CMAJ/JAMC Santé publique
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Une place à l'ombre : réduire les risques d'exposition aux RUV

CMAJ 1997;157:177

© 1997 Association médicale canadienne


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Le contenu de cet article reflète les conclusions du deuxième Colloque sur les maladies liées au rayonnement ultraviolet tenu à Vancouver en mai 1996. Les participants au colloque ont passé en revue les données probantes sur le lien entre les rayons ultraviolets (RUV) et les maladies, discuté de stratégie afin de réduire le fardeau des maladies attribuables aux RUV et défini d'autres orientations pour la recherche scientifique. Un rapport complet paraît dans Maladies chroniques au Canada [1997;18(1)].

Les rayons ultraviolets (RUV) proviennent du soleil et d'autres sources comme l'éclairage fluorescent et les dispositifs de bronzage. L'absorption des RUV par l'ozone stratosphérique et leur pénétration dans les tissus sont fonction de leur longueur d'onde. La couche d'ozone absorbe les rayons UVC (longueur d'onde < 280 nm) et quelques rayons UVB (280 à 320 nm), mais pas les rayons UVA (> 320 nm).

Il y a de plus en plus de données probantes sur l'existence d'un lien de cause à effet entre les RUV et le cancer, y compris le mélanome malin de la peau, le carcinome basocellulaire et le carcinome spinocellulaire de la peau et des lèvres. Ces données probantes sont plus convaincantes dans le cas des rayons UVB que dans celui des rayons UVA. Il semble y avoir un lien entre l'augmentation des rayons UVB au sol et l'amincissement de la couche d'ozone atmosphérique. Compte tenu toutefois du temps qu'il faut à la maladie pour faire son apparition, l'incidence croissante du cancer de la peau est probablement liée bien plus à une exposition accrue aux sources de RUV qu'à l'épuisement de la couche d'ozone.

Épidémiologie

On estime que l'on diagnostiquera un cancer de la peau autre qu'un mélanome chez plus de 61 000 Canadiens cette année. En outre, on diagnostiquera un mélanome malin de la peau chez 3200 personnes, dont 660 en mourront1. L'incidence des mélanomes malins de la peau entre 1971 et 1996 a plus que doublé pour passer de 3,4 à 11,2 pour 100 000 hommes et de 4,0 à 8,8 pour 100 000 femmes. Au cours de la même période, le taux des décès causés par un mélanome malin de la peau est passé de 1,4 à 2,7 pour 100 000 hommes et de 1,0 à 1,4 pour 100 000 femmes. (Les taux de 1996 sont des estimations1.) L'Association canadienne de dermatologie (ACD) estime à 1 sur 115 le risque de développer au cours de leur vie un mélanome malin de la peau chez les enfants nés au Canada aujourd'hui, et celui des formes plus répandues de cancer de la peau à 1 sur 72.

On établit aussi un lien entre l'exposition chronique aux RUV et la cataracte corticale et sous-capsulaire postérieure3, les photodermatoses et le photovieillissement de la peau et de l'oeil. L'exposition aux RUV déprime la fonction immunitaire de la peau, mais on ne sait pas trop si ce phénomène a un effet clinique significatif sur la vulnérabilité aux agents infectieux ou au cancer4.

Facteurs de risque

Le risque de cancer de la peau est lié au type de peau et à l'importance de l'exposition aux RUV. Le risque est plus grand pour les personnes chez lesquelles on trouve n'importe laquelle des caractéristiques suivantes : peau pâle, cheveux blonds ou roux, yeux pâles, tendance à brûler avant de bronzer, tendance aux taches de rousseur, nombreux grains de beauté, 2 coups de soleil graves ou plus subis avant l'âge de 18 ans, antécédents familiaux de cancer de la peau et travail à l'extérieur. Les mélanomes de la peau et le carcinome basocellulaire sont probablement liés bien plus à l'exposition intermittente et à l'exposition pendant l'enfance qu'à l'exposition continue de longue durée5. Une récente étude de cas-témoin a permis de quantifier le lien entre le nombre, la taille et le type des grains de beauté et le risque accru de mélanome malin de la peau6. Chez les enfants, la présence de nombreux grains de beauté peut indiquer qu'il y a eu exposition précoce excessive et devrait inciter les médecins à rappeler aux parents l'importance de la protection contre le soleil7. Un bronzage indique que la peau a été endommagée par les RUV et, contrairement à la croyance populaire, protège très peu contre d'autres dommages. L'utilisation de dispositifs à bronzer ne protège pas non plus et peut en fait aggraver le risque de cancer de la peau et d'autres maladies liées aux RUV8.

Réduction du risque

Au cours des prochaines décennies, le défi consistera à réduire les risques d'exposition aux RUV sans sacrifier les avantages de l'activité à l'extérieur. Il faut à cette fin modifier les comportements. Il faut conseiller aux patients d'éviter le soleil au cours des heures d'intensité maximum (11 h à 16 h), de chercher l'ombre, de s'enduire d'un écran solaire à spectre large et de baume pour les lèvres qui a un facteur de protection solaire (FPS) de 15 ou plus, de porter des lunettes fumées qui bloquent les RUV, de protéger le plus de peau possible avec des vêtements à tissage serré et de porter des chapeaux à larges bords. Le brouillard, la brume et les nuages légers ne protègent pas contre les RUV, et la température n'est pas un indicateur des niveaux de RUV. Les amateurs de sports d'hiver ne devraient pas oublier que la neige fraîche reflète jusqu'à 85 % des RUV.

L'ACD recommande d'utiliser des écrans solaires qui ont un FPS de 15 ou plus et portent le logo et l'aval de l'association. Comme l'association le décrit dans ses documents d'information publique, le FPS est lié au temps qu'il faudrait pour subir un coup de soleil tout en portant un écran solaire comparativement au temps qu'il faudrait pour obtenir le même résultat sans protection. En théorie, un écran solaire qui a un FPS de 15 permettrait à une personne de passer 15 fois plus de temps que d'habitude au soleil sans subir de coup de soleil. Les écrans solaires visent toutefois à augmenter la protection au cours des expositions inévitables et non à maximiser la durée des expositions. Même s'il préviennent les coups de soleil, ils ne préviennent pas les autres dommages que les RUV peuvent causer à la peau. La protection n'est pas proportionnelle au FPS : un écran solaire qui a un FPS de 30 ne bloque que 3 % de plus de rayons UVB que celui dont le FPS est de 15. L'étiquetage des produits peut être trompeur à cet égard : un fabricant peut affirmer par exemple qu'un produit qui bloque tous les RUV moins 3 % protège 2 fois plus qu'un produit qui les bloque tous moins 6 % (Dr John Adam, président, comité d'éducation sur les écrans solaires de l'ACD : communication personnelle, 1997). De plus, le FPS porte sur la protection contre les rayons UVB seulement. Il n'y a pas de normes acceptées qui permettent de mesurer la protection contre les rayons UVA assurée par les écrans solaires. On recommande néanmoins d'utiliser des écrans solaires «à large spectre» qui protègent un peu contre les 2 longueurs d'ondes.

Comme beaucoup de gens n'appliquent pas d'écran solaire aussi souvent ou abondamment qu'il le faudrait, l'efficacité de ces produits peut être loin d'atteindre celle qui a été démontrée dans un contexte de recherche. Il faudrait appliquer les écrans solaires abondamment de 15 à 30 minutes avant l'exposition au soleil. Dans la plupart des cas, il faut en appliquer de nouveau aux 2 heures. Il faut garder les nouveau-nés à l'ombre, mais lorsqu'une protection solaire est nécessaire, il est préférable d'utiliser des écrans physiques plutôt que chimiques. Les médecins devraient essayer de faire comprendre que les écrans solaires ne sont qu'un élément seulement d'une protection efficace contre le soleil.

Les participants au deuxième Colloque canadien sur les maladies associées aux rayons ultraviolets ont conclu qu'il n'est pas recommandé pour le moment de faire un dépistage systématique du mélanome malin de la peau et que la promotion de l'auto-examen de la peau suscite toujours la controverse9. La réduction du taux de mortalité causé par le cancer de la peau passe par l'auto-déclaration et le dépistage de lésions qui peuvent devenir malignes. Une stratégie complète du réduction du risque comporterait les mesures suivantes : messages sur la santé publique (particulièrement à l'intention des jeunes, des parents et des services de protection de l'enfance), mise au point d'écrans solaires et de substances qui peuvent remplacer celles qui épuisent l'ozone, augmentation des surfaces à l'ombre sur les terrains de jeux et à d'autres endroits publics et découragement de l'utilisation des salons de bronzage. On peut obtenir des documents d'éducation des patients en s'adressant à l'Association canadienne de dermatologie, bureau 521, 774, prom. Echo, Ottawa (Ont.) K1S 5N8; tél 613 730-6262.

Konia J. Trouton, MD, MSP
Christina J. Mills, MD

Bureau du cancer
Laboratoire de lutte contre la maladie
Ottawa (Ont.)

Références

  1. Institut national du cancer du Canada. Statistiques canadiennes sur le cancer 1997. Toronto : l'Institut; 1997.
  2. Association canadienne de dermatologie. Programme Prudence sous le soleil 1997, documents d'éducation du public. Ottawa : l'Association, 1997.
  3. West S. The epidemiology of age-related cataract. Dans : Gibbons L, Anderson L, s.l.d. Actes du Colloque sur les maladies associées aux rayons ultraviolets. Chronic Dis Can 1992;13(5 suppl):11-3.
  4. Kripke M. Ultraviolet radiation and immunology: something new under the sun. Cancer Res 1994;54:6102-5.
  5. Weinstock MA. Controversies in the role of sunlight in the pathogenesis of cutaneous melanoma. Photochem Photobiol 1996;63:406­10.
  6. Tucker AM, Halpern A, Holly EA, Hartge P, Elder DE, Sagebiel RW, et al. Clinically recognized displastic nevi: a central risk factor for cutaneous melanoma. JAMA 1997;277:1439­44.
  7. Elwood JM. Screening for melanoma and options for its evaluation. J Med Screen 1994;1:22­38.
  8. Spencer JM, Amonette RA. Indoor tanning: risks, benefits, and future trends. J Am Acad Dermatol 1995;33:288­98.
  9. Gibbons L, Anderson L, s.l.d. Actes du Colloque sur les maladies associées aux rayons ultraviolets. Chronic Dis Can 1992;13(5 suppl).

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| CMAJ July 15, 1997 (vol 157, no 2) / JAMC le 15 juillet 1997 (vol 157, no 2) |
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