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Section courante

Des clichés protectionnistes aux discours intégrateurs : l’institutionnalisation de réserves naturelles de France

Clara Therville, Raphaël Mathevet and Frédéric Bioret

Abstracts

The protected areas are increasingly regarded as open and dynamic social-ecological systems that interact with their environment. Within this context, we focus on Nature Reserves, one of the main French conservation tools. The Nature Reserve of France Association (RNF in French) coordinates Nature Reserves’ managers. RNF is at once a national network of protected natural areas, an information centre that focuses on the sharing of managers’ professional experiences and also a dedicated lobbying agency. RNF occupies today a key place in the institutional scene of Nature protection in France. In this paper we present the evolution of RNF over the last thirty years, the social mechanisms of its construction, the frontiers that limit its actions. The analysis of the emergence in this network of the themes linked to the sustainable development of territories highlighted institutional, organizational, cultural and strategic issues at stake. We argue the thesis of an unfinished institutionalization symbolized by the partial substitution of the protectionist cliché by the new super-cliché of integrated conservation. We conclude by identifying the issues of changes of the network members’ composition, especially the local governance excesses’ risks related to any decentralization process and the crucial issue of inter-networks cooperation.

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Full text

Introduction

1La protection de la nature en France a été en premier lieu le fruit d’initiatives d’associations de naturalistes et d’artistes (Kalaora, 1998). Ainsi, les peintres de Barbizon contribueront-ils à préserver le caractère paysager pittoresque de la forêt de Fontainebleau par un décret impérial en 1861. Par la suite, au début du XXe siècle, ce seront des associations qui établiront les premiers espaces protégés – toutefois sans base légale – avec notamment la création de la réserve ornithologique des Sept-Îles en 1912 et la réserve zoologique et botanique de Camargue en 1927 (Selmi, 2009; Leynaud, 1985). Les lois de 1906 et de 1930 sur les sites classés et inscrits peuvent être considérées comme les premières lois de protection de la nature en France. Il faudra cependant attendre la fin de la Seconde Guerre mondiale pour voir se développer le droit de la protection de la nature. Les principaux outils de protection des espaces naturels seront progressivement créés avec les réserves naturelles en 1957, les parcs nationaux en 1960, les parcs naturels régionaux en 1967 et enfin le Conservatoire de l’espace littoral et des rivages lacustres en 1975 (Selmi, 2006; Mauz, 2003; Zuanon, 1995). La loi du 10 juillet 1976 deviendra la clé de voute de toutes ces réformes en proclamant d’intérêt général la protection des espèces, des milieux et des paysages (Larrère, 2009; Durousseau et al., 2006), et en consacrant pour la première fois la notion de patrimoine naturel dans un texte de loi. Si les premiers outils sont le plus souvent caractérisés comme relevant du paradigme protectionniste, porteurs d’une vision « excluante », les années 1980 et suivantes sont marquées par la diffusion d’un paradigme de « conservation intégrée » (Rodary et al., 2003). Cette vision intégrative est évidemment polymorphe, et les concepts et outils qui s’y rapportent sont nombreux : développement durable, socio-écosystèmes, Integrated Conservation-Development Project, Community-Based Management, approches contractuelles, etc. Ces évolutions conceptuelles traduites au travers d’engagements internationaux poussent l’État français à davantage favoriser les approches décentralisées et participatives pour la mise en œuvre des politiques publiques en général (Gaudin, 2007; Clayes-Mekdade, 2006; Douillet, 2003; Sintomer et Blondiaux, 2002; Thoenig et Duran, 1996), et plus particulièrement pour celles de conservation de la biodiversité. Avec la mise en œuvre des directives européennes oiseaux (1979) et habitats (1992), suivies par la Convention de Rio en 1992, les approches contractuelles de la gestion de la biodiversité tendent à impliquer davantage les populations locales dans les processus de décision et de gestion des aires protégées (Aubertin et Rodary, 2008; Gaudin, 2007; Pinton et al., 2007). Les lois de démocratie de proximité et des affaires rurales de 2002, et la réforme des parcs nationaux de 2006 contribueront à poursuivre la décentralisation amorcée dans les années 1980, en associant davantage les collectivités locales à la gestion des sites protégés (Chevalier, 2010; Larrère, 2009; Filoche, 2007; Cans, 2002). Désormais de nombreux outils de protection des espaces naturels existent. Même si cette diversité permet une grande adaptation aux contextes locaux, tant écologiques que socio-économiques, il ne s’agit pas ici de les passer en revue. Il s’agit plutôt de souligner qu’avec le déploiement des approches de conservation intégrée, les nouveaux espaces de la conservation s’insèrent dans l’espace des sociétés et dans leurs territoires (Mathevet et Poulin, 2006). Les aires protégées apparaissent alors comme des systèmes socio-écologiques dynamiques et ouverts en interaction avec leur environnement.

2Dans ce contexte, nous nous intéresserons aux réserves naturelles, l’un des principaux outils des politiques de conservation du patrimoine naturel en France. D’après l’article L.332-1.-I. de la loi de 1976, « des parties du territoire […] peuvent être classées en réserve naturelle lorsque la conservation de la faune, de la flore, du sol, des eaux, des gisements de minéraux et de fossiles et, en général, du milieu naturel présente une importance particulière ou qu'il convient de les soustraire à toute intervention artificielle susceptible de les dégrader ». Il s’agit donc d’un espace qui présente de forts enjeux de conservation du patrimoine naturel biologique et/ou géologique, protégé à long terme par une réglementation spécifique et adaptée, géré localement et en concertation (Bioret et al., 1995). Au 1er janvier 2012, il existe en France 164 réserves naturelles nationales (RNN), 96 réserves naturelles régionales (RNR) et 6 réserves naturelles de la collectivité territoriale Corse (RNC). Elles couvrent un total de 2 853 126 ha (RNF 2012a), et environ 1.8 % du territoire terrestre national. La tutelle, État ou collectivité régionale, délègue la gestion à un organisme, en relation avec un comité consultatif de gestion rassemblant les partenaires locaux (élus, services tutélaires, représentants d’usagers et de propriétaires, scientifiques...). L’objet principal d’une réserve naturelle demeure avant tout de protéger un patrimoine naturel (biologique et/ou géologique) exceptionnel. Les missions principales se déclinent en trois axes majeurs : protéger (via des agents commissionnés pour les missions de police de la nature), gérer (mise en œuvre des actions d’un plan de gestion et de suivis scientifiques) et sensibiliser les différents publics (mise en œuvre d’un programme pédagogique destiné aux scolaires, ouverture du site et accueil du public, création de panneaux d’interprétation...). D’après l’article L332-8 du code de l’environnement et l’ordonnance N° 2012-9 du 5 janvier 2012, les structures de gestion sont des établissements publics et des groupements d’intérêt public, des associations et des fondations, des collectivités territoriales et groupements de collectivités, ou des propriétaires de terrains classés en réserve naturelle. Ces structures sont financées dans le cadre de leur mission « réserve naturelle » par l’autorité administrative dont elles dépendent (la DREAL pour les RNN, le conseil régional pour les RNR, la collectivité territoriale Corse pour les RNC), mais mobilisent également une variété de modalités de financements complémentaires via divers partenariats publics et privés (MATE et DNP, 1997).

3Les réserves naturelles et leurs gestionnaires sont fédérés au sein d’une tête de réseau , l’association loi 1901 Réserves Naturelles de France (RNF), qui fête ses 30 ans en 2012 (RNF, 2012b). L’association rassemble plus de 600 membres (RNF, 2012a), répartis en personnes morales (notamment les organismes gestionnaires) et personnes physiques. À la fois réseau national d’espaces naturels au patrimoine naturel protégé, centre de mutualisation des expériences des membres de ce réseau et aussi organisme de promotion de l’outil « réserve naturelle », RNF tient désormais une place importante dans le paysage institutionnel de la protection de la nature en France. Elle constitue un échelon organisationnel entre le ministère de l’Environnement, les gestionnaires de réserves naturelles et les autres réseaux d’espaces naturels protégés à l’échelle nationale. De plus, elle tente dans son histoire récente de conforter sa place à l’échelon régional auprès de partenaires déconcentrés et décentralisés, tels que les DREAL et les Régions. De fait, elle peut être qualifiée de structure passerelle, ou bridging organization (Brown, 1991). Toutefois, son histoire, sa construction et l’évolution de ses rôles n’ont jamais été étudiées.

4Face aux évolutions paradigmatiques associées aux politiques de conservation de la nature ces 50 dernières années, entre stricte protection et développement touristique, lieu de recherche ou de partage des savoirs, quel est l’avenir des réserves naturelles? La généralisation de la problématique des changements globaux, du développement durable, n’invite-t-elle pas davantage aujourd’hui qu’hier aux approches territoriales pour comprendre la résilience des systèmes socio-écologiques? Dans un tel contexte, nous posons l’hypothèse que RNF, en tant qu’acteur intermédiaire entre le ministère de l’Environnement, les gestionnaires de réserves naturelles, les acteurs de la conservation de la nature à l’échelle nationale, et plus récemment les acteurs régionaux, a joué un rôle clé dans la définition des spécificités des réserves naturelles et dans la négociation de ce tournant conceptuel, entre approches protectionnistes et intégratives. Nous proposons de présenter dans ce papier l’évolution du réseau RNF au cours des trente dernières années, les mécanismes qui ont contribué à sa construction, les frontières qui bornent son champ d’action. L’analyse de l’émergence des thématiques liées au développement durable et aux territoires dans le réseau RNF permet d'une part de mettre en évidence les enjeux institutionnels, organisationnels, culturels et stratégiques de ce réseau et d’autre part, d’avancer la thèse d’une institutionnalisation inachevée symbolisée par la substitution partielle du cliché protectionniste par un nouveau super-cliché intégrateur. Notre propos se concentrera donc sur l’analyse du rôle joué par RNF via son institutionnalisation, des représentations et des acteurs qui y ont voix, des processus en œuvre et des résultats qui en découlent. Nous nous appuierons sur les cadres de pensée permettant d’analyser les processus de structuration de l’action collective (Giddens, 1984). Nous identifierons les facteurs clés pour la mise en œuvre d’une action commune (Ostrom, 1990; Tilly, 1978), et nous nous attacherons plus particulièrement aux jeux d’acteurs qui sous-tendent les relations entre des acteurs membres et une organisation structurante (Mermet et al., 2005; Robbins, 2004; Crozier et Friedberg, 1977). Nous questionnerons la notion d’institutionnalisation, soit le processus par lequel un ensemble de règles, de normes et de valeurs vont être reconnues légitimes par les acteurs sociaux (Etienne et al., 1997; Ostrom, 1990).

5Dans une première partie, nous exposerons brièvement la méthode socio-ethnologique mise en œuvre, puis nous présenterons les quatre principales étapes de l’institutionnalisation de RNF. Nous nous attacherons ensuite à souligner la nature des débats au sein de RNF, les avers et revers de cette institutionnalisation. En conclusion, nous insisterons sur l’évolution de la composition des membres de ce réseau, les risques de dérive localiste inhérents à toute politique de décentralisation et l’enjeu de la coopération inter-réseaux. De fait, nous ne nous attarderons pas, dans le cadre de cet article, sur les résultats liés à la question du « Pourquoi sortir de sa réserve naturelle? », les formes de cette sortie ainsi que les processus sous-jacents en œuvre à l’échelle locale. Également, nous avons fait le choix de centrer notre analyse sur le macro-acteur RNF et de ne pas détailler l’articulation avec les réserves elles-mêmes. Les effets de ce processus d’institutionnalisation de RNF sur les sites sont évidents, hétérogènes, et seront traités dans le cadre d’une étude complémentaire.

Méthodes

6Afin de reconstruire l’histoire de l’institutionnalisation de RNF, et plus particulièrement celle de l’édification d’une vision intégrée, nous avons utilisé deux types de matériaux : d’un côté, les discours des acteurs de cette construction, et de l’autre, l’analyse des documents susceptibles de nous éclairer sur l’état d’esprit de ses instigateurs. Cette double entrée présente l’avantage de croiser les regards entre une approche syncrétique de description rétrospective et ce que nous racontent les archives. Les citations extraites des entretiens et des archives sont distinguées entre guillemets.

7La conduite d’entretiens exploratoires souples (Alami et al., 2009; Kaufman, 2004) nous a amenés à identifier les évolutions qui ont marqué l’histoire du réseau, certains éléments clés concernant la genèse des identités collectives apparues autour de RNF, ainsi que les tensions propres à cette construction identitaire. Nous avons rencontré 25 personnes, identifiées par RNF comme étant des acteurs clés de l’histoire de l’association ou en lien avec notre thématique d’intérêt. La plupart d’entre elles, en tant que membres de RNF et plus particulièrement de son conseil d’administration (CA), de ses commissions, ou salariés de l’association, ont contribué activement à la vie du réseau des réserves naturelles, et aux choix qui ont été faits. Nous avons également échangé avec des acteurs de la protection de la nature situés en dehors du réseau RNF, mais dont les trajectoires, au sein de leurs institutions respectives, ont croisé celle des réserves naturelles : représentants d’associations nationales de protection de la nature, de parcs nationaux ou régionaux, du ministère de l’Environnement ou encore des régions. Les entretiens, conduits par téléphone ou de visu entre juillet 2010 et décembre 2010, ont été enregistrés et accompagnés d’une prise de notes. Ils ont abordé sous la forme de récits de vie la relation de la personne rencontrée avec le réseau des réserves naturelles, et plus particulièrement les tenants et aboutissants de la promotion des approches intégrées dans les réserves naturelles, des échelles locale à nationale.

8D’autre part, l’étude des archives de RNF nous a éclairés sur la conduite de ses actions durant ces trente dernières années, et sur le façonnement de ses représentations et de ses positionnements induits en termes d’approches intégratives. Cette littérature grise, bien qu’elle ne soit pas un dépositaire neutre du passé, « est prise dans une trajectoire, et une transitionalité qui en fait un écrit d’action » (Charvolin, 2003, p.122), conduisant par procuration l’historien à avoir accès au passé. Nous avons pu consulter les comptes-rendus de conseils d’administration (CR CA) et d’assemblées générales (CR AG) de 1982 à aujourd’hui. Alors que les premiers nous plongent au cœur des réflexions stratégiques menées par quelques administrateurs, les seconds illustrent leur confrontation avec l’ensemble des membres du réseau des RN, regroupés une fois l’an lors du congrès national. Croiser ces deux éléments de l’archive met en lumière le processus d’institutionnalisation et d’autonomisation de RNF vis-à-vis de ses membres et partenaires.

L’institutionnalisation de RNF

9L’histoire des réserves naturelles et de RNF peut se découper en 4 grandes périodes, illustrées par la figure 1 : 1) Avant 1982, les prémices; 2) Années 80, fédéralisation et exploration; 3) Années 90, gestion et uniformisation; 4) Années 2000, approche stratégique. Les dates proposées en début et fin de période permettent d’illustrer et de clarifier au mieux notre propos. Toutefois, certaines caractéristiques pointées comme représentatives d’une période particulière ont été en gestation et ont émergé ponctuellement pendant plusieurs années avant de prendre tout leur sens. D’autres se sont mises en place à une époque donnée, mais perdurent encore aujourd’hui. On n’assiste donc pas, de manière générale, à une succession de périodes disjointes par de grands changements normatifs, mais plutôt à une cohabitation (Cohen, 1985), à une diversification et à une affirmation fluctuante de telle ou telle caractéristique identitaire de RNF et des réserves naturelles.

Figure 1. Le contexte politique national et international de la protection de la nature et les grandes étapes de l’institutionnalisation de Réserves Naturelles de France

Figure 1. Le contexte politique national et international de la protection de la nature et les grandes étapes de l’institutionnalisation de Réserves Naturelles de France

Avant 1982 : les prémices

10Alors que les réserves naturelles n’apparaissent formellement qu’en 1976, des instruments législatifs publics ainsi qu’une certaine dynamique relevant de l’initiative privée soutiennent la protection de la nature en France depuis le début du 20e siècle. D’une part, dans la lignée des forestiers, des esthètes, et des expérimentateurs tropicaux, la France a mis en place une politique de protection basée notamment sur les parcs et les monuments. Ces outils relèvent d’un modèle de protection « à la française » (Larrère, 2009), qui repose sur un compromis entre des approches de type « réserve intégrale » et « parcs culturels » soucieux du développement rural. Dans les années soixante, l’environnement est en phase d’institutionnalisation et l’État s’organise aux différentes échelles, malgré des difficultés structurelles et budgétaires (Charvolin, 2003; Lascoumes et Le Bourhis, 1997). Dans la mise en place de cette organisation, il est possible de repérer l’apparition de structures – relais (bridging organization) telles que la Conférence Permanente des Parcs Naturels Régionaux, mise en place en 1969 par les « directeurs et chargés de mission des PNR […] pour mettre en commun leurs expériences, confronter leurs problèmes, défendre et promouvoir la politique des Parcs ».

11D’autre part, la mise en place d’actions de conservation ne relève pas seulement des pouvoirs publics, mais s’inscrit également dans des dynamiques issues de l’initiative privée. De 1906 à 1930, 459 « réserves » sont instituées (Barraqué, 1985), suite aux actions du Touring Club de France, de sociétés littéraires, artistiques et scientifiques et d’associations de protection de la nature. Les motifs de classement sont alors variés : protection de sites pittoresques, artistiques, légendaires, de monuments naturels ou historiques… Les sites dits « scientifiques » se concentrent sur la protection d’espèces rares ou menacées et le patrimoine naturel remarquable en général (Lamarque, 1973, p.56). Ces « réserves » se situent selon certains auteurs dans le schéma des « réserves intégrales », et s’inspirent des modèles théoriques américains et du Wilderness Act, excluant l’homme qui ne doit rester qu’un visiteur temporaire (Selmi, 2009). Leurs instigateurs, sociétés savantes et associations de protection de la nature, s’appuient alors principalement sur de l’acquisition foncière et de la contractualisation, et les sites sont souvent de taille modeste par manque de moyens. Si nombre d’entre elles n’auront qu’une existence éphémère, d’autres ont traversé plusieurs décennies, certaines en conservant jusqu’à aujourd’hui leur statut initial sans pour autant acquérir le statut de réserve naturelle, tandis que d’autres ont par la suite acquis le statut juridique de réserve naturelle. La loi du 1er juillet 1957 introduit ce statut en renforçant l’idée de protection de sites « de caractère scientifique », pour ce qu’ils contiennent « de précieux et d’intéressant pour la science ». Elle traduit en ce sens l’importance des justifications scientifiques dans la mise en œuvre initiale de l’outil réserve naturelle. Pour Lamarque, « il ne s’agit pas tant de conserver certaines espèces (…) que de procéder à l’étude minutieuse de l’influence du milieu sur les espèces tant animales que végétales » (Lamarque, 1973, p.57). Dans ce cadre, l’actuelle Société Nationale de Protection de la Nature joue un rôle phare avec la création de la RN de Camargue en 1927, la RN de Néouvielle en 1935, et la RN des Sept-Îles en 1912 avec la Ligue de Protection des Oiseaux.

12Si ces associations de protection restent marginales pendant de nombreuses années, « l’environnement (n’étant) pas à la mode », un basculement a été identifié lors des entretiens à la fin des années soixante : « On sentait que ça poussait. La charnière, on peut dire que c’est Mai 68 ». Cet événement vient conforter l’émergence de mouvements associatifs militants au début des années soixante-dix (Ollitrault, 2001), notamment « dans des secteurs où il y avait de l’aménagement un peu dur », des menaces fortes ou « dans les milieux où il y avait un milieu universitaire assez actif ».

13L’institution en 1976 de l’outil réserve naturelle en tant que tel va constituer pour ces réseaux associatifs un moyen de reconnaissance, de légitimation, et de pérennisation réglementaire et financière des actions entreprises jusque-là (Depraz, 2008, p.33). Elle constitue le point de départ d’une relation entre secteur public et secteur associatif militant et, à la mise en place « par le bas » d’une politique réserve naturelle opportuniste : « le ministère s’est beaucoup appuyé sur le tissu associatif. Il n’y avait pas encore de délégation en régions ». Les réserves naturelles présentent également pour les fonctionnaires une alternative aux parcs nationaux lorsqu’ils sont rejetés par les collectivités locales, par exemple en Haute-Savoie (Mauz, 2005) ou dans les Pyrénées-Orientales. Ainsi, dès les origines, on assiste à la mise en place d’une double culture dans les réserves naturelles : d’un côté, des universitaires, associatifs et militants, de l’autre des fonctionnaires, forestiers ou membres de la DDA.

14L’esprit « réserve naturelle », tel qu’il est décrit rétrospectivement par ses instigateurs, est alors ancré dans le cliché protectionniste pur et dur de la « mise sous cloche ». Une analogie avec les parcs nationaux a souvent été mobilisée, en témoigne cette citation : « Les RN à l’époque étaient quand même souvent des mini parcs nationaux […] : l’esprit c’était protéger, protéger, protéger ». Les gestionnaires de RN se placent encore aujourd’hui bien souvent au niveau de cet outil fleuron des politiques nationales de protection de la nature, tout en durcissant l’esprit dans lequel il œuvre. Cette transition d’une action basée sur la contractualisation et le compromis jusqu’à la mise en œuvre de visions excluantes a été analysée comme suit par certains de nos interlocuteurs :

« Il y avait un réflexe aussi des gens qui avaient milité pour la création des RN, qui après étaient devenus gestionnaires […]. On est dans notre territoire, il est protégé et on n’en parle plus. On a gagné le combat, maintenant on est chez nous. Ca faisait un camp retranché quoi ».

15À l’inverse, ceux qui comme Jean Eyheralde sur la RN des Aiguilles Rouges, axent une partie conséquente de leurs actions sur l’éducation à l’environnement et l’accueil, sont présentés comme de « rares exceptions », des « visionnaire(s) humaniste(s) ».

Années 1980 : fédéralisation et exploration

16Considérant l’expansion rapide du nombre de réserves naturelles, l’hétérogénéité des cultures et des pratiques mises en œuvre, ainsi que l’existence de questionnements communs, il apparaît rapidement nécessaire de créer une structure – passerelle, à l’image de ce qui existe déjà pour les parcs régionaux. Cette dernière relève à la fois d’une logique horizontale et verticale.

17D’un côté, au début des années 80, le ministère se retrouve avec soixante sites classés en réserve naturelle, et sans capacité d’organisation. Fruits de cette politique opportuniste par le bas, de la flexibilité de l’outil, de ses objectifs et de son suivi, les réserves naturelles sont autant d’entités disparates qui ont peu de lien avec leur tutelle, et aucune structure fonctionnelle d’harmonisation. « Il n’y avait aucun cadre juridique », et l’État « ne savait absolument pas ce qui se passait dans les RN, il ne savait absolument pas à quoi était utilisé l’argent ». À l’initiative de quelques membres du ministère, la Direction de la Protection de la Nature (DPN) exprime sa volonté de « mettre de l’ordre » et de créer « une structure de coordination des RN, qui mettra en place des règles d’homogénéisation ». Le responsable du bureau des réserves, très pragmatique, raconte :

« Je travaillais avec les directeurs de parcs qui géraient des RN […] On se disait c’est quand même dommage, il existe une fédération des parcs et il n’y a rien pour les réserves. Et on s’est dit inventons la même chose pour les réserves! »

18L’initiative est bien accueillie par les gestionnaires associatifs, qui ressentent alors le besoin d’échanger sur des problématiques communes : « L’idée de se fédérer pour mutualiser les connaissances, les réponses aux questions que chacun se pose dans son coin […], se les poser ensemble ça paraissait évident. » Ainsi, dans une lettre datée du 17 mars 1982, M. Gallois, directeur de la Société Nationale de la Protection de la Nature, exprime le souhait des gestionnaires « de créer une association comparable à la conférence permanente des parcs ». La Conférence Permanente des Réserves Naturelles (CPRN) est créée en mai 1982. Les statuts, rédigés en partenariat entre fonctionnaires et associatifs, traduisent bien cette double vocation :

« La Conférence Permanente des Réserves Naturelles a pour but de mettre en œuvre tous les moyens pour assurer une information régulière entre les différentes réserves naturelles, pour fournir une assistance technique aux organismes chargés de réaliser et de gérer ces réserves, et pour faire connaître le résultat de ses études et réflexions à toutes les instances qui lui sembleront utiles, notamment au ministère chargé de la protection de la nature. »

19Toutefois, si la CPRN est le fruit d’une collaboration entre fonctionnaires et associatifs, un équilibre entre ces deux mondes, parfois méfiants l’un vis-à-vis de l’autre, a dû être trouvé. Notamment, le mouvement associatif est alors décrit comme « assez jaloux de ses prérogatives, de sa liberté », et constitué de « passionnés qui ne veulent aucune structure, surtout étatisée ». Différents éléments historiques, structurels et de gouvernance vont avoir une influence décisive sur la concrétisation de cette alliance plus ou moins improbable. Concernant la mise en œuvre, « l’État a eu l’excellente idée de susciter une création et un mouvement associatif, mais de ne pas y être pesant ». Il se pose alors en tant que partenaire, mais n’invoque pas son rôle de tutelle et de droit de regard sur le fonctionnement de la CPRN. De plus, le fonctionnement administratif de la CPRN résulte de compromis susceptibles de rassurer ses membres associatifs. Il s’agit d’une association loi 1901, formule familière aux militants, le CA n’est alors composé que de personnes physiques, éliminant de fait les structures morales perçues comme politisées, et il est convenu que la présidence de l’association sera tournante : « Il y aurait une fois un fonctionnaire qui serait à la présidence, une fois un associatif […], pour éviter les clivages, la crainte des associatifs que cette structure soit prise en main par l’État à travers ses fonctionnaires ». Enfin, les gestionnaires publics tels que l’ONF ou l’ONC, peu représentés et mal perçus des associatifs, sont rapidement « éjectés par la culture associative traditionnelle », et leur absence dans le réseau perdurera de nombreuses années.

20Les premières années d’existence de la CPRN sont marquées par l’exploration d’un certain nombre de thématiques qui constitueront les fondements de sa construction. Concernant le fonctionnement de l’association, on assiste dès les premières années à l’apparition des principales commissions, ou groupes de travail, qui jalonnent les champs d’action de RNF et contribuent encore aujourd’hui à son identité. C’est le cas des commissions « scientifique », « communication », « personnel », ou encore « pédagogie ». De plus, il apparaît rapidement aux membres du CA qu’un certain nombre de leurs questions ne trouvent pas de réponses dans les textes de loi : ils dénotent un « flou dans les buts de gestion : est-ce la protection d’un équilibre, d’une évolution, voir d’une espèce? », et observent que « l’aspect pédagogique n’est pas abordé par la loi de 1976 » alors que nombre de gestionnaires s’y investissent. D’autre part, les échanges en CA, alors particulièrement réflexifs et fondamentaux, abordent de manière récurrente la relation homme - nature dans les RN. Ils constatent les niveaux d’interdépendances entre différentes échelles spatiales (« La gestion est une et indivisible et qu’il ne peut exister deux gestions distinctes, l’une scientifique, l’autre du territoire »), entre systèmes sociaux et écologiques (Étude sur « l’évolution réciproque des biocénoses et activités humaines » (Le Neveu, 1987)) et s’inquiètent des problèmes d’appropriation : « Faute de prouver l’intérêt des RN localement (notamment par la pédagogie), la situation ne fera qu’empirer ». Politiques, administratifs et certains associatifs « avaient l’idée qu’on n’arriverait à rien si on restait entre naturalistes, oiseaux et plantes dans son pré carré […] Il fallait que ce soit dans une culture, dans un projet partagé ». Les RN souffrent d’un manque chronique de crédits et d’une image peu avenante de « mise sous cloche », comme le montre ce titre d’un colloque provocateur au début des années quatre-vingt : « Nature en réserve, Nature en conserve? ». Pour le CA du 26 octobre 1984 :

« Si les réserves ont été créées initialement pour protéger le patrimoine naturel d’intérêt national et international, ce ne sont pas, contrairement à une idée répandue, des territoires clos dont l’accès serait réservé à quelques spécialistes, mais des lieux privilégiés de rencontre de l’Homme et de la Nature. »

21Ils sont encouragés dans cette voie de l’ouverture par la ministre de l’époque, Huguette Bouchardeau, qui lors du congrès de 1984 scande cette phrase dont les plus anciens se souviennent encore : « Sortez de vos réserves! »

22Enfin, certaines faiblesses institutionnelles apparaissent rapidement aux yeux des administrateurs de l’association. L’absence des organismes gestionnaires en tant que personnes morales handicape la structure qui manque de légitimité et de poids à l’échelle nationale. Les RNV sont très peu représentées. Concernant les relations entre la CPRN et la DPN, les administrateurs tiennent à maintenir une « liberté d’action de la CPRN » autant « technique » que « politique », alors que « la dépendance budgétaire [est] totale » et que la DPN est « effrayée » devant le développement des différentes têtes de réseau. En vue de ce dernier point et des faiblesses budgétaires du ministère, le représentant de la DPN invite à la mutualisation : « pas de multiplication des initiatives dans chaque structure », et « concentration des moyens » selon les lobbies et leurs champs d’action de prédilection.

Années 1990 : gestion et uniformisation

23Dans les années 90, la CPRN va construire sa légitimité et son identité autour de la notion de professionnels de la gestion des espaces naturels. Ce champ d’action, qui est encore aujourd’hui sa marque de fabrique, prend sa source dans l’apparition d’un outil : le plan de gestion.

24L’idée de gestion des espaces naturels est formalisée dans la discipline écologique avec les travaux de Holling sur la gestion adaptative (Holling, 1978). Évoquée dès la création de la CPRN, cette notion apparait en partie suite à une logique décrite comme empirique de type approche essai-erreur (Chevalier, 2010) : un certain nombre d’exemples célèbres ont contribué à la prise de conscience que les mesures de protection ne suffisaient pas forcément à conserver le patrimoine naturel. De plus, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, on dénote une grande hétérogénéité inter-sites : « les gestionnaires avaient une vision personnelle de la gestion, chacun avait sa cohérence personnelle ». En 1985, l’idée de s’investir sur les techniques de gestion apparaît comme « une préoccupation conjointe » des gestionnaires et du ministère. De manière générale dans la mise en œuvre de l’action publique, le tournant néo-libéral mondial consacre alors les notions de planification – programmation - budgétisation. Sous couvert de rationalité, « l’idéologie gestionnaire » entretient un nouveau pouvoir managérial et sous-tend une certaine vision du monde centrée sur l’évaluation et le culte de la performance (Muller, 2009; De Gaulejac, 2005). Si les gestionnaires affirment voir dans le plan de gestion d’abord un intérêt en termes de préservation, la DPN « met l’accent sur l’aspect pratique : aboutir à un « manuel du parfait gestionnaire » ou au moins des conseils pratiques ». En s’inspirant des « management plans » des espaces protégés du Royaume-Uni (Nature Conservancy Council, 1988; Wood, 1983), la CPRN entreprend un travail d’adaptation de cette démarche au contexte des réserves naturelles, et à d’autres types d’espaces protégés au niveau national. Le premier guide apparaît en 1991 et la démarche est institutionnalisée par la circulaire n° 95-47 du 28 mars 1995 (Bioret, 2003). Les plans de gestion vont constituer un élément majeur dans la définition des champs d’action de RNF. En témoigne cette intervention du représentant de la DPN lors de l’AG de Sixt en 1989 :

« Il faut que chaque réserve soit à court terme dotée d’un plan de gestion. Celui-ci fixera les objectifs à moyen et long terme de l’histoire de la réserve. Cette planification de la gestion conduira à une meilleure définition des moyens financiers, et aidera à l’argumentation en faveur de l’augmentation des budgets. Ces plans de gestion seront un moyen de démontrer la technicité des réserves ».

25Ainsi, il s’agit non seulement de planifier la gestion dans le temps long, mais également d’argumenter concernant les budgets et de témoigner de compétences techniques. Voici donc le champ d’action de prédilection, tel qu’attendu par le ministère, de la CPRN et des RN : par le biais du « développement d’un réseau de compétences », expérimentées et partagées, la CPRN se positionne en tant que réseau d’« experts », professionnels de la gestion, « moteurs » pour les autres espaces naturels protégés. Un exemple significatif est la désignation par le ministère de la CPRN dès 1996 pour élaborer la méthodologie du DOCOB des sites Natura 2000. À l’instar de ce qu’ont pu constater Granjou et al. (2010) chez les travailleurs de la nature en général, cette transition vers le professionnalisme témoigne de l’intérêt à être reconnus comme des professionnels, et à sortir du cliché des hippies, des « rigolos » et autres « écolos barbus ». Le plan de gestion reste aujourd’hui encore une des réalisations phares de la CPRN, et ses vocations se sont même diversifiées, en phase avec les évolutions contextuelles en termes de conservation de la biodiversité. Pour Bioret (2003), le plan de gestion est également un outil qui « renforce la légitimité du gestionnaire à sortir de sa réserve » en affirmant et en revendiquant des rôles externes et transversaux, notamment en lien avec les interdépendances fonctionnelles. D’outils pratiques, les documents de gestion sont devenus pour certains des moments démocratiques au cours desquels la politique de gestion est définie de manière participative (Chevalier, 2010), et pour d’autres, des outils donnant l’illusion d’une consultation.

26Même si le plan de gestion est aujourd’hui largement utilisé par les gestionnaires et promu par RNF, son avènement ne s’est pas fait sans heurts et sans conflits d’intérêts. Dans une logique empirique, les gestionnaires tentent au mieux de réintégrer des pratiques de gestion susceptibles de pallier la disparition des perturbations qui ont forgé certains milieux naturels. Ce n’est pas le cas d‘autres gestionnaires partisans de la naturalité, par exemple dans des milieux forestiers, qui prônent le non-interventionnisme (Génot, 2010). Dans une logique d’intéressement, la majorité des membres du réseau assume le modèle connaissance – objectifs – actions, support de pouvoir dans la négociation des budgets ou la reconnaissance d’un professionnalisme. Pour d’autres membres associatifs « traditionnels », le plan de gestion est perçu comme « une intrusion dans leur manière de gérer, une ingérence », un outil excessivement normalisateur et chronophage. L’ensemble de ces débats s’organisent autour de trois axes fondamentaux : la relation homme – nature (une nature que l’on doit contrôler vs non?), la relation au modèle néo-libéral (les modèles managériaux comme outils de préservation pourvoyeurs d’arguments stratégiques et d’efficacité, vs bras armés d’une idéologie centrée sur la performance et le profit) et enfin la relation État – société civile (la DPN comme partenaire vs entité de contrôle dominante?).

27Au-delà de l’affirmation des compétences d’experts et de professionnels de la gestion, la décennie 90 est marquée par des efforts en termes d’uniformisation des outils, des images et des cultures. L’exemple du plan de gestion illustre bien ce travail de normalisation et d’homogénéisation en cours à la CPRN. D’autres outils sont de même instaurés durant cette période : le plan d’interprétation concernant les aspects pédagogiques de la gestion, des protocoles de suivis et des bases de données communes, ou encore la mise en place d’un observatoire du patrimoine des réserves naturelles. L’apparition de ces outils standardisés s’accompagne du développement de formations professionnalisantes et de la normalisation des métiers, qui vont contribuer à l’émergence d’une culture commune. L’ATEN jouera ici un rôle fondamental concernant la mise en commun des outils et le rapprochement entre réseaux, bien que sa mise en place soulève des questions quant à la paternité des projets et à l’origine des subventions sous-jacentes. Lors des entretiens, nos interlocuteurs ont largement reconnu cette culture de professionnels de la gestion comme constituante de l’identité de la plupart des membres, tout en admettant certains de ses travers : « Je pense que c’est unanimement partagé et de manière même parfois excessive. Par moment on intervient peut-être même trop, et on a besoin de faire de la gestion pour justifier notre existence. » On retrouve ici le socle d’un débat récurrent dans le réseau sur la naturalité et l’interventionnisme, toujours d’actualité notamment en matière de gestion forestière.

28Pour ce qui est de l’image et des discours, la CPRN fait le « constat d’une mauvaise communication », et incite les gestionnaires « à communiquer avec les élus, leur faire connaître leurs activités ». De son côté, le ministre de l’époque, Brice Lalonde , « invite la CPRN à intégrer dans les plans de gestion un volet communication indispensable, notamment en veillant à une harmonisation nationale (signalétique, publications à l’apparence homogène) ». Alors que le cliché protectionniste pèse toujours dans les relations avec différents partenaires, l’association se lance dès 1991 dans la mise en place d’un plan de communication, dont les objectifs seront d’améliorer la lisibilité de l‘outil RN, d’institutionnaliser un « discours commun […] indispensable », et de mieux montrer « qui on est », aux échelles locales et nationales. Parmi les principales réalisations issues de cette logique, notons simplement l’inauguration du slogan « protéger, gérer, accueillir » en 1992, l’institution d’une charte graphique et des uniformes, ainsi que le changement de nom de l’association qui devient Réserves Naturelles de France en 1993.

29Ces différents efforts pour améliorer la lisibilité vont porter leurs fruits et l’association va peu à peu prendre un rythme de croisière. Une équipe de salariés se développe, des mécènes tels que la fondation EDF font leur apparition : les marqueurs identitaires sont en place. Toutefois, la situation financière des RN et de RNF reste problématique, « la motivation est amoindrie » au CA, et les administrateurs, qui font face à un « essoufflement au bout de 10 ans », font le constat suivant en 1992 : « La CPRN est un bon outil technique de formation et d’information, une excellente courroie de transmission entre réserves et DNP , mais elle est mal armée pour faire la promotion du réseau : elle n’est pas un groupe de pression influent. ». Les RN n’ont toujours pas les moyens de leur politique, et il semble que l’argumentaire technocratique ne suffise plus dans un contexte de restriction budgétaire. RNF et la DNP réfléchissent ensemble à un nouveau positionnement : « Faut-il s’inscrire dans un thème prioritaire comme celui du paysage? Si l’on garde un argumentaire basé essentiellement sur la conservation du patrimoine, pourra-t-on convaincre les politiques? »

Années 2000 : approche stratégique

30Dès le début des années 90, les administrateurs formulent leur souhait de s’engager dans une voie « plus revendicatrice », de développer une approche stratégique plus large afin d’avoir une influence « au-delà de (leurs) interlocuteurs habituels ». L’émergence de nouvelles têtes de réseau telles qu’Espaces Naturels de France (ENF) et le manque de budgets poussent les différents réseaux à se positionner dans un secteur de plus en plus concurrentiel. L’enjeu en termes de visibilité va croissant, et RNF y répond au travers d’évolutions structurelles et d’une ouverture sectorielle en phase avec les changements de modèles en cours.

31Sur le plan organisationnel, un certain nombre d’éléments attestent de cette transition vers une approche stratégique. L’association, dans une logique néo-managériale (Granjou et al., 2010), adopte un certain nombre de codes liés au mode de l’entreprise, comme le montre l’utilisation d’un vocabulaire spécifique chez les plus jeunes administrateurs rencontrés. Elle se dote dès 1998 de plans stratégiques quinquennaux, et fonctionne dans une logique d’objectifs, d’actions associées et d’anticipation. Ses liens à différents partenaires se formalisent : RNF est représentée au CNPN, à l’ATEN, est reconnu opérateur de l’État en 2004 , et les conventions entre têtes de réseaux se multiplient. Ces évolutions font suite à un changement statutaire majeur, envisagé dès le début de l’association : la représentation des organismes gestionnaires au conseil d’administration. Alors qu’au début des années 90, « l’objectif N°1 de la CPRN est de renforcer sa crédibilité auprès des représentants politiques » et de devenir « un groupe de pression influent », l’intégration des organismes gestionnaires est évoquée de manière récurrente. Dans un premier temps, les administrateurs eux-mêmes rejettent cette éventualité, « contraire aux principes qui ont présidé à la création de la CPRN ». L’enjeu grandissant avec le temps, les administrateurs finalement convaincus proposent un projet d’évolution des statuts, refusé par les membres à l’AG de 1995 : « Ils apprécient que l’association ne soit pas hiérarchisée et qu’elle soit dynamique du fait de sa constitution par des personnes physiques et craignent peut-être qu’elle s’institutionnalise trop ». L’intégration des personnes morales à RNF ne se fera qu’en 1998, notamment en réaction au projet de France Nature Environnement de « représenter les organismes gestionnaires, place considérée comme laissée libre par RNF ». Cet exemple illustre bien les enjeux liés au positionnement stratégique des différents réseaux en tant que représentants légitimes de tels ou tels acteurs, outils, ou démarches. Il en sera de même en 2002, avec la loi démocratie de proximité et la représentation des Réserves Naturelles Régionales. Un des administrateurs de l’époque témoigne de la lutte d’influence entre RNF et la fédération des conservatoires :

« Les interlocuteurs naturels des régions, c’est pas RNF au niveau national, ce sont les CREN […] Leur tête de réseau avait d’entrée de jeu marqué le terrain en disant nous devons être les interlocuteurs pour les RNR. Donc il y a eu une lutte d’influence entre RNF et la fédé au niveau national sur la politique des RNR, et ça a été extrêmement difficile pour RNF. »

32Il s’agissait ici pour RNF, à la fois d’éviter l’apparition de disparités entre l’outil réserve naturelle décliné à l’échelle nationale et régionale, mais également de ne pas se retrouver marginalisé au niveau des conseils régionaux, dans un contexte de décentralisation croissante des compétences et des opportunités budgétaires. Dans la continuité de ces évolutions statutaires, l’association a intégré les conseils régionaux en tant que membres suite à une évolution statutaire en 2007. Elle s’interroge aujourd’hui sur leur intégration dans son CA, et rencontre les mêmes difficultés qu’avec les organismes gestionnaires : peur des membres associatifs traditionnels d’une institutionnalisation trop marquée, d’une politisation, crainte d’y « perdre son âme ».

33En plus du positionnement en tant que représentants de tels groupes, les différents réseaux tentent d’accroître leur visibilité, à l’intérieur et au-delà du secteur des politiques publiques de protection de la nature. Contrairement aux Parcs Naturels Régionaux ou aux Parcs Nationaux, pour qui les rôles concernant le développement durable des territoires sont législativement reconnus, les RN n’ont pas de légitimité juridique sur ces thématiques. Sur la base des actions portées par RNF, elles ont construit une identité et une reconnaissance principalement axées sur des compétences de professionnels de la gestion des espaces naturels. Au cours des quinze dernières années, RNF a régulièrement tenté des incursions dans le champ des approches intégrées, dans une logique d’opportunisme contextuel et politique. En effet, chaque mise en avant par le réseau de la thématique « RN et développement durable des territoires » est à raccrocher à une opportunité politique, dans les discours ministériels ou dans les outils mis en œuvre : les notions d’entreprise-territoire et l’étude sur les emplois induits par les réserves naturelles avec les lois LOADT, LOADDT et emplois-jeunes dans les années 1995-1997; numéro spécial de la lettre des réserves, Réserves naturelles et développement des territoires, avec la Stratégie Nationale pour le Développement Durable en 2003; numéro spécial de la lettre des réserves sur le lien entre réserves naturelles et développement durable des territoires, congrès sur le même thème et motion en ce sens avec la création du MEDAD en 2007 et Grenelle en 2008, etc. Toutefois, cette entrée reste marginale, mal appropriée et peu institutionnalisée au sein du réseau, malgré la création en 2008 d’un groupe de travail rattaché au conseil d’administration.

34Un des exemples les plus frappants est la notion « entreprise-territoire », portée par le réseau en 1997, et incluse dans le plan stratégique de RNF en 1998. Deux types de politiques publiques sont alors visées : d’une part, les lois Pasqua et Voynet sur l’aménagement du territoire, d’autre part les politiques pour l’emploi, et notamment les emplois jeunes. Dès 1993, les administrateurs encouragent un « positionnement du réseau par rapport aux débats des parlementaires sur l’aménagement du territoire », à l’instar d’autres réseaux : « ce thème sera aussi à l’ordre du jour des journées techniques des parcs nationaux et des parcs régionaux le 19 mai (1994) ». Le slogan « entreprise-territoire » apparaît alors comme un moyen de communiquer auprès des élus et des parlementaires, afin d’« insister sur le fait qu’elles (les RN ndlr) sont créatrices d’emplois et acteurs du développement local ». En effet, le constat reste le même 15 ans après la création de l’association : l’image de « tour d’ivoire », d’« enclaves de nature pas très ouvertes du point de vue socio-économique » demeure le cliché dominant.

35La promotion de cette vision intégrative s’adresse à différents publics. D’un côté, les différents partenaires et financeurs des RN : parlementaires, élus, collectivités locales, de l’autre les gestionnaires eux-mêmes. En effet, si les premiers représentent le public à toucher en définitive, ils ne peuvent l’être que suite à la prise de conscience des seconds :

« Ce sont les organismes gestionnaires et leur personnel qu’il faut convaincre de l’enjeu et de la nécessité de nouveaux objectifs : après la réalisation de leur plan de gestion, il leur faut trouver des formes d’action à l’extérieur de la RN et une nouvelle place dans la protection de la nature. »

36L’idée « entreprise-territoire », ainsi que toutes les réalisations similaires qui lui feront suite au sein du réseau, sont loin de faire l’unanimité, et certains ne se voient pas dans la peau de « développeurs environnementaux, économiques et sociaux ». Les stratèges insistent sur l’aspect discursif, et tentent de rassurer les « traditionalistes » en présentant ces bénéfices sociétaux comme des effets induits, conséquences fortuites du fonctionnement des réserves : « Les gens le font sans même le savoir. C’est un problème de vocabulaire, de définitions. Les organismes gestionnaires ont forcément des partenaires. Il ne faut pas laisser croire à une notion d’exploitation d’une ressource à des fins commerciales ». Ainsi, tel Monsieur Jourdain maniant la prose, les réserves naturelles seraient acteurs du développement durable des territoires.

Discussion

37Après avoir décrit les principales étapes de l’institutionnalisation de RNF, on se propose à présent de discuter dans un premier temps des éléments sociaux-culturels qui jalonnent les champs de cette construction, ainsi que ses formes successives et ses limites. Nous identifierons ensuite les grandes étapes qui conduisent du milieu militant au monde de la gestion de projet, et nous questionnerons l’achèvement de cette institutionnalisation.

38RNF s’est construite en lien avec des mises en tension entre différentes entités et groupes : les membres et leur diversité de profils professionnels (associatifs, fonctionnaires de l’État ou des collectivités territoriales, militants et professionnels de la gestion) et de référentiels culturels (naturalistes, gestionnaires, intégrateurs-médiateurs), mais aussi les autres réseaux. Nos résultats montrent que RNF joue avant tout un rôle de structure passerelle, une bridging oranization, qui a pour vocation de créer des ponts entre différentes entités (Brown, 1991) en constituant un nouvel échelon organisationnel. Pour ce qui concerne les domaines de l’environnement et du développement durable, ces organisations ont pu montrer leur intérêt sur de nombreux plans. Elles constituent des arènes d’apprentissage social, où les acteurs peuvent partager des connaissances, résoudre des conflits, et améliorer leur capacité à collaborer (Berkes, 2009; Hahn et al., 2006). L’opérationnalité de RNF en tant que structure passerelle tient dans la présence de trois types de facteurs essentiels (Brown, 1991) : des organisations locales effectives, des liens horizontaux entre organisations et secteurs, et l’introduction d’une verticalité. En effet, l’association se pose aujourd’hui en tant que représentante et interlocutrice légitime à la fois du ministère, des différentes structures nationales, des organismes gestionnaires, des employés des réserves naturelles, et plus récemment des régions. On notera à la fois l’importance des facteurs conjoncturels dans les transitions de représentation (par exemple la loi Démocratie de Proximité en 2002 et l’arrivée des régions), et les jeux d’acteurs qui sous-tendent ces évolutions (par exemple l’intégration des personnes morales, rejetée tout d’abord par le conseil d’administration, puis par les membres en assemblée générale, avant d’être enfin institutionnalisée). Cette capacité d’adaptation sur le long terme de la structure en termes de représentation, ses actions de lobbying continu depuis trente ans, ont permis d’augmenter les moyens d’action humains et financiers, à la fois de l’association et des réserves naturelles elles-mêmes.

39Ce processus de construction de RNF, à l’interface entre différents niveaux d’organisations et groupes d’acteurs eux-mêmes pris dans des processus de structuration évolutifs, soulève la question de l’articulation entre identités et intérêts propres et collectifs. RNF se caractérise par une diversification des missions, des cultures, plus ou moins revendiquées et institutionnalisées (Tableau 1). La pérennisation de la structure tient à son aptitude à agir à la fois sur la mobilisation individuelle et collective des membres, et à soutenir un « catnet » important. Selon Tilly, plus le catnet d’un groupe, c'est-à-dire les liens sociaux volontaires (netness) et les identités catégorielles (catness), est élevé, plus le groupe sera organisé pour défendre ses intérêts (Tilly, 1978). Dans notre cas, nous sommes ici en présence d’une structure associative dont le fonctionnement même est basé sur l’engagement volontaire et bénévole de ses membres. D’autre part, les actions de normalisation et de professionnalisation conduites par RNF ont clairement eu un effet sur le rapprochement identitaire entre membres du réseau. Une culture et des intérêts de plus en plus semblables rassemblent les différents membres du réseau, professionnels de la gestion des espaces naturels. Toutefois, cette transition est associée à une perte de militantisme, et l’association se pose de plus en plus comme un prestataire au service de ses membres, qui dans une logique consumériste viendraient s’y nourrir selon leurs besoins individuels et sans engagement fort. Une étude microsociologique sur l’implication des salariés de l’association vis-à-vis des membres et sur les rôles de chacun et leur évolution serait nécessaire pour davantage approfondir cet argument.

Tableau 1. Caractérisation des grandes étapes de l’institutionnalisation de Réserves Naturelles de France

Les prémices

Fédéralisation et exploration

Gestion et uniformisation

Approche stratégique

Période

Avant 1982

1982 - 1990

1990 - 2000

2000 - 2012

Nombre de RN

60RN, moins de 10 RNV

100RN et 60RNV au 30.09.1989

144RN et 132 RNV au 31.12.1999

164 RNN, 96 RNR et 6 RNC au 31.12.2011

Missions RNF

X

Fédérer, échanger, informer

Fédérer, échanger, informer

Innover, harmoniser, rendre lisible

Fédérer, échanger, informer

Innover, harmoniser, rendre lisible

Négocier, rendre visible, anticiper

Sources de financements de RNF

x

Ministère, autofinancement

Ministère, premiers mécènes et autofinancement

Nombreux mécènes, ministère, et autofinancement

Financements (en Euros)

~ 9000 en 1982

~ 100 000 en 1989

~ 1.2 millions en 1999

2.1 millions en 2010

Salariés équipe RNF en ETP

x

0.75 au 31.12.1990

8 au 31.12.1999

19 au 31.12.2011

Caractéristiques statutaires

x

Personnes physiques

Personnes physiques + personnes morales (1998)

Personnes physiques + personnes morales + Régions adhérentes (2008)

Culture des membres du réseau

Naturalistes

Naturalistes

Naturalistes, Gestionnaires

Naturalistes, Gestionnaires, Intégrateurs-médiateurs.

Poids institutionnel

x

Faible

Croissant

Fort (apogée milieu années 2000)

© Therville C., Mathevet R., Bioret F., 2012

40L’agencement entre les différents groupes évolue dans le temps et globalement, l’histoire de RNF nous montre une institutionnalisation progressive. Rappelons les quatre dimensions à prendre en compte pour cerner ce processus : les relations internes à RNF, entre ses membres et avec l’institution; les relations hiérarchiques entre RNF et le ministère de l’Environnement, les relations horizontales entre RNF et les autres institutions de la conservation de la nature ou les bailleurs de fonds et enfin, le contexte ou paradigme dominant relatif à nos relations à la nature et au développement. Un point mérite ici d’être précisé concernant le lien entre RNF et le ministère de l’Environnement : les deux organisations sont reliées par une Convention Pluriannuelle d’Objectifs, mais RNF n’est pas reconnu opérateur de l’État. Toutefois, la dépendance de RNF au ministère sur le plan financier, en tant que prestataire de services, et en termes de pouvoir, induit une relation verticale. Ceci étant clarifié, les quatre dimensions évoquées plus haut permettent de caractériser les facteurs individuels, organisationnels et situationnels qui président à la dynamique d’institutionnalisation au cours du temps (Tableau 1). Le niveau du consensus, l’identité sociale qui s’en dégage, nourrit l’organisation interne et conditionne sa légitimation à l’extérieur. On retrouve bien la prégnance des facteurs conjoncturels, mais également des jeux d’acteurs et des stratégies mises en œuvre (Mermet 1992, Crozier et Friedberg, 1977). La trajectoire de l’institutionnalisation de RNF montre une évolution sensible de l’agencement des principaux acteurs et leur mise en tension. Ce processus peut se décliner en quatre grandes étapes : l’initiation, l’internalisation, la légitimation et la routinisation. L’initiation lorsque les associations militantes invitent l’État à mettre en œuvre des politiques de conservation du patrimoine naturel. L’internalisation des missions de RNF lorsqu’elle redéfinit ses rôles et ses fonctions en lien avec l’État et ses membres. Cette internalisation révèle des tensions, mais permet de développer des actions concrètes qui vont légitimer la structure et ses membres auprès des divers réseaux professionnels et militants. La légitimation s’exprime dans le bornage et dans la normalisation des champs d’action. Enfin, la mise en place de routines permet de pérenniser le système au fil de l’évolution des enjeux environnementaux et sociaux, des pressions globales (institutionnelles et financières) qui pèsent sur RNF et des pressions locales (droits d’usages et accès) qui s’exercent sur les gestionnaires de réserves. Le passage d’une étape à l’autre va être marqué par un certain nombre d’épreuves (Boltanski et Thévenot, 1991) qui vont ponctuer et légitimer les nouveaux champs d’action. Ainsi, l’assemblée générale est une épreuve institutionnalisée où le conseil d’administration propose aux membres de valider des orientations stratégiques ou des évolutions statutaires. Il existe également des épreuves non formelles au sein des groupes de travail par exemple, qui s’appuieront sur les jeux d’acteurs (Mermet et al., 2005).

41Ce processus de structuration s’observe au niveau de l’institutionnalisation de l’association en général et dans la longue durée, mais également à une autre échelle : l’institutionnalisation de telle ou telle fonction des réserves naturelles et de RNF et la mobilisation de nouveaux répertoires de justification suivent ce même schéma. Selon Tilly (1986), les répertoires de l’action collective sont les moyens par lesquels des individus agissent ensemble dans la poursuite d’intérêts communs. Dans notre cas, il s’agit donc des moyens mobilisés par le réseau pour la reconnaissance et la pérennité de l’outil réserve naturelle : gestion, approches intégrées, observatoires, etc. La mobilisation de différents types de répertoires s’analyse dans un cadre donné de contraintes structurelles, et en lien avec les différentes identités des groupes concernés, ici l’organisation RNF et les acteurs partenaires. Dans sa théorie de la structuration, Giddens (1984) qualifie de « principes structurels » les institutions et pratiques ayant la plus grande extension spatio-temporelle. Il définit trois niveaux structurels des systèmes sociaux, et les associe à des ordres institutionnels : la signification, c'est-à-dire le sens, est associée à l’ordre symbolique et rhétorique; la domination, c'est-à-dire la mobilisation de ressources d’allocation ou de pouvoir, se traduit par une institutionnalisation politique et/ou économique; la légitimation, c'est-à-dire la transformation vers la norme, est explicitée par des institutions légales. Nous avons vu que certains répertoires font partie intégrante de l’identité RN. Aujourd’hui, RNF est une référence incontournable en termes de gestion des espaces naturels, et l’image du gestionnaire reste dominante. On retrouve cette intégration structurelle au niveau rhétorique (discours centré sur les compétences en termes de gestion), politique (volonté de conforter RNF et les RN dans leur position de leader), économique (moyens financiers mis à disposition pour améliorer les guides méthodologiques) et légal (reconnaissance juridique et encouragement par les tutelles de ces fonctions de gestion). Toutefois, cette institutionnalisation aboutie du répertoire « gestionnaire » contribue à la définition d’un cadre d’action duquel il semble difficile de sortir, point que nous développerons plus avant.

42D’autres répertoires de l’action collective demeurent marginaux : certains restent cloisonnés dans une logique discursive; d’autres, s’ils sont adoptés sur le plan rhétorique et politique par le réseau, n’acquièrent pas d’institutionnalisation économique ou légale. Ainsi en est-il des approches intégratives, portées aujourd’hui par un petit noyau de gestionnaires, mais peu appropriées par le CA et par les membres en général. Le passage de l’image de protection à l’image de gestion, puis d’intégration tient grandement à l’évolution paradigmatique de la protection de la nature, en lien avec la prise en compte des rapports d’interdépendances entre des entités biologiques, à différentes échelles, et des systèmes sociaux (Mathevet et al., 2010; Berkes et Folke, 1998). Cette transition révèle des tensions disciplinaires, d’une entrée biologique à une approche interdisciplinaire, ainsi qu’une recomposition des rapports de force et de la légitimité des savoirs (naturalistes, scientifiques, experts, profanes) et des acteurs (militants et bénévoles, professionnels, usagers). S’il est évident que cette évolution s’inscrit dans un enjeu rhétorique certain, on ne peut se limiter à cette vision stratégique et discursive, et les actions menées s’engagent dans une logique de recherche de sens et d’ancrage territorial (Gumuchian et al., 2003; Godard, 1997). Différents éléments contribuent à expliquer le manque d’appropriation des approches intégrées. Tandis que la base se construit autour de professionnels avec des attentes « techniques », les administrateurs tendent à développer des approches stratégiques et prospectives. Ces derniers se retrouvent alors en posture de « stratèges qui gèrent le grand fossé ». Les approches intégratives sont historiquement inscrites dans cette logique rhétorique : on en parle « parce que c’est à la mode », pour l’effet « cosmétique ». Une double difficulté vient ici interférer sur l’appropriation par le réseau de ces approches intégratives. D’une part, elles contribuent, en tant que sujets stratégiques et prospectifs, à l’autonomisation de RNF vis-à-vis des membres et de la tutelle, ce qui génère une tension à prendre en compte. Si les administrateurs se sont aventurés sur ce terrain dans les années quatre-vingt-dix, il semble toutefois que ce soit moins le cas aujourd’hui. D’autre part, l’émergence des thématiques intégratives est à relier à des opportunités contextuelles politiques, ce qui est susceptible de conforter les membres dans leur vision cosmétique et éphémère.

43L’adoption d’une stratégie opportuniste interroge l’observateur. Les priorités gouvernementales n’ont eu de cesse de changer ces deux dernières décennies, et les opportunités qu’elles ont offertes n’ont-elles pas fini par structurer les missions de RNF? En témoigne ces deux dernières années l’investissement de RNF sur les thématiques aires marines et littorales, en lien avec la mise en place de l’agence des aires marines protégées, avec un poste dédié en interne. Autre exemple qui pose question, l’empressement actuel à inscrire les répertoires de justification de la protection de la nature dans le registre de la sphère économique et marchande (Daily, 1997), en réponse aux évolutions de paradigme (développement durable, services écosystémiques, monétarisation, compensation). En résulte une mise en tension majeure d’une part, en raison de la faiblesse de l’efficacité économique des réserves naturelles et d’autre part, une demande technique des membres de RNF lors des assemblées générales en décalage avec les propositions politiques et stratégiques des membres du conseil d’administration. Cette tension n’est-elle pas la manifestation d’un autre effet - peu évoqué par nos interlocuteurs - de l’institutionnalisation de RNF, à savoir son autonomisation? Par autonomisation, nous entendons « la capacité, la liberté et le droit d’établir ses propres lois et la capacité de se gouverner soi-même, qu’il s’agisse d’un peuple, d’un état ou d’un individu » (Barreyre, 1995). Ce processus nous semble parfaitement illustré par la montée en puissance de RNF comme une structure conduite par une logique propre, puisque la plupart des développements et des positionnements stratégiques de RNF se produisent sans que l’on ait une demande spécifique de la « base » ou du ministère. La volatilité des politiques publiques et de leurs dispositifs a pu affaiblir la structure, puisqu’elle a stratégiquement fait le choix de répondre aux nouvelles orientations, même au-delà de son champ d’expertise ou de ses primes missions. Le passage d’un sujet à l’autre, la multiplicité des outils d’intégration de la conservation dans le développement sur lesquels sont spécialisés d’autres réseaux (la fédération des parcs naturels régionaux pour la trame verte et bleue, les conservatoires régionaux pour la stratégie de création des aires protégées...) questionnent les investissements de RNF qui apparaissent plus légitimes sur des outils de stricte protection de la nature plutôt que d’aménagement du territoire, même si dans l’esprit (et la pratique de nombre de gestionnaires de réserves) elle relève des deux. Cette tendance à la versatilité de positionnement s’est atténuée depuis le milieu des années 2000, notamment du fait de la multiplication des politiques publiques de conservation de la nature centrée sur des outils de protection réglementaire. Le Grenelle, la Stratégie de Création d’Aires Protégées, ou la mise en place du réseau des Aires Marines Protégées sont autant d’opportunités où RNF présente une plus grande légitimité de positionnement. De plus, les approches intégratives s’inscrivent dans une mise en opposition traditionnelle entre protection et développement. Entre une vision plus souple de la conservation de la nature, et la crainte du détournement de l’outil à des fins développementalistes, le raccourci est vite emprunté. Enfin, RNF a construit sa légitimité autour de compétences techniques de gestion. Elle se retrouve aujourd’hui restreinte dans ce cadre de reconnaissance, et semble peiner à en sortir. Premièrement, le ministère, régulièrement soumis à des logiques de restrictions budgétaires, réduit les financements des réserves naturelles et de RNF à leurs plus strictes missions régaliennes : protéger et gérer. Deuxièmement, d’autres têtes de réseaux et outils semblent a priori bien plus à même de se positionner en tant que référents sur les questions d’intégration territoriale, et notamment les Parcs Naturels Régionaux ou les Conservatoires Régionaux d’Espaces Naturels. Troisièmement, les membres eux-mêmes, imprégnés de la culture « professionnels de la gestion », se retrouvent peu dans l’image de l’intégrateur-médiateur. Cette triple difficulté peut expliquer l’inachèvement de l’institutionnalisation et le manque d’appropriation dans le réseau de la culture « intégrative », portée par « un petit noyau de gens ». Ainsi, si l’on revient au cadre de structuration, les approches intégratives ne s’inscrivent au final dans aucun des ordres institutionnels identifiés par Giddens (1984). La signification, le sens même de ce répertoire font défaut, et sa mobilisation rhétorique reste marginale. L’implication de certains leaders sur cette thématique permet malgré tout la subsistance d’une niche depuis une quinzaine d’années, avec des incursions discursives fréquentes dans le champ des approches intégrées, et le maintien d’un groupe de travail régulièrement pris à parti par le conseil d’administration pour justifier de sa contribution et de son efficience. Le défaut de sens ressurgit ici de façon prégnante, et le réseau adopte bien souvent la stratégie du statu quo en attendant une avancée conceptuelle et sémantique.

44D’autres exemples d’actions dont l’institutionnalisation ne recouvre pas l’ensemble des ordres identifiés par Giddens peuvent être cités : le réseau se bat depuis de nombreuses années pour faire reconnaître l’éducation à l’environnement comme une mission des réserves naturelles, et tente également d’inscrire les employés des réserves naturelles comme membres de la fonction publique, en vain. Dans ce cas, les ordres discursifs et politiques au niveau du réseau sont mobilisés, tandis que les ordres économiques et légaux font défaut. En effet, leur légitimation passe par un engagement et une reconnaissance de l’État et des tutelles, acteurs clés, car détenteur du pouvoir et des moyens financiers (Robbins, 2004). Jusqu’à ce jour, l’État n’a jamais mandaté les réserves naturelles pour développer l’éducation à l’environnement, craignant de s’engager dans un gouffre budgétaire. Il donne le change par des enveloppes proposées chaque année selon l’état des finances publiques. Concernant la fonctionnarisation des employés de réserves naturelles, la contrainte économique a également été pointée du doigt lors des entretiens. Si son inachèvement est source d’instabilité et de disparités entre structures gestionnaires, elle permet cependant le maintien d’une capacité de militantisme, d’un rôle de garde-fou et de lobbying actif de la structure.

45Au final, la trajectoire de RNF illustre bien l’évolution des enjeux de société, l’évolution du paradigme de la mise sous cloche de la nature vers celui de la gestion intégrée des territoires et de la biodiversité. La territorialisation des politiques publiques, l’écologisation et l’européanisation des normes et valeurs, de l’espace et des pratiques de ces deux dernières décennies ont constitué autant de supports favorables à l’institutionnalisation de RNF. Cette dernière se pose en termes de processus et de durée. Peut-on considérer que RNF ait atteint sa maturité et que son institutionnalisation soit achevée? Quels sont les éléments qui donnent à RNF un caractère permanent? RNF a-t-elle véritablement le statut d’une institution dans le paysage de la protection de la nature en France? Face à une triple pression (État, réseaux et membres), RNF n’est-elle pas aujourd’hui entrée dans une nouvelle étape de « désinstitutionnalisation », du fait de son autonomisation grandissante vis-à-vis de ses membres et du ministère? Nous avons montré que certains champs d’action restent partiellement institutionnalisés, et nous parlons donc d’inachèvement. Ce dernier reposerait d’une part, sur la mise en place d’une stratégie opportuniste envers les politiques publiques et d’autre part, sur la gestion des enjeux culturels internes et inter-réseaux. À la persistance de rapports de forces asymétriques avec les autorités politiques et les tutelles, s’ajoutent plus récemment des rapports concurrentiels pour les fonds, le leadership, l’autorité morale, technique ou scientifique, avec d’autres têtes de réseaux ou structures nationales, tout aussi dynamiques et opérant dans les mêmes registres d’action, mais disposant d’accointances politiques fortes (CEN, Réseaux régionaux d’aires protégées, fédérations, agences, ATEN, UICN...). Malgré un certain nombre de tentatives, RNF n’est pas encore parvenu à faire valoir la figure de l’intégrateur-médiateur, que ce soit auprès de ses membres, de sa tutelle ou de ses partenaires. À l’évidence, les déficits de compétences en animation territoriale, en montage-animation de projets, en organisation ou capital social, participent de cet état de fait. À plus vaste échelle, la stratégie régalienne de l’État justifiée par le contexte de rigueur budgétaire contraint les gestionnaires dans une vision réglementaire et supporte le maintien du cliché protectionniste. Un des premiers paliers vers des approches intégratives serait la reconnaissance des missions d’éducation à l’environnement. Les derniers évènements, et notamment l’absence en 2012 de la traditionnelle enveloppe du ministère pour des projets d’éducation à l’environnement, traduisent bien la précarité de l’investissement étatique sur ces thématiques. De fait, alors qu’on assiste aujourd’hui à une transition paradigmatique majeure, des visions ségrégatives aux approches intégratives, les réserves naturelles sont en décalage par rapport au nouveau super-cliché de la « grande intégration ». Depuis trente ans, et malgré leurs tentatives pour porter un discours intégrateur, elles restent prisonnières du cliché protectionniste en interne comme en externe. Mais tous les types d’aires protégées ont-ils vocation à mettre en œuvre une vision intégrative et à assumer l’ensemble des fonctions que de nombreux auteurs tentent de recenser : de la préservation de la biodiversité aux services écosystémiques et à la co-construction d’un projet de territoire? Le cadre des réserves naturelles est-il réellement adapté à la poursuite de toutes les catégories d’action? À l’évidence, cela dépend des structures, de l’histoire des relations locales, de la géographie des lieux, de la légitimité de la connaissance acquise qu’elle soit empirique ou scientifique, de la qualité des relations amicales et professionnelles développées avec les usagers et les populations locales. Les réserves naturelles doivent être pensées dans la variété de leurs arrangements institutionnels.

Conclusion

46Les réserves naturelles et RNF n’ont eu de cesse de gagner en crédibilité, visibilité et capacité de lobbying au cours des trois dernières décennies. Cependant, les tensions inter-réseaux en termes de positionnement sont croissantes. Le modèle « gestionnaire » sur lequel se fonde RNF n’est-il pas désormais un cadre d’action particulièrement limitant plutôt qu’un atout? Les enjeux demeurent d’une part, dans l’établissement et le confortement de relations de coopération inter-réseaux dans un contexte où désormais tous revendiquent les mêmes compétences et capacité d’action plutôt que la complémentarité et d’autre part, dans les conséquences de la décentralisation. Il devient peut-être nécessaire d’établir une organisation à l’échelon régional, ou tout au moins de renforcer les liens de l’association à cette échelle, afin que RNF deviennent un interlocuteur à ce niveau de gouvernance désormais crucial en matière de protection de la nature. L’intérêt d’un isomorphisme avec les collectivités territoriales et même certains donateurs organisés au niveau régional (comme EDF) invite à la régionalisation de RNF, qui doit cependant prendre garde de garantir sa fonction de normalisation nationale et d’éviter les écueils des dérives localistes.

47L’institutionnalisation de RNF illustre la difficulté de l’alternance des fins et des moyens au cours du temps, la tension continue entre des stratégies offensives et défensives, l’enjeu de saisir les opportunités et de garantir sa marge de manœuvre future. Comment RNF va-t-elle gérer la compétition budgétaire croissante avec les autres réseaux et ses propres membres? Comment va-t-elle intégrer l’évolution de la composition de ses membres, où les collectivités territoriales voient leur poids s’accroître? Ce travail a permis de montrer que les réserves naturelles et RNF se construisent dans une mise en tension entre clichés protectionnistes et un nouveau super-cliché de la grande intégration. L’enjeu à venir pour RNF sera bien de passer d’une part de la quête d’indépendance fondée sur la réactivité à une posture collaborative et proactive et d’autre part, d’une logique rhétorique à l’écologie de la réconciliation.

Remerciements

48Cette étude a été menée dans le cadre d'un contrat CIFRE. Elle a été soutenue et financée par Réserves Naturelles de France, le Centre d’Écologie Fonctionnelle et Évolutive de Montpellier, l’Institut de Géoarchitecture de Brest, l’Agence Nationale de Recherche et Développement, les Régions Nord-Pas-de-Calais, Languedoc-Roussillon et Bretagne, la Fondation de France, les ministères de la recherche et de l’écologie, et le projet européen SCALES (226852). Nous remercions toutes les personnes qui nous ont accordé de leur temps lors des entretiens, RNF qui nous a permis d'accéder à ses archives, ainsi que tous les personnels et les membres du réseau RNF.

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Title Figure 1. Le contexte politique national et international de la protection de la nature et les grandes étapes de l’institutionnalisation de Réserves Naturelles de France
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References

Electronic reference

Clara Therville, Raphaël Mathevet and Frédéric Bioret, « Des clichés protectionnistes aux discours intégrateurs : l’institutionnalisation de réserves naturelles de France », VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [Online], Volume 12 numéro 3 | décembre 2012, Online since 15 December 2012, connection on 22 May 2013. URL : http://vertigo.revues.org/13046 ; DOI : 10.4000/vertigo.13046

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Clara Therville

UMR 5175 Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE), CNRS, 1919 route de Mende, 34293 Montpellier cedex 5 ; Institut de Géoarchitecture, EA 2119, Université de Bretagne Occidentale, CS 93837, 29238 Brest cedex ; Réserves naturelles de France, 6 bis rue de la Gouge BP 100, 21803 Quetigny cedex, France, Courriel : clara.therville@cefe.cnrs.fr

Raphaël Mathevet

UMR 5175 Centre d’Ecologie Fonctionnelle et Evolutive (CEFE), CNRS, 1919 route de Mende, 34293 Montpellier cedex 5 ; Stockholm Resilience Centre, Stockholm University SE-106 91 Stockholm, Suède

Frédéric Bioret

Institut de Géoarchitecture, EA 2119, Université de Bretagne Occidentale, CS 93837, 29238 Brest cedex, France

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