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La maladie de Creutzfeldt­Jakob : la situation au Canada

CMAJ 1997;157:1407

© 1997 Ministre de la Santé


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La maladie de Creutzfeldt­Jakob (MCJ) est un trouble neurodégénératif rare qui présente un tableau clinique de démence, de myoclonies et de troubles moteurs progressifs qui entraînent la mort, habituellement dans l'année suivant l'apparition des symptômes. Le tableau clinique et pathologique varie et il n'y a pas de test diagnostique clinique définitif, sauf l'investigation neuropathologique1.

La MCJ appartient à un groupe de maladies, les encéphalopathies spongiformes transmissibles, dont on ne comprend pas à fond la cause mais que l'on pense liées au mauvais pliage d'une protéine cellulaire endogène («protéine du prion» ou PrPC) qui prend une conformation pathogène (PrPSc)2.

On reconnaît trois types épidémiologiques de MCJ. La MCJ sporadique, qui représente presque 90 % des cas, peut découler d'une mutation somatique spontanée d'un gène de la protéine du prion chez l'hôte. La maladie familiale découle de la transmission héréditaire d'une tare génétique du gène de la protéine du prion et représente de 5 % à 10 % des cas. La MCJ iatrogène ou infectieuse représente moins de 1 % des cas. Il y a eu transmission par don de tissus (greffe de cornée et greffe de dure-mère), par extrait d'hypophyse de sujets décédés (hormone de croissance humaine et gonadotrophine) et par des instruments neurochirurgicaux contaminés3­5. Des constatations récentes au Royaume-Uni indiquent qu'une nouvelle variante de la MCJ (MCJv), caractérisée par l'apparition à un âge jeune et une évolution clinique relativement longue, est liée à la consommation de boeuf contaminé par l'agent pathogène de l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB)6­8.

À l'échelle mondiale, l'incidence de la MCJ s'établit à environ un cas par million d'habitants par année. La plupart des cas se produisent chez des personnes dans la soixantaine. Le biais selon le sexe, les groupements temporels et la variation géographique de l'incidence sont minimes ou nuls, même si la maladie de type familial peut présenter des groupements ethniques et familiaux locaux3.

Au Canada, on a recensé 390 décès attribuables à la MCJ de 1979 à 1995. Le nombre de décès a varié de 14 à 34 par année et le ratio hommes:femmes s'est établi à 1:1. Quarante-trois pour cent des décès se sont produits chez des personnes dans la soixantaine, ce qui correspond à l'âge maximal d'apparition de la MCJ sporadique1­3. Les taux annuels bruts de mortalité pour la période de 1979 à 1995 ont varié de 0,6 à 1,1 cas par million d'habitants, ce qui est conforme aux estimations de l'incidence mondiale.

La plupart des cas de MCJ recensés au Canada sont probablement des cas de MCJ sporadique, même si l'on a signalé des cas de maladie familiale. On n'a signalé aucun cas de MCJ lié à l'utilisation d'hormones de croissance humaines au Canada, même si l'on a utilisé au Canada, de 1965 jusqu'à 1985, de l'hormone de croissance de sujets décédés7.

On considère actuellement que le sang pose un risque théorique de transmission de la MCJ9. Le Laboratoire de lutte contre la maladie (LLCM) de Santé Canada coordonne une surveillance active intense de la MCJ au Canada au moyen du Système de surveillance de la maladie de Creutzfeldt­Jakob (SS-MCJ Canada). Ce programme vise à déterminer le risque d'être atteint de la MCJ après avoir reçu du sang, des produits sanguins ou des greffes de tissus, et à repérer tout cas de MCJv qui pourrait découler de la consommation de boeuf. On n'a pas détecté de cas d'ESB ni de MCJv au Canada, mais tout cas repéré pourrait être d'importance considérable sur le plan de la santé publique et comme observation «sentinelle».

Le SS-MCJ Canada a mobilisé des cliniciens des spécialités pertinentes qui préviendront le LLCM de tout cas de MCJ repéré dans leurs pratiques. Des enquêteurs locaux réaliseront des entrevues pour recueillir de l'information sur l'exposition et ces données serviront ensuite à une étude cas­témoin. On établira aussi l'historique des dons de sang afin d'assurer le rappel de tout produit sanguin entreposé qui est lié au patient. On étudiera les dossiers des patients pour déterminer la date et les lieux de toute transfusion. Si possible, on déterminera aussi si la MCJ s'est manifestée chez certains des donneurs. Dans la mesure du possible, on effectuera une investigation neuropathologique pour confirmer les cas et procédera au séquençage du gène de la protéine de prion dans chaque cas confirmé.

Il existe un registre national des personnes qui ont reçu, dans leur enfance, de l'hormone de croissance au Canada. Les médecins qui constatent des changements neurologiques inexpliqués chez les patients traités auparavant avec de l'hormone de croissance humaine sont priés de prévenir le Dr Heather Dean, présidente du Comité consultatif canadien sur les hormones de croissance, Université du Manitoba, au (204) 787-7435.

Elizabeth Stratton, MSc, BN
Épidémiologiste régionale
Laboratoire de lutte contre la maladie
Ottawa (Ont.)

Les demandes de renseignements au sujet du projet de système de surveillance de la maladie de Creutzfeldt­Jakob peuvent être adressées à la Division des agents pathogènes à diffusion hématogène, Bureau des maladies infectieuses, LLCM, Santé Canada (numéro sans frais 888 489-2999; fax 613 952-6668)

Références

  1. Brown P. Infectious cerebral amyloidosis: clinical spectrum, risks and remedies. Dev Biol Stand 1993;80:91-101.
  2. Prusiner SB. Biology and genetics of prion diseases. Ann Rev Microbiol 1994;48:655-86.
  3. Will RG. Surveillance of prion diseases in humans. In: Baker HF, Ridley RM, editors. Methods in molecular medicine: prion diseases. Totawa (NJ): Humana Press; 1996. p. 119-37.
  4. Brown P. Environmental causes of human spongiform encephalopathy. In: Baker HF, Ridley RM, editors. Methods in molecular medicine: prion diseases. Totawa (NJ): Humana Press; 1996. p. 139-54.
  5. Brown P, Preece MA, Will RG. "Friendly Fire" in medicine: hormones, homografts and CJD. Lancet 1992;340:24-7.
  6. Will RG, Ironside JW, Zeidler M, Cousens SN, Estibeiro K, Alperovitch A, et al. A new variant of Creutzfeldt­Jakob disease in the UK. Lancet 1996;347:921-5.
  7. Bruce ME, Will RG, Ironside JW, McConnell I, Drummond D, Suttie A, et al. Transmissions to mice indicate that "new variant" CJD is caused by the BSE agent. Nature 1997;390(6650):498-501.
  8. Hill AF, Desbruslais M, Joiner S, Sidle KCL, Gowland I, Collinge J. The same prion strain causes vCJD and BSE. Nature 1997;390(6650):448-50.
  9. Dean HJ, Friesen HG. Growth hormone therapy in Canada: end of one era and beginning of another. CMAJ 1986;135:297-301.
  10. Ricketts MN, Cashman NR, Stratton EE, El Saadany S. Is Creutzfeldt­Jakob disease transmitted in blood? Emerg Infect Dis 1997;3:155-63.

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| CMAJ November 15, 1997 (vol 157, no 10) / JAMC le 15 novembre 1997 (vol 157, no 10) |