L'hépatite virale : connaître ses D, E, F et G
CMAJ 1997;156:1737
© 1997 Ministre de la Santé
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Aux États-Unis (et, on suppose, au Canada) plus de 90 % des cas d'hépatite virale aiguë sont causés par le virus de l'hépatite A, B ou C (VHA, VHB, VHC)1. Comme l'on indique ci-dessous, il y a d'autres virus de l'hépatite, dont certains viennent seulement d'être identifiés. La plupart des cas d'hépatite non AC au Canada sont toutefois causés par des agents encore non identifiés.
L'hépatite D
Pour se reproduire, le virus de l'hépatite delta (VHD) a besoin de la présence du VHB2. L'infection par le VHD peut donc se présenter sous forme de coinfection au moment de l'infection par le VHB, ou de surinfection de l'infection chronique par le VHB. La coinfection par le VHD a tendance à aggraver l'infection aiguë par le VHB, mais à réduire le risque pour la victime de devenir porteuse du VHB. La surinfection au VHD a tendance à augmenter la fréquence et la gravité des séquelles cliniques de l'infection chronique par le VHB. La transmission sexuelle et verticale est moins fréquente dans le cas du VHD que dans celui du VHB.
Des tests sérologiques permettent de détecter l'infection par le VHD. Les avantages du traitement à l'interféron sont incertains et seuls des médecins très chevronnés devraient l'utiliser pour lutter contre l'infection par le VHD3. La prévention de l'infection par le VHD repose sur la prévention de l'infection par le VHB (par immunisation, par exemple) ou, s'il y a déjà infection par le VHB, par la réduction de l'exposition au sang (p. ex., en traitant le problème de toxicomanie des consommateurs de drogues injectées). Les quelques études signalées indiquent que le taux global de prévalence de l'infection par le VHD chez les personnes infectées par le VHB au Canada est en général faible (< 5 %). Les consommateurs de drogues injectées peuvent être davantage en danger4.
Hépatite E
Le virus de l'hépatite E (VHE) est transmis par la voie fécaleorale, souvent par de l'eau contaminée. Il est endémique et, parfois, épidémique dans le monde en développement5. On a repéré au Canada quelques cas qui ont tous été infectés pendant des voyages dans des régions endémiques5. Sur le plan clinique, on ne peut distinguer l'infection par le VHE de l'infection par le VHA. La période d'incubation varie de 2 à 9 semaines et l'infection est en général bénigne et disparaît en quelques semaines sans laisser de séquelles. Le taux de mortalité par cas est faible, sauf chez les femmes enceintes, chez lesquelles il peut atteindre presque 20 %.
Il n'y a pas de traitement spécifique contre l'infection par le VHE. L'immunoglobuline n'est pas utile comme prophylaxie. En voyage, pour réduire le risque d'infection, il importe de faire preuve de prudence en ce qui concerne l'hygiène et les conditions sanitaires. Pour diagnostiquer en laboratoire une infection par le VHE, on peut notamment utiliser la réaction en chaîne de la polymérase (RCP) et détecter les anticorps au moyen de tests sérologiques. Il faut envisager une infection par le VHE chez les patients souffrant d'hépatite aiguë chez lesquels on a exclu une infection par le VHA, le VHB et le VHC et qui se sont rendus dans des pays en développement pendant la période d'incubation.
L'hépatite F
Le virus de l'hépatite F (VHF) a été décrit seulement dans un nombre très restreint de cas en France; il a ensuite été transmis expérimentalement à des primates6. Les caractéristiques virologiques, l'épidémiologie, l'hépatotropicité et l'importance clinique du VHF sont très incertains.
L'hépatite G
Le virus de l'hépatite G (VHG, aussi appelé virus C de l'hépatite GB ou VHGB-C) a été intégralement défini au début de 19967. Le VHG est un flavivirus et cousin éloigné du VHC. Actuellement, l'infection par le VHG ne peut être identifiée que par le test de la RCP, qui indique une infection en cours. Ces tests ne sont pas facilement disponibles ni normalisés. On est en train de mettre au point un test de dépistage des anticorps du VHG et lorsqu'il sera disponible, il précisera l'épidémiologie de l'infection par le VHG plus clairement que ne peut le faire le test de dépistage de l'ARN du VHG. Il semble que lorsqu'on découvre les anticorps, il n'y a habituellement plus d'ARN du VHG8.
La nature et la fréquence de l'infection par le VHG ne sont pas claires. Les facteurs de risque et les moyens de prévention sont aussi incertains. On a documenté la transmission par transfusion sanguine (la seule étude canadienne a indiqué qu'un transfusé sur 1500 peut être victime d'une infection et que l'infection par le VHG cause 9 % des cas d'hépatite post-transfusionnelle9) et de la mère à l'enfant au cours de la période périnatale10. On constate une prévalence accrue d'ARN du VHG chez les groupes de sujets exposés fréquemment au sang ou à des produits sanguins (par exemple, personnes atteintes d'hémophilie ou de thalassémie, patients en hémodialyse et consommateurs de drogues injectées)7. Il y a d'autres voies possibles de transmission (par voie sexuelle, par exemple), mais elles ne sont pas bien documentées. La coinfection avec le VHB, le VHC, ou les 2, est fréquente et traduit probablement un mode semblable de transmission verticale7. Dans 0,3 % des cas d'hépatite virale aiguë d'origine communautaire, le VHG est le seul agent identifié11.
L'état morbide que l'infection par le VHG provoque sur le plan actif et à long terme reste à préciser12. Même s'il faut toujours faire preuve de prudence et de vigilance, on reconnaît de plus en plus que le VHG est «un virus à la recherche d'une maladie» et qu'il se peut en réalité qu'il ne soit pas une cause d'hépatite virale1214. L'infection aiguë par le VHG est en générale reconnue comme bénigne, sur le plan clinique et biochimique, et transitoire. Même si l'on peut détecter de l'ARN du VHG pendant des années après l'infection chez une minorité de personnes infectées8, il n'y a pas de données probantes qui démontrent de façon convaincante que l'infection par le VHG laisse des séquelles importantes. Le rôle du VHG dans l'hépatite fulminante reste toutefois à déterminer12. L'infection par le VHG ne semble pas aggraver la coinfection par le VHB ou le VHC12. Il n'y a pas de traitement éprouvé de l'infection par le VHG. On ne peut pour le moment élaborer de lignes directrices sur son analyse et son traitement.
La menace que le VHG peut représenter pour l'approvisionnement en sang au Canada constitue un problème important. Il se peut que de 1 à 2 % des donneurs de sang en bonne santé soient porteurs d'ARN de VHG7, et la transmission par transfusion a été documentée9. Il n'y a toutefois pas de test de dépistage disponible sur le marché. Il se peut que les tests de dépistages des anticorps, lorsqu'ils seront disponibles, ne soient pas particulièrement utiles parce qu'ils ne pourront pas repérer une infection en cours. Les donneurs coinfectés par le VHC ou le VHB seront déjà exclus pour la plupart, et l'infection semble en grande partie bénigne. Les décisions rationnelles sur la gestion du risque seront difficiles à prendre en la matière.
Martin L. Tepper, MD, MHSc
Paul R. Gully, MB, ChB
Division des agents pathogènes à diffusion hématogène
Laboratoire de lutte contre la maladie
Ottawa (Ont.)
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