CMAJ/JAMC Santé publique
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Mignonne, allons voir si la rose... mais gardons-nous des champignons

CMAJ 1997;157:432

© 1997 Association médicale canadienne


Les médecins doivent être attentifs aux symptômes et aux signes d'un empoisonnement par les champignons. La plupart du temps, le patient aura consommé des champignons sauvages qu'il aura mal identifiés. Plus de 90 % des cas d'empoisonnement par les champignons signalés dans le monde sont vraisemblablement causés par l'ingestion de l'espèce Amanita, surtout A. phalloides (l'amanite phalloïde). On a récemment signalé 4 cas d'empoisonnement par A. phalloides dans le nord de la Californie1. Le genre des amanites comprend des espèces vénéneuses et comestibles qui se ressemblent l'une et l'autre, d'où le danger d'une erreur fatale.

Amanita pantherina

Amanita pantherina. Cette espèce, qui pousse au Canada et aux États-Unis, contient de l'acide iboténique et d'autres toxines. Elle peut provoquer des hallucinations, mais elle cause aussi de graves empoisonnements qui peuvent être mortels. Photo : M. Scott Redhead, CRECO, Agriculture et Agro-alimentaire Canada, Ottawa.

On trouve l'amanite surtout dans les endroits frais et humides. À maturité, le chapeau de l'amanite peut présenter diverses teintes allant du blanc au jaune, au vert ou au brun clair. Habituellement, A. phalloides arbore un chapeau vert métallique, qui peut aussi varier de jaune clair à brun verdâtre. Il n'a aucun goût distinctif et ses toxines ne sont pas détruites par la cuisson ou le séchage. Elles sont plutôt absorbées par les hépatocytes où elles s'interposent à la synthèse de l'ARN messager, supprimant du même coup la production de protéines et provoquant une grave hépatite aiguë. Étant donné que les symptômes n'apparaîtront habituellement que plusieurs heures après la consommation du champignon, il se peut que le patient et le médecin ne fassent pas le lien entre la maladie et un empoisonnement et que le médecin retarde l'intervention nécessaire.

Les symptômes de l'empoisonnement évoluent d'ordinaire en 3 étapes. Dans les 6 à 12 heures qui suivent l'ingestion, on note des vomissements et une diarrhée abondante mais parfois aussi d'autres signes : douleurs abdominales, fièvre, tachycardie, hyperglycémie, hypotension ou déséquilibre électrolytique. Dans les 24 à 48 heures suivantes, les symptômes peuvent s'atténuer même si la fonction hépatique et rénale continue à se dégrader. Pendant ce temps, le niveau de la transaminase et de la bilirubine s'élève, mais il a tendance à plafonner vers le quatrième jour. On remarque aussi une prolongation du temps de prothrombine. À la troisième étape, c'est-à-dire de 3 à 5 jours après l'ingestion, une augmentation possible des dommages hépatocellulaires et de l'insuffisance rénale risque d'entraîner un coma hépatique et la mort entre le quatrième et le septième jour. Parmi les autre séquelles possibles, mentionnons une cardiomyopathie, une coagulopathie ou une crise cérébrale. Le taux de décès attribuable à un empoisonnement par A. phalloides varie de 20 % à 30 %.

On ne connaît aucun antidote particulier. Il est essentiel de procéder à un vigoureux remplacement du liquide intraveineux et à une correction du déséquilibre électrolytique, et sans doute à une correction de la coagulopathie. Il y aurait lieu d'effectuer un lavage gastrique et d'administrer du charbon activé pour éliminer tous les restes non digérés du champignon et aussi pour interrompre l'absorption de la toxine. Il peut être utile de faire une hémodialyse dans les 24 heures de l'ingestion. Quelques patients auront besoin d'une greffe du foie.

Il ne faudrait pas consommer de champignons sauvages à moins de les avoir fait correctement identifier par un mycologue compétent. Si les guides de poche peuvent aider les botanistes amateurs à reconnaître les champignons, ils ne donnent cependant pas suffisamment de détails pour que les profanes puissent bien distinguer les espèces toxiques et non toxiques. -- JH, AMT

Référence

  1. Amanita phalloides mushroom poisoning -- Northern California, janvier 1997. MMWR 1997;46:489-92.

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| CMAJ August 15, 1997 (vol 157, no 4) / JAMC le 15 août 1997 (vol 157, no 4) |