Le gain de poids chez les femmes et le risque de DSNID

Source: Colditz GA, Willett WC, Rotnitzky A et al : Weight gain as a risk factor for clinical diabetes mellitus in women. Ann Intern Med 1995; 122 : 481-486

Sommaire : Journal de l'Association médicale canadienne 1996; 154: 211


Dans des lignes directrices sur l'alimentation publiées en 1990, le ministère de l'Agriculture des États-Unis (USDA) recommande des poids plus élevés que les normes précédentes et tient compte du gain de poids au cours de la période d'âge mur. Cette différence suscite des controverses, même si certains chercheurs affirment qu'un gain de poids modeste chez les femmes adultes est normal et entraîne peu de risques. Pour quantifier le lien entre le changement de poids et le risque de diabète sucré non insulinodépendant (DSNID), des chercheurs de Boston ont effectué une étude prospective portant sur 114 824 femmes de 30 à 55 ans choisies dans la cohorte de «Nurses' Health Study» (l'étude sur la santé des infirmières).

Un questionnaire d'inscription en 1976 comportait des questions sur la taille, le poids, les antécédents médicaux et les comportements liés à la santé. Des questionnaires de suivi biennaux jusqu'en 1990 ont permis d'établir les changements de poids entre-temps et les maladies importantes diagnostiquées. On a obtenu des renseignements supplémentaires de femmes qui ont signalé un diagnostic de diabète. Le DSNID a été confirmé chez 2 204 participantes. On a calculé des taux d'incidence du DSNID au cours des 14 années du suivi pour des catégories d'indices de masse corporelle (IMC) au niveau de référence et des catégories de changement de poids entre l'âge de 18 ans et l'année 1976. Les femmes qui ont signalé des maladies importantes ont été exclues des suivis subséquents. Le risque relatif de DSNID chez les femmes d'une catégorie donnée d'IMC a été calculé en fonction du taux d'incidence de DSNID chez les femmes de la catégorie en cause divisé par le taux d'incidence chez les femmes dont l'IMC est inférieur à 22,0.

On a établi un lien entre une augmentation de l'IMC et un risque accru de DSNID. Les femmes qui avaient un IMC moyen (24,0 à 24,9) présentaient un risque relatif corrigé en fonction de l'âge de 5,0 (intervalle de confiance [IC] à 95 %, 3,6 à 6,6) comparativement aux femmes qui avaient un IMC inférieur à 22,0; on a établi un lien entre un IMC de 31,0 ou plus et des risques relatifs de 40,0 ou plus. Ce lien n'était pas limité à une strate d'âge en particulier; l'augmentation de l'IMC représentait un important facteur de risque, même chez les femmes de plus de 65 ans.

On a constaté aussi qu'une adiposité précoce augmentait le risque. Les femmes qui avaient un IMC de plus de 22,0 à 18 ans présentaient un risque plus élevé de DSNID que celles dont l'IMC était inférieur à 22,0 au même âge. Le risque relatif corrigé en fonction de l'âge chez les femmes dont l'IMC s'établissait entre 33,0 et 34,9 à 18 ans était de 6,6 (IC à 95 %, 4,7 à 9,4).

On a établi un lien solide entre le changement de poids entre l'âge de 18 ans et l'année 1976 et un risque accru de diabète sucré. Les femmes qui avaient enregistré des gains modérés de 5,0 à 7,9 kg présentaient un risque de 1,9 (IC à 95 %, 1,5 à 2,3) par rapport à celles qui avaient pris moins de 5,0 kg et les femmes qui avaient pris de 8,0 à 10,9 kg présentaient un risque de 2,7 (IC à 95 %, 2,1 à 3,3). Les sujets qui avaient perdu de 5 à 10,9 kg entre l'âge de 18 ans et l'année 1976 présentaient un risque très réduit de DSNID (risque relatif 0,54 [IC à 95 %, 0,4 à 0,8]). Dans chaque catégorie d'IMC à l'âge de 18 ans, on a établi un lien entre des gains de poids même modestes et une augmentation du risque.

Ces résultats indiquent qu'il est possible de réduire au minimum le risque de DSNID en parvenant à la minceur au début de l'âge adulte et en évitant de gagner du poids pendant toute la vie. Les chercheurs ont conclu que les recommandations du USDA peuvent être trompeuses.


| JAMC le 15 janv. 1996 (vol 154, no 2) |
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