CMAJ/JAMC Santé publique
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L'hépatite C

CMAJ 1997;156:1429

© 1997 Minstre de la santé


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Le virus de l'hépatite C (VHC) -- l'agent pathogène qui cause 90 % des cas d'hépatite virale non A et non B -- a été décrit en 1989[1]. Des campagnes d'éducation publique au sujet de l'infection par le VHC et des programmes de promotion de tests de dépistage à l'intention des utilisateurs de drogues injectables et des personnes qui ont reçu des transfusions sanguines avant 1990 (début du dépistage du VHC chez les donneurs) ont accru la demande de conseils médicaux au sujet de l'infection par le VHC. Les médecins rencontrent aussi des donneurs actifs chez lesquels des tests de dépistage de routine ont révélé la présence d'anticorps du VHC (anti-VHC), ainsi que des patients atteints d'une infection par le VHC non détectée qui consultent un médecin à cause de symptômes. Le fardeau cumulatif de l'hépatite est lourd et ses coûts médicaux et sociétaux futurs seront probablement élevés. C'est pourquoi il importe que les médecins soient bien informés au sujet de l'infection par le VHC.

Épidémiologie

Au Canada, on établit un lien entre la consommation de drogues injectables et au moins la moitié des cas d'infection par le VHC[2,3], mais il se peut que la proportion réelle soit beaucoup plus élevée. La prévalence de l'anti-VHC chez les consommateurs de drogues injectables est en outre élevée[4]. L'administration de sang et de composants sanguins, surtout avant 1990, constitue le deuxième facteur en importance de risque d'infection par le VHC[2,3]. Ce risque a toutefois diminué considérablement pour passer de peut-être 30 % au cours des années 1960 à 1,3 % vers la fin des années 1980 et à 1 sur 103 000 aujourd'hui[5,6]. Le risque d'infection à la suite de relations sexuelles avec un porteur est estimé à 2,5 % sur 20 ans[7]. La transmission de la mère à l'enfant est rare, et la question du risque pour les enfants allaités par des mères infectées reste indéterminée[7]. Le risque d'infection après une blessure par piqûre d'aiguille varie de 4 % à 10 % selon les estimations[7]. On peut aussi établir un lien entre l'infection par le VHC et la transplantation d'organes, l'hémodialyse rénale et le tatouage non stérile. On n'a pas encore établi de lien avec le perçage corporel[8].

En 1995, 8 provinces et territoires ont signalé 14 070 nouveaux cas diagnostiqués d'infection par le VHC (Laboratoire de lutte contre la maladie, Ottawa : données non publiées). Il est probable que la plupart de ces cas n'étaient pas nouveaux. Chez un échantillon de femmes enceintes de la Colombie-Britanique, 0,9 % étaient anti-VHC positives (Dr David Pi, St. Paul's Hospital, Vancouver : communication personnelle, 1997), tout comme le sont 0,2 % des nouveaux donneurs de sang au Canada (Dr Peter Gill, Société canadienne de la Croix-Rouge, Ottawa : communication personnelle, 1997).

Évolution de la maladie

De 5 % à 25 % seulement des personnes atteintes d'une infection nouvelle présentent des symptômes[7], qui ressemblent à ceux de l'hépatite A ou B, mais sont souvent plus bénins[9]. Jusqu'à 90 % des personnes infectées demeurent porteuses pendant une période indéterminée (comme le confirme la présence d'ARN du VHC). Ces personnes sont exposées à des séquelles cliniques comme la fatigue profonde (50 % à 10 ans), la cirrhose (25 % à 20 ans) et le cancer du foie (5 % après 30 ans)[9,10]. La maladie hépatique liée à l'infection par le VHC est la principale cause de transplantation de foie au Canada[11].

Il y a une corrélation imparfaite entre les symptômes ou des résultats anormaux de tests de fonction hépatique, d'une part, et la gravité de l'hépatite C ou de la cirrhose (déterminée par une biopsie du foie), de l'autre. Dans un échantillon de donneurs de sang de Montréal qui étaient infectés par le VHC mais semblaient autrement en bonne santé, 37 % étaient atteints d'hépatite chronique sans fibrose, 43 %, d'hépatite chronique avec fibrose, et 20 %, de cirrhose[12]. Compte tenu de l'évolution lente de l'infection par le VHC, beaucoup de personnes infectées meurent d'autres causes avant l'apparition d'une hépatite C significative sur le plan clinique.

Prise en charge

Pour diagnostiquer une infection par le VHC, il faut procéder à des tests de dépistage de l'anti-VHC. Les résultats des tests sont habituellement positifs de 6 à 8 semaines environ après l'exposition du patient au VHC[9]. On commence par un immunoessai enzymatique (IEE) et l'on confirme alors le résultat positif, habituellement au moyen de l'immunotransfert recombinant[7]. Comme la sensibilité de l'IEE atteint peut-être 95 %, quelques cas ne seront pas détectés. Un résultat positif confirmé d'un test anti-VHC a toutefois une valeur prédictive élevée et il faut considérer comme infectés par le VHC les patients dont les résultats sont positifs. Les tests de dépistage de l'ARN du VHC ne sont pas normalisés, et ils ne sont pas essentiels pour la prise en charge des patients.

Les patients qui ont des symptômes ou des signes, ou dont les résultats d'analyses de laboratoire indiquent des conséquences défavorables de l'infection par le VHC, devraient être dirigés vers un spécialiste pour une évaluation[10]. L'interféron est le seul traitement établi contre l'infection chronique par le VHC. On a publié, au sujet de ce traitement, des lignes directrices canadiennes[13] que l'on est en train de mettre à jour. Le traitement à l'interféron est destiné principalement aux patients infectés par le VHC qui souffrent d'hépatite chronique révélée par une élévation persistante de l'alanine aminotransférase (ALT). Le traitement doit être supervisé par un médecin qui l'a déjà utilisé. On recommande une période de traitement de 6 à 12 mois, mais si le taux de ALT n'est pas revenu à la normale après 2 à 3 mois, il faudrait probablement cesser d'administrer l'interféron[14]. Seulement 25 % des patients infectés peuvent être candidats à un traitement à l'interféron et, parmi ceux qui sont traités, on constatera une rémission clinique et virologique prolongée dans 10 % à 25 % seulement des cas.

Les patients infectés par le VHC ont besoin d'appui et de counselling au sujet de la maladie et de stratégies pour éviter de la transmettre. Il faudrait, par exemple, les informer de la dormance prévue de la maladie pendant de longues périodes et leur recommander de réduire au minimum l'exposition aux hépatotoxines comme l'alcool. Il faudrait recommander aux patients de ne pas partager avec des tiers des articles qui peuvent être contaminés par du sang (aiguilles, brosses à dents et rasoirs, par exemple) et de ne pas donner de sang, d'organes ou de tissus[10]. On ne peut offrir de conseils d'une validité absolue en ce qui concerne la prévention de la transmission verticale ou par contact sexuel, mais il faudrait donner des renseignements au sujet des risques et de la prévention. On pourrait notamment suggérer aux personnes infectées par le VHC qui ne sont pas en relation monogame stable de longue durée d'adopter des pratiques sexuelles plus protégées (par exemple, se servir de condoms). Dans le cas des personnes vivant une relation à long terme, elles devraient discuter du problème avec leur partenaire et aborder notamment la question des pratiques sexuelles protégées; il faudrait aussi offrir au partenaire la possibilité de subir un test de dépistage du VHC[7,9,10]. Pour ce qui est de la grossesse ou de l'allaitement naturel, on ne peut spécifiquement les déconseiller[7].

Il faudrait faire enquête sur les nouveaux cas diagnostiqués afin d'établir la source et la date la plus probable de l'infection. Il faut signaler les cas d'infection par le VHC au directeur médical local conformément aux règlements des provinces et des territoires. Cette notification permettra entre autres de prévenir la Société canadienne de la Croix-Rouge si l'infection a probablement été causée par du sang ou des produits sanguin ou si le patient a donné du sang après avoir été infecté.

Paul R. Gully, MB, ChB
Martin L. Tepper, MD, MHSc

Division des agents pathogènes à diffusion hématogène
Laboratoire de lutte contre la maladie
Ottawa (Ont.)

Sources d'information
Fondation canadienne du foie
200­365, rue Bloor est
Toronto ON M5W 3L4
1 800 563-5483
www.liver.ca
Société de l'hépatite C du Canada
383, rue Huron
Toronto ON M5S 2G5
1 800 652-HEPC (4372)
web.idirect.com/~hepc
HepNet : the Hepatitis Information Network
www.hepnet.com

 
Références

  1. Choo Q-L, Kuo G, Weiner AJ, Overby LR, Bradley DW, Houghton M. Isolation of a cDNA clone derived from a blood-borne non-A, non-B viral hepatitis genome. Science 1989;244:359-62.
  2. Scully LJ, Mitchell S, Gill P. Clinical and epidemiologic characteristics of hepatitis C in a gastroenterology/hepatology practice in Ottawa. CMAJ 1993;148(7):1173-7.
  3. Stratton E, Sweet L, Latorraca-Walsh A, Gully PR. Hepatitis C in Prince Edward Island: a descriptive review of reported cases, 1990­1995. Can J Public Health. In press.
  4. Chaudhary RK, Mo T. Antibody to hepatitis C virus in risk groups in Canada. Can J Infect Dis 1992;3:27-9.
  5. Blajchman MA, Bull S, Feinman SV. Post-transfusion hepatitis: impact of non-A, non-B hepatitis surrogate tests. Lancet 1995;345:21-5.
  6. Schreiber GB, Busch MP, Kleinman SH, Korelitz JJ. The risk of transfusion-transmitted viral infections. N Engl J Med 1996;334:1685-90.
  7. Prévention et lutte contre l'hépatite C: lignes directrices et recommandations. Can Commun Dis Rep 1995;21S2.
  8. Shimokura GH, Gully PR. Risk of hepatitis C virus infection through tattooing and other skin piercing services. Can J Infect Dis 1995;6:235-8.
  9. Sharara AI, Hunt CM, Hamilton JD. Hepatitis C. Ann Intern Med 1996;125:658-68.
  10. Canadian Liver Foundation. Hepatitis C: transmission, diagnosis, treatment: an interactive symposium for the practising physician [proceedings]. Toronto: Canadian Liver Foundation; 1995.
  11. Canadian Organ Replacement Register (CORR). Annual report 1996. vol 2. Ottawa: Canadian Institute for Health Information; 1996:3-11.
  12. Willems B, Murphy D, Delage G, Deschenes M, DeMaeght S, Pomier-Layrargues G, et al. Relationship between hepatitis C virus (HCV) genotypes, sources of infection and liver histopathology in HCV-RNA positive blood donors [résumé B174]. Proceedings of the IX Triennial International Symposium on Viral Hepatitis and Liver Disease; 1996 Apr 21­25; Rome. p 169.
  13. Canadian Association for the Study of the Liver (CASL) Hepatitis Consensus Group. Treatment of chronic viral hepatitis with alpha-interferon: a consensus conference report. Can J Infect Dis 1994;5:107-12.
  14. Hoofnagle JH, Bisceglie AM. The treatment of chronic viral hepatitis. N Engl J Med 1997;336:347-56.

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