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Proposition d’une trame de recherche pour appréhender la capacité d’adaptation au changement climatique

Alexandre Magnan

Abstracts

A generally accepted idea consists in systematically linking a low level of adaptive capacity to a low level of development, and then in affirming that the poor have inevitably low adaptive capacities. What we argue here is that this affirmation is biased because adaptation to climate change is not only determined by economic and technological capacities. Many other characteristics of a community could play a major function in its ability to react to and to anticipate climate changes (e.g. the territorial identity or the social relationships). From our point of view, the generally restrictive conception of adaptive capacity is related to a relative immaturity of the science of adaptation to explain what are the processes and the determinants of adaptive capacity. This can be explained by the fact that few frameworks for studying adaptive capacity currently exist. This paper then consists in a proposition of a research framework based upon four main fields of investigation: (i) the influential factors of adaptive capacity and their interactions, (ii) the relevant spatial and temporal scales of adaptive capacity, (iii) the links between adaptive capacity, vulnerability and the level of development and (iv) the theoretical links between adaptation and sustainability. These four fields of research are assumed to be relevant to bring new knowledge on adaptive capacity, and then to feed a more general reflection on the adaptation pathways to deal with climate change.  

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Introduction

1Dès lors que l’on veut agir en faveur de l’adaptation, l’une des questions centrales qui se pose, quelle que soit l’échelle territoriale considérée, est celle des populations vers lesquelles faire porter en priorité les politiques de soutien. Si à différents groupes de population correspondent différentes approches d’adaptation, le fait est que sur le fond, tous sont des groupes cibles. Cependant, l’aptitude des autorités à mettre en œuvre des solutions pour tout le monde et en même temps peut être limitée, et il faut alors passer des groupes « cibles » aux groupes « prioritaires ». Ce passage soulève toutefois des questions auxquelles il reste difficile de répondre en toute objectivité : qui sont les plus vulnérables aux effets attendus du changement climatique ? La capacité d’adaptation d’un groupe particulier est-elle trop faible ou suffisamment développée pour répondre aux enjeux ? Et indirectement, quels éléments (réseaux sociaux, systèmes d’assurance…) constituent des points d’appui à la stratégie d’adaptation d’un groupe spécifique ? Répondre à ces questions nous semble être un préalable indispensable à l’identification de solutions adéquates et réalistes. Or, l’hypothèse défendue ici est que la connaissance scientifique sur les déterminants de la capacité d’adaptation n’est pas encore assez développée, ni assez mûre. Il nous semble dès lors pertinent de travailler à identifier des axes pragmatiques de recherche sur cette question, ce que se propose de faire cet article.

2Il conviendra dans un premier temps de montrer en quoi l’approche qui lie systématiquement faible niveau de développement et faible capacité d’adaptation au changement climatique porte en elle de sérieuses limites tant pour la réflexion que pour l’action. Le cœur de l’article visera ensuite à présenter quatre grands axes de recherche qui nous semblent être structurants pour appréhender la capacité d’adaptation. Ceux-ci renvoient à ses facteurs d’influence, aux échelles spatiales et temporelles pertinentes pour l’adaptation, au rapport entre vulnérabilité et capacité d’adaptation, puis au lien entre adaptation et développement soutenable. Nous élargirons enfin la discussion à l’intérêt de mieux comprendre la capacité d’adaptation pour mieux penser les logiques d’adaptation et ce, en adoptant une vision à trois dimensions : l’adaptation en tant que processus, état et stratégie. Ces trois facettes peuvent en effet constituer un cadre de réflexion sur les « trajectoires d’adaptation » puis, au-delà, sur les trajectoires de développement. Nous lierons ainsi les quatre axes de recherche sur la capacité d’adaptation à des questionnements plus larges sur la mise en œuvre de l’adaptation, en inscrivant nos réflexions dans une approche dynamique, évolutive.

Poser le problème : d’une idée reçue aux questions qu’elle soulève

Éléments de définition de la capacité d’adaptation

  • 1  Définition de la "sensibilité" par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution d (...)

3Dans le contexte de la lutte contre le changement climatique (CC), le problème de l’identification des groupes « prioritaires » est d’autant plus délicat à trancher qu’il n’est pas aisé de déterminer quelles populations seront les plus touchées. Cela tient essentiellement à deux difficultés : soit l’on a du mal à identifier avec précision quels impacts frapperont un territoire donné et suivant quels pas de temps, soit ces populations sont effectivement les plus vulnérables et/ou font preuve de faibles capacités d’adaptation. Généralement, et en écartant de la discussion les incertitudes sur les impacts du changement climatique, la vulnérabilité (V) et la capacité d’adaptation (CA) sont deux caractéristiques considérées comme inversement proportionnelles, un faible niveau de V engageant de bonnes CA, et vice versa. Les scientifiques ont ainsi établi que la V était une fonction à la fois de l’exposition du système aux aléas naturels et de sa CA (IPCC, 1995 ; Kelly et Adger, 2000). Parfois, la sensibilité1 du système est également intégrée, mais la distinction CA / sensibilité reste à nos yeux assez floue, en tout cas jamais clairement explicitée. On peut malgré tout trouver diverses définitions de la CA, qui se rapprochent plus ou moins de celle proposée par le GIEC (2001) : si l’adaptation au CC « indique l’ajustement des systèmes naturels ou humains en réponse à des stimuli climatiques présents ou futurs ou à leurs effets, afin d’atténuer les effets néfastes ou d’exploiter des opportunités bénéfiques », la CA représente « la capacité d’ajustement face aux changements climatiques (y compris à la variabilité climatique et aux extrêmes climatiques) ». Une autre définition qui nous paraît très intéressante, en partie parce qu’elle ne renvoie pas spécifiquement au CC – qui n’est pas le seul facteur de changement à prendre en compte en matière d’adaptation –, est celle de G.C. Gallopin : « Adaptability or adaptive capacity of human system can also be defined as the capacity of any human system from the individual to humankind to increase (or at least maintain) the quality of life of its individual members in a given environment or range of environments » (2006, p. 300). En effet, l’ultime finalité de l’adaptation au CC, si elle passe par la réduction de la sensibilité du système aux risques naturels et par l’accroissement de sa résilience (Adger et al., 2005), est bien l’amélioration ou le maintien de la qualité de la vie des êtres humains. Cette dernière passe cependant aussi, par exemple, par la préservation de la biodiversité et de l’environnement en général. C’est donc au travers d’un regard large, celui de la soutenabilité, que doit être pensée l’adaptation.

4Ainsi, les auteurs s’appliquent dans leur très grande majorité à rappeler que la CA dépend de facteurs sociaux, politiques, économiques, culturels, institutionnels, environnementaux…, et qu’elle relève de différentes échelles territoriales, communautaires et temporelles. K. Vincent précise par exemple que :

5« At the country level [adaptive capacity] not only reflects the ability of financial resources, but crucially the degree of organisation and institutional capacity for targeting those resources effectively to the areas and groups of people that are the most vulnerable. At the household level, whether or not a person can adapt to climate change depends on such factors as their knowledge base, which may enable them to anticipate change and identify new or modified livelihood opportunities ; and their access to further resources required to achieve this. » (2007, p. 12).

6D’autres auteurs écrivent encore que « adaptive capacity is context-specific and varies from country to country, from community to community, among social groups and individuals, and over time. It varies not only in terms of its value but also according to its nature » (Smit et Wandel, 2006, p. 287). Toutefois, au-delà de ce cadre théorique général et a priori évident, la question reste posée de ce qui caractérise la « nature » de la CA.

Une simplification hâtive et des questions qui restent en suspens

7Au-delà de cette vision large des déterminants de la CA, rares encore sont les travaux qui cherchent à aller plus loin dans l’exploration des mécanismes qui expliquent pourquoi les attributs socioculturels ou institutionnels, par exemple, agissent dans un sens ou dans l’autre sur la CA. Ce manque ouvre la porte au raccourci consistant à lier la vulnérabilité à un faible niveau de développement, préjugeant alors que ce dernier englobe les autres déterminants. En conséquence, la formulation classique de la relation entre V et CA [V = f (e ; CA) où e traduit l’exposition aux aléas] induit involontairement une vision très réductrice selon laquelle ce sont les communautés les plus pauvres qui sont les plus vulnérables au changement climatique, car ce sont elles qui ont les CA les plus faibles. La formulation CA = f (PIB) exprime cela, le problème étant que l’on considère systématiquement cette relation comme croissante. On pourra par exemple lire : « Developing nations are generally deemed to be most vulnerable to climate change (and other forms of adversity) largely because they lack adaptive capacity. In particular, they lack economic resources and human capital needed to implement technologies to cope with climate change » (Goklany, 2007, p. 773). Une telle affirmation pose problème à nos yeux car elle ne retranscrit pas la complexité du réel.

  • 2  Deux exemples classiques, en France par exemple, sont la tempête de 1999 et la canicule de 2003. S (...)

8Il n’est bien sûr pas dans notre intention de dire que les populations des pays pauvres ne sont pas menacées par le CC, en grande partie car elles sont bien souvent déjà confrontées à de graves problèmes d’accès aux ressources (eau, alimentation…) et que le CC amplifiera très probablement ces difficultés. En revanche, il nous semble que la relation V / CA telle qu’elle est généralement posée conduit à négliger deux autres réalités : d’une part, le fait que les pays développés auront eux aussi à faire face à des impacts potentiellement très préjudiciables pour leur développement2, ce qui les rend aussi relativement vulnérables ; d’autre part, rien ne permet d’affirmer que les communautés des pays en développement sont dépourvues d’aptitudes à s’adapter et que celles des pays industrialisés en ont suffisamment. L’histoire de l’humanité a en effet largement montré que diverses adaptations avaient concerné des sociétés différentes dans des contextes différents (Diamond, 2000 ; deMenocal, 2001). On ne peut par ailleurs pas considérer aujourd’hui que les pays les plus en pointe du développement ont fait la preuve d’une remarquable et irréprochable adaptation aux contraintes environnementales. Si bien que la sous-estimation des capacités des communautés pauvres et la surestimation de celles des pays développés nous semblent profondément improductives car elles enferment la question de la CA dans une dimension strictement économique et technologique. Or, comme le démontrent par exemple N. Brooks, W.N. Adger et P.M. Kelly (2005) en comparant une soixantaine de pays à développement faible à modeste, la vulnérabilité n’est pas directement corrélée à la richesse nationale, ce qui sous-entend que les capacités en termes économique et technologique ne peuvent suffire à expliquer toutes les dimensions de l’aptitude à réagir à une crise et à anticiper les prochaines. Les capacités économiques et technologiques ne représentent qu’une partie des solutions et des limites à l’adaptation (Adger et al., 2009), partie qui peut d’ailleurs parfois être très marginale.

  • 3  Il se pose par exemple dans des termes similaires au sujet de la mise en Å“uvre de la gestion intég (...)
  • 4  Convention Cadre des Nations-Unies sur le Changement Climatique, en anglais UNFCCC (United Nations (...)

9Mais étrangement, cette vision déterministe de la CA (comme de la V) persiste alors même qu’elle est en contradiction avec une approche théorique holistique. Cette réalité ne doit pas être attribuée, comme on peut le lire ou l’entendre parfois, à une quelconque mauvaise foi des scientifiques et des instances internationales qui chercheraient délibérément à réaffirmer ici les dogmatismes de la relation Nord/Sud. En fait, cet écart peut s’expliquer par la grande complexité qu’il y a à passer d’une approche théorique holistique à une manière très pragmatique d’aborder le sujet et de trouver des solutions concrètes. Si un tel constat n’est pas spécifique au domaine de l’adaptation au CC3, on peut néanmoins l’expliquer par le fait que les recherches sur ce thème n’ont réellement émergé qu’au cours des années 1980 et qu’en conséquence, la science fait aujourd’hui preuve sur ce point d’une relative immaturité. Par ailleurs, du fait de la rapide montée en puissance du thème du CC comme nouveau problème mondial, c’est essentiellement dans la sphère des discussions internationales, notamment dans le cadre de la CCNUCC4, que cette question de l’adaptation à été portée et que l’on a cherché des leviers d’action. C’est ainsi que la question a d’abord été traitée à l’échelle des pays car le but était de déterminer le plus rapidement possible – les rapports du GIEC ont toujours appuyé, à juste titre, l’idée qu’il était urgent d’agir – la provenance des fonds dédiés à l’adaptation et leurs modalités de redistribution. Dans cette seconde perspective, le besoin de comparer les pays s’est imposé et en l’absence de données scientifiques établies reposant sur une approche holistique permettant de déterminer avec fiabilité les niveaux de CA des différentes populations du monde, c’est naturellement sur la base d’un rapprochement entre V et richesse des pays (PIB) qu’ont été bâties les discussions (Vincent, 2007). Il y avait là en effet une démarche quantifiable, mesurable, dont on avait une certaine expérience et qui permettait d’aboutir rapidement à des options claires. Ce processus, bien qu’il puisse se justifier à l’échelle de l’action internationale, a néanmoins contribué à ancrer l’idée que l’adaptation est d’abord une question d’efforts économiques et technologiques et, qu’en conséquence, on peut effectivement considérer que plus une communauté est pauvre, moins sa CA est élevée et plus elle est vulnérable au CC. Une vision étroite du problème s’est donc progressivement installée.

  • 5  Les éléments qui entrent en jeu pour expliquer la résistance et/ou l’anticipation ne sont pas forc (...)

10Cette relation systématique entre l’aptitude à s’adapter et le seul niveau de développement n’est pourtant pas toujours si évidente. Prenons l’exemple du lien entre exposition aux risques naturels et CA. La V est fonction du niveau d’exposition et de la CA. Or, schématiquement, la CA dépend à la fois du type de risques auquel est confrontée la société (Brooks et al., 2005)5 et de son degré de résistance aux impacts, lequel renvoie clairement à ses caractéristiques socioculturelles, économiques et politiques (Bankoff et al., 2004 ; Adger, 2006 ; Berkes, 2007 ; Magnan, 2009). Ainsi, un territoire faiblement exposé aux risques naturels pourrait potentiellement éprouver des difficultés à résister à un risque « nouveau », alors qu’une société habituée à gérer son développement au gré d’aléas naturels à la fois fréquents et variés – et qui peuvent justement être l’une des causes de son faible développement – pourrait se révéler plus apte que la précédente à intégrer les conséquences du CC. J. Smithers et B. Smit (1997) soulignent en effet que si certaines sociétés sont adaptées aux réalités politiques et économiques du monde contemporain, cas des pays dits développés, leurs logiques de développement se sont progressivement déconnectées de leurs environnements naturels, ce qui dès lors en fait des sociétés vulnérables au CC puisque celui-ci se traduira en termes d’impacts sur les ressources naturelles. Suivant cette logique, il n’est pas insensé de penser que dans le cas de sociétés régulièrement exposées aux aléas naturels, l’expérience du risque peut conférer certaines forces pour répondre aux évolutions climatiques et, de fait, un haut niveau d’exposition pourrait « cohabiter » avec de bonnes CA. Il faut cependant rester prudent, car l’adaptation revêt aussi une dimension anticipative qui passe logiquement par la mise en place de plans de prévention des risques et/ou de gestion des crises, ce qui reste plus difficile à réaliser dans des pays ayant à faire face à d’autres types de priorités telles la sécurité alimentaire ou la stabilité politique.

11Il ressort de cette rapide analyse une grande complexité qui ne fait qu’accentuer la difficulté à repérer les populations « prioritaires », mais qui démontre qu’élargir l’appréhension de l’adaptation et des stratégies d’adaptation au-delà des seuls aspects économiques est incontournable. De même, n’envisager les options d’adaptation que comme des efforts d’ordre technologique est réducteur, car les liens sociaux, par exemple, peuvent constituer un ciment important tant du point de vue de la réaction aux crises que de celui de leur anticipation. Ainsi, s’il est évident que viser en priorité les populations les moins bien loties économiquement constitue une option sans regret, cela ne peut suffire à l’objectif plus ambitieux de la lutte contre le CC. En effet, d’une part celle-ci requiert une approche de long terme (qui n’exclut cela dit pas de répondre aux enjeux de plus court terme) ; d’autre part, et au regard de la diversité des impacts attendus tant sur les écosystèmes que sur les logiques économiques et politiques des échelles locales à internationales, il est évident que ce problème concerne tout le monde, mais de manière différente. Il serait ainsi bien hasardeux d’affirmer que les conséquences indirectes du CC sur le fonctionnement des sociétés actuellement développées ne nécessitent pas pour le moment qu’on les voie comme des priorités d’action et qu’on pourra finalement s’y confronter le moment venu. La seule certitude que nous ayons aujourd’hui, c’est qu’attendre passivement est une mauvaise stratégie (Magnan et al., 2009).

  • 6  Au sein des négociations sur le climat, encore une fois, l’association V / faible niveau de dévelo (...)

12Ainsi, selon nous, plutôt qu’engager les discussions sur l’adaptation uniquement sur la base des niveaux de vulnérabilité estimés, qui eux-mêmes sont simplifiés pour ne finalement représenter que l’exposition aux risques naturels, il serait plus constructif de s’appuyer sur l’existence ou non de CA. L’intérêt ne serait alors pas forcément de comparer les pays, mais plutôt d’identifier pour chacun et pour ses composantes territoriales quelles sont les barrières qui se posent à l’adaptation, et sur quels leviers appuyer les politiques et les actions. Cela ne va pas à l’encontre des logiques qui régissent les négociations internationales sur le climat6, mais s’inscrit en complémentarité de celles-ci en visant davantage les modalités pratiques de mise en œuvre de l’adaptation (stratégies, programmes, projets). Si cette approche nous paraît séduisante, elle se confronte immédiatement à la question suivante : comment appréhende-t-on la CA d’un territoire ? À ce stade, nous pensons que la recherche scientifique n’est pas encore assez aboutie pour fournir des réponses objectives et scientifiquement fondées, ce qui peut en partie s’expliquer par un manque de cadres structurés et d’outils pour analyser les déterminants de la CA. C’est précisément l’objet des deux parties suivantes que de proposer un cadre de recherche.

Quatre axes de recherche pour appréhender la capacité d’adaptation

13Le but de cette partie, qui constitue le corps de l’article, est de présenter une approche méthodologique pour l’analyse de la CA. Quatre axes principaux (Figure 1) ont été identifiés comme pertinents pour améliorer à terme la compréhension des mécanismes de l’adaptation. Nous abstenant volontairement de prendre en compte une échelle territoriale particulière (pays, région, petite communauté locale…), nous préciserons pour chacun de ces axes quels sont les questionnements-clés sous-jacents et suivant quels sous-axes on peut y répondre.

Figure 1. Quatre axes de recherche pour approfondir la compréhension de la capacité d’adaptation

Figure 1. Quatre axes de recherche pour approfondir la compréhension de la capacité d’adaptation

Les facteurs d’influence de la CA (axe I)

Questionnement

14Quels facteurs influencent la CA d’un territoire, d’une société et de quelle manière ? « There is no common understanding of what is meant by the term [adaptation to climate change], let alone how the prospects for adaptation might best be analysed » (Smithers et Smit, 1997, p. 300). L’affirmation reste vraie, même une dizaine d’années plus tard, car au-delà de reconnaître l’influence de diverses sphères (environnementale, politique, économique, culturelle, technologique…), l’identification de déterminants précis reste délicate et ce pour deux raisons principales.

15La première tient à l’exercice d’identification des facteurs d’influence. On peut en effet chercher des facteurs soit spécifiques au contexte d’étude, soit plus génériques (Brooks et al., 2005 ; Smit et Wandel, 2006). Les avantages de la première approche répondent aux inconvénients de la seconde, et inversement. En effet, certains facteurs pertinents à une échelle donnée pourront n’avoir aucun sens à un échelon territorial supérieur (car non-appropriés), de même que des facteurs trop génériques ne permettent pas de rendre compte des réalités locales (car non contextualisés). Pour prendre un exemple caricatural, l’analyse des relations sociales d’individu à individu se révèle très pertinente à l’échelle d’un groupe pour comprendre les problèmes, mais elle ne l’est aucunement à celle d’un pays. En revanche, à cette échelle, les jeux d’acteurs entre entités, institutionnelles ou non (agences nationales, ONG, associations, etc.), ont une véritable utilité qu’ils perdent presque complètement à une échelle micro-locale. À notre sens, la pertinence de l’approche réside dans le couplage de ces deux visions, déterminant des facteurs suffisamment larges pour être transposables d’un cas à un autre, mais assez précis pour permettre d’engager un travail de terrain approfondi. Des facteurs trop génériques ne favorisent en effet pas les recherches fines sur le terrain (Smit et Pilifosova, 2003 ; Vincent, 2007). Schématiquement, il s’agit par exemple d’affiner la catégorie « déterminant socioculturel » sans pour autant ne retenir que « les relations de classe entre les groupes A et B caractéristiques de la commune Y ». Cette position à mi-chemin entre approche générique et approche contextualisée nous semble nécessaire pour poser les bases de comparaison entre différents territoires tout en permettant à chaque étude de cas de reposer sur des éléments palpables.

16La seconde raison qui explique la difficulté à identifier des facteurs d’influence est que, quels qu’ils soient, ces derniers interagissent, leurs effets se cumulant et/ou se contrecarrant. L’analyse des interactions entre ces facteurs nécessite donc elle aussi d’être développée. Au-delà de ces déterminants pris individuellement, dans quelles configurations ces facteurs sont-ils un frein/un levier à l’adaptation ? Quelles antagonismes/synergies agissent ? Comment les identifier et les réduire/favoriser ? De tels questionnements ont pour principal intérêt de faciliter la mise en évidence des caractéristiques et des mécanismes qui, pour un territoire ou une société donné(e), constituent des freins et des leviers à la mise en œuvre de politiques, de programmes et de projets d’adaptation au CC.

Sous-axes de recherche

(I.a) Identification des facteurs d’influence

  • 7  Précisons ici que l’ordre de présentation de ces quatre facteurs n’est guidé par aucune volonté de (...)

17Adopter un regard large sur la question des facultés d’adaptation revient à analyser le poids de diverses caractéristiques du système étudié dans la constitution de la CA. Tentant d’aller plus loin que l’identification de grandes sphères d’influence (économique, politique, socioculturelle…), mais en repartant d’elles, nous proposons pour l’heure de retenir quatre facteurs généraux7 : les conditions de vie, la cohésion socioculturelle, la structuration politico-institutionnelle et le degré de diversification économique.

  • 8  Insistons ici sur le fait que la relation éducation/CA doit être entendue avec prudence, car un ha (...)

18Les conditions de vie – Appréhendées de manière générale pour l’ensemble du système étudié, elles permettent dans un premier temps de dresser un portrait de la situation, donc de poser le cadre de développement dans lequel d’autres déterminants de la CA entreront en jeu. Il est important de préciser à ce stade qu’il ne s’agit en aucune façon ici de juger du niveau de développement du territoire ou de la société, car cela nous plongerait directement dans l’idée reçue décrite précédemment et contre laquelle cette trame de recherche essaie justement d’œuvrer. Néanmoins, les capacités d’une société à répondre aux perturbations et à agir par anticipation reposent en partie sur l’aptitude des individus à intégrer ces contraintes à leurs schémas et choix de vie. Or, cela repose à son tour sur des caractéristiques initiales que l’on peut schématiquement rassembler sous diverses catégories : la démographie (taux de croissance, densités, pyramide des âges…), l’habitat (types de logements et taux d’occupation), l’éducation8 (alphabétisation des adultes, scolarisation des jeunes, accès aux diplômes…), l’emploi (qui renvoie notamment aux revenus des ménages), l’accès aux transports publics et privés (réseaux, disponibilité en véhicules…), les modalités d’alimentation en énergie (référence aux enjeux qui pèsent sur ces sources), ou encore les aspects socio-sanitaires (état de santé des populations, capacités d’accueil des structures de soin et de prévention…).

19La cohésion socioculturelle – Deuxième facteur auquel on peut faire appel, elle repose à la fois sur les rapports sociaux au sein d’un groupe et sur le partage d’une identité culturelle et/ou territoriale entre ses membres. La question est alors : en quoi la cohésion socioculturelle joue-t-elle en faveur d’une aptitude à s’adapter ? La réponse renvoie aux mécanismes de solidarité humaine, à la fois dans la gestion des crises révélées (adaptation réactive) et dans la mise en œuvre de plans d’anticipation (adaptation proactive). Néanmoins, comme dans le cas du facteur « conditions de vie », il s’agit d’être vigilant quant à la manière de lier cohésion socioculturelle et CA. En effet, comme le rappelle J.-M. Callois, la cohésion sociale n’est pas systématiquement garante de soutenabilité. Si certes des effets bénéfiques sont à en attendre (capacités d’action collective, soutien affectif entre les individus, partage de biens et de ressources, contrôle social de l’incivisme…), « un fort encastrement social peut engendrer une société très fermée » (Callois, 2006, p. 6). Des réseaux sociaux forts peuvent ainsi, à terme, nuire à l’innovation et au dynamisme économique, tant sur le plan individuel que collectif ; « (…) la cohésion sociale peut préserver une situation acquise [, ce qui] peut conduire à un décalage en termes de productivité, d’adaptation à l’environnement extérieur, d’où peut résulter une « catastrophe » économique et sociale bien plus grande dans le futur » (Callois, 2006, p. 6). Cela renvoie à deux éléments de réflexion essentiels. Le premier concerne les « seuils », propres à chaque groupe, au-delà desquels la cohésion socioculturelle nuit à la CA, à l’ajustement du groupe aux stress endogènes et exogènes de diverses natures (environnementale, mais pas seulement). Le second élément renvoie à l’impérative nécessité de s’interroger sur l’aptitude d’une société à s’adapter au CC en ne tenant pas compte uniquement des seules évolutions climatiques, mais en les confrontant aux probables évolutions socio-économiques (Smithers et Smit, 1997 ; Vincent, 2007). Enfin, précisons d’ores et déjà ici qu’une autre raison d’être prudent quant à la manipulation du facteur « cohésion socioculturelle » est que les relations sociales ont des effets sur les dimensions certes sociales, mais également économiques et environnementales, et leurs répercussions peuvent être tout autant favorables que défavorables à la stabilité du système – territoire ou société – (Pelling et High, 2005 ; Callois, 2006). Autrement dit, elles sont à la fois causes et conséquences d’autres caractéristiques et mécanismes de la société, et elles ont donc elles-mêmes une influence plus ou moins directe sur d’autres déterminants de la CA. Ce point est développé dans le cadre du sous-axe (I.b).

  • 9  Nous faisons référence ici au terme de « manoeuvrability » utilisé par J. Smithers et B. Smit (199 (...)
  • 10  Les termes de fluidité et de flexibilité renvoient à l’idée d’ajustement évoquée dans la définitio (...)
  • 11  Dans une communication aux journées Nature Sciences Sociétés de Paris des 7 et 8 octobre 2008, O. (...)
  • 12  Les structures politico-institutionnelles actuelles puisent en partie leurs racines dans des carac (...)

20La structuration politico-institutionnelle – Ce troisième facteur d’influence fait référence aux mécanismes qui régissent le fonctionnement du territoire. Elle traduit le fait qu’un territoire constitué de circonscriptions n’ayant que peu de liens entre elles tendra a priori à voir ses marges de manœuvre9 réduites par rapport à celles d’un espace dont le fonctionnement repose aussi sur l’articulation de réseaux. La notion-clé invoquée ici est celle de « cohérence territoriale », qui constitue en quelque sorte le pendant de la cohésion socioculturelle. Cela invite à rappeler également pour ce facteur que les notions de réseau et de cohésion peuvent être à double tranchant. Cette précaution prise, l’idée de « cohérence territoriale » nous paraît intéressante pour appréhender le degré de fluidité dans la prise de décision et dans la mise en œuvre d’actions collectives, à différentes échelles temporelles. Or, cette fluidité – on peut aussi parler de flexibilité – constitue finalement le cœur du principe d’adaptation10. Ainsi, une organisation hiérarchique relativement simple, c’est-à-dire au nombre limité d’échelons hiérarchiques, pourra se caractériser par une certaine souplesse dans la prise de décision et par une certaine réactivité dans l’action qui pourront se révéler essentielles dans un processus d’adaptation. Une certaine réactivité fait en effet partie intégrante de la capacité à s’adapter car elle se nourrit à la fois d’une aptitude à anticiper et d’une aptitude à apprendre (effet expérience), et repose donc sur des capacités à se projeter et à capitaliser. De la même manière, une organisation hiérarchique complexe, si elle peut faire preuve d’une aptitude à penser et à mettre en œuvre des plans de gestion des risques naturels, par exemple, peut aussi se caractériser par des lourdeurs (administratives notamment) qui nuisent à la flexibilité d’ensemble (Diamond, 2000 ; Tainter, 1988). Ce point invite à rappeler que l’analyse de la CA doit se faire sur une base objective, sans jugement de valeurs amenant à considérer des schémas d’organisation comme étant a priori plus aptes que d’autres à s’adapter à la variabilité comme au changement climatiques11. En effet, au-delà des formes politiques et institutionnelles et des raisons qui les motivent12, « l’élément le plus important est le fonctionnement des institutions et le tempérament des leaders » (Callois, 2006, p. 3).

21Le degré de diversification économique – Si la première partie de ce texte mettait en garde contre la surestimation du poids du facteur économique sur la CA, il n’en reste pas moins que celui-ci exerce une influence. Plus précisément et compte tenu du fait que les capacités économiques de la population sont appréhendées dans le facteur « conditions de vie », il nous semble qu’en matière de flexibilité du système, de son aptitude à s’ajuster aux changements en cours et à venir, c’est sur le niveau de diversification économique que l’attention doit être portée. En effet, dans certains cas, la présence de plusieurs piliers économiques permet de compenser les conséquences d’une perturbation sur l’un des secteurs-clés et, au-delà, d’offrir la possibilité de déployer une stratégie d’adaptation à plusieurs branches. D’un côté, cela complique les choix de priorisation à opérer dans chaque secteur car il faut éviter les antagonismes d’un secteur à un autre et qui constitueraient des formes de maladaptation. D’un autre côté, cela confère au système un panel d’opportunités économiques sur lesquelles il peut agir pour limiter, voire éviter les perturbations. Inversement, si l’économie du territoire n’est bâtie que sur un seul secteur économique, alors les risques sont d’autant plus grands de voir le système affecté dans son entier par une perturbation (ponctuelle ou graduelle) car sa flexibilité sera de fait fortement contrainte. Par ailleurs, trop de spécialisation économique peut limiter le spectre des emplois et des compétences ce qui, là encore, contribue à restreindre la gamme des possibilités de réaction et d’innovation. Nous défendons donc ici l’idée que la diversification de l’économie renforce la CA. Toutefois, la question se pose là encore de l’existence ou non d’un « seuil de diversification » : l’influence de la pluriactivité s’estompe-t-elle dès lors qu’un certain degré d’éparpillement des secteurs économiques est atteint et que finalement, aucun secteur fort ne caractérise plus le territoire ? Autrement dit, faut-il fatalement que des secteurs largement dominants existent pour que le territoire dispose de capacités économiques d’adaptation ? La comparaison de situations très variées, appartenant tant aux régions développées qu’en développement, doit permettre de répondre à cette question, probablement d’ailleurs en montrant qu’il n’existe pas de modèle économique parfait en matière d’adaptation, mais plutôt une diversité de configurations qui toutes présentent des avantages et des inconvénients du point de vue de la CA. Là encore, il nous semble important de rappeler qu’aucun déterminisme moral ne doit prévaloir à l’analyse scientifique des CA.

22Enfin, si ces quatre facteurs nous semblent intéressants, l’approche reste ouverte à d’autres pistes et notamment à celle de l’influence des caractéristiques environnementales sur la CA d’un territoire donné. On peut en effet considérer que des écosystèmes plus ou moins sensibles, plus ou moins diversifiés…, ne jouent pas directement sur la CA, mais plutôt sur la V au travers de la composante « exposition ». Dans ce cas-là, les caractéristiques environnementales offrent un cadre à la CA, mais n’influent pas directement sur elle. À l’inverse, on peut estimer comme W.N. Adger, N.W. Arnell et E.L. Tompkins (2005), par exemple, que la CA caractérise la triple faculté de réduire la sensibilité du système, d’en modifier l’exposition et d’en accroître la résilience, auquel cas les caractéristiques environnementales participent pleinement de la CA. Cette relation est à explorer.

(I.b) Interactions entre ces facteurs, identification des freins et leviers à l’adaptation

23L’analyse des interactions entre les facteurs d’influence constitue un deuxième sous-axe de recherche qui complète le précédent en ce sens que chacun des déterminants identifiés précédemment, d’une part n’œuvre pas isolément des autres, ce qui explique que des rétroactions négatives comme des synergies puissent opérer, d’autre part n’agit pas toujours de la même manière d’un contexte à un autre. L’objectif est alors d’identifier quels effets de retour sont à l’œuvre, c’est-à-dire quels sont les mécanismes qui contrarient la CA (les freins à l’adaptation) et quels sont ceux qui la renforcent (les leviers sur lesquels appuyer les stratégies d’adaptation). Chercher à comprendre puis à renforcer la CA ne peut en effet s’affranchir de cette étape délicate, car une solution dans un territoire ou un secteur donné peut être une excellente initiative d’adaptation alors qu’une fois replacée dans un autre contexte, elle s’avère être une forme de maladaptation.

24Une première piste de recherche doit donc concerner l’ambiguïté qui caractérise l’influence d’un même déterminant d’une situation à une autre, de sorte à bien identifier de quelle manière un facteur donné agit dans un contexte donné. Si la diversification économique peut être favorable à une consolidation de la CA du territoire X (multiplication des sources de revenus et d’emplois), elle peut aussi exposer l’économie générale du territoire Y à de multiples sources de stress, ce qui peut nuire à la stabilité d’ensemble de Y et, à terme, amputer sa CA. Dans un autre registre, l’existence de relations sociales fortes (qui participent d’une cohésion socioculturelle) peuvent avoir, dans le même temps et sur une même population, des effets à la fois stabilisants et fragilisants que l’on peut extrapoler à la CA (Tableau 1).

Tableau 1. Quelques exemples d’effets stabilisants et fragilisants des relations sociales sur la CA d’une population

Effets stabilisants

- Transmission d’information, facilitation de la prise de conscience partagée des enjeux ;

- Diffusion de l’innovation ;

- Interaction sociale ;

- Soutien affectif (familial et social) ;

- Autorégulations (car internalisation des intérêts du groupe) ;

- Capacité de mobilisation et d’action collective (gestion des risques, anticipation…) ;

- Liens identitaires au territoire (individus et groupe) ;

- Etc.

Effets fragilisants

Lorsque les réseaux sociaux sont trop denses :

- Enfermement de la société (fonctionnement en vase clos) ;

- Inhibition des initiatives personnelles ;

- Cristallisation des dysfonctionnements politico-institutionnels ;

- Cristallisation des inégalités ;

- Essoufflement des innovations et des opportunités exogènes (d’où manque de dynamisme économique, par ex.) ;

- Etc.

Lorsque les réseaux sociaux ne sont pas assez denses :

- Quasi-inexistence d’une conscience collective, individualisme ;

- Manque de diffusion des innovations ;

- Problèmes de communication ;

- Etc.

d’après Callois, 2006

25En repartant de l’exemple du facteur « cohésion socioculturelle », on peut également avancer une autre piste de recherche qui s’attache à faire le lien entre les divers facteurs d’influence pour mettre au jour des effets de synergie et des rétroactions négatives. J.M. Callois précise que « rien n’assure qu’une capacité d’organisation forte sur un territoire bénéficie à l’ensemble des habitants de ce territoire » (2006, p. 6), autrement dit qu’une solide structuration politico-institutionnelle est automatiquement garante d’efficacité en terme d’action collective, car des effets de distension peuvent émerger au sein des groupes constitutifs de la population, avec un effet nuisible sur la CA du territoire face à des évolutions climatiques qui affecteront l’ensemble de la population. De même que « si les réseaux [sociaux] sont trop refermés sur eux-mêmes, aucune information nouvelle ne circulera, et il y aura un risque de difficulté à maintenir une performance économique dans un contexte évolutif et concurrentiel » (2008, p. 6), ce qui à terme amputera le territoire de ses possibilités de diversification économique. D’autres « contradictions d’influences » sont à soulever qui ne peuvent émerger qu’à l’épreuve de travaux de terrain. Ainsi, le cadre théorique s’alimentera de lui-même au fur et à mesure qu’il sera confronté aux réalités de terrain, et vice versa. Cela est particulièrement vrai sur ce thème des chevauchements d’influence des différents facteurs de la CA.

26Dans son ensemble, ce sous-axe doit permettre de montrer combien il est important en termes d’adaptation au CC de réussir à trouver un « compromis » entre ces divers facteurs d’influence, au travers d’un « équilibre de développement », lui-même évolutif. L’approche proposée ici doit alors permettre de proposer des pistes pour éviter les antagonismes et favoriser les synergies, et donc pour arriver à trouver ce « compromis », cet « équilibre ». C’est selon nous sur cette base nuancée et pragmatique que doivent être bâties les stratégies d’adaptation.

(I.c) Mise au point d’indicateurs

27À ce stade, l’intérêt réside précisément en l’identification d’une « formule d’équilibre » entre ces différents facteurs, configuration qui pourra offrir un cadre structurant pour travailler à renforcer la CA. En effet, l’ensemble de ces facteurs pourrait constituer la base d’une grille méthodologique d’évaluation de la CA, ce qui suppose d’approfondir la recherche d’indicateurs et de critères pertinents pouvant décrire chacun de ces facteurs de manière pragmatique, c’est-à-dire en renseignant la nature du facteur à partir de données concrètes collectées sur le terrain (statistiques, entretiens, enquêtes, observations…) (Figure 2).

Figure 2. Logique de construction d’une grille méthodologique d’évaluation de la CA

Figure 2. Logique de construction d’une grille méthodologique d’évaluation de la CA

28La démarche par les indicateurs nous paraît utile pour qualifier et quantifier des situations. Elle est cependant porteuse de divers problèmes, au premier rang desquels on trouve une vision souvent qualifiée de déterministe, alors même que l’ensemble des facteurs d’influence et de leurs interactions, nous l’avons dit, est spécifique au contexte d’étude. Pourtant, construire une grille d’analyse sur la base d’indicateurs et de critères ne signifie pas fatalement lisser les spécificités contextuelles d’un cas à un autre. Notre positionnement consiste davantage à utiliser cette grille d’analyse comme un cadre de travail mobilisable dans différentes études de cas et qui permet pour chacune d’elles de poser des bases de réflexion aussi objectives que possible. Nous nous inscrivons ici pleinement dans l’idée développée par B. Smit et J. Wandel (2006) suivant laquelle les recherches sur la V et la CA se fondent sur des indicateurs qui apportent certes des choses intéressantes en termes de réflexion sur la V et la CA, mais dont le but se cantonne le plus souvent à mesurer des niveaux de V – et éventuellement de CA – sans véritablement aller plus loin dans la compréhension des déterminants et des processus sous-jacents. Cela limite à l’évidence l’impact de telles démarches, somme toute assez lourdes à mettre en œuvre, car leur seule utilité après avoir identifié des niveaux spécifiques de V ou de CA est de déterminer où sont les zones et/ou les populations les plus vulnérables. Si ce travail de chiffrage, et généralement de cartographie, présente un intérêt indéniable, il est dommage de constater qu’il n’est la plupart du temps pas également utilisé pour identifier au travers de la mesure des critères et des indicateurs quels sont les facteurs qui accroissent la V et la CA et quels sont ceux qui leur nuisent.

Les échelles spatio-temporelles de l’adaptation (axe II)

29Faire référence à divers déterminants et à leurs croisements multiples revient à dire que « the coping range [ = adaptive capacity] is location-specific, group-specific and time-specific » (Smit et Pilifosova, 2003, p. 14). Cela renvoie très clairement à la question des échelles spatiales et temporelles de l’adaptation. Le problème actuel est qu’au-delà de simplement dresser ce type de constat, peu de travaux explorent concrètement et pour un même cas d’étude ces diverses dimensions de l’adaptation. De même que l’importance de l’articulation entre ces différentes échelles de lecture (local-global, court-long terme) est mise en avant, mais jamais démontrée, si bien que l’on ne sait toujours pas vraiment si une échelle est plus pertinente que les autres en termes d’adaptation, où si toutes le sont ensemble. Ces questions ont leur importance dans la mesure où c’est en elles que réside la pertinence de telle stratégie d’adaptation ou de tel projet d’adaptation. L’enjeu sous-jacent est tant d’éviter les maladaptations (option pertinente à une échelle, mais contre-productive à une autre) que d’identifier les options les plus robustes (valides pour une large gamme d’évolutions).

30Ce paragraphe propose d’aller plus loin sur cette question des échelles de l’adaptation au CC, notamment en distinguant les dimensions spatiales et temporelles, puis en les croisant. La troisième dimension à laquelle font référence B. Smit et O. Pilifosova (2003), de nature communautaire, n’est pas spécifiquement isolée dans la trame de recherche que nous proposons et qui l’aborde, nous semble-t-il, au travers des dimensions spatiales et temporelles, mais également au travers des autres axes de recherche (principalement I et IV).

Questionnement

31La question des manières de s’adapter, et donc des caractéristiques sur lesquelles elles reposent, ne peut s’affranchir de celle des échelles. Quelles échelles spatiales et quelles échelles temporelles sont pertinentes pour analyser l’adaptation ? Et au-delà, sur quelles articulations d’échelles (spatiales, temporelles, spatio-temporelles) fonder la décision et l’action ?

Sous-axes de recherche

(II.a) Echelles spatiales de l’adaptation

32Il s’agit ici de questionner la (les) dimension(s) spatiale(s) de l’adaptation. Si l’échelle locale est pertinente pour mettre en œuvre des solutions pragmatiques d’adaptation, elle ne peut à l’évidence se suffire à elle-même car elle nécessite une certaine connexion aux échelles régionale, nationale et internationale. Inversement, les choix opérés aux échelles nationale à internationale nécessitent pour être pertinents et réalistes de s’imprégner des problématiques des échelons locaux (problèmes environnementaux, inégalités sociales, jeux d’acteurs…). C’est toute la question des échelons territoriaux au-delà ou en-deçà desquels les objectifs et les formes de l’adaptation ne sont plus pertinents et doivent être relayés par d’autres objectifs et d’autres formes d’adaptation. La conception d’ensemble renvoie donc bien à la complémentarité des échelles spatiales dans les stratégies d’adaptation, mais sur des modes de réalisation différents. Dès lors, si toute stratégie d’adaptation doit prendre en compte cette dimension multiscalaire, les diverses approches liées aux différentes échelles ne doivent pas nécessairement avoir le même poids dans la stratégie d’ensemble, c’est-à-dire dans la manière de planifier et de mettre en œuvre l’adaptation. Selon les objectifs et les types d’acteurs considérés, certaines échelles d’intervention peuvent être préférées à d’autres, constituant ainsi des angles d’entrée privilégiés pour que le système dans son ensemble s’adapte.

33Pour résumer, nous dirons que si les différentes échelles spatiales de l’adaptation sont complémentaires, elles ne sont pas toujours équivalentes du point de vue de leur intérêt pour mettre en œuvre l’adaptation. En conséquence de quoi leur ordre d’importance variera naturellement d’une situation à une autre en fonction de l’objectif d’adaptation visé. Tout l’enjeu réside alors dans le croisement des objectifs des différents acteurs, publics et privés, autour d’un même projet, en l’occurrence ici d’adaptation au CC. Notons que cette problématique du compromis se retrouve dans des termes similaires dans d’autres domaines tels que la gestion de l’environnement ou encore la réduction des inégalités socio-économiques.

34Enfin, l’analyse des échelles spatiales de l’adaptation renvoie indirectement à la distinction entre les politiques, les programmes et les projets d’adaptation au CC. En effet, bien que chacune de ces catégories puisse elle-même faire ponctuellement référence à diverses échelles de mise en œuvre, la tendance d’ensemble est à ce que les projets s’appliquent davantage à des échelles micro et les politiques à des échelons macro et/ou trans-sectoriels.

(II.b) Echelles temporelles de l’adaptation

  • 13  Schématiquement, la variabilité climatique renvoie à une variation des composantes climatiques (te (...)

35Suivant la même logique, le but est cette fois-ci de questionner les pas de temps de l’adaptation, ses rythmes. Parce qu’elle se rapporte ici au thème du CC qui place le temps long au cœur du débat, l’adaptation est le plus souvent entendue dans sa dimension anticipative. Toutefois, les stratégies d’adaptation qui se révèleront efficaces (ou pas) sur un temps long (quelques décennies) nécessitent d’être pensées et parfois mises en œuvre dès maintenant. De même que des options répondant à des enjeux actuels peuvent répondre aussi à des enjeux d’avenir. Cela est d’autant plus vrai qu’il est impossible de clairement faire la distinction entre les risques naturels inhérents à la variabilité climatique actuelle et ceux spécifiquement liés au CC13. En effet,

« societies and economies function and evolve within the capriciously fluctuating climatic environment, and examples of adaptation to climate are all around us. They are embedded in building construction, transportation systems, agriculture, leisure activities, and many other elements of daily life which are somehow structured or designed to take account of prevailing climatic conditions. Thus, the concept of adaptation relates as much to current climatic variability as it does to long term climatic change » (Smithers et Smit, 1997, p. 130-131).

36On peut ainsi se demander si les options à développer doivent elles-mêmes fatalement durer dans le temps. Des options de court terme (la climatisation ou les canons à neige, pour reprendre des exemples classiques), si elles sont efficaces tout de suite, peuvent en effet se révéler contre-productives sur le temps long (contraires aux efforts de mitigation ou inadéquats au regard des conditions d’avenir). Sont-elles pour autant à proscrire a priori ? Pas forcément, car elles peuvent paradoxalement constituer une étape dans une stratégie d’évolution du schéma de développement plus étalée dans le temps (modification de la structure économique, par ex.).

37Est donc défendue ici une vision évolutive de l’adaptation, c’est-à-dire dont les fondements changent avec le temps, tant parce que le contexte change que parce que les choix opérés aujourd’hui introduisent une évolution progressive de la CA. Si bien que là encore, c’est sur la complémentarité des échelles temporelles que doit reposer la pertinence des stratégies d’adaptation. N’envisager que le long terme sans considérer les enjeux présents (qui relèvent finalement eux aussi de l’adaptation) est inefficace, de même que l’inverse est vrai. Mais de la même manière que pour les échelles spatiales, toutes les échelles temporelles ne peuvent être abordées par une même stratégie d’adaptation conjointement et avec autant d’intensité. L’une des raisons, par exemple, est que les investissements de long terme peuvent être en conflit avec des besoins économiques plus immédiats. Il y a donc là aussi un compromis à trouver, ce qui revient à privilégier un type de politique/d’action plutôt qu’un autre, et ce compromis à la fois variera d’un contexte à un autre et évoluera au sein d’un même contexte. La réflexion sur les logiques qui doivent conduire, dans une perspective d’adaptation au CC, à privilégier telle ou telle échelle temporelle – il en va de même pour les échelles spatiales – nous semble incontournable en ce sens qu’il est illusoire de croire que l’on peut embrasser systématiquement et d’un seul coup tous les pas de temps.

(II.c) Articulations des dimensions spatiales et temporelles

38Les axes II.a et II.b rappellent que l’adaptation et la CA possèdent deux dimensions, spatiale et temporelle. Celles-ci sont en réalité intrinsèquement liées et là encore, des synergies et des antagonismes peuvent jouer. Suivant ce point de vue, une stratégie d’adaptation peut être envisagée comme un patchwork d’options (à divers niveaux territoriaux et avec des objectifs à différents pas de temps) plutôt que comme la recherche aujourd’hui d’une solution unique qui restera pertinente quels que soient les évolutions climatiques et leurs impacts. Cet angle d’approche nous paraît particulièrement intéressant pour contourner les incertitudes, en particulier parce que le jeu d’options différentes peut conférer au schéma de développement une certaine flexibilité. Or, l’aptitude à « jongler » avec diverses options et à les articuler correctement dans le temps – justement pour éviter qu’elles ne se contrecarrent –, relève fondamentalement de la CA au travers d’éléments tels que l’acceptabilité de politiques publiques par les individus ou encore la coordination des institutions, par exemple. Cela renvoie à la notion plus large de gouvernance des territoires avec, toujours en arrière-plan, cette idée de compromis entre différents enjeux et entre différentes manières de les aborder.

Vulnérabilité, capacité d’adaptation et niveau de développement (axe III)

Questionnement

39Cet axe repose particulièrement sur l’idée reçue exposée dans la première partie de ce texte. Quelles relations existent réellement entre V, CA et niveau de développement ? Les communautés « pauvres » sont-elles toujours les plus vulnérables ? Des communautés aisées de pays développés ne présentent-elles pas d’autres formes de vulnérabilité ? Et font-elles toujours preuve de facultés d’adaptation meilleures que les premières ?

Sous-axes de recherche

(III.a) Relation adaptation/capacité d’adaptation

  • 14  Sur cette question du manque de volonté politique et sur ses implications en terme d’action et d’e (...)

40Une solide CA implique-t-elle fatalement que le territoire considéré sera apte à s’adapter ? Oui, si la CA ne se fragilise pas au cours du temps, exposant d’autant le territoire aux conséquences du CC. On retrouve là la conception évolutive de la question de l’adaptation en ce sens que la CA à un moment T n’est pas garante en elle-même de la CA à l’instant T+1. Elle ne peut en effet l’être que si les politiques et le mode de développement en général favorisent le renforcement de cette CA, c’est-à-dire n’affaiblissent pas les caractéristiques du territoire qui, à l’instant T, représentaient des forces, des points d’appuis pour s’adapter. On croise ici les réflexions de l’axe II.c pour montrer que la CA est un trait de personnalité d’un territoire, d’une société, qui est nécessairement changeant, mais également qui ne se suffit pas à lui-même pour expliquer l’adaptation. Sans volonté politique forte d’engager un processus d’adaptation14, à quoi servirait-il donc d’être capable de s’adapter ? Cela renvoie à l’idée que l’analyse de la CA est pertinente en ce sens qu’elle permet de mettre au jour un potentiel d’adaptation, plus qu’une aptitude réelle à s’adapter. C’est d’ailleurs ce qui fait d’elle un accompagnateur de la prise de décision, car elle pose des bases nécessaires à l’identification des compromis à établir entre les échelles spatiales, entre les pas de temps, entre différentes objectifs, entre différents acteurs…, compromis qui relèvent eux de choix politiques et sociétaux. On notera en ce sens l’intérêt de bâtir un outil d’évaluation et de suivi de la CA (cf. axe I.c).

(III.b) Relation vulnérabilité/adaptation et vulnérabilité/capacité d’adaptation

41Les réflexions précédentes doivent permettre d’améliorer la compréhension du lien entre V et CA, notamment en explorant plus en détail et suivant différentes échelles spatio-temporelles comment le renforcement de la CA peut permettre une réduction de la V au CC, et si ce lien inversement proportionnel est systématique. Nous évoquions en effet précédemment l’idée que dans certaines situations, un faible niveau de V peut masquer une faible CA. Dans un tel contexte, l’amélioration de la CA induirait-elle fatalement un maintien de la V à un bas niveau ?

42La dimension évolutive de la CA comme de la V introduit ici l’idée qu’il existe une relation en boucle entre V et CA (Figure 3) et que, finalement, le lien entre accroissement de la CA et réduction de la V nécessite du temps pour être révélé. Elle montre également que selon les circonstances et les contextes d’étude, on peut aborder la question de la CA soit directement, soit en y entrant par l’analyse de la V. Cette seconde option peut souvent apparaître préférable car de nombreuses études de V existent déjà sur de nombreux territoires, qui peuvent constituer une base de travail. Il convient pour autant de garder à l’esprit qu’on ne peut agir sur la V que par le biais de l’exposition et/ou de la CA, et donc que l’analyse de la V n’est pas une fin en soi. Elle permet simplement de dresser un constat scientifique.

Figure 3. La relation en boucle entre V et CA

Figure 3. La relation en boucle entre V et CA

(III.c) Poids du niveau de développement

43En se focalisant spécifiquement sur le rôle du niveau de développement sur la CA dans son ensemble, ce sous-axe complète les deux précédents. Il remobilise les résultats de l’axe I pour les synthétiser et ainsi interroger l’idée reçue selon laquelle « les pauvres ont fatalement de faibles CA ». Ce sous-axe se veut donc reposer sur l’analyse et la comparaison de cas concrets, dans les pays en développement comme dans les pays développés, et en comparant des échelons territoriaux de même ordre comme des échelons territoriaux de niveaux hiérarchiques différents. Ce point précis nous paraît fondamental car sur la question « qui financer et pour quels programmes/projets ? », question qui est elle-même au cœur des stratégies d’adaptation, il vise à identifier et diffuser des messages à la fois clairs, synthétiques et nuancés ? Ces messages seront notamment adressés à la communauté des décideurs, tant à l’échelle nationale (mise au point de plans nationaux d’adaptation, par exemple) qu’internationale (contexte des négociations climat, par exemple).

(III.d) Différents types de vulnérabilité, différents types d’adaptation

44Tout ce travail doit conduire à montrer qu’il n’existe pas une unique forme de V au CC, ni un seul type de CA, mais plutôt un panel de configurations qui ne font pas intervenir tous les facteurs d’influence de la même manière et qui n’invoquent pas pareillement les mêmes échelles spatio-temporelles. Par l’établissement d’une typologie de situations, le but est de démontrer qu’il existe différentes manières d’être vulnérable au CC et différentes manières d’être capable de s’adapter. Cette approche résulte bien, conformément aux ambitions initiales de notre démarche et de ce texte, d’une volonté scientifique forte de regarder l’affirmation « adaptive capacity is context-specific » (Smit et Wandel, 2006, p. 287) sous un angle désormais plus pragmatique (apport des travaux de terrain) et nuancé (apport des travaux conceptuels). Cela invite également à de nouveau regarder avec grande précaution l’idée reçue selon laquelle les communautés des pays en développement ont des CA moindres que celles des pays industrialisés. Considérer une diversité de formes de V et de modalités de CA implique en effet de traiter de contextes parfois extrêmement différents avec un regard, des politiques et des outils eux-mêmes différents, tout cela reposant sur des approches spatio-temporelles dont la pertinence peut par nature fortement varier d’un contexte à un autre.

45D’un point de vue méthodologique, ces considérations nous amènent à formuler l’hypothèse selon laquelle il n’est pas toujours judicieux de systématiquement vouloir comparer des situations trop différentes, comme la V des Etats-Unis d’Amérique et celle de l’île Maurice, par exemple. Dans certains contextes toutefois, comme ceux des négociations internationales ou de l’élaboration de politiques publiques nationales, l’approche par la comparaison a ses vertus, justement car elle propose un nécessaire cadre de travail. Elle a cependant aussi ses limites.

Adaptation et soutenabilité (axe IV)

Questionnement

  • 15  Une opportunité ?

46De plus en plus de travaux scientifiques montrent que les effets d’inertie propres au système atmosphérique induiront une évolution des conditions climatiques actuelles quels que soient les efforts entrepris aujourd’hui en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (Rahmstorf, 2007 ; Parry et al., 2008 ; Solomon et al., 2009). Parallèlement, on sait que pour des raisons essentiellement relatives au travail de modélisation climatique, les incertitudes sur les effets du CC aux échelles locales resteront importantes au moins sur la décennie à venir (Terray et Braconnot, 2008 ; Knutti, 2008). Il convient dès lors de considérer l’adaptation au CC non plus comme une simple option, mais réellement comme l’une des donnes incontournables du développement soutenable (Smit et al., 1999 ; Magnan, 2008 ; Dovers, 2009). On peut même aller plus loin en affirmant qu’au regard de l’urgence à agir en faveur de la lutte contre le CC, d’une part, et de la nécessité de développer une approche globale et systémique pour penser l’adaptation (à la croisée de différents enjeux et objectifs), d’autre part, chercher à s’adapter constitue un véritable moteur15 pour la mise en œuvre de la soutenabilité. Reste néanmoins la question de savoir comment inscrire les logiques de l’adaptation dans celles de la soutenabilité, posant ainsi la question de ce que les anglo-saxons nomment le mainstreaming. Une manière d’opérer est de s’interroger sur les liens (synergies et rétroactions négatives) entre l’adaptation et les autres mécanismes-clés de la soutenabilité. Cet axe relève davantage d’une approche théorique, conceptuelle, mais nous défendons l’idée que celle-ci est essentielle pour affiner les analyses plus pragmatiques proposées dans les trois axes précédents.

Sous-axes de recherche

(IV.a) Liens conceptuels adaptation/soutenabilité

47L’objectif est donc ici d’interroger le lien entre l’adaptation et d’autres termes-clés de la soutenabilité. On peut notamment retenir les axes suivants :

48- Adaptation, flexibilité et résilience: une première étape du raisonnement consiste à se demander dans quelle mesure la résilience favorise la flexibilité du système, cette dernière étant elle-même au cœur de la CA ? Une seconde étape vise davantage le lien entre adaptation et résilience : quel rôle joue la capacité des écosystèmes et des socio-systèmes à recouvrir d’eux-mêmes un équilibre ? L’adaptation renvoie-t-elle plus que la résilience au temps long ? Et si oui, quelles différences et convergences peut-on identifier entre les mécanismes de la résilience et ceux de l’adaptation ? Suivant quelles logiques peut-on alors favoriser cette potentielle complémentarité entre adaptation et résilience ? Puis comment traduire ces logiques en stratégies politiques et en actions ?

49- Adaptation et intégration: l’intégration est le processus qui vise à faire converger autour de finalités communes les composantes d’un même système, composantes qui peuvent à la base avoir des intérêts plus ou moins compatibles. L’intégration est ainsi reconnue comme l’un des principes-clés de la soutenabilité. Peut-on s’adapter sans intégrer ? Il s’agit ici de mettre en parallèle l’approche globale et systémique indispensable à l’adaptation avec celle requise par l’intégration et ce, afin de démontrer combien l’adaptation peut être moteur de soutenabilité, et l’intégration moteur d’adaptation ;

50- Adaptation et précaution/anticipation: quelles différences fondamentales s’établissent entre la stratégie d’adaptation et le principe de précaution ? Ne s’agit-il pas finalement pour l’une comme pour l’autre d’anticiper les évolutions à venir sans savoir si elles se produiront ? Doit-on faire l’amalgame entre adaptation et précaution ? L’adaptation se résume-t-elle seulement à la capacité à anticiper ? Dans quelle mesure régler les problèmes actuels (de préservation de l’environnement ou d’amélioration des conditions de vie, par exemple) participe-t-il déjà de l’adaptation ?

51- Adaptation et innovation: s’il s’agit dans les deux cas de faire émerger de nouvelles manières de vivre le présent et de se projeter dans l’avenir, l’innovation est-elle nécessairement un principe incontournable d’adaptation ? Autrement dit, peut-on s’adapter sans innover ? Cela complète le questionnement précédent sur les parts respectives des « retards à combler » et des initiatives nouvelles dans la démarche générale d’adaptation. L’un des principaux intérêts du questionnement est de montrer quels types d’actions peuvent être mis en œuvre dès aujourd’hui (car connus mais non encore réalisés) et lesquels nécessitent d’innover ;

52- Adaptation et développement: dans quelle mesure l’adaptation peut-elle être vue comme un levier de développement, et le développement comme un levier pour l’adaptation ? Comment les stratégies d’adaptation s’intègrent-elles à et/ou se différencient-elles des processus de développement ? Il s’agit clairement ici d’interroger l’approche du mainstreaming, en en distinguant les avantages et les limites, ces dernières étant souvent négligées.

53Ensemble, tous ces axes doivent également permettre d’approfondir le lien entre adaptation et incertitude, notamment en apportant de nouveaux éléments de réflexion sur la manière d’intégrer l’incertitude climatique dans les stratégies de développement actuelles et à venir. Ces éléments de connaissance sur les mécanismes communs de l’adaptation et de la soutenabilité fourniront autant d’arguments en faveur du message selon lequel les incertitudes climatiques ne doivent pas constituer un « alibi » pour attendre et ne rien faire (Magnan et al., 2009).

(IV.b) Lien adaptation/mitigation

54Cet axe de réflexion fait déjà l’objet de nombreux travaux de recherche. Il est d’une importance capitale dans la mise en œuvre de l’adaptation car les stratégies d’adaptation au CC ne peuvent s’affranchir des enjeux de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de même que les efforts de mitigation imposent et imposeront de plus en plus de contraintes au fonctionnement des sociétés, donc indirectement à leurs CA. Ainsi les réflexions sur l’adaptation doivent-elles nécessairement tenir compte de ce lien adaptation/mitigation, et la question-clé est la suivante : entre enjeux d’adaptation et enjeux de mitigation, quels effets de synergie sont à valoriser et quelles rétroactions négatives sont à éviter dans le cadre de stratégies pragmatiques de lutte contre le CC et, plus généralement, de développement soutenable ? On retrouvera ici de manière sous-jacente la question des échelles spatio-temporelles pertinentes.

(IV.c) « Bonnes pratiques »

55Enfin, dans un souci de développer des recherches utiles à la prise de décision et à l’action, il convient pour compléter l’analyse des conditions de la mise en œuvre de l’adaptation au CC, de développer un regard critique sur ce qu’est une « bonne pratique ». Ce terme revient régulièrement dans divers documents, notamment dans les « guides de bonnes pratiques », car il est rassurant et présente une valeur d’exemple. Il ne nous paraît cependant pas encore assez maîtrisé pour répondre pleinement à cette fonction d’exemple et donc pour être correctement utilisé. En effet, le principe même de la « bonne pratique » étant de coller au plus près des réalités d’une situation donnée, il n’est de « bonne pratique » que contextualisée. Dès lors, transférer une « bonne pratique » à un autre contexte nécessite des réajustements, précisément parce que les conditions d’ensemble changent. Cela impose donc de distinguer les « bonnes pratiques » en elles-mêmes – l’action précise repérée en un endroit particulier – des principes de « bonnes pratiques » – les logiques générales qui sous-tendent l’action, car c’est bien sur ces derniers que doivent reposer les réflexions. L’objectif rejoint celui des autres axes de recherche proposés ici, à savoir l’identification de principes d’adaptation au CC.

56Cette approche nécessite une recherche appliquée reposant sur des travaux de terrain rigoureux s’appuyant eux-mêmes sur des grilles d’analyse précises (souci d’objectivité d’un cas à un autre et de comparabilité entre différentes situations). Cela peut se faire à différentes échelles spatiales (instances nationales, cas locaux…) et sur différents objets (territoires, secteurs d’activité, groupes de population…). Au-delà du repérage de formes d’aménagement et de modes de gestion favorables à une adaptation au CC (un bâti touristique en retrait du trait de côte, par ex.), cet axe nécessite un travail sur les relations entre les acteurs impliqués plus ou moins directement dans l’adaptation. Diverses questions peuvent alors être abordées : quelles sont les prérogatives des organisations internationales, de l’État, des collectivités locales, des populations locales… ? Quels équilibres sont à construire entre interventions publiques et privées ? Comment concilier des visions et des objectifs différents ? On retrouve ici l’idée centrale du compromis évoquée dans l’axe I (facteurs d’influence de la CA) sur lequel doit finalement reposer la caractérisation de ce qu’est une « bonne pratique », au carrefour d’enjeux environnementaux et anthropiques. Or, les bases de ce compromis sont elles-mêmes nécessairement contextuelles.

57In fine, l’ensemble de l’axe IV doit permettre d’alimenter les réflexions plus conceptuelles sur les facteurs d’influence de la CA (axe I) ainsi que sur les échelles spatio-temporelles pertinentes (axe II). L’une de ses finalités est donc d’établir un certain nombre de lignes directrices (« recommandations ») sur lesquelles faire reposer l’identification et la mise en œuvre de stratégies pragmatiques d’adaptation au CC.

De la capacité d’adaptation aux trajectoires d’adaptation

58Les quatre axes de recherche développés dans la partie précédente ont ceci d’utiles qu’ils permettent de mieux appréhender les diverses dimensions de la CA au CC. Ainsi leur intérêt général est-il de poser des bases de connaissance pour ensuite replacer l’analyse de la CA et de ses logiques dans le champ plus vaste de l’adaptation au CC, puis dans celui du développement soutenable (Figure 4). Pour faire ce lien, une démarche en trois étapes est proposée ici qui dépasse l’objet d’étude CA en tant que tel pour s’intéresser davantage à l’adaptation en général et aux passerelles qui existent entre l’adaptation au CC et le développement soutenable. Le but est ici de proposer un cadre théorique général dans lequel s’inscrit l’analyse spécifique de la CA, et ce afin de pouvoir plus facilement replacer des connaissances parfois très fines et spécifiques sur la CA (sur l’influence de tel facteur par rapport à tel autre dans tel cas d’étude, sur telle « bonne pratique »…) dans un questionnement scientifique plus global.

59Les trois étapes évoquées à l’instant abordent (i) les trois grandes dimensions suivant lesquelles on peut décrypter ce qu’est l’adaptation ; (ii) le caractère nécessairement évolutif des schémas d’adaptation, qui décrivent de fait des « trajectoires d’adaptation » ; et (iii) l’inscription de ces trajectoires d’adaptation dans l’ensemble plus vaste des « trajectoires de développement », angle d’approche pertinent à nos yeux pour traiter de soutenabilité sur le long terme, car il recouvre précisément cette idée de changements dans la continuité.

Figure 4. De la capacité d’adaptation aux trajectoires d’adaptation et aux trajectoires de développement : un cadre théorique de réflexion

Figure 4. De la capacité d’adaptation aux trajectoires d’adaptation et aux trajectoires de développement : un cadre théorique de réflexion

La triple dimension de l’adaptation (processus, état, stratégie)

60Il nous semble que traiter du thème de l’adaptation au CC conduit à distinguer trois dimensions dans ce que l’on nomme adaptation. On peut en effet voir en l’adaptation à la fois un processus, un état et une stratégie (cf Figure 4). Si l’adaptation en tant que processus traduit le fait d’être ou non en train de s’adapter, l’adaptation comme état traduit celui d’être ou non adapté, et l’adaptation comme stratégie celui de vouloir ou non s’adapter.

L’adaptation comme « processus »

61Le processus d’adaptation renvoie aux mécanismes et aux étapes de transformation de l’adaptation, c’est-à-dire aux logiques propres au système et qui expliquent l’évolution des diverses formes que peut prendre l’adaptation (projets, programmes, politiques). Il repose sur les facteurs qui influencent la CA du système et sur leurs interactions (cf. Figure 1), et il s’exprime à diverses échelles spatiales et temporelles. Ainsi, et conformément au caractère nécessairement global et systémique de l’adaptation, la dimension processus intègre les dynamiques à la fois environnementales et anthropiques qui caractérisent le territoire analysé. Enfin, notons que la dimension processus fait par ailleurs spécifiquement référence à l’idée d’évolution des schémas de développement à promouvoir. La notion de flexibilité des stratégies réapparaît ici qui, étant au cœur de la capacité du système à s’adapter, façonne l’adaptabilité de ce dernier à un contexte changeant, notamment sous l’impulsion du CC.

L’adaptation comme « état »

62L’adaptation en tant qu’état fait référence cette fois aux formes que revêt l’adaptation sur le terrain, dans diverses sphères et à différentes échelles spatiales. Il peut s’agir de formes matérialisées (des projets, des groupements associatifs, un plan national d’adaptation…) ou non (un mouvement d’idées, une évolution de pratiques…). L’adaptation comme état traduit le fait d’être ou non adapté à l’environnement naturel et humain au moment où l’on dresse ce constat. Cela renvoie à une certaine unité de temps, c’est-à-dire au fait que l’adaptation état, le fait d’être adapté, est intrinsèquement liée à une échelle de temps spécifique. Autrement dit, s’il est possible de dire qu’une société est adaptée (ou non) à la variabilité climatique actuelle, il nous semble a priori impossible de dire si cette même société est adaptée (ou non) au CC. En effet, le CC est une expression de conditions nécessairement changeantes et que l’on ne connaît pas précisément par avance. Dès lors, une société adaptée aux conditions climatiques à un moment T pourra ne plus l’être à T+1, de même que l’inverse est vrai. Ces variations reposent justement sur la CA de cette société et sur son aptitude à les faire évoluer. Ainsi, dans l’idéal, une société maintiendra son état d’adaptation et ce n’est qu’avec le recul de l’histoire que l’on pourra dire en considérant le temps long qu’elle est adaptée. Sans aller plus loin ici dans cette réflexion, notons simplement que la discussion sur les échelles de temps pertinentes renvoie à l’idée de mécanismes évolutifs d’adaptation, donc à la dimension processus. Il apparaît dès lors que les deux premières dimensions, de même que la suivante, sont complémentaires et c’est justement ce qui fait de ce cadre de lecture un outil intéressant pour l’analyse de l’adaptation en général.

L’adaptation comme « stratégie »

63Enfin, une troisième dimension voit en l’adaptation une stratégie, c’est-à-dire une manière d’organiser l’action en vue d’un objectif spécifique. Pour notre part, nous entendrons principalement ici l’idée de politique, bien que d’autres formes d’organisation collective puissent entrer en jeu. Suivant ce point de vue, l’adaptation renvoie à des logiques non plus de processus ou d’action au sens propre du terme (état), mais plutôt à une intention d’agir au travers de modes de gestion des territoires et des sociétés, de la planification du développement, etc. Il y a là à la fois la notion d’intention et celle d’anticipation et de prise en compte des enjeux présents et à venir. Là encore, l’aspect nécessairement évolutif de l’adaptation est mis en avant et contrairement à la dimension état, l’adaptation entendue comme une stratégie suppose de brasser ensemble différentes échelles temporelles, de même qu’elle implique une prise en compte de multiples échelles spatiales.

64Bien entendu, ce découpage peut paraître quelque peu artificiel car processus, état et stratégie entretiennent des relations de causalité, qui peuvent d’ailleurs être maniées dans divers sens. Ces dimensions s’articulent donc plus qu’elles ne se distinguent. Pourtant, l’utilité de les dissocier, même artificiellement, est bien réelle, car au-delà d’alimenter les réflexions conceptuelles sur l’adaptation au CC, l’exercice peut favoriser l’adéquation des connaissances scientifiques sur l’adaptation et sur la CA aux discours de divers types d’interlocuteurs, amenant à terme à une meilleure compréhension des logiques de l’adaptation en général. En effet, différents interlocuteurs possèdent leur culture propre et abordent la question de l’adaptation suivant ce filtre culturel, c’est-à-dire au travers de l’une des trois dimensions identifiées ici, mais rarement des trois à la fois. Très schématiquement, les responsables politiques nationaux vont avoir tendance à entrer dans le thème sous l’angle de la stratégie, renvoyant ainsi à des logiques politiques dont ils ont la responsabilité. Un petit agriculteur va parler lui aussi d’action, mais contraint par des logiques de court terme, il ne va pas forcément entendre la dimension stratégie, mais considérer l’adaptation avant tout comme un état. Un philosophe, lui, se penchera probablement davantage sur la dimension processus de l’adaptation. Nous soutenons ainsi l’idée selon laquelle distinguer ces trois dimensions de l’adaptation peut permettre d’améliorer l’inscription des connaissances scientifiques à différentes échelles territoriales et de leur conférer une réelle utilité sociétale. On peut notamment préciser que l’élaboration de stratégies d’adaptation pertinentes – car contextualisées – peut largement bénéficier de ce triple cadre d’analyse, car il permet, par la segmentation, d’une part d’identifier toutes les composantes d’un territoire/d’une société qui sont impliquées dans l’adaptation (notamment au travers des CA), d’autre part de faire émerger différentes voies et différents types d’outils (politiques, règlementaires, sociaux…) pour mettre en œuvre l’adaptation. L’enjeu consiste ensuite à faire le lien entre ces composantes.

Trajectoires d’adaptation

Des trois dimensions de l’adaptation aux trajectoires d’adaptation

65Conformément à notre vision dynamique de l’adaptation, le croisement des dimensions processus/état/stratégie introduit une autre idée, celle de trajectoire d’adaptation. On entend par trajectoire d’adaptation le cheminement suivant lequel un territoire (quelle que soit l’échelle spatiale considérée) tente de s’adapter au CC (variabilité climatique comprise). La notion de trajectoire souligne l’impératif de penser les stratégies d’adaptation de manière dynamique et surtout pas fixiste. C’est-à-dire que plutôt que de chercher à déterminer aujourd’hui des formes d’adaptation qui répondront aux enjeux d’avenir sans avoir à être modifiées, mieux vaut selon le principe des trajectoires d’adaptation tenter d’identifier de grandes lignes de conduite offrant une grande souplesse – idée de flexibilité – du point de vue de la mise en œuvre de l’adaptation. Il nous paraît en effet plus pertinent aujourd’hui de construire des stratégies solides d’adaptation qui reposent sur une bonne maîtrise du processus d’adaptation, plutôt que de seulement construire des visions idéales de l’avenir (l’état « suprême » d’adaptation) sans savoir comment les atteindre. Ainsi, compte tenu du fait que les trois dimensions présentées ci-dessus se recoupent pour caractériser l’adaptation, et si l’on convient que derrière le terme adaptation se trouve l’idée de trajectoire d’adaptation, alors on peut admettre que pour un système donné, la trajectoire d’adaptation est une fonction croisée du processus d’adaptation, des états successifs d’adaptation et des stratégies développées. Cela peut se formuler ainsi :

66(At) = f (Ap , Af , As)

67où At représente la trajectoire d’adaptation,

68  Ap représente l’adaptation en tant que processus,

69  Af représente l’adaptation en tant qu’état,

70et As représente l’adaptation en tant que stratégie,

  • 16  Les dégradations environnementales actuelles ou encore les mécanismes socioéconomiques de la mondi (...)

71Avec l’idée de trajectoire d’adaptation, on insiste donc sur la nécessité de se concentrer plus sur le mouvement que sur le résultat final, lequel ne peut par ailleurs pas être clairement identifié puisque, par définition, l’avenir est incertain. Notons au passage que cette conception dynamique répond directement au problème de l’utilisation (in)consciente des incertitudes climatiques comme alibis à l’inaction. De même qu’elle renvoie à l’idée déjà évoquée dans ce texte qu’une solution d’adaptation à un moment donné peut constituer une maladaptation sur un temps plus long et donc qu’elle ne peut réellement participer de l’adaptation d’un territoire sur le temps long que si elle constitue une partie d’une chaîne plus ambitieuse de politiques et d’actions. Or, c’est cette chaîne qui construit progressivement la trajectoire d’adaptation du territoire considéré. À terme, et considérant le fait que le CC ne sera pas le seul moteur de changement à l’avenir16, on peut extrapoler la logique au thème du développement soutenable, principalement en tissant un lien entre trajectoire d’adaptation et trajectoire de développement.

Les trajectoires d’adaptation, composantes des trajectoires de développement

72On entend par trajectoire de développement le cheminement suivant lequel un territoire (quelle que soit l’échelle spatiale considérée) met en œuvre son développement et, selon une approche anticipative, un développement soutenable. De la même manière que pour l’adaptation, la notion de trajectoire met clairement en avant le fait que la formule de développement d’un territoire à un moment donné doit nécessairement reposer sur des fondations dynamiques, évolutives. En effet, si tant est que l’on considère à un moment donné cette formule comme étant soutenable, elle ne correspond en réalité qu’à un équilibre relatif du territoire à un moment donné. Cet équilibre reflète le compromis établi à l’instant T entre les composantes environnementales et anthropiques endogènes et exogènes à ce système. Ce contexte étant lui-même changeant, les bases du compromis ne peuvent que l’être et donc la formule d’équilibre également. L’évolution progressive d’un compromis à un autre, d’un équilibre à un autre, dessine un mouvement qui lui-même caractérise la trajectoire de développement.

73Par ailleurs, on pourrait aussi voir en le terme « soutenable » les trois mêmes dimensions que celles identifiées pour l’adaptation, à savoir que la soutenabilité est à la fois un processus, un état et une stratégie. On pourrait reprendre la démonstration précédente en remplaçant le terme adaptation par celui de soutenabilité, ce qui nous amènerait en partie à comprendre pourquoi s’engager sur la voie de l’adaptation constitue une manière pertinente de construire un développement soutenable. Dès lors, on peut considérer les trajectoires d’adaptation comme une composante essentielle des trajectoires de développement soutenable. Cela permet principalement de raccrocher les réflexions sur le thème spécifique de l’adaptation au CC à des questionnements plus larges qui ne sont pas forcément liés au CC.

Conclusion

74Ce texte avait essentiellement vocation à proposer de nouvelles bases pour l’analyse de la CA des sociétés au CC. À l’origine de la démarche, on trouve le constat d’une idée reçue selon laquelle les communautés des pays en développement auraient de moindres CA que celles des pays développés. L’affirmation systématique d’un lien de causalité direct entre faible niveau de développement et modestes CA ne nous semble cependant ni toujours vraie, ni objective. Elle induit en effet une vision très orientée de l’adaptation, laquelle ne serait alors qu’une question de potentialités économiques et technologiques. Or, d’autres dimensions des sociétés peuvent avoir une grande influence sur l’aptitude à s’adapter au changement en général et au CC en particulier. On pense notamment aux aspects culturels et aux rapports sociaux, ou bien encore à la structuration politico-institutionnelle des territoires. Ainsi, questionner cette idée reçue amène à dresser le constat que la connaissance de ce qui fonde la CA d’une société donnée n’est pas encore suffisamment développée pour conférer à ce champ scientifique une relative maturité. Cela a des implications dans la manière de penser l’adaptation, qu’il s’agisse des stratégies à mettre en place ou encore des choix politiques à opérer à différentes échelles spatiales et temporelles. Il y a donc une réelle nécessité à proposer de nouvelles pistes de recherche pour mieux structurer les réflexions scientifiques sur la CA.

  • 17  Est également incluse la question des rythmes d’évolution.

75Ce texte vise précisément cet objectif et repose sur une conception à la fois dynamique et globale de l’adaptation. Dynamique, d’abord, parce que l’adaptation au CC ne doit pas être entendue comme un objectif idéal aux contours fixes et qu’il faudrait construire et atteindre sur une période de temps relativement longue (échelle de plusieurs décennies), mais davantage comme un état progressif et qui ne sera jamais stabilisé. L’adaptation suppose en effet un jeu d’équilibre entre les éléments qui caractérisent un système – pour nous un territoire – et également avec ceux qui définissent son environnent. Or, l’état stabilisé d’un système à un moment donné implique fatalement une évolution de ce dernier, de même que les conditions environnantes sont nécessairement changeantes. Si bien que cette notion d’équilibre ne peut elle-même qu’être évolutive, ce qui explique qu’il ne peut y avoir d’adaptation que dynamique et, au-delà, que cette aptitude à évoluer en permanence est au cœur même du défi climatique17. D’un autre côté, l’équilibre nécessaire à la qualification d’un degré d’adaptation suppose une appréhension large des déterminants qui favorisent ou contraignent la réalisation de cet équilibre. Il convient dès lors de tenir compte à la fois de caractéristiques environnementales et anthropiques et ce, dans divers domaines (économique, socioculturel, politique…). C’est pourquoi aborder le thème de l’adaptation au CC impose indiscutablement une approche globale et systémique des objets d’étude.

76Sur la base de cette hypothèse selon laquelle la CA n’est pas uniquement fonction du niveau de développement et en adoptant une vision globale et systémique de l’adaptation, nous avons présenté dans ce texte un cadre innovant de recherche sur la CA. Schématiquement et sans revenir sur le détail de la démonstration, ce cadre d’analyse repose sur quatre grands axes de recherche (cf. Figure 1) qui traitent respectivement (i) des facteurs d’influence de la CA, (ii) des échelles spatio-temporelles pertinentes pour analyser la CA, (iii) du lien entre V, CA et niveau de développement, et enfin (iv) des liens entre adaptation et soutenabilité. L’intérêt de ces axes est que rassemblés, ils proposent une approche à la fois conceptuelle et appliquée qui, au-delà de son intérêt purement scientifique, permet aux résultats de percoler dans diverses sphères d’action et de décision impliquées dans la démarche d’adaptation au CC. Cette trame de recherche a donc bien pour ambition une certaine utilité sociétale et, pour faciliter cela, nous avons proposé d’inscrire cette trame centrée sur l’analyse de la CA dans un cadre théorique beaucoup plus large faisant le lien entre adaptation au CC et développement soutenable. Nous avons ainsi proposé de distinguer dans l’adaptation trois dimensions principales. Le processus, l’état et la stratégie font respectivement référence aux mécanismes et étapes de l’adaptation, au fait d’être ou non adapté à un moment donné et sous diverses formes, puis aux politiques d’adaptation en tant que telles, celles-ci traduisant une intention de s’adapter. L’analyse spécifique de la CA permet entre autres d’alimenter par des connaissances précises et concrètes cette vision en trois dimensions. Au-delà, cette dernière permet de caractériser pour un système donné ce que l’on a appelé ici une (des) trajectoire(s) d’adaptation, c’est-à-dire le cheminement suivant lequel ce système tente de progressivement s’adapter au CC. Or, ce cheminement repose à la fois sur des mécanismes d’adaptation (processus), sur une succession de formes plus ou moins viables d’adaptation (état) et sur des logiques de gestion et de planification (stratégie). Finalement, et compte tenu aujourd’hui du poids des menaces climatiques sur le sort de l’humanité future, il nous a semblé opportun de replacer les trajectoires d’adaptation dans la question plus vaste de la mise en œuvre du développement soutenable. La notion de trajectoires de développement constitue donc un aboutissement de ce cadre théorique dans lequel s’inscrit la trame de recherche sur la CA que nous avons proposée.

Remerciements

L’auteur remercie pour leur soutien aux travaux de recherche dont sont issues ces réflexions, la Direction Générale de la Recherche de la Commission européenne dans le cadre du projet « CIRCE » (« Climate change and impact research : the mediterranean environment ») et la Région Île de France dans le cadre du projet « R2DS ». Il remercie par ailleurs Raphaël Billé, Benjamin Garnaud et François Gemenne dans le cadre de réflexions préalables à ce texte, ainsi que Virginie Duvat et Esméralda Longépée pour leurs points de vue sur une version antérieure de cet article. Que soient également remerciés les deux relecteurs anonymes sollicités par VertigO et qui ont incité d’une part à des précisions et des reformulations, d’autre part à ouvrir des pistes de réflexion pour la suite. Enfin, l’auteur tient à rendre hommage à ces auteurs dont quelques articles ont le don de faire décoller la réflexion.

Pour réagir à ce texte

visitez le blogue de [VertigO] en cliquant ici : http://vertigo.hypotheses.org/​608

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Notes

1  Définition de la "sensibilité" par le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : « degré d’affectation positive ou négative d’un système par des stimuli liés au climat. L’effet peut être direct (modification d’un rendement agricole en réponse à une variation de la moyenne, de la fourchette, ou de la variabilité de température, par exemple) ou indirect (dommages causés par une augmentation de la fréquence des inondations côtières en raison de l’élévation du niveau de la mer, par exemple) ».

2  Deux exemples classiques, en France par exemple, sont la tempête de 1999 et la canicule de 2003. S’il ne s’agit ici pas de lier ces événements au changement climatique, le fait est que ce dernier accentuera l’occurrence de tels phénomènes. Si des pays comme la France peuvent se relever d’un épisode ponctuel, quel sera l’impact d’une succession de ce type d’épisodes ? En France toujours, l’exemple de la grande crue de 1910 à Paris interroge sur ses impacts si elle survenait aujourd’hui ; sur ses impacts sur Paris et la France, mais aussi sur d’autres mégalopoles du monde car Paris est interconnectée au monde. Les conséquences de l’ouragan Katrina qui a frappé la Nouvelle Orléans en 2005 permettent elle aussi de réinterroger la capacité des pays développés à digérer les catastrophes naturelles.

3  Il se pose par exemple dans des termes similaires au sujet de la mise en œuvre de la gestion intégrée des zones côtières, ou encore de l’identification d’indicateurs de capital social (Pelling et High, 2005).

4  Convention Cadre des Nations-Unies sur le Changement Climatique, en anglais UNFCCC (United Nations Framework Convention on Climate Change).

5  Les éléments qui entrent en jeu pour expliquer la résistance et/ou l’anticipation ne sont pas forcément les mêmes ni face à des risques naturels différents (par ex., submersion et glissement de terrain), ni face à des types de risques distincts (par ex. : risques naturels, géopolitiques, sanitaires…).

6  Au sein des négociations sur le climat, encore une fois, l’association V / faible niveau de développement peut permettre une simplification du problème, simplification nécessaire pour avancer (car l’urgence étant de rigueur dans la lutte contre le CC, les négociations ne peuvent pas "attendre" les avancées scientifiques ; ces deux blocs évoluent en parallèle et on peut espérer qu’ils se rejoindront un jour) et qui quoi qu’il en soit conduit pour l’heure à une redistribution "sans regret" des fonds mondiaux. Parallèlement, d’autres incitations que financières (à la formation, aux échanges scientifiques…) peuvent apporter un grand soutien à la mise en œuvre de l’adaptation. Elles doivent de fait être promues mais ne pas concerner seulement des pays à faible niveau de développement. Est ainsi posée la question de savoir si la promotion de ces incitations non financières relève ou non de la sphère des négociations internationales.

7  Précisons ici que l’ordre de présentation de ces quatre facteurs n’est guidé par aucune volonté de hiérarchisation reflétant une prétendue (dé)croissance d’influence sur la CA dans son ensemble. Les réflexions sont trop jeunes pour l’heure pour prétendre à l’identification d’une telle hiérarchie d’influence, si tant est que celle-ci existe et puisse être établie.

8  Insistons ici sur le fait que la relation éducation/CA doit être entendue avec prudence, car un haut niveau d’éducation ne suppose pas fatalement une connaissance précise de tous les types de risques menaçant le territoire de vie et de tous les types de réactions à adopter. Les mouvements de panique dans les grandes villes en témoignent.

9  Nous faisons référence ici au terme de « manoeuvrability » utilisé par J. Smithers et B. Smit (1997), par exemple pour rappeler qu’en matière d’adaptation au CC, « the preservation of future options is as important as the immediate response » (p. 138).

10  Les termes de fluidité et de flexibilité renvoient à l’idée d’ajustement évoquée dans la définition officielle de l’adaptation par le GIEC, et donc à l’idée d’une approche évolutive et non fixiste des stratégies d’adaptation à promouvoir (Burton, 1997 ; Smit et Pilifosova, 2003 ; Magnan, 2008).

11  Dans une communication aux journées Nature Sciences Sociétés de Paris des 7 et 8 octobre 2008, O. Godard posait par exemple la question de l’aptitude réelle des systèmes ultra-démocratiques à être suffisamment flexibles et réactifs pour intégrer les perturbations du CC, lesquelles se révèleront nécessairement pour partie au fil du temps (problème de leur prédictibilité).

12  Les structures politico-institutionnelles actuelles puisent en partie leurs racines dans des caractéristiques plus profondes de la société, inscrites dans le temps (Blaikieet al., 1994). Cela explique qu’une organisation spécifique doit faire face à des logiques internes qui peuvent rendre difficile l’adoption de nouveaux modes de fonctionnement, plus en harmonie avec des objectifs d’adaptation au CC.

13  Schématiquement, la variabilité climatique renvoie à une variation des composantes climatiques (température, précipitation…) autour d’une moyenne, alors que le CC renvoie à l’évolution de ces moyennes.

14  Sur cette question du manque de volonté politique et sur ses implications en terme d’action et d’engagement dans des stratégies robustes, voir par ex. O. Godard, à paraître.

15  Une opportunité ?

16  Les dégradations environnementales actuelles ou encore les mécanismes socioéconomiques de la mondialisation, par exemple, représentent eux aussi des sources de contrainte pour l’avenir des sociétés humaines et compte tenu de la difficulté et du temps nécessaire à résorber leurs problèmes spécifiques, ils le resteront encore pendant quelques décennies au moins. Le CC viendra en partie renforcer ces contraintes.

17  Est également incluse la question des rythmes d’évolution.

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Title Figure 1. Quatre axes de recherche pour approfondir la compréhension de la capacité d’adaptation
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Title Figure 2. Logique de construction d’une grille méthodologique d’évaluation de la CA
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Title Figure 3. La relation en boucle entre V et CA
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Title Figure 4. De la capacité d’adaptation aux trajectoires d’adaptation et aux trajectoires de développement : un cadre théorique de réflexion
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References

Electronic reference

Alexandre Magnan, « Proposition d’une trame de recherche pour appréhender la capacité d’adaptation au changement climatique Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 9 Numéro 3 | décembre 2009, Online since 14 December 2009, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/9189 ; DOI : 10.4000/vertigo.9189

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About the author

Alexandre Magnan

Géographe, chercheur, Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri), Sciences Po, 27 rue Saint-Guillaume, 75337 Paris Cedex 07, Courriel : alexandre.magnan@iddri.org

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