ISSN: 1918-5901 (English) -- 1918-591X (Français)

 

2012: Volume 5, Numéro 2, pp. 83-85

 

Un compte rendu de livre par

Isaac Nahon-Serfaty

Université d’Ottawa, Canada

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Conjuguer avec les médias: Les défis inédits du relationniste
Par Lise Boily et Marcel A. Chartrand
Québec: Les Presses de l’Université Laval, 2012. 258 pp.
ISBN: 9782763798639.

L’ouvrage Conjuguer avec les médias. Les défis inédits du relationniste (Boily & Chartrand, 2012) représente une tentative intéressante de conciliation entre la réflexion théorique et les considérations d’ordre pratique. En se nourrissant à la fois de leur bagage académique et de leur expérience professionnelle, Lise Boily et Marcel Chartrand, tous les deux professeurs à l’Université d’Ottawa, offrent dans ce livre une discussion approfondie sur les nouvelles reconfigurations médiatiques à l’heure des changements technologiques. Ils discutent de leurs conséquences sur le domaine de relations publiques, une profession qui a comme raison d’être la gestion des rapports entre les organisations et les médias. Le problème se présente aujourd’hui dans un cadre dans lequel il y a plus de questions que de réponses. “[L]e relationniste évolue dans un environnement technologique qui redéfinit la profession” (2012: 13). Cet ouvrage avance certaines réponses, sans pourtant prétendre qu’elles soient définitives, car le monde de la communication est en pleine mutation.

Boily et Chartrand visualisent la profession changeante du relationniste comme celle d’“un intellectuel engagé” qui aurait “le pouvoir et le devoir de conseiller ses patrons sur les pratiques exemplaires de communication en assumant son rôle de médiateur et d’analyste minutieux, dans le plus grand intérêt du public” (2012: xix). Ils reprennent ici un des postulats de la théorie moderne de relations publiques qui prescrit que le relationniste agit en tant que “conscience” de l’organisation, dans un délicat équilibre de conciliation d’intérêts. On sait toutefois que dans la pratique réelle ce jeu d’équilibriste est beaucoup plus complexe, particulièrement—comme le reconnaissent les auteurs—à cause d’une pression sociale croissante pour plus de transparence de la part des institutions publiques et privées qui sont constamment surveillées par les citoyens.

Ce rôle d’intellectuel engagé ne se réduit pas à la gestion de la technologie ou des contenus, mais surtout à l’intervention communicationnelle planifiée et stratégique dans la sphère publique-privée dans laquelle se concrétise le lien “à la globalisation et à l’individualité” (2012: 28). Ce relationniste est sollicité dans trois fonctions: “Celles du travailleur de l’information, du savoir et de la créativité investi du rôle d’‘intellectuelle engagé’” (Ibid: 238).
Les auteurs du livre cherchent donc à décrire chacune de ces fonctions, particulièrement dans ses rapports avec le monde des médias, et surtout des nouveaux médias. Boily et Chartrand font une description détaillée du paysage médiatique québécois et canadien, en une vision rétrospective et actuelle afin de situer le lecteur dans l’évolution d’un processus de convergence croissante des médias. Ensuite, les auteurs abordent les évolutions récentes de la pratique médiatique en montrant le poids croissant des processus décentralisés de production et de consommation d’information dans le façonnement de la sphère publique.

Le reste de l’ouvrage s’oriente vers la connaissance appliquée au métier du relationniste. Le lecteur est illustré de façon assez détaillée sur les types de média d’information. On lui offre aussi une description des types de journalistes afin de l’aider à comprendre les rôles et les contraintes auxquelles sont soumis les travailleurs de l’information, souvent vus comme une profession en concurrence en conflit avec le relationniste. Les auteurs discutent la logique de la nouvelle en explorant les points de vue des médias dans un contexte marqué de plus en plus par l’atomisation des audiences et par le cycle sans fin du 24/7.

Dans cette même logique pratique, la troisième partie du livre est entièrement consacrée aux outils du relationniste pour gérer ses rapports avec les médias. Les auteurs passent en revue les stratégies pour capturer l’attention des journalistes, ainsi que décrivent les moyens de communication classiques des relations publiques tels que les avis aux médias et le communiqué de presse. Les chapitres suivants passent en revue les techniques qu’un bon porte-parole doit maitriser afin de s’adapter aux formats variés de la nouvelle, dominer l’art de l’interview depuis la perspective du relationniste, et tenir compte de l’apparence et du visuel dans un monde dominé par l’image.

Les auteurs dédient un chapitre au rôle des médias dans les situations de crise, un  moment clé dans lequel le relationniste démontre toute sa valeur pour l’organisation. Boily et Chartrand font l’illustration de cette valeur en expliquant en détail la crise de listériose du géant de l’alimentation Maple Leaf, ce qui est un cas emblématique d’une gestion proactive et efficace qui a sauvé la réputation de l’entreprise. Ils explorent aussi les coulisses de la communication politique, un rôle dans lequel le relationniste devient le stratège de l’image des politiciens et des élus.

Vers la fin, le livre aborde un aspect particulièrement problématique dans le domaine de relations publiques, celui des mesures d’appréciation, c’est-à-dire l’évaluation de l’impact des stratégies médiatiques (Chapitres 18 et 19). Boily et Chartrand traitent à la fois des mesures qualitatives et quantitatives de l’impact médiatique, telles que l’analyse de contenu, les cotes d’écoute, les diverses formes de rétroaction, ainsi que les standards de la pratique journalistique qui touchent à la protection de la réputation des personnes et des organisations.

La conclusion de l’ouvrage retourne sur la réflexion théorique afin de faire le bilan sur les conséquences des changements dans le paysage médiatique pour ceux qui doivent agir comme intellectuel engagés. Le terrain de travail de ces intellectuels est la sphère médiatique, un espace paradoxal. Cette sphère “comporte une tension créatrice entre deux oppositions qui s’expriment de façon constante, soit celle du renforcement de l’inertie sociale et celle de catalyseur du changement” (2012: 240). C’est dans cette contradiction permanente entre les forces conservatrices, souvent agissant à l’intérieur de l’organisation par laquelle le relationniste travaille, et les forces de la disruption, qu’il doit confronter les nouveaux défis médiatiques décrits dans ce livre.

À propos du réviseur

Isaac Nahon-Serfaty est professeur agrégé au Département de communication à l’Université d’Ottawa au Canada. Dr. Nahon-Serfaty a plus de 25 ans d’expérience dans les domaines de la communication des soins de santé, la communication internationale, les relations publiques, et le journalisme. Il a fait la coordination du groupe de travail international s’intitulant “Cultural Dialogues, Religion and Communication” qui s’est tenu à l’Université d’Ottawa le 22 octobre 2009. Son essai Actualidad del mito de la Independencia: En búsqueda de sentido en la Babel fragmentada a gagné le prix Banesco “La Independencia de Venezuela: 200 años después”. Il est auteur de plusieurs articles et chapitres de livres à propos du discours public portant sur la santé et la maladie en français, anglais, et espagnol.

Pour citer ce compte rendu de livre:

Nahon-Serfaty, Isaac. (2012). [Compte rendu du livre Conjuguer avec les médias: Les défis inédits du relationniste]. Global Media Journal -- Canadian Edition, 5(2), 83-85.

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