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Une autre manche de «jéopardie» JAMC 2000;162:1115
Toutefois, les patients ne peuvent choisir une autre catégorie, et la vie n'est pas un jeu télévisé, comme l'a récemment découvert la Fondation des maladies du cur après avoir lancé une campagne publicitaire sur les maladies du cur chez la femme. L'annonce, qui montrait une femme au torse nu avec une main enveloppant chaque sein, était suivie de la phrase suivante : «Répondez rapidement. Quelle est la première cause de décès chez les femmes? Voici un indice. Ce n'est pas ce que vous pensez.»1 La fondation a été submergée d'appels de femmes de partout au Canada qui jugeaient que l'annonce banalisait le cancer du sein. Chez les femmes de tous âges, 38 % des décès sont attribuables aux maladies cardiovasculaires;2 toutefois, il y a au moins autant de femmes de moins de 60 ans qui meurent d'un cancer du sein que d'une maladie cardiovasculaire.2,3 En comparant le risque des maladies du cur à celui du cancer du sein et en omettant de mesurer la mortalité d'après le nombre d'années potentielles de vie perdues, la campagne a atténué sans le savoir le caractère dramatique du cancer du sein. Les femmes qui ont critiqué l'annonce ont insisté sur la nécessité de travailler ensemble, plutôt que séparément, pour informer les femmes des risques pour leur santé. La Fondation des maladies du cur, une importante ressource nationale d'information sur les maladies du cur, a été étonnée de la réaction du public. Apparemment, l'annonce avait suscité des commentaires favorables auprès de groupes cibles avant le lancement de la campagne. Il est heureux que la Fondation ait retiré promptement l'annonce et qu'elle réexamine en ce moment sa campagne. Quelles leçons peut-on en tirer? Il est clair que les stratégies de marketing qui définissent des maladies comme des produits de marque ne passent pas et ne reflètent pas les complexités de la maladie ou de la vie. Même si elles sont très en vogue de nos jours, les plaisanteries des jeux-questionnaires sont un moyen trop facile qui ne convient pas pour communiquer des taux de mortalité, qui ne se prêtent pas à la banalisation. L'utilisation de groupes cibles pour évaluer la réaction éventuelle d'une population à une annonce reste une méthode aussi vulnérable que les autres sur le plan de la validité, des préjugés et de l'interprétation. Le décès récent de Sandra Schmirler, cette joueuse de curling canadienne de niveau olympique et mère et épouse de 36 ans, devrait nous rappeler qu'on ne peut pas ramener le fardeau de la maladie à de simples statistiques. Les maladies du cur et le cancer ont mis en danger la vie de nombreuses femmes. Ces femmes et leur famille ont besoin de savoir que la recherche médicale se poursuit pour défier l'abominable jeu de hasard de la maladie et que de petits progrès sont accomplis tous les jours. Les torses sans tête ont leur place dans les musées pas dans la publicité, ni d'ailleurs dans une jaquette d'hôpital. JAMC
Références
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