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L'évasion de l'écosystème et la santé JAMC 2000;163(5) :491 Voir aussi : eLetters Le 10 juillet, une avalanche d'ordures a envahi un bidonville construit sur le bord d'une décharge publique en montagne à Manille. Après 3 jours d'efforts enrayés par des vapeurs nocives, le terrain glissant et une boue nauséabonde les sauveteurs ont récupéré 137 corps et l'on estime que de 150 à 700 victimes demeurent ensevelies.1 Un grand nombre des victimes ensevelies étaient des enfants chargés de rechercher dans les ordures de précieux morceaux de plastique, de styromousse et d'aluminium. Dans le sillage de la tragédie, le gouvernement de Manille a annoncé que la décharge serait fermée et remplacée par une décharge contrôlée. «Déchets solides» et «décharges contrôlées»2 (transformés par la suite en «terrains de golf»3) sont les fausses appellations réconfortantes que nous utilisons pour désigner les amas d'ordures qui s'accumulent à la périphérie de nos villes. Nous les recouvrons de verts apaisants pour y frapper des coups de départ par des matins resplendissants, oubliant commodément les ressources polluantes gaspillées enfouies et les dommages que nous infligeons aux écosystèmes dont nous dépendons. En 1962, dans son ouvrage toujours d'actualité intitulé Silent Spring, Rachel Carson nous rappelle à l'ordre à ce sujet : «Nous sommes habitués à rechercher l'effet macroscopique et immédiat et à oublier le reste. Sauf s'il se manifeste rapidement et de façon tellement évidente qu'il est impossible de l'ignorer, nous nions l'existence d'un danger».4 Quatre décennies plus tard, on continue de perturber les systèmes écologiques sans contrainte : il y a 30 % de plus de gaz carbonique dans l'atmosphère qu'il y a un siècle, des espèces disparaissent de plus en plus rapidement et la moitié de la superficie terrestre de la terre a été altérée, notamment. On agit ainsi en partie par déni. Et aussi par ignorance. La science des écologistes, des environnementalistes, des biogéochimistes, des ingénieurs, etc., est mystérieuse, souvent impénétrable et publiée dans des journaux peu connus. Or, les êtres humains ont une incidence extraordinaire sur les écosystèmes de la terre. Nous devons comprendre ces effets à cause des «liens intimes entre ces systèmes et la santé des êtres humains, l'économie, la justice sociale et la sécurité nationale».5 Il y a environ un an, le Dr Michael McCally de la Faculté de médecine Mount Sinai à New York a interrompu ces cogitations en lançant l'idée de publier une série de communications afin d'établir le lien entre ces changements de l'environnement planétaire et la santé des êtres humains. Conscients des menaces que la domination humaine de la planète pose pour la santé, ses coauteurs et lui-même ont résumé une grande partie de cette matière complexe dans un format accessible. Nous lançons cette série dans ce numéro (voir page 533 et page 551). Notre myopie collective constitue une menace très réelle pour la survie de l'espèce Homo sapiens et d'autres encore. La sapience (sagesse) commence par le savoir, utilisé judicieusement. Pouvons-nous faire preuve de sapience comme avantage de l'évolution, ou s'agit-il simplement d'une autre fausse appellation réconfortante? JAMC Références
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