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Section courante

Évaluer ex ante la pertinence de projets locaux d’adaptation au changement climatique

Alexandre Magnan

Abstracts

Based upon fieldwork conducted in Mauritius and Rodrigues islands (Indian Ocean), this paper presents a methodology for ex ante assessment of adaptation to climate change projects. It relies on the hypothesis that avoiding environmental, sociocultural and economic maladaptation is a relevant way to start implementing a concrete adaptation process. The paper details the approach adopted on the field. First, and before elaborating “significant criteria” and “relevance indicators” (regarding the long-term adaptation challenge), we developed new bases for facilitating the identification of the study’s targeted population, i.e. the “local vulnerable communities”. To do so, we refined the IPCC definition of vulnerability to make it more operational on the ground. The criteria and indicators are then described, and finally an application of the methodology to concrete projects is proposed. Three major conclusions arise from this empirical experience. (i) Avoiding maladaptation is really a relevant way to start implementing adaptation, as it allows the identification of pragmatic guidelines for today’s action. (ii) The ex ante approach allows gathering projects’ holders and funding agencies thanks to common assessment bases. Yet, such bases are essential pillars for ensuring consistency among scattered adaptation initiatives, while these latter are expected to grow in number in the context of adaptation funds increase. (iii) Ex ante assessments are as necessary as currently dominating ex post assessments, as they contribute upstream and in parallel of projects’ monitoring and efficiency analysis, to the coherence and the optimisation of adaptation endeavours.

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Introduction

  • 1 Nous simplifierons dans ce texte en parlant « d’adaptation ».
  • 2 CCNUCC, UNFCCC en anglais (United Nations Framework Convention on Climate Change ; http://unfccc.in (...)

1Au cours des deux dernières décennies, la question de l’adaptation au changement climatique1 est montée en puissance dans l’arène des négociations internationales sur le climat comme dans la sphère académique. À l’échelle internationale, l’élément déclencheur a été la Conférence de Rio sur l’environnement, en 1992, qui a donné naissance à la Convention Cadre des Nations Unies sur le Changement Climatique2, arène principale de discussion entre pays des questions d’atténuation des émissions de gaz à effet de serre (GES) et d’adaptation. Bien que l’adaptation ait d’abord été mise au second rang derrière l’enjeu d’atténuation, elle s’est vue occuper une place à part entière depuis les Conférences des Parties de 2005 (Montréal), 2006 (Nairobi) et surtout 2007 (Bali). On doit cette reconnaissance aux efforts des pays en développement pour faire reconnaître leur double statut de « non responsables » et de « premières victimes » du changement climatique, affirmant ainsi leurs besoins en matière d’adaptation. Tristement, on la doit aussi au constat dressé au fil des rounds de négociation quant à la relative incapacité des principaux pays émetteurs de GES à trouver un accord contraignant sur les seuils de concentration en GES dans l’atmosphère, sur le niveau d’effort de chacun et sur les modalités de régulation internationale de ces efforts. Or, moins l’on réduit drastiquement les émissions de GES, plus le changement climatique prend de l’ampleur (en nature et dans le temps), et plus l’enjeu d’adaptation à ses impacts s’impose. L’adaptation n’est donc plus le sujet tabou qu’elle a longtemps été (Garnaud, 2009) et à la table des négociations, il est quasi-exclusivement traité sous l’angle du financement : qui donne combien à qui et pour quoi?

Qui donne combien à qui et pour quoi?

  • 3 Cancun Adaptation Framework (2010, http://unfccc.int/resource/docs/2010/cop16/eng/07a01.pdf#page=4) (...)
  • 4 Si une telle limite ne pose pas structurellement de problèmes aujourd’hui, c’est avant tout parce q (...)

2Qui? Il a toujours été assez évident qu’alimenter les fonds mondiaux pour l’adaptation devait incomber aux pays industrialisés, « responsables historiques » du changement climatique, et de plus en plus aussi aux pays émergents comme la Chine, qui rivalisent désormais en termes d’émissions brutes de GES. Combien? La récente Conférence des Parties de Cancún (décembre 2010) a été marquée par un chiffre : 100 milliards US $. C’est le montant qui devra annuellement alimenter le Fonds Vert, ainsi devenu le principal canal de financement de l’adaptation. À qui? L’accord de Cancún précise : « funding for adaptation will be prioritized for the most vulnerable developing countries, such as the least developed countries, small island developing States and Africa »3. Autrement dit, l’argent doit aller aux communautés « les plus vulnérables », manifestement assimilées ici à celles des pays les plus pauvres. Qu’à cette échelle l’éthique se borne à « les plus riches donnent aux plus pauvres » n’a en soi rien de choquant. On voit mal en effet quelle justification il pourrait y avoir derrière le financement, au titre du Fonds Vert, de l’adaptation d’un pays industrialisé comme la France ou les États-Unis. On comprend aussi du coup pourquoi associer vulnérabilité et pauvreté est pratique dans le cadre de la négociation, même s’il y a là un raccourci qui pose bien des questions d’un point de vue scientifique. Pour quoi? C’est la question qui nous occupe ici, et qui est de loin la plus obscure. Quels projets, plans et politiques financer? Pourquoi ceux-là plutôt que tels autres? L’approche développée dans les négociations internationales montre ici ses limites, car elle n’identifie pas de critères pour appréhender ex ante la pertinence des projets/plans/politiques par rapport à l’enjeu d’adaptation4. Si bien que des questions cruciales restent la plupart du temps en suspens : dans quelle mesure un projet prend-il suffisamment en compte la dimension de long terme? En quoi évite-t-il des formes de maladaptation? Etc. Le manque de réponses claires pose notamment un double problème : pour les porteurs de projets, qui ne disposent pas d’un cadre auquel se référer pour bâtir au mieux leur action; pour les bailleurs de fonds nationaux et internationaux, qui doivent faire des choix justifiables en termes d’allocation des fonds.

3Ce texte prend pour objet la dimension « projet » de l’adaptation et vise concrètement à proposer une démarche d’évaluation ex ante de la pertinence d’un projet donné par rapport aux objectifs de l’adaptation. Reposant sur l’expérience d’un projet de recherche mené dans la République de Maurice (océan Indien occidental, cf. infra) pour le compte de l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), il se concentre sur l’échelle locale de la mise en œuvre de l’adaptation. Il se veut toutefois d’une portée plus générique et insiste donc, plus que sur la présentation d’études de cas détaillées, sur la démarche d’ensemble adoptée sur le terrain et sur les outils développés.

Une question centrale, quatre hypothèses de travail

  • 5 Si ces dernières ont un sens fort en elles-mêmes, elles n’ont pas pour objet principal la lutte con (...)

4La nécessité s’impose donc aujourd’hui d’élaborer une grille de caractérisation des projets, fondée sur des critères d’adaptation, qui permette de différencier les projets d’adaptation d’initiatives plus classiques de gestion de l’environnement ou de développement (rural par exemple)5. Une telle grille pourrait constituer un puissant outil d’ (auto)évaluation et donc d’aide à la décision et à la mise en œuvre. De même qu’elle pourrait contribuer à la mise en cohérence des initiatives d’adaptation développées dans le monde. C’est en tout cas le point de vue adopté dans cet article, dont la question centrale est : sur quelles bases conceptuelles et méthodologiques évaluer la pertinence d’un projet donné au regard des enjeux spécifiques de l’adaptation au changement climatique?

5Afin d’apporter des éléments concrets de réponse, nous nous sommes appuyés sur quatre hypothèses de travail issues de notre propre expérience, à la fois théorique et empirique, des questions de mise en œuvre de l’adaptation. On peut formuler ces hypothèses comme suit :

  • Un projet d’adaptation est pertinent s’il permet à la population à la fois (i) de réduire sa vulnérabilité aux risques naturels sur les moyen et long termes et (ii) de conserver des marges de manœuvre pour réajuster ses modalités de développement au fur et à mesure des changements environnementaux et des nouvelles connaissances scientifiques. Nous soutenons ici qu’un enjeu-clé de l’adaptation au changement climatique est de réduire la vulnérabilité actuelle aux risques naturels tout en conservant une certaine flexibilité pour se confronter aux changements environnementaux futurs (Tubiana et al., 2010 : Magnan, 2013);

    • 6 Diminuer la pression sur certaines ressources en la reportant sur celles d’à côté.
    • 7 Par exemple, en renforçant la capacité d’adaptation d’un secteur économique aux dépens d’un autre, (...)

    L’angle d’entrée maladaptation est un point de départ pertinent pour commencer à mettre en œuvre l’adaptation. Une maladaptation est une intervention qui en visant un trop court terme et/ou en ne replaçant pas l’objet ciblé dans son contexte, soit crée des situations d’irréversibilités à externalités négatives, soit ne fait que déplacer les points de vulnérabilité dans l’espace6 ou en changer la nature7 (IPCC, 2001; Kates, 2000; Heyd and Brooks, 2009; Barnett et O’Neill, 2010). Ici, l’entrée par la maladaptation a présidé à l’identification de critères de caractérisation : compte tenu des incertitudes sur les impacts locaux du changement climatique, une stratégie intéressante pour commencer à penser l’adaptation peut déjà consister à « éviter les maladaptations ». L’objectif est alors non pas de promouvoir des actions qui répondront à coup sûr aux changements environnementaux futurs, mais qui, dans un premier temps, vont permettre d’éviter d’accroître la vulnérabilité (en l’occurrence en réduisant les pressions sur l’environnement) et de conserver des marges de manœuvre pour le futur;

  • Il est nécessaire aujourd’hui de disposer d’un cadre englobant les multiples dimensions d’un projet d’adaptation, qui sont à la fois environnementale, socioculturelle, économique et politique. Ne tenir compte que de l’une d’entre elles peut générer des maladaptations au sein des autres;

  • Mettre au point une grille de caractérisation des projets d’adaptation et d’évaluation ex ante de leur degré de pertinence doit favoriser la cohérence de la mise en œuvre de l’adaptation au changement climatique tant à l’échelle locale qu’à travers le monde.

6L’article commence par une revue analytique de la littérature sur l’évaluation des projets d’adaptation. Il pose ensuite quelques éléments de cadrage, à commencer par le contexte de réalisation de l’étude. Celle-ci s’étant focalisée sur les « communautés locales vulnérables », cela a nécessité une clarification d’ordre conceptuelle et la section propose donc également une définition renouvelée et opérationnelle de la vulnérabilité au changement climatique d’une population à l’échelle locale. Dans la section suivante, corps méthodologique et empirique de l’article, sont exposés les résultats de terrain sous forme de grille de caractérisation des projets et de procédure d’évaluation du degré de pertinence de ces derniers vis-à-vis de l’enjeu d’adaptation. La section « discussion » s’ouvre ensuite sur les intérêts et limites d’un tel outil de diagnostic, et sur quelques perspectives d’amélioration.

État de l’art et positionnement scientifique

Travaux antérieurs

  • 8 Voir une synthèse dans Adger et al., 2007.

7L’analyse des déterminants, formes et modalités de la mise en œuvre de l’adaptation a fait l’objet de divers travaux depuis près de deux décennies8. Dans le cadre du Troisième Rapport d’Évaluation du GIEC, le texte de synthèse coordonné par Smit et Pilifosova (2001) a constitué une base de travail majeure, à la fois théorique en mettant en avant diverses catégories d’adaptations (spontanée/planifiée, proactive/réactive, individuelle/collective, etc.), et opérationnelle en s’intéressant aux indicateurs de vulnérabilité et de capacité d’adaptation. Ce texte a servi de point d’appui à de nombreux autres (par exemple : Yohe et Tol, 2002; Haddad, 2005; Keskitalo et al., 2010; O'Brien et Wolf, 2010) et progressivement, c’est sur les déterminants de la vulnérabilité et de la capacité d’adaptation que se sont surtout concentrés les travaux scientifiques. Le mouvement a fait tache d’huile dans la sphère des organisations internationales – par exemple, le secrétariat de la CCNUCC proposait en 2005 un mémorandum des méthodes et outils pour évaluer la vulnérabilité et l’adaptation (UNFCCC, 2005) – et dans la littérature grise (voir par exemple Kuriakose et al., 2009 et Lamhauge et al., 2011). Enfin, le lien à la question du financement n’a pas été oublié (voir par exemple Klein, 2003 et Klein et Persson, 2008). Ces approches ont permis la confrontation de divers points de vue, disciplines et échelles de lecture variés (Berrang-Ford et al., 2011), dont on peut tirer deux enseignements.

  • 9 Il est nécessaire ici de préciser que ce constat, s’il est valable dans le domaine du changement cl (...)

8Le premier est que des indicateurs de vulnérabilité et/ou de capacité d’adaptation pourraient potentiellement être forts utiles à une distribution rationnelle des fonds pour l’adaptation – quels que soient les critères de rationalité retenus. Le second est que déterminer de tels indicateurs reste encore aujourd’hui un exercice très difficile, car au-delà de réflexions théoriques sur le caractère systémique des déterminants de la vulnérabilité/capacité d’adaptation, on dispose encore insuffisamment d’études de cas approfondies permettant d’identifier des critères concrets et mesurables sur le terrain9. Ainsi, ce sont les approches économiques qui dominent en pratique, certainement parce qu’elles sont les plus directement à même de produire des résultats chiffrés (Hinkel, 2009). Elles tendent cependant très majoritairement à reposer sur une corrélation positive entre PNB par habitant et vulnérabilité/capacité d’adaptation, ce qui est insuffisant pour décrire les multiples dimensions de la vulnérabilité et de la capacité d’adaptation (Magnan, 2009). Si ces approches répondent assez bien à la demande émanant de la sphère des négociations internationales, dans laquelle, on l’a vu, l’objectif est politique et consiste à transférer de l’argent depuis les plus riches vers les plus pauvres, elles restent en revanche limitées pour proposer des indicateurs adaptés à la diversité des réalités locales notamment. Par ailleurs, les travaux tendent à privilégier une échelle d’étude, soit nationale, soit locale, mais rarement à les croiser (Barr et al., 2010; Berrang-Ford et al., 2011). Et c’est l’analyse de situations nationales qui domine, ce qui peut s’expliquer encore une fois par le poids des approches économiques : celles-ci, par nature limitées pour appréhender les dimensions sociales, culturelles, politiques ou encore institutionnelles de la vulnérabilité et de l’adaptation, se bornent à utiliser des indicateurs et proxys qui reflètent plus ou moins directement le niveau de développement économique, se basant sur des données qui bien souvent ne sont disponibles, dans les pays en développement tout du moins, que sous forme de moyennes nationales. Il en résulte que l’analyse de la mise en œuvre de l’adaptation est à l’heure actuelle soit trop générale, soit trop particulière (échelle, contexte, etc.) pour en tirer des enseignements à la fois génériques et opérationnels.

Positionnement scientifique

L’entrée « par projets »

9Les tentatives d’évaluation de la mise en œuvre de l’adaptation et de son efficacité – et cela est aussi vrai pour les recherches sur les indicateurs de vulnérabilité et de capacité d’adaptation – mettent finalement en exergue deux grandes positions quant aux bases de distribution des fonds pour l’adaptation : est-il plus judicieux d’adopter une allocation par pays ou par projets? Dans le premier cas, l’argument est que l’argent de l’adaptation doit aller aux pays les plus pauvres – charge à eux ensuite de répartir judicieusement ces fonds entre les projets, plans et politiques développés sur leur territoire. Est ici fait référence à une dimension d’équité, car on finance à hauteur des besoins estimés en fonction de la richesse moyenne de la population d’un pays. Dans l’autre cas, l’objectif est davantage celui de l’optimisation des fonds : l’argent doit aller en priorité aux populations qui en ont le plus besoin et qui proposent les « meilleurs » projets.

  • 10 Par exemple le Global Environment Facility, l’Adaptation Fund Board, l’Organisation de coopération (...)

10Cette dialectique renvoie donc à deux idéologies : l’équité à tout prix, quitte à ce que les fonds ne soient pas efficacement utilisés du point de vue de l’adaptation; l’optimisation des fonds, quitte à ce que les plus pauvres des plus pauvres ne soient pas les premiers soutenus, car moins enclins que des moins pauvres à « monter des dossiers ». Si chacune présente avantages et inconvénients, nous avons ici opté pour un angle d’entrée par projet, lequel renvoie d’abord à la logique d’optimisation des fonds. C’est l’angle qu’ont adopté assez récemment diverses organisations internationales10 soucieuses de mesurer l’efficacité des projets soutenus, et donc l’utilité des sommes dépensées. Néanmoins, nous avons tenté dans le choix des critères de caractérisation des projets (cf. infra) de tenir compte d’une dimension « équité », tentative de croisement qui nous semble rester un enjeu de fond pour la recherche scientifique.

L’évaluation « ex ante »

  • 11 Global Environment Facility (www.thegef.org/gef). (...)
  • 12 Adaptation Fund Board (www.adaptation-fund.org). (...)
  • 13 OCDE (www.ocde.org). (...)
  • 14 GIZ, Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH (www.giz.de). (...)
  • 15 Institute for Global Environmental Strategies (http://www.iges.or.jp/en/indexemplehtml). (...)

11Les textes produits par le Fonds pour l’environnement mondial11 (Ebi et al., 2004), puis par le Fonds d’adaptation12 (AFB, 2010), l’Organisation de coopération et de développement économiques13 (Agrawala et al., 2010; Laumhauge et al., 2011) ou encore la Coopération technique allemande14 (McGray et Spearman, 2011) montrent que la mesure de la mise en œuvre de l’adaptation et des bénéfices à en tirer est devenue une question cruciale. Elle l’est également devenue dans les travaux scientifiques, en particulier à l’initiative d’une conférence internationale organisée en 2008 à Tokyo par l’IGES15, avec le soutien de la Banque mondiale, et intitulée : « Expert Consultation on Adaptation Metrics ». L’analyse des travaux issus de ces deux arènes montre clairement qu’elles partagent une même approche de l’évaluation des formes d’adaptation, à savoir une évaluation ex post (Uchida, 2008; Hinkel, 2008; Preston et al., 2009). Les méthodes développées se concentrent ainsi quasi-exclusivement sur l’analyse des effets a posteriori des projets d’adaptation, toutes échelles territoriales confondues : quels impacts a eu le projet sur la réduction de la vulnérabilité des populations-cibles? Et sur la base de quels indicateurs ces bénéfices peuvent-ils être appréhendés? Dans cet esprit, les indicateurs « de succès » concernent soit les résultats du projet, soit les processus de déroulement du projet, plus rarement une combinaison des deux (Stadelmann et al., 2011). De leur côté, les évaluations ex ante ayant pour vocation de déterminer non pas les bénéfices d’un projet donné, mais sa nature même (en amont du processus de financement) n’ont été que très marginalement développées. Or, nous défendons ici l’idée que si l’évaluation de l’efficacité des projets (ex post) est fondamentale pour « rendre compte » des sommes dépensées, établir des critères de choix préalables aux décisions de financement l’est tout autant. Les évaluations ex ante et ex post sont avant tout complémentaires, leur croisement s’avérant nécessaire pour assurer sur le long terme l’utilisation optimale des fonds d’adaptation.

12Le travail présenté ici se focalise donc sur l’évaluation ex ante de projets d’adaptation au changement climatique.

Éléments de cadrage

Le contexte partenarial et géographique de l’étude

  • 16 http://www.iom.int
  • 17 Juillet 2010 - Mai 2011.
  • 18 Localisée dans le sud-ouest de l’océan Indien, elle est composée de trois ensembles insulaires : Ma (...)
  • 19 Nous n’avons pas pu nous rendre directement sur Agaléga. Si des entretiens téléphoniques ont été me (...)
  • 20 5 villages à Maurice (Petit Sable, Tranquebar, Rivière des Galets, Mare Chicose, Cité Lumière) et 2 (...)

13La démarche est née d’une collaboration avec l’OIM16 dans le cadre du projet The Other Migrants. Preparing for Change (Gemenne et Magnan, 2010)17. Celui-ci ciblait les « communautés locales vulnérables » de la République de Maurice18, celles-là mêmes qui sont a priori jugées les plus susceptibles d’être concernées par des mouvements migratoires liés aux conséquences du changement climatique. Le projet comportait deux phases : dresser un état des lieux des migrations environnementales et, celle dont est issu cet article, identifier des projets d’adaptation au changement climatique. La phase I a fait la synthèse des impacts attendus du changement climatique, essentiellement pour les îles Maurice et Rodrigues19. Elle a particulièrement mis l’accent sur les enjeux des zones littorales, sur lesquelles se sont donc concentrées nos recherches. Un travail spécifique a ensuite été conduit sur les attitudes des populations face aux changements environnementaux (cas d’étude20, questionnaires d’enquête, ateliers de groupe) et sur le cadre politique et institutionnel couvrant les phénomènes migratoires. La philosophie de la phase II a consisté, elle, à se placer en amont des migrations éventuelles, principalement en fournissant aux communautés cibles des pistes pour réduire les pressions sur l’environnement et, à terme, éviter d’avoir à se déplacer du fait de changements environnementaux.

14Face à la diversité et à la complexité des situations locales mises en exergue dans la phase I, il nous a semblé qu’un préalable à l’identification d’une série de projets concrets (phase II) devait consister en une clarification de ce que doit être, dans le contexte mauricien, un projet d’adaptation au changement climatique destiné aux communautés locales vulnérables. La démarche scientifique a alors consisté en trois étapes : élaborer une grille de caractérisation d’un projet local d’adaptation (à quels critères un projet doit-il satisfaire pour contribuer à l’adaptation?), puis la traduire en un outil d’évaluation de la pertinence d’un projet dit d’adaptation (en quoi tel projet répond-il réellement aux enjeux locaux de l’adaptation?), et enfin tester concrètement cet outil en termes d’aide à la hiérarchisation au sein d’une liste de projets (parmi toutes les options possibles, lesquelles sont les plus pertinentes, et donc lesquelles promouvoir en priorité?). En préalable à tout cela, il a toutefois fallu répondre à une question de base : qu’est-ce exactement qu’une population « vulnérable »?

Une (re)définition de ce qu’est une population « vulnérable au changement climatique »

15Les termes de référence de The Other Migrants précisaient que l’analyse devait se concentrer sur les groupes de population locale « les plus vulnérables », sous-entendu aux aléas naturels actuels et au changement climatique. Or, il est loin d’être évident sur le terrain de repérer « en un coup d’œil » qui est plus vulnérable que son voisin. Cette difficulté d’ordre pratique nous a donc demandé de reprendre certaines bases conceptuelles relatives à la vulnérabilité, fondations qui ont ensuite servi à l’élaboration de la grille de caractérisation.

Un manque de définition opérationnelle

16Dans la littérature sur la vulnérabilité au changement climatique, une corrélation est généralement établie entre le niveau de vulnérabilité au changement climatique et le niveau de développement économique (voir par exemple Abeygunawardena, 2003 et Goklany, 2007). S’il s’agit là d’un proxy pratique et justifiable dans le cadre des négociations internationales (Vincent, 2007), il est relativement inopérant à des échelles infranationales à locales (Magnan, 2009; Hinkel, 2011). En effet, de multiples autres dimensions que le seul niveau de richesse, d’ordres social, culturel, organisationnel et politique, entrent en ligne de compte pour expliquer les variations spatiales de la vulnérabilité entre des communautés présentant pourtant des niveaux de développement équivalents (Heijmans, 2003; Hilhorst, 2003; Adger et al., 2009).

  • 21 Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), 2007. Climate Change 2007. Synthesis Report. IPCC (...)
  • 22 Les introductions et conclusions des articles scientifiques sur le sujet rappellent systématiquemen (...)

17L’affirmation d’une causalité directe et systématique entre richesse ou pauvreté et vulnérabilité au changement climatique commence à être battue en brèche dans la littérature scientifique (Adger et al., 2007; Keskitalo et al., 2010). Mais encore peu de travaux empiriques explorent plus avant la question des déterminants et des mécanismes de la vulnérabilité au changement climatique. Cela permettrait pourtant de proposer une définition enrichie et d’ainsi faciliter l’identification « in situ » des groupes qui sont réellement les plus vulnérables. On en reste en réalité le plus souvent à la définition du GIEC, désormais classique : la vulnérabilité est « le degré auquel un système risque de subir ou d’être affecté négativement par les effets néfastes des changements climatiques, y compris la variabilité climatique et les phénomènes extrêmes. La vulnérabilité dépend du caractère, de l’ampleur et du rythme des changements climatiques auxquels un système est exposé, ainsi que de sa sensibilité et de sa capacité d’adaptation »21. Il en résulte qu’en dépit d’une approche théorique holistique des facteurs de vulnérabilité22, le proxy « pauvreté = vulnérabilité » reste ancré dans les approches. Il est donc naturellement remobilisé dans les politiques, les plans et les projets d’adaptation pour justifier du choix des populations cibles, dites dès lors « les plus vulnérables ». On retombe dans l’impasse précédente, qui bloque l’identification d’attributs contextuels de projets locaux censés réduire la vulnérabilité (actuelle et future) de la population concernée (Hinkel, 2011).

Un pas en avant en terme de définition

  • 23 En s’attachant bien entendu au contexte du projet, à savoir un pays en développement.

18L’approche très appliquée développée dans The Other Migrants nous a amenés à élaborer une définition opérationnelle de ce qu’est, dans le contexte mauricien, une « population locale vulnérable au changement climatique »23. Cette définition repose sur cinq caractéristiques :

    • 24 Par exemple : Rivière des Galets (Sud de Maurice), Petit Sable (Est de Maurice) et Plaine Corail (S (...)

    La population considérée est localisée dans un espace déjà fortement exposé à des aléas naturels et/ou susceptible de l’être à l’avenir (impacts du changement climatique). Sur les littoraux mauriciens, c’est la situation de côtes déjà soumises à l’érosion des plages, à la salinisation des sols (où la canne à sucre est cultivée) et à des épisodes de pluies intenses (au débouché des rivières)24 ;

  1. Elle se caractérise par un manque de liens de solidarité entre la majorité de ses membres. La dimension collective est en effet fondamentale tant pour répondre aux conséquences d’un événement extrême (partager la nourriture, l’eau, les abris…) que pour porter les efforts induits en amont par une politique de prévention et d’anticipation des risques naturels (en quelque sorte, les sacrifices consentis aujourd’hui pour des bénéfices ultérieurs). C’est donc une dimension qui revêt une importance capitale dans le processus d’adaptation sur le long terme;

    • 25 C’est le cas du village de Petit Sable.

    Elle est quasi exclusivement dépendante des ressources naturelles locales pour sa subsistance et/ou pour la création de revenus économiques. Si ne pas perdre le lien avec les dynamiques environnementales locales est fondamental pour s’adapter, une trop forte dépendance aux ressources naturelles peut conduire à exposer d’autant plus le groupe à une perturbation environnementale. Or, le changement climatique va principalement consister en cela au travers d’aléas soudains et graduels. Une communauté n’ayant par exemple développé que des activités agricoles de bord de mer sera, au terme de quelques décennies, lourdement fragilisée par la salinisation progressive des sols côtiers et des nappes phréatiques engendrée par des submersions plus fréquentes et une élévation du niveau de la mer25. À l’inverse, si elle diversifie ses activités et utilise divers éléments du capital environnemental de son territoire (pêche et aquaculture, valorisation des terres intérieures), elle réduira a priori ses points de fragilité;

  2. Elle est en proie à un sentiment de marginalité, qu’il s’agisse d’un isolement effectif ou vécu comme tel. Cette marginalisation peut être géographique, sociale et/ou politique et institutionnelle. Elle ampute plus ou moins directement de moyens exogènes pour faire face à une perturbation (secours, aide alimentaire, soutien psychologique…) et pour engager des démarches anticipatives (manque de moyens pour diversifier l’économie, pour améliorer l’accès aux transports et aux principaux marchés locaux…);

  3. Elle fait état de conditions de vie précaires, par exemple lorsque l’emploi et les revenus manquent, que des épidémies récurrentes touchent des individus en modeste état sanitaire et ne bénéficiant que partiellement du système de santé national, qu’il y a un faible niveau d’accès aux moyens d’information, ou que de fortes densités de population se croisent avec des habitats précaires.

19Sur ces bases, la vulnérabilité d’une population au changement climatique va résulter de la combinaison de ces 5 variables, et sans prépondérance a priori de l’une par rapport aux autres. Une population peut être pauvre et utiliser de manière rationnelle la diversité des ressources de son territoire, auquel cas elle ne sera pas fatalement vulnérable à des perturbations actuelles et au changement climatique. Cette définition très appliquée de la vulnérabilité, en faisant appel au panel des spécificités du territoire d’étude, pose les bases d’une approche plus descriptive visant à renseigner en quoi un projet particulier peut réduire ou non la vulnérabilité de la population en question. Un projet ne pourra en effet servir l’adaptation que s’il répond au moins en grande partie à la combinaison des 5 variables précédentes.

Des résultats méthodologiques encourageants pour évaluer la pertinence d’un projet local d’adaptation

20Il s’agit désormais de présenter les principaux résultats méthodologiques de la phase II de The Other Migrants, à savoir d’une part, la grille de caractérisation d’un projet local d’adaptation et, d’autre part, son utilisation en tant qu’outil d’évaluation ex ante de la pertinence d’un projet d’adaptation et une application-test.

Une grille de caractérisation

  • 26 Concernant l’intérêt de cette approche, voir aussi de França Doria et al., 2009 et Barnett and O’Ne (...)

21Les variables définissant une population locale vulnérable renvoient à diverses grandes dimensions d’un projet d’adaptation : environnementale, socioculturelle, économique et politico-institutionnelle. Celles-ci ne sont pas sans rappeler les piliers du développement soutenable, et pour cause : nous soutenons ici que l’adaptation peut être un vecteur de soutenabilité. À la condition cependant que la mise en œuvre de projets d’adaptation ne génère pas, par manque de prise de recul sur les conséquences du projet lui-même et sur le fonctionnement à long terme du territoire, d'« effets boomerang ». On parle de « maladaptation » et comme nous le rappelions dans l’introduction, c’est cette entrée qui a présidé à l’identification de critères de caractérisation des projets d’adaptation, suivant le principe que s’engager sur la voie de l’adaptation peut déjà consister à « éviter les maladaptations »26, c’est-à-dire à « commencer par bien faire ce que l’on fait mal ». L’objectif est donc de promouvoir des actions qui vont permettre dans un premier temps de réduire les pressions sur l’environnement, puis de conserver des marges de manœuvre pour le futur.

  • 27 Ces éléments sont la plupart du temps « modernes » et formalisés, mais ils peuvent parfois être tra (...)

22Dans cet esprit, le but ultime de critères de caractérisation est de permettre de distinguer les projets d’adaptation au changement climatique de projets plus généraux de gestion de l’environnement ou de développement. Les critères qui ne font pas directement référence à la lutte contre les impacts du changement climatique doivent donc être considérés comme plus secondaires dans la grille, même s’il est important qu’ils n’en soient pas exclus. C’est le cas des normes réglementaires et administratives27 auxquelles tout projet doit fatalement répondre : il est évident, pour adopter ici un ton très caricatural, qu’un projet de plantation de cannabis, produit prohibé à Maurice, ne pourrait bénéficier de fonds pour l’adaptation même s’il répondait a priori à des critères environnementaux et économiques. Ainsi, pour ne pas alourdir la grille, seuls les signes véritablement distinctifs d’un projet d’adaptation ont été retenus (on parlera de « critères significatifs »).

  • 28 Ils sont résumés dans le tableau 1 (cf. infra).

23Sur un total de 11 critères28, 5 relèvent d’une dimension environnementale, 3 d’une dimension socioculturelle et 3 sont d’ordre économique. La dimension environnementale est la plus développée, car elle est cruciale lorsqu’on évoque la question du changement climatique, qui va avant tout avoir des effets sur les conditions météo-marines et sur les ressources environnementales (Mimura et al., 2007). Mais ces impacts « directs » vont avoir pour conséquence de modifier la donne territoriale et d’imposer des restructurations économiques, sociales, et peut-être même culturelles. Une dégradation des conditions environnementales va avoir un impact sur la stabilité sociale et économique, par exemple, de même que des aspirations économiques et/ou des conflits sociaux pourront avoir tendance à accroître les pressions sur l’environnement. Dans les deux cas, la vulnérabilité de la population va s’accroître. Cela rend nécessaire la prise en compte de l’existence de combinaisons d’influence entre les dimensions environnementale, économique et socioculturelle, et donc d’intégrer pleinement ces deux dernières à l’analyse de la pertinence d’un projet d’adaptation. Ces 11 critères sont détaillés ci-dessous afin de montrer en quoi ils peuvent aider à « éviter les maladaptations ».

Éviter la maladaptation environnementale

  • 29 Fourniture en eau douce, conservation des sols et de leur productivité, reproduction des espèces ma (...)
  • 30 Deux formes importantes nous concernent ici : les zones tampons face aux houles (récifs coralliens, (...)
  • 31 En particulier la submersion des côtes basses, l’érosion des littoraux sableux, et la salinisation (...)

24L’environnement est l’une des composantes majeures du « système de ressources » d’une population (Duvat et Magnan, 2010 et 2012), de manière plus ou moins directe et au travers des services écosystémiques qu’il assure29, au premier rang desquels ses fonctions protectrices face aux perturbations naturelles30. Il recèle donc une part importante des marges de manœuvre de la communauté devant des perturbations naturelles ou anthropiques qui vont déstabiliser ses activités économiques et de subsistance. Dès lors, un objectif-clé est d’éviter toute « maladaptation environnementale », c’est-à-dire d’éviter de porter (davantage) préjudice à l’environnement à l’échelle du lieu de vie et de ses environs. En d’autres termes, le projet ne peut être d’adaptation s’il répercute les pressions environnementales locales ailleurs (« effet de fuite »). Il doit donc nécessairement d’une part être en cohérence avec la nature et les dynamiques des écosystèmes en place et, d’autre part, tenir compte des menaces potentielles du changement climatique sur les conditions environnementales (impacts directs et indirects sur les ressources). Si de nombreuses incertitudes pèsent encore sur la nature, l’occurrence et l’intensité des impacts physiques du changement climatique à l’échelle locale, celles-ci ne peuvent constituer un alibi pour ne pas tenir compte du fait que des changements environnementaux vont advenir dans le futur. Et ce d’autant que le changement climatique va beaucoup consister en une accentuation des aléas qui pèsent d’ores et déjà sur les territoires31, et dont on peut avoir une certaine expérience.

25Sur ces bases, cinq critères de caractérisation ont été retenus :

  • Non-dégradation de l’environnement direct, c’est-à-dire sur le lieu de vie de la population. Tout projet ayant pour effet induit une surexploitation des ressources, une dégradation mécanique des habitats (piétinement de récifs coralliens, arrachage des mangroves…) ou encore une pollution des écosystèmes ne peut répondre à ce critère;

  • Non-dégradation des environnements voisins. La mise en œuvre d’un projet sur le lieu de vie ne peut entrainer ailleurs des pressions sur l’environnement. Le but d’un projet d’adaptation n’est pas de déplacer les pressions, mais de les réduire. Ce cas de figure idéal tend malheureusement à être très peu courant dans la réalité, du moins n’est-il plus la norme. Les territoires et leurs ressources sont objets de convoitises et d’exploitation, et relâcher la pression sur l’un passe souvent par la reporter ailleurs. Dès lors, puisque réduire le niveau brut de pression sur l’environnement dans son ensemble est souvent difficile, les reports de pression sur les environnements voisins ne doivent pas avoir lieu sans système de compensation « juste et appropriée ».

  • Soutien – ou du moins maintien – de la fonction protectrice des écosystèmes face aux aléas naturels actuels et à venir. Par exemple, l’arasement de dunes côtières (pour la construction de structures hôtelières ou d’habitat, ou pour la mise en œuvre de nouvelles zones agricoles) exacerbe l’ampleur et les conséquences des submersions marines dues aux tempêtes puisque la mer peut occuper des zones nouvelles (à l’emplacement de l’ancienne dune et à l’arrière). Au contraire, replanter des végétaux adaptés aux sols sableux, aux conditions climatiques et à la présence d’embruns marins, va permettre de stabiliser les dunes existantes, et ainsi de réduire l’exposition de l’intérieur du territoire aux houles (court terme) et à la montée du niveau de la mer (long terme);

  • Prise en compte des incertitudes sur les impacts du changement climatique et sur la réaction des écosystèmes, de façon à conserver des marges de manœuvre pour ajuster les activités au fil des changements environnementaux et des nouvelles connaissances scientifiques. La communauté scientifique parle souvent d’actions « sans regret », c’est-à-dire qui sont pertinentes même sans changement climatique (Scheraga et Grambsch, 1998; Hallegatte, 2009). Un exemple classique est l’implantation de nouvelles zones agricoles en retrait du trait de côte, ou encore une meilleure utilisation des eaux de pluie plutôt qu’une accentuation des pompages dans les nappes souterraines littorales;

  • Vocation première à l’adaptation au changement climatique plus qu’à la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le but principal du projet doit être de favoriser la résilience et réduire la vulnérabilité des populations aux aléas naturels (soudains comme graduels). La confusion atténuation/adaptation demeure très courante sur le terrain, si bien que des options comme l’installation de panneaux solaires, l’utilisation de fertilisants organiques ou le recyclage de pneus sont souvent identifiées par les acteurs comme étant des stratégies d’adaptation, alors qu’elles ne participent – de façon générale, et sauf exception – ni à la résilience, ni à la réduction de la vulnérabilité aux aléas naturels. Ce critère n’exclut cependant pas qu’un projet pertinent du point de vue de l’adaptation puisse contribuer en même temps à la réduction des émissions de GES, par exemple lorsqu’une diversification des productions agricoles s’accompagne de l’usage d'énergies renouvelables. Mais dans ce cas, l’objectif agricole doit être prioritaire par rapport à l’objectif énergétique. Il est ainsi fondamental que les porteurs de projets comme les bailleurs de fonds nationaux et internationaux soient conscients de l’importance de développer/financer des projets cohérents par rapport au cadre de financement, de sorte tout simplement à optimiser l’utilisation des fonds fléchés « adaptation ».

Éviter la maladaptation socioculturelle

26Les caractéristiques de la population en tant que telle sont l’autre composante majeure du « système de ressources ». Le projet doit donc être en cohérence avec les caractéristiques sociales et les valeurs culturelles de la population, de même qu’il doit reposer sur les capacités et les savoirs locaux dans le champ de l’environnement et des risques naturels. Ici aussi, il s’agit en premier lieu d’éviter de porter préjudice aux équilibres socioculturels locaux, qu’ils soient déjà fragilisés ou pas, et donc de limiter les effets de « maladaptation socioculturelle ». Un enjeu sous-jacent fort est de se fonder sur les acquis de la population afin de ne pas démobiliser ses membres, ce qui a nécessairement pour effet de nuire à un processus de long terme d’appropriation des principes fondateurs du projet.

27Ici, trois critères ont été retenus :

  • Cohérence vis-à-vis des caractéristiques sociales et des valeurs culturelles locales. Le projet doit tenir compte des attentes de la communauté en termes de conditions de vie matérielles et immatérielles, ainsi qu'actuelles et futures. Au moins doit-il ne pas être en contradiction avec elles (logiques alimentaires ou croyances religieuses, par exemple). De nombreux travaux sur l’aide au développement dans le cadre de la coopération internationale Nord-Sud ont en effet largement montré qu’un projet s’affranchissant de la structure sociale, des traditions culturelles, et/ou des contraintes et opportunités liées aux conditions de vie aura de fortes probabilités de rater son objectif, voire d’être néfaste (Olivier de Sardan, 1995);

  • Prise en compte et valorisation des compétences et savoirs locaux, afin de soutenir l’implication des membres de la population dans et/ou autour du projet, aux yeux desquels le projet doit apparaître comme étant faisable, réaliste. Par ailleurs, ces compétences et savoirs sont souvent négligés, car plus traditionnels/artisanaux que modernes/normalisés, alors même qu’ils peuvent constituer une véritable richesse (par exemple lorsqu’ils tiennent compte des fragilités environnementales). Il y a là un enjeu majeur d’implication des membres de la communauté dans un projet collectif et de plus ou moins long terme;

  • Appel à de nouvelles compétences appropriables par la population. On est ici dans le champ des « capacity building » des Anglo-saxons : en effet, si le critère précédent est important, il n’impose en rien de limiter la population aux seules compétences et savoirs qu’elle a déjà. D’abord, parce que toutes les pratiques traditionnelles ne sont pas forcément favorables au maintien de ressources environnementales riches et en quantité. Ensuite, parce que de nouveaux besoins peuvent se faire jour. Ainsi, l’acquisition de nouveaux savoirs et savoir-faire peut aussi être un élément d’adaptation à un contexte changeant.

Éviter la maladaptation économique

28C’est généralement la dimension la mieux appréhendée par les travaux d’analyse des projets d’adaptation (voir par exemple Yohe et Tol, 2002 et Hinkel, 2009). Nous avons souhaité qu’elle reste ici très schématique, le but étant simplement de percevoir au travers d’elle le cadre économique dans lequel un projet peut se développer et être viable. Bien entendu, l’idée principale se concentre autour d’éviter la « maladaptation économique » parce qu’elle génère d’une part de la pauvreté, d’autre part des irréversibilités à externalités négatives, notamment en termes d’investissements (ceux mobilisés à un moment ne peuvent plus servir pour plus tard). De fait, l’usage optimal des moyens alloués à l’adaptation est d’autant plus crucial qu’ils sont modestes, ce qui peut être le cas à l’échelle des territoires locaux qui, pour beaucoup, n’ont pas facilement accès aux fonds nationaux et internationaux.

29Les trois critères retenus renvoient ainsi à la fois à des questions de viabilité et de diversification :

    • 32 Un tel objectif, pour faire écho aux critères (2.2) et (2.3), peut parfois bénéficier d’une aide ex (...)

    Support à la création de revenus ou au maintien des revenus existants. Un principe de base veut en effet que le projet permette à la communauté d’accroître ses richesses (revenus liés à des activités économiques et biens tirés d’activités de subsistance), ou au moins qu’il n’affaiblisse pas les sources actuelles de création de richesses32 ;

  • Soutien à une relative diversification des activités (économiques et/ou de subsistance) et des sources de revenus. En évitant que toutes les activités soient menacées par les mêmes aléas, la diversification va permettre à la communauté d’acquérir ou de maintenir certaines marges de manœuvre face aux perturbations environnementales qui, avec le changement climatique, vont affecter les ressources naturelles et les supports de création de biens et de richesse. Compte tenu également des incertitudes sur les effets locaux du changement climatique, et qui impose de considérer une large gamme de menaces, on peut estimer que prendre appui sur plusieurs piliers de production est une bonne stratégie. Maintenir une activité de jardinage dans les espaces intérieurs, par exemple, pourra se révéler d’une grande importance lors d’épisodes de submersion marine, en permettant à la fois une certaine autosuffisance (consommation par la famille) et la création de revenus de substitution (revente sur les marchés locaux);

  • Prise en compte de l’évolution potentielle des activités économiques et de subsistance sous l’effet du changement climatique. Il est ici question d’éviter de développer des activités qui demandent des investissements (en argent, en temps et en énergie) proportionnellement lourds alors qu’ils vont rapidement devenir obsolètes du fait du changement climatique. Certaines productions agricoles, par exemple, vont être très sensibles au taux de salinité des sols, de même que vont l’être des marais salants face à l’élévation du niveau de la mer.

  • 33 Celles d’Agaléga n’ont pas été prises en compte, car en raison de leur isolement géographique, nous (...)

30Ces 11 critères significatifs forment la grille de caractérisation présentée sous forme synthétique dans le tableau 1. L’approche terrain a ensuite consisté à mettre à l’épreuve de cette grille une série de projets à dominante environnementale et a priori pertinents pour l’adaptation des populations locales vulnérables des îles Maurice et Rodrigues33.

Tableau 1. Les critères significatifs de caractérisation des projets locaux d’adaptation
Table 1. The significant criteria of local adaptation projects

(1) Éviter les « maladaptations environnementales »

Le projet doit être en cohérence avec la nature et les dynamiques des écosystèmes en place et doit tenir compte des menaces potentielles du changement climatique sur les conditions environnementales (impacts directs et indirects sur les ressources). Le but est d’éviter « les maladaptations environnementales »

(1.1) Non-dégradation de l’environnement direct (lieu de vie de la communauté)

(1.2) Non-dégradation des environnements voisins (localisés à relative proximité du lieu de vie), du moins sans compensation juste et appropriée

(1.3) Soutien à ou maintien de la fonction naturelle protectrice des écosystèmes face aux perturbations naturelles actuelles et futures

(1.4) Prise en compte des incertitudes sur les impacts du changement climatique et sur la réaction des écosystèmes

(1.5) Vocation première à l’adaptation aux changements environnementaux plus qu’à la réduction des émissions de gaz à effet de serre

(2) Éviter les « maladaptations socioculturelles »

Le projet doit être en cohérence avec les caractéristiques sociales et valeurs culturelles de la communauté et doit reposer sur les capacités et les savoirs locaux dans le champ de l’environnement et des risques naturels. Le but est d’éviter « les maladaptations socioculturelles »

(2.1) Cohérence vis-à-vis des caractéristiques sociales et des valeurs culturelles locales

(2.2) Prise en compte et valorisation des compétences et savoirs locaux

(2.3) Appel à de nouvelles compétences appropriables par la population

(3) Éviter les « maladaptations économiques »

Le projet doit être économiquement viable et soutenir la diversification des activités (économiques et de subsistance). Le but est d’éviter « les maladaptations économiques ».

(3.1) Support à la création de revenu ou au maintien des revenus existants

(3.2) Soutien à une relative diversification des activités (économiques et/ou de subsistance) et des sources de revenus

(3.3) Prise en compte de l’évolution potentielle des activités économiques et de subsistance sous l’effet du changement climatique

Un outil d’évaluation ex ante des projets

31Nous avons procédé en trois étapes : identifier des projets, élaborer des indices de pertinence, lancer une application-test.

Identifier des projets à évaluer

  • 34 Par exemple dans certaines communes littorales de l’Hérault (France méditerranéenne, cadre du proje (...)

32Une liste de projets a été mise au point sur la base des propositions formulées par les acteurs nationaux et locaux ainsi par des experts nationaux et régionaux sur ce que pouvait/devait être, de leur point de vue, un projet local d’adaptation au changement climatique dans le contexte mauricien. Les entretiens ont montré combien des actions concrètes d’adaptation sont difficiles à imaginer pour des non-spécialistes du domaine. Cela s’est notamment traduit par une extrême confusion entre mesures d’adaptation et mesures d’atténuation. Si dans les arènes scientifiques la distinction atténuation/adaptation est désormais plus qu’évidente, elle ne l’est pas en dehors, ce que nous avons également pu constater dans d’autres contextes34. Un tel constat justifie encore davantage l’élaboration d’une grille de caractérisation des projets d’adaptation. D’autres options ont cependant aussi été avancées par nos interlocuteurs, telles que la replantation de mangrove ou la formation d’écoguides.

33Nous avons ensuite complété ce panel par notre propre expérience du domaine ainsi que par une revue d’autres cas dans le monde qui présentaient des configurations relativement proches de celle de Maurice et de Rodrigues (par exemple à la Réunion, en Indonésie, en Thaïlande et aux Fiji).

34Au total, une quinzaine de projets a été identifiée, que nous avons ensuite classée en trois grandes catégories (tableau 2). La catégorie A regroupe les projets traitant directement de perturbations liées au changement climatique, qu’il s’agisse d’événements extrêmes ou de changements environnementaux plus graduels (replantation de corail, ambassadeurs locaux de l’environnement et du climat…). La catégorie B cible des projets qui abordent la menace climatique sous un angle plus indirect, ici des projets qui contribuent à l’amélioration des conditions de vie ou à une diversification des activités. Il pourrait aussi s’agir de projets contribuant à réduire de manière générale les pressions sur l’environnement et participant ainsi à la préservation de la capacité de réponse des écosystèmes. Enfin, la catégorie C caractérise les projets ayant pour vocation première l’atténuation des émissions de GES.

Tableau 2. Les projets retenus par le panel acteurs/populations/experts
Table 2. The projects the stakeholders, populations and experts estimated as being “adaptation” projects

  • 35 À Maurice, pour mieux résister aux cyclones, tous les toits des bâtiments sont plats. Cela offre un (...)
  • 36 Cela permet de réduire les pressions sur les sols en évitant l’utilisation de produits chimiques. M (...)

Catégorie A

Projets traitant directement de perturbations liées au changement climatique

1. Replantation ou restauration des coraux

2. Rangers dans un parc marin

3. Ambassadeurs locaux du changement climatique ou association de sensibilisation de la population

4. Production de sel naturel

5. Replantation ou restauration des mangroves

6. Écoguides

7. Changement de cultures dans l’agriculture

Catégorie B

Projets qui n’abordent la menace climatique que sous un angle très indirect

8. Construction et restauration de maisons traditionnelles ou en matériaux locaux

9. Aquaculture : d’algues marines ou ramassage de concombres de mer

10. Patchwork

11. Artisanat local

12. Jardinage sur les toits35

13. Fabrication de compost36

Catégorie C

Projets ayant pour vocation première l’atténuation des émissions de GES

14. Installation de panneaux solaires

15. Production de fertilisants organiques

16. Recyclage du plastique ou des pneus

35Ces éléments ont ensuite été placés en ligne dans un tableau (cf. tableau 4) destiné à devenir l’outil d’évaluation des projets.

Élaborer des indices de pertinence

36Les éléments de quantification de la pertinence du projet en tant que projet d’adaptation (on parle ici « d’indices de pertinence ») reprennent les critères de la grille de caractérisation (cf. tableau 1) : pour chaque critère, quatre niveaux de pertinence ont été identifiés (tableau 3) de façon à évaluer d’un point de vue quantitatif l’intérêt d’un projet donné par rapport à ce critère de caractérisation. Enfin, compte tenu du rôle important de la dimension environnementale des projets par rapport à leurs dimensions socioculturelle et économique (cf. supra), nous avons pondéré les critères d’évitement des maladaptations environnementales par un facteur 2 et ceux d’évitement des maladaptations socioculturelles et économiques par un facteur 1.

Tableau 3. Description des niveaux
Table 3. Levels description

Le projet est-il pertinent par rapport à l’objectif d’adaptation au changement climatique?

Valeur attribuée aux critères environnementaux

Valeur attribuée aux critères socioculturels et économiques

Totalement

2

1

Partiellement, selon comment il est élaboré, mis en œuvre et géré

1

0,5

Non, le projet est sans rapport avec le critère

0

0

Effet contreproductif : le projet va à l’encontre du critère

- 2

- 1

37Sur cette base, et en nous appuyant d’une part sur les entretiens/enquêtes auprès des acteurs et populations, et d’autre part sur notre propre expertise de la mise en œuvre de l’adaptation sur les littoraux, il s’est agi d’évaluer ex ante en quoi un projet donné répondait à chacun des critères de caractérisation. À terme, chaque projet est qualifié par une série de chiffres, dont la somme en ligne aboutit à lui attribuer un niveau de pertinence par rapport à l’enjeu d’adaptation de la population locale. Nous parlons alors de son « indice de pertinence ». Si cet indice représente davantage un ordre de grandeur qu’un chiffre précis, l’exercice d’évaluation permet de passer d’une image qualitative du projet (les critères de caractérisation) à une image quantitative (l’indice de pertinence). Cela va ultérieurement faciliter sa comparaison avec d’autres projets. Par construction en effet, plus l’indice de pertinence d’un projet est élevé, plus celui-ci est un projet d’adaptation, et inversement.

Lancer une application test

  • 37 Étaient présents des représentants des institutions nationales et internationales (Ministère de l’e (...)

38La dernière étape a consisté en une application concrète pour d’une part tester la validité des choix méthodologiques et d’autre part, permettre aux acteurs et populations impliqués dans The Other Migrants de mesurer l’intérêt d’un tel outil. Le tableau 4 présente les résultats de cette phase test, lesquels ont été restitués en mai 2011 au comité de suivi du projet37.

Tableau 4. L’outil appliqué à 16 projets environnementaux
Table 4. The assessment tool, here applied to 16 environmental projects

Tableau 4. L’outil appliqué à 16 projets environnementauxTable 4. The assessment tool, here applied to 16 environmental projects

39Sans entrer dans une analyse détaillée des résultats du tableau 4, quatre éléments intéressants sont à noter :

  • Des différences entre les projets : l’outil d’évaluation permet de montrer clairement que tous les projets émergeant d’une discussion multipartite ne présentent pas le même niveau de pertinence par rapport à l’enjeu d’adaptation de la population. D’abord, des questions d’adéquation aux objectifs d’adaptation se posent, d’où la différence par exemple entre les projets « rangers de parc marin » et « production de sel naturel ». Ensuite, une question de faisabilité intervient : la replantation de coraux, par exemple, agit sur le fond comme un puissant vecteur d’adaptation, mais elle suppose un important accompagnement scientifique et technique (expériences préalables en laboratoire, choix des bonnes espèces et des bons sites d’implantation). Ce ne peut être un projet autogéré par la population locale, ce qui est en revanche le cas pour la replantation de mangrove qui est beaucoup plus simple et à la portée de tous (prélèvement des gousses sur les palétuviers proches et replantation manuelle, simplement en enfonçant les gousses dans le sable);

  • Des types de projets complémentaires : des projets qui contribuent indirectement à l’objectif d’adaptation (catégorie B) peuvent se révéler aussi pertinents que ceux y contribuant plus directement (catégorie A). Les projets d’adaptation « indirecte » ne doivent donc pas être négligés dans le panel des options à financer, notamment parce qu’ils renvoient souvent à une dimension de plus long terme, essentielle du point de vue de l’inscription de la population locale dans une démarche d’adaptation au changement climatique de longue haleine. Par ailleurs, il n’est peut-être pas utile de chercher à comparer les projets des catégories A et B, mais davantage d’intégrer les projets les plus pertinents de ces deux catégories dans un même portefeuille de projets;

  • Un cadre d’éligibilité : en l’état actuel, la grille propose comme indice maximal de pertinence la valeur de 16. Il serait également intéressant d’établir un seuil minimal d’éligibilité des projets. En deçà, ces derniers ne peuvent pas être financés au titre de l’adaptation. Cela ne veut pas pour autant dire qu’ils ne sont d’aucune utilité pour répondre à d’autres enjeux, car l’adaptation au changement climatique n’est pas le seul qui concerne une population donnée, mais plutôt qu’ils doivent être soutenus via d’autres canaux de financement que ceux dédiés à l’adaptation. La valeur précise de l’indice correspondant à ce seuil minimal d’éligibilité ne peut pas être établie a priori et de manière fixe, car elle va en réalité refléter les conditions réunies autour d’un exercice précis d’évaluation des projets et qui dépendent des moyens et des objectifs des bailleurs de fonds, et du nombre de projets mis en concurrence;

  • Une différence entre adaptation et atténuation : dans le même esprit, on remarque que les projets ayant pour but premier l’atténuation des émissions de GES (catégorie C) ne dépassent pas l’indice 3, que l’on pourrait alors considérer comme un seuil distinctif entre projets d’adaptation (directe et indirecte) et d’atténuation. Ces projets ne sont évidemment pas finançables au titre de l’adaptation.

Discussion

40Cette section fait un bilan des apports et limites de l’outil présenté dans cet article.

Un outil utile pour la mise en œuvre effective de l’adaptation

41Bien qu’encore largement imparfaite en l’état, l’expérience développée dans The Other Migrants a démontré certains signes encourageants. Ces apports sont de trois ordres.

Faciliter la communication autour de ce qu’est concrètement l’adaptation

  • 38 Mais aussi, par exemple, auprès de journalistes auxquels nous avons présenté ce travail.

42La mise en évidence (cf. tableau 4) d’un écart entre les indices de pertinence des projets d’adaptation (catégorie A et B) et d’atténuation (catégorie C) a permis, lors de l’atelier de validation finale de mai 2011 de The Other Migrants38, d’expliquer aux acteurs, à l’aide d’un support visuel, la différence entre mesures d’atténuation et mesures d’adaptation, alors même que, nous le rappelions, une certaine confusion régnait jusque-là. Bien entendu, ce projet n’a pas à lui seul permis de gommer définitivement toute trace d’amalgame, mais il a clairement contribué à lever quelques barrières cognitives.

43Au-delà, l’approche par critères et indices constitue un outil pour communiquer autour des enjeux et des formes de la mise en œuvre de l’adaptation. C’est également un outil de diagnostic utile pour identifier les projets à soutenir en priorité.

Hiérarchiser les projets

44En permettant une caractérisation relativement fine des projets et leur comparaison sur une échelle de pertinence, l’outil soutient les démarches de hiérarchisation et de priorisation chères aux autorités publiques et aux bailleurs de fonds nationaux et internationaux. Il permet en effet d’opérer un premier tri au sein d’un panel de propositions, sur des bases scientifiques et avec pour objectif clair de sélectionner celles qui relèvent directement ou indirectement de la démarche d’adaptation. Un second tri peut ensuite être fait, toujours grâce à ce même outil, qui vise cette fois-ci à hiérarchiser les projets retenus en fonction de leur degré de pertinence vis-à-vis des enjeux locaux d’adaptation. Une priorisation peut dès lors être opérée en croisant des justifications scientifiques (ce qu’apporte l’outil) et des choix politiques et de société (qui incombent aux acteurs et populations).

Mettre en cohérence les efforts de mise en œuvre de l’adaptation à l’échelle locale

45Enfin, cet outil d’évaluation permet aux porteurs de projet d’un côté, et aux bailleurs de fonds (nationaux et internationaux) de l’autre, de répondre respectivement aux questions suivantes : « à quels critères dois-je satisfaire pour que mon projet concoure à l’adaptation et ait des chances d’être soutenu? » et « le projet qu’on me propose répond-il aux exigences de l’adaptation, et dès lors est-il éligible? ». L’intérêt est que les premiers comme les seconds peuvent s’appuyer sur un même cadre d’analyse et donc, au moins en théorie, réfléchir sur des bases compatibles. Les règles du jeu étant dès lors les mêmes pour tout le monde (entre les porteurs de projet, entre un porteur et un bailleur de fonds, entre les bailleurs), les conditions – conceptuelles et théoriques en tout cas – sont réunies pour assurer une certaine cohérence dans la mise en œuvre de l’adaptation tant dans l’espace (d’un territoire à un autre) que dans le temps (continuité d’une période à une autre).

46Bien entendu, si les trois éléments précédents confirment la valeur ajoutée de la démarche, ils ne doivent pas en masquer les limites actuelles.

Un outil qui a pour l’heure des limites

47Nous focalisons l’attention ici sur trois limites relatives à l’inscription de cette démarche scientifique dans le contexte plus général de la mise en œuvre de l’adaptation.

Une approche restreinte à l’échelle locale et au projet?

48The Other Migrants s’est concentré sur l’échelle locale. La grille de caractérisation et l’évaluation par indices de pertinence n’ont donc pas a priori été pensées pour analyser des projets régionaux ou nationaux, par exemple. De la même manière, nous nous sommes focalisés sur une forme spécifique de la mise en œuvre de l’adaptation : les projets. Nous n’avons pas considéré ici les plans et politiques d’adaptation, pourtant eux aussi d’une grande importance. Ainsi, l’outil ne peut a priori pas être utilisé en l’état pour appréhender la pertinence de toutes les composantes nécessaires des stratégies d’adaptation, mêmes locales, et plus encore régionales à nationales.

49Ces dimensions (d’autres échelles, d’autres formes) mériteraient pourtant elles aussi de faire l’objet d’outils d’évaluation ex ante de leur pertinence, car les projets développés à l’échelle locale ne sont pas autosuffisants pour permettre à une population donnée de s’engager sur la voie de l’adaptation (Wilbanks et Kates, 1999). Ils sont en effet relativement dépendants de cadres programmatiques et politiques – par exemple des orientations économiques identifiées comme prioritaires aux échelles territoriales supérieures – qui peuvent ne laisser que peu de place à des initiatives d’adaptation a priori pertinentes, mais en fait secondaires dans le contexte territorial en question. On voit à ce stade que l’outil ne fournit que des indications pour la priorisation des projets, et en aucun cas un classement par ordre de priorité réelle.

50D’autres outils doivent donc être réfléchis pour l’évaluation des plans d’adaptation, d’une part, et des politiques d’adaptation, d’autre part. Cependant, dans un souci de cohérence, il est nécessaire que ces outils reposent sur des fondements conceptuels et méthodologiques communs. Et en la matière, la grille de caractérisation présentée ici propose des bases intéressantes.

Accompagner les politiques publiques, et seulement les accompagner

51Revenons sur ce point. Si l’outil d’évaluation autorise une classification de projets d’adaptation en fonction de leur degré de pertinence dans un contexte environnemental et anthropique spécifique et évolutif, il ne procure aux acteurs politiques et économiques chargés de la mise en œuvre de stratégies d’adaptation qu’une clé de lecture. En effet, le classement opéré propose un regard d’expert sur la qualité des projets, et c’est ensuite aux acteurs – et dans le meilleur des cas aussi aux populations – de choisir parmi deux projets aux indices de pertinence équivalents lequel soutenir en priorité. Définir une stratégie d’adaptation, en partie en mobilisant des projets précis, relève certes d’une expertise scientifique, mais surtout de choix de société, d’orientations économiques, de projets politiques, de référents culturels, etc. Le scientifique n’est qu’un accompagnateur, en conséquence de quoi les outils qu’il met au point le sont aussi.

De la différence entre évaluer et mettre en œuvre

52Il est fondamental de garder à l’esprit qu’identifier les projets les plus pertinents pour qu’une population locale puisse s’adapter n’implique en rien que ces projets seront effectivement mis en œuvre (Barr et al., 2010). D’une part, parce que les financements nécessaires ne sont pas toujours disponibles et accessibles. On peut évidemment s’interroger sur la capacité d’une population locale vulnérable – donc, tel que définit dans ce travail, qui vit dans un contexte marginalisé et manquant de moyens humains et matériels – à accéder par elle-même à des fonds nationaux et internationaux. Les procédures administratives sont en effet bien souvent nombreuses et complexes, et généralement décourageantes. D’autre part, l’identification des projets les plus pertinents n’implique pas de facto leur mise en œuvre, car si les scientifiques et les acteurs sont responsables d’identifier, la mise en œuvre dépend des membres des communautés cibles, et en l’occurrence de l’existence de leaders. Sans leader (et a fortiori sans financement), pas de projet viable, donc pas de déclenchement d’un processus d’adaptation. Ici encore, la méthode d’évaluation de la pertinence des projets locaux d’adaptation ne peut être qu’un outil d’accompagnement.

Des pistes pour renforcer la solidité scientifique de l’outil

53Ce travail d’évaluation formalise des constats de terrain que nous avons dressés au fil des années en termes de concepts, de méthodologies et de soutien à la mise en œuvre et à la prise de décisions dans le domaine de l’adaptation au changement climatique. En l’état actuel, l’outil pourrait être considérablement amélioré, notamment sur deux points.

Améliorer la définition des critères et le calcul des indices de pertinence

54En premier lieu, la grille de caractérisation n’est pas encore assez pratique à mettre en œuvre. Chaque critère mériterait d’être davantage explicité, par exemple en établissant une typologie des cas de figure possibles ou en y associant des exemples diversifiés. Cela permettrait notamment de mieux préciser le contour de chacun des critères, et donc de mieux intégrer la dimension changement climatique et impacts envisageables de modifications des conditions environnementales soudaines et graduelles. Cette préconisation concerne en particulier les critères qui insistent sur la nécessité d’intégrer les incertitudes sur le changement climatique et ses impacts locaux (1.4 et 3.3 dans tableau 1) : quelles modalités pratiques pourraient être envisagées pour faire cela (recourir à l’avis des autorités et/ou des scientifiques locaux, par exemple), et vers quelles sources d’information fiables se tourner?

55Ensuite, le mode de calcul pour passer des critères de caractérisation aux indices de pertinence (cf. tableau 3) doit lui aussi être affiné. Il est actuellement trop dépendant du jugement d’expert(s). Peut-être est-ce la seule manière d’opérer cette transition du qualitatif au quantitatif, mais cela vaudrait la peine d’explorer plus avant que nous ne l’avons fait ici des approches plus collectives et rassemblant d’autres parties que seulement scientifiques. Différentes parties auront en effet des visions différentes de ce que peut signifier la « pertinence » d’un projet d’adaptation – et des objectifs d’adaptation en eux-mêmes – et elles auront de fait tendance à évaluer sur des bases différentes. Si chacune de ces bases peut a priori se justifier, elles se suffisent rarement à elles-mêmes et doivent être croisées, ne serait-ce que pour assurer au sein d’un même territoire la cohérence des démarches d’adaptation d’un groupe d’acteurs à un autre. Ce rapprochement peut être soit consensuel (un ensemble d’acteurs se réunissent, débattent et trouvent des compromis), soit autoritaire (un acteur décide pour les autres). Là encore, la « bonne formule » dépendra fortement du contexte territorial, politique, culturel et économique dans lequel la démarche d’évaluation est entreprise.

Diversifier les cas d’étude

56Il y a un véritable intérêt à élargir le prisme spatial d’un tel travail en intégrant d’autres études de cas relevant de contextes différents. Cela peut notamment permettre :

  • de davantage intégrer le poids des spécificités locales dans la grille de caractérisation (critères) et de consolider, par la diversification des expériences concrètes, les bases méthodologiques et en particulier la quantification des indices de pertinence (plus grande prise de recul sur les valeurs à attribuer à un critère donné);

  • d’analyser la variabilité de la pertinence d’un projet donné dans des contextes différents. Bouturer telle espèce de corail et la réintroduire sur les platiers récifaux peut donner d’excellents résultats en un endroit, et ne constituer qu’une perte de temps, d’énergie et d’argent dans un autre endroit aux conditions environnementales (température de l’eau, profondeur du platier, prédateurs du corail, etc.) et humaines (activités polluantes en amont, pratique de la pêche à pied, activités touristiques, etc.) différentes. Un autre exemple est celui de Bel Ombre, sur la côte sud de Maurice, où une mangrove a été replantée à proximité de l’embouchure d’une rivière, ce qui a conduit à son comblement partiel et à des inondations en amont lors de fortes pluies. La pertinence d’un projet d’adaptation réside en ce que le projet est compatible non seulement avec les contraintes environnementales qui seront induites par le changement climatique, mais aussi avec les atouts et contraintes actuels du contexte local, en matière d’environnement comme de société;

  • d’approfondir la compréhension des logiques de la réplicabilité des projets-pilotes : il est souvent admis que la mise en œuvre d’un premier projet – on parle de « projet-pilote » – va fatalement induire, par l’expérience acquise, une diffusion de l’approche et donc l’émergence d’autres projets inspirés du premier. Tout se passe comme si les bailleurs de fonds, les agences de coopération internationale et les organisations non gouvernementales pensaient que l’expérience-pilote, jugée nécessairement démonstrative, génère en elle-même les conditions de sa réplicabilité. Or, cela est illusoire, puisque la mise en œuvre d’un projet particulier fait appel à des conditions spécifiques, tant en termes environnemental que socioculturel, politique et économique, qui vont forcément varier dans l’espace et selon les groupes cibles (Billé, 2006). Dès lors, répliquer ne peut pas se résumer à recopier, mais davantage à réajuster (Billé, 2009). Cela justifie pleinement l’intérêt de disposer d’une variété d’études de cas dans divers contextes pour réfléchir de manière posée à la relative universalité de l’outil présenté dans cet article.

Conclusion

57Cet article restitue les enseignements d’un travail de terrain réalisé entre octobre 2010 et mai 2011 aux îles Maurice et Rodrigues (sud-ouest de l’océan Indien) dans le cadre du projet The Other Migrants de l’OIM. Il s’attache d’une part à affiner la définition de ce qu’est une communauté locale vulnérable au changement climatique et d’autre part, à proposer une méthodologie d’évaluation ex ante des projets d’adaptation.

58Dans le contexte d’une île en développement, une communauté locale peut être dite vulnérable aux aléas naturels actuels et futurs à partir du moment où elle répond à au moins la majorité des cinq caractéristiques suivantes : (A) elle est localisée dans un espace déjà fortement exposé à des aléas naturels et/ou susceptible de l’être à l’avenir; (B) elle se caractérise par un manque de liens de solidarité entre la majorité de ses membres; (C) elle est quasi-exclusivement dépendante des ressources naturelles locales; (D) elle est en proie à un sentiment de marginalité (géographique, sociale, politique et/ou institutionnelle); et (E) elle fait état de conditions de vie précaires. On peut déduire de cette approche que compte tenu des nombreuses incertitudes scientifiques qui caractérisent le changement climatique (sur ses impacts locaux, sur la réponse des écosystèmes et sur les capacités d’adaptation de la communauté), un fil conducteur à l’identification de projets pertinents d’adaptation consiste d’abord à éviter de générer et d’amplifier les effets de cercles vicieux qui vont opérer dans les cinq champs précédents. Cela doit permettre de réduire la vulnérabilité sur les court et long termes. « Éviter les maladaptations » constitue dès lors un prérequis pour commencer à penser la mise en œuvre de l’adaptation.

59De cette base conceptuelle, l’article tire des éléments méthodologiques. Sont en effet avancés 11 « critères significatifs » d’analyse de la pertinence d’un projet par rapport à l’enjeu d’adaptation. Ces critères significatifs sont regroupés en trois catégories ciblant les maladaptations environnementales, socioculturelles et économiques (cf. tableau 1). Ces critères significatifs, appliqués à une série de projets identifiés en collaboration avec les acteurs et populations locales, ont ensuite été soumis à un travail de quantification au travers de l’identification d’« indices de pertinence ». Réunis dans un même exercice d’évaluation, différents projets ont ainsi pu être comparés du point de vue de leur potentiel vis-à-vis l’adaptation. Cet exercice a conduit à formuler diverses conclusions, dont trois principales ressortent nettement.

60D’abord, un tel outil peut s’avérer d’une très grande utilité pour soutenir d’une part, la construction de projets pertinents par les porteurs de projets et, d’autre part, le choix par les bailleurs de fonds nationaux et internationaux de projets à privilégier. Ensuite, faire reposer les initiatives d’adaptation sur des bases partagées par les différents acteurs d’un territoire peut contribuer à la mise en cohérence de ces diverses initiatives. Or, cela constitue un enjeu-clé de l’adaptation tant à l’échelle de la communauté en elle-même, car une certaine logique guide les actions dans le temps, qu’au-delà de celle-ci, puisqu’il s’agit également de faire attention à ne pas reporter les pressions sur des communautés et des environnements voisins. Enfin, la méthodologie en elle-même (critères significatifs et indicateurs de pertinence), si elle est porteuse de bénéfices conséquents, comporte encore diverses limites qui, plus que de poser un problème d’ordre scientifique, mettent surtout en avant qu’une telle démarche ne peut qu’accompagner les choix politiques et sociétaux en matière d’adaptation au changement climatique, et non s’y substituer.

61Au terme de ce travail, on peut soutenir que l’évaluation ex ante des projets d’adaptation est tout aussi importante que leur évaluation ex post, démarche qui est aujourd’hui privilégiée. Si l’évaluation ex post permet un suivi de l’efficacité de la mise en œuvre de l’adaptation et de l’utilisation des fonds alloués, les évaluations ex ante participent également d’une recherche d’optimisation des efforts pour l’adaptation. Ce point est fondamental dans le cadre du gonflement attendu des fonds mondiaux pour l’adaptation, dont notamment le Fonds Vert, qui va très probablement susciter l’émergence d’une quantité importante de projets se revendiquant « d’adaptation ». Or, la disponibilité actuelle en fonds n’autorise pas les erreurs quant au choix des projets soutenus, car nombre d’entre eux auront finalement tendance à ne pas intégrer pleinement la dimension adaptation, et donc à (involontairement) être porteur de maladaptations sur le long terme. Ainsi, et conformément à l’un des principes de base de cette étude, l’enjeu de la mise en œuvre de l’adaptation aujourd’hui est d’abord de commencer par éviter les maladaptations. Un outil tel que proposé ici peut contribuer à cela.

Remerciements

62L’auteur remercie l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), et en particulier Lalini Verrassamy et Preeta Heeralall du bureau de Maurice, ainsi que la Direction Générale de la Recherche de la Commission européenne dans le cadre du projet CIRCE (Climate change and impact research: the Mediterranean environment). Il remercie également Raphaël Billé, François Gemenne et Benjamin Garnaud pour leurs commentaires structurants sur une version antérieure de ce texte, ainsi que l’un des deux relecteurs anonymes pour ses éclairages sur la question des indicateurs de vulnérabilité. Il remercie enfin chaleureusement Sadhana Ramanjooloo (Magic Fingers, Maurice) et Éric Mangar (Mouvement pour l’Autosuffisance alimentaire, Maurice) pour avoir partagé avec lui leur connaissance intime du terrain mauricien.

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Notes

1 Nous simplifierons dans ce texte en parlant « d’adaptation ».

2 CCNUCC, UNFCCC en anglais (United Nations Framework Convention on Climate Change ; http://unfccc.int/2860.php).

3 Cancun Adaptation Framework (2010, http://unfccc.int/resource/docs/2010/cop16/eng/07a01.pdf#page=4), voir p. 16.

4 Si une telle limite ne pose pas structurellement de problèmes aujourd’hui, c’est avant tout parce que le nombre de projets/plans/politiques proposé pour financement ne couvre pas les sommes disponibles. En revanche, la mise en place du Fonds Vert va indéniablement susciter des initiatives, lesquelles vont se multiplier de manière exponentielle et, on peut l’imaginer, toucher le plafond des financements disponibles. La question du choix des initiatives à financer s’imposera donc. S’ajoute bien sûr à cela la question de l’utilisation optimale (du point de vue de l’adaptation) des sommes actuellement allouées.

5 Si ces dernières ont un sens fort en elles-mêmes, elles n’ont pas pour objet principal la lutte contre le changement climatique. Elles sont donc complémentaires mais non substituables aux actions d’adaptation.

6 Diminuer la pression sur certaines ressources en la reportant sur celles d’à côté.

7 Par exemple, en renforçant la capacité d’adaptation d’un secteur économique aux dépens d’un autre, lequel se retrouve de fait moins en mesure de résister à des aléas naturels qu’auparavant.

8 Voir une synthèse dans Adger et al., 2007.

9 Il est nécessaire ici de préciser que ce constat, s’il est valable dans le domaine du changement climatique, ne l’est beaucoup moins dans celui des risques naturels et des catastrophes, étudié depuis plus longtemps et disposant à la fois des cadres conceptuels et d’exemples concrets. Bien que les thèmes soient proches, les bases théoriques de la confrontation des sociétés aux risques naturels actuels, d’une part, et au changement climatique, d’autre part, diffèrent substantiellement. Notamment parce que dans le premier, il est question d’étudier la réaction à des événements passés ou actuels, alors que le second explore l’aptitude des sociétés à anticiper les risques longtemps à l’avance. Rapprocher ces deux champs reste un défi important de la science actuelle, qui dépasse bien entendu largement les compétences de cet article.

10 Par exemple le Global Environment Facility, l’Adaptation Fund Board, l’Organisation de coopération et de développement économiques, des agences de coopération internationale (Canada, Angleterre…).

11 Global Environment Facility (www.thegef.org/gef).

12 Adaptation Fund Board (www.adaptation-fund.org).

13 OCDE (www.ocde.org).

14 GIZ, Deutsche Gesellschaft für Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH (www.giz.de).

15 Institute for Global Environmental Strategies (http://www.iges.or.jp/en/indexemplehtml).

16 http://www.iom.int

17 Juillet 2010 - Mai 2011.

18 Localisée dans le sud-ouest de l’océan Indien, elle est composée de trois ensembles insulaires : Maurice et ses îlots (environ 1 850 km² et 1,2 million d’habitants), Rodrigues et ses îlots (110 km², 38 000 hab.), Agaléga (26 km², 300 hab.).

19 Nous n’avons pas pu nous rendre directement sur Agaléga. Si des entretiens téléphoniques ont été menés depuis Maurice, nous avons préféré mettre au second plan de nos conclusions ce territoire, pourtant fort intéressant puisqu’il s’agit d’îles coralliennes plates et isolées.

20 5 villages à Maurice (Petit Sable, Tranquebar, Rivière des Galets, Mare Chicose, Cité Lumière) et 2 à Rodrigues (Port- Sud-Est et Plaine Corail).

21 Intergovernmental Panel on Climate Change (IPCC), 2007. Climate Change 2007. Synthesis Report. IPCC, Geneva.

22 Les introductions et conclusions des articles scientifiques sur le sujet rappellent systématiquement que ces facteurs sont à la fois environnementaux, sociaux, politiques, culturels et économiques. Les analyses développées entre les deux se spécialisent cependant la plupart du temps sur une seule de ces catégories.

23 En s’attachant bien entendu au contexte du projet, à savoir un pays en développement.

24 Par exemple : Rivière des Galets (Sud de Maurice), Petit Sable (Est de Maurice) et Plaine Corail (Sud-Ouest de Rodrigues)

25 C’est le cas du village de Petit Sable.

26 Concernant l’intérêt de cette approche, voir aussi de França Doria et al., 2009 et Barnett and O’Neill, à paraître en 2012.

27 Ces éléments sont la plupart du temps « modernes » et formalisés, mais ils peuvent parfois être traditionnels dans les endroits les moins touchés par la mondialisation. Ils concernent alors le foncier, l’accès des familles aux ressources, le partage des biens…

28 Ils sont résumés dans le tableau 1 (cf. infra).

29 Fourniture en eau douce, conservation des sols et de leur productivité, reproduction des espèces marines, freins aux invasions végétales et animales, pollinisation des plantes, etc.

30 Deux formes importantes nous concernent ici : les zones tampons face aux houles (récifs coralliens, mangroves, plate-forme rocheuses, frange végétale côtière…) et l’existence de microclimats qui vont pouvoir atténuer des perturbations climatiques de plus vaste échelle.

31 En particulier la submersion des côtes basses, l’érosion des littoraux sableux, et la salinisation des sols et des nappes phréatiques.

32 Un tel objectif, pour faire écho aux critères (2.2) et (2.3), peut parfois bénéficier d’une aide extérieure. À Maurice, c’est le rôle de la Small and Medium Enterprises Development Authority (SMEDA) que d’accompagner les porteurs de projets dans leurs démarches administratives et dans la formalisation des objectifs économiques de leurs projets.

33 Celles d’Agaléga n’ont pas été prises en compte, car en raison de leur isolement géographique, nous n’avons pu y développer de travaux de terrain.

34 Par exemple dans certaines communes littorales de l’Hérault (France méditerranéenne, cadre du projet européen CIRCE).

35 À Maurice, pour mieux résister aux cyclones, tous les toits des bâtiments sont plats. Cela offre un espace disponible, notamment pour la création de jardins individuels. Cette solution offre aussi l’avantage de rafraîchir la maison.

36 Cela permet de réduire les pressions sur les sols en évitant l’utilisation de produits chimiques. Maintenir une certaine qualité des sols permet de maintenir sur un plus long terme un certains productivité, elle-même majeure pour assurer la pérennité des cultures.

37 Étaient présents des représentants des institutions nationales et internationales (Ministère de l’environnement et du développement durable, Météorologie nationale, Ministère de l’agriculture, Commission environnement de l’Assemblée générale de Rodrigues, Université de Maurice, Commission de l’océan Indien, Commission européenne), d’organisations non gouvernementales (Mouvement pour l’Autosuffisance Alimentaire, Joie de vivre), de bailleurs de fonds nationaux et internationaux (Global Environment Facility, CSR Rogers, United Nations Development Programme).

38 Mais aussi, par exemple, auprès de journalistes auxquels nous avons présenté ce travail.

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Title Tableau 4. L’outil appliqué à 16 projets environnementauxTable 4. The assessment tool, here applied to 16 environmental projects
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13000/img-1.jpg
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References

Electronic reference

Alexandre Magnan, « Évaluer ex ante la pertinence de projets locaux d’adaptation au changement climatique », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 12 numéro 3 | décembre 2012, Online since 09 November 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/13000 ; DOI : 10.4000/vertigo.13000

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Alexandre Magnan

Géographe – Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) – Sciences Po – 27 rue Saint-Guillaume, 75 337 Paris – alexandre.magnan@iddri.org

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