
de compétences en organisation, en gestion et en
communication.
Les participants ont recommandé que les
rédacteurs de revues
médicales appartiennent au monde du journalisme.
Même s'ils peuvent
se sentir plus à l'aise comme membres de la
communauté scientifique,
les rédacteurs doivent comprendre les principes du
journalisme et la
nécessité de protéger la liberté
rédactionnelle
afin de maintenir la crédibilité de leurs revues.
Obstacles, défis et besoins
La plupart des rédacteurs de revues médicales au
monde entier ont
peu d'appui et une formation limitée ou nulle. Ils sont
souvent choisis à
cause de leur capacité clinique ou de leur
compétence en recherche
plutôt que de leur connaissance et de leur
expérience de la
rédaction. Peu ont accès à l'importante
masse de
connaissances qui constitue le domaine de la
«journalologie» et beaucoup
travaillent isolés de leurs pairs. Souvent, ils n'ont pas
les moyens
nécessaires pour accéder rapidement à
l'information.
Tous les rédacteurs de revues médicales doivent
affronter de temps
à autre des menaces à leur liberté
rédactionnelle.
Néanmoins, la liberté rédactionnelle est
essentielle si l'on veut
établir et maintenir la crédibilité d'une
revue. Les
rédacteurs peuvent avoir besoin de l'appui de
collègues afin de
préserver cette liberté.
Les participants ont convenu qu'il y a un besoin pressant
d'éducation et de
formation chez les rédacteurs de revues médicales.
À cause de
l'absence de normes établies, la qualité de la
rédaction varie de
façon spectaculaire d'une revue à l'autre.
Un réseau mondial
Quatre grandes associations qui existent déjà
répondent
à certains des besoins de rédacteurs de revues
médicales : le Council of Biology Editors en
Amérique du Nord;
l'Association européenne de rédacteurs d'ouvrages
scientifiques; la
Fédération internationale des rédacteurs
scientifiques, qui
concentre ses activités surtout dans le Sud de l'Europe,
au Moyen-Orient et en
Asie; et le Comité international des rédacteurs de
revues
médicales (le Groupe de Vancouver). Tous les organismes
ont fait un travail
précieux d'éducation des rédacteurs de
revues
médicales, mais aucun n'a une envergure mondiale et aucun,
à
l'exception du Groupe de Vancouver, n'est axé uniquement
vers les
rédacteurs médicaux. Même s'il est
très influent, le
Groupe de Vancouver compte très peu de membres (par
choix), ses buts sont
limités et ses ressources ne suffisent pas pour
répondre aux besoins
du bassin mondial de rédacteurs de revues
médicales.
Les participants ont proposé de créer la WAME
afin de faciliter la
collaboration et la communication mondiales entre les
rédacteurs de revues
médicales critiquées par des pairs,
d'améliorer les normes de
rédaction, de promouvoir le professionnalisme dans la
rédaction
médicale par l'éducation, l'autocritique et
l'autoréglementation et
d'encourager la recherche sur les principes et la pratique de la
rédaction
médicale. L'adhésion est limitée aux
rédacteurs de
revues médicales ou à d'anciens rédacteurs
(on entend par
rédacteurs ceux qui prennent les décisions sur le
contenu intellectuel
des manuscrits) qui, dans leurs revues, souscrivent aux principes
généraux de l'éthique et des sciences et ont
recours à
l'examen critique par les pairs. On encourage aussi les
universitaires qui
s'intéressent à la recherche sur la
«journalologie» ou qui y
sont actifs à adhérer à l'association.
Les participants à la réunion de Bellagio ont
élu des dirigeants
et constitué des comités dont le mandat provisoire
se terminera en
septembre 1997 (Annexe 1).
Liens avec des organisations régionales
Les participants ont reconnu qu'une caractéristique
importante de la nouvelle
organisation pourrait être les liens avec des groupes
régionaux existants
ou nouveaux de rédacteurs médicaux. À cette
fin, les
rédacteurs médicaux de revues critiquées par
des pairs du
Canada sont invités à manifester
l'intérêt qu'ils portent
à la WAME et à la formation possible d'un
réseau canadien de
rédacteurs médicaux en communiquant avec le
rédacteur en
chef, JAMC, CP 8650, Ottawa ON K1G 0G8; tél.
613 731-9331, fax 613 523-
0937; abolster@hpb.hwc.ca.
Les membres fondateurs sont convaincus que
l'établissement de la WAME et
de réseaux régionaux affiliés facilitera la
communication,
l'éducation et l'appui entre les rédacteurs de
revues médicales
critiquées par des pairs. La réussite de
l'association dépendra
toutefois de l'intérêt et de l'effort de chaque
rédacteur et
universitaire désireux d'améliorer la
qualité de la
rédaction médicale dans son pays et dans le monde
entier.
Annexe 1 : Dirigeants et comités de la nouvelle World Association of Medical Editors
Dirigeants
Président : Richard Horton, The Lancet
Vice-président : Daniel J. Ncayiyana, South African Medical Journal
Secrétaire-trésorier : John Overbeke, Nederlands Tijdschrift voor Geneeskunde
Dirigeant hors cadre : Drummond Rennie, Journal of the American Medical Association
Conseil d'administration
S.T. Lee (président), Annals of the Academy of Medicine, Singapore
Saveli Bachtchinski, Kardiologiia
Robin Fox, The Lancet
Alejandro Goic, Revista Medica de Chile
Edward J. Huth, rédacteur émérite, Annals of Internal Medicine
George D. Lundberg, Journal of the American Medical Association
Samiran Nundy, National Medical Journal of India
Tom Mboya Okeyo, African Journal of Medical Practice
Richard Smith, British Medical Journal
Bruce P. Squires, Journal de l'Association médicale canadienne
Patricia Woolf, Université Princeton
Comité du financement
John Overbeke (président)
George A. Gellert, Projet Hope
Robert H. Fletcher, Université Harvard
Richard Smith
Comité des adhésions
Bruce P. Squires (président)
Alejandro Goic
Gabor Kapocs, Hungarian Medical Journal
George D. Lundberg
Samiran Nundy
Magne Nylenna, Journal of the Norwegian Medical Association
Tom Mboya Okeyo
Comité d'éthique
Patricia Woolf
Group de travail sur le réseau électronique
Edward J. Huth (président)
Saveli Bachtchinski
Iain Chalmers, la Cochrane Collaboration
Lois Ann Colaianni, National Library of Medicine
Suzanne W. Fletcher, Université Harvard
George A. Gellert
Voir aussi : World Association of Medical Editors
CMAJ June 1, 1995 (vol 152, no 11)
/ JAMC le 1er juin 1995 (vol 152, no 11)