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Thème central de la conférence Beijing +5 JAMC 2000;163(3) :255 La plupart des lecteurs connaissent bien la tragédie de Gillian Hadley, mère âgée de 35 ans qui a été assassinée d'un coup de feu le 20 juin à Pickering (Ont.), par son mari dont elle était séparée, même si la Cour avait ordonné à celui-ci de ne pas approcher la victime1. Au cours des derniers instants désespérés de sa vie, Gillian a réussi à fuir à l'extérieur de la maison et à confier son enfant de 11 mois à une voisine avant que son mari ne la ramène de force à la maison où il l'a assassinée et s'est ensuite suicidé. Cet incident illustre un thème central qui émane de la 23e session extraordinaire de l'Assemblée générale des Nations Unies, soit «Égalité entre les sexes, développement et paix pour le XXIe siècle». Appelée conférence Beijing +5, cette session a eu lieu du 5 au 9 juin à New York et a attiré des délégués et des militants de plus de 180 pays2. L'égalité entre les sexes sera impossible tant que la violence faite aux femmes ne disparaîtra pas. Cette violence prend de nombreuses formes et varie des aspects étranges sur le plan culturel aux activités très connues : mutilation génitale en Somalie, assassinat pour l'honneur en Inde, flagellations publiques en Afghanistan, viol conjugal au Kosovo, relations sexuelles non protégées au Burundi et violence conjugale au Canada. Un sondage réalisé en 1993 auprès de 12 300 femmes du Canada a révélé que 29 % des femmes mariées ou qui l'avaient déjà été ont été victimes d'au moins une agression sommaire par leur partenaire3. Cette proportion semble élevée, mais elle concorde remarquablement bien avec des estimations établies pour l'Australie (23 %), l'Angleterre et le Pays de Galles (23 %) et les États-Unis (25 %)4. La plupart de ces femmes ne signalent pas l'agression à la police ou ne demandent pas de soins médicaux. Seulement 6 % des femmes du Canada qui ont été victimes d'une agression ont signalé la première3. Selon les dossiers de 1997 de 179 corps policiers de 6 provinces, la plupart des agressions conjugales n'ont causé aucun traumatisme (26 %) ou ont causé des traumatismes mineurs (70 %) n'exigeant aucun traitement médical4. Cela signifie que les médecins qui s'en remettent aux traumatismes physiques pour repérer les cas de violence conjugale ne voient que la pointe de l'iceberg. Les profils démographiques peuvent être utiles. Les couples de 18 à 24 ans qui vivent en union de fait où le partenaire de sexe masculin est chômeur chronique présentent des taux de violence conjugale six fois plus élevés que la moyenne nationale3. Le prédicteur le plus puissant de la violence conjugale est une tendance à la violence psychologique chez le conjoint de sexe masculin : habituellement, il s'agit d'un homme qui veut toujours savoir où se trouve sa femme, l'humilie, la traite de toutes sortes de nom, limite ses contacts avec les membres de sa famille et d'autres hommes et l'empêche d'avoir accès au revenu familial3. De tels hommes ne révèlent pas souvent leur vraie nature dans un cabinet de médecin. Leur femme révèle toutefois la leur lorsqu'on leur pose les bonnes questions5. Il ne suffit toutefois pas de détecter les cas. Cela n'a pas aidé Gillian Hadley. Comme le faisait remarquer Ngamau Munokoa, déléguée à la conférence Beijing +5 pour les Îles Cook, la violence conjugale est un problème communautaire dont la solution passe par la collaboration entre les gouvernements, les organisations non gouvernementales, les organismes judiciaires, les corps policiers, les agences des libérations conditionnelles et les professionnels de la santé. Le Canada doit intervenir à cet égard, car il est évident que les injonctions ne fonctionnent pas. Pierre Trudeau avait tort lorsqu'il affirmait catégoriquement que l'État n'a pas sa place dans les chambres à coucher de la nation. L'État y a sa place, lorsque l'autre solution, c'est le coroner. JAMC
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