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L’accès à l’eau courante des femmes migrantes à Ouagadougou : durabilité de l’accès sur la survie des enfants

Stéphanie Dos Santos

Résumés

L’Afrique subsaharienne enregistre l’un des taux de non-accès à l’eau les plus élevés au monde (39 % de la population). En zone urbaine africaine, les progrès réalisés ces dernières années dans l’accès à l’eau ne sont pratiquement pas perceptibles, notamment du fait de la croissance urbaine des villes, en partie due à l’arrivée de migrants. Parallèlement, les maladies diarrhéiques, qui constituent la seconde cause de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans le monde, pourraient être largement évitées par un meilleur accès à l’eau. Dans ce contexte, analyser l’effet l’accès à l’eau des femmes migrantes en ville sur les chances de survie de leurs enfants se révèle un objet pertinent dans la mesure où ce sont elles qui, pour des raisons culturelles et sociales, ont en charge la santé des enfants au sein des ménages. L’utilisation de données originales sur cette thématique, recueillies à Ouagadougou en 2000, permet d’étudier les conditions de l’accès durable à l’eau courante des femmes à Ouagadougou au regard de leur statut migratoire à partir de l’analyse des transitions. Les différentiels de survie des enfants des mères migrantes et des mères non migrantes sont aussi étudiés. Il s’agit de mettre en évidence comment le statut migratoire modifie l’effet de l’accès à l’eau et s’il contribue à expliquer la mortalité différentielle des enfants après le contrôle des caractéristiques sociodémographiques de la mère. La conclusion revient sur l’un des apports de cet article : la compréhension dynamique de l’accès à l’eau courante, et notamment la démonstration que cet accès n’est pas linéaire, contrairement à la théorie classique du développement qui voit ce processus comme une échelle ascendante.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 La définition utilisée dans le cadre des OMD distingue les personnes ayant accès à l’eau, c’est-à-d (...)
  • 2 Dans cet article, le terme d’« accès à l’eau courante » désigne le raccordement du logement au rése (...)

1En Afrique subsaharienne, la cible de l’Objectif du millénaire pour le développement (OMD) visant à réduire de moitié le nombre de personnes n’ayant pas accès à l’eau1 est d’envergure : en 2010, 39 % de la population de ce sous-continent n’a toujours pas accès à une source d’eau améliorée, ce qui correspond à un des taux de non-accès parmi les plus élevés au monde (WHO/UNICEF, 2012). Malgré les progrès réalisés en zone urbaine, où un milliard de personnes dans le monde a eu accès à l’eau entre le lancement des OMD en 2000 et 2010, les progrès ne sont pratiquement pas perceptibles en chiffres relatifs du fait de la croissance démographique. Tout particulièrement en Afrique subsaharienne, la part de la population urbaine ayant accès à une source améliorée est pratiquement restée stable passant de 82 % à 83 % entre ces deux dates (WHO/UNICEF, 2012). Le hiatus est d’autant plus grand dans le cas de l’accès à l’eau courante2, auquel seulement 34 % de la population urbaine du sous-continent a accès, que la ville est censée permettre l’accès à ce service urbain de base. Une des explications vient de la croissance urbaine rapide qui met ainsi à rude épreuve la capacité des offices nationaux de l’eau à étendre les réseaux d’adduction d’eau, notamment aux ménages des périphéries grandissantes.

2L’accès à l’eau courante peut être considéré comme le meilleur moyen de disposer d’une eau de qualité et en quantité nécessaire pour satisfaire les besoins humains, et notamment présenter le minimum de risque pour la santé des populations, l’eau étant directement et facilement accessible via un raccordement direct du logement au réseau (Dos Santos, 2005 ; Howard et Bartram, 2003). Ainsi, un approvisionnement en eau par adduction pourrait éviter 7,6 milliards de cas de diarrhée par an dans le monde, soit une diminution de près de 70 %. Près de 4000 décès d’enfants par jour pourraient être évités, dont une part importante en Afrique subsaharienne, du fait des maladies diarrhéiques (WHO, 2002) qui constituent la seconde cause de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans le monde (UNICEF/WHO, 2009).

3En milieu urbain, du fait d’une forte concentration de l’habitat, les problèmes de pollution des eaux souterraines par infiltration des eaux usées ou par les latrines rudimentaires font porter un sérieux doute sur la qualité des eaux souterraines peu profondes (puits ou certains forages). L’accent est donc mis sur l’adduction d’eau traitée, et notamment chlorée, via le réseau municipal de distribution. Pourtant, même si les avantages de ce type d’accès semblent évidents et nombreux, la relation statistique entre la baisse de la mortalité et l’adduction d’eau dans les villes du Sud reste controversée (Dos Santos et LeGrand, 2007 ; van Poppel et van der Heijden, 1997). Des considérations d’ordre méthodologique sont souvent avancées pour expliquer ces divergences. Notamment, les causes de la mortalité étant multi-factorielles, l’adduction d’eau ne constitue qu’un facteur dont il n’est pas aisé de dégager l’effet réel, surtout dans le cas de corrélation avec d’autres facteurs qui peuvent totalement neutraliser l’effet de l’adduction d’eau. Par ailleurs, la qualité de l’eau de consommation n’est bien souvent qu’approchée par la statistique du type d’approvisionnement en eau, comme c’est le cas dans le cadre des OMD qui fait l’hypothèse que l’ensemble des modes d’accès à l’eau listé comme étant un accès amélioré fournit une eau qui ne présente pas de risque sanitaire. Or, la qualité de l’eau peut se détériorer au-delà de la source d’approvisionnement. Ainsi, il a été observé que la qualité microbiologique de l’eau dans les récipients de conservation dans l’enceinte domestique est moins bonne que celle de l’eau à la source collective d’approvisionnement du fait des manipulations successives (Wright et al., 2004 ; Lindskog et Lindskog, 1988) et ce d’autant plus que la source est éloignée de la résidence (Nyong et Kanaroglou, 1999).

  • 3 Bien que l’ouvrage soit ancien, il reste une référence dans ce domaine.

4Jusqu’à l’ouvrage de White et al. (1972), les préoccupations se focalisaient vers la seule qualité de l’eau. Or, ces auteurs3 ont montré que les quantités d’eau utilisées notamment à des fins d’hygiène personnelle ont un impact important sur la morbidité des individus qui se manifeste par des maladies telles que les conjonctivites sévères, le trachome, les dermatoses ainsi que de 10 à 20 % des diarrhées. Les quantités d’eau disponibles au sein des ménages varient en fonction du type d’approvisionnement, mais également de la distance à la source collective ainsi que du prix du litre d’eau payé par les ménages (Howard et Bartram, 2003). De ce point de vue, l’accès à l’eau courante constitue une fois de plus le type d’approvisionnement qui permette de disposer de davantage de quantités d’eau par personne et par jour, du fait notamment de la distance (qui tend vers 0), et du prix (Dos Santos, 2006 ; Howard et Bartram, 2003).

5Enfin, parce qu’il évite les longues heures d’attente aux points d’eau collectifs, l’accès à l’eau courante génère un gain de temps important pouvant être attribué à une activité rémunératrice, particulièrement pour les femmes qui restent toujours et pour l’heure les plus concernées par les questions relatives à l’approvisionnement en eau (WHO/UNICEF, 2010). Ces activités génératrices de revenus supplémentaires sont une des stratégies de survie qui peuvent avoir des effets indirects sur l’état de santé des ménages, et des enfants en particulier (Fass, 1993). (WHO/UNICEF, 2010).

  • 4 L’autonomie résidentielle se définit par un changement de résidence qui s’accompagne du passage de (...)

6L’accès à l’eau courante étant porteur d’améliorations sanitaires et sociales importantes, une analyse centrée sur l’accès des femmes est pertinente et notamment sur l’effet spécifique du statut migratoire des femmes dans un contexte de forte croissance urbaine alimentée par une migration de plus en plus féminine, comme c’est le cas à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso (Boyer, 2010 ; Kabbanji et al., 2007). Les recherches sur les migrations urbaines en Afrique de l’Ouest ont longtemps été dominées par la dimension économique de la migration (mouvements des migrations de travail, insertion économique des migrants), laissant largement de côté les aspects sociaux et sanitaires de ce phénomène. À cet égard, le modèle théorique phare, celui de Todaro (Todaro, 1971), considère la masse de nouveaux arrivants en ville à la fois comme participant à la création d’un chômage urbain massif et mettant à rude épreuve les services urbains de base comme par exemple les écoles, les services de santé, les logements, l’assainissement ou l’adduction d’eau (Todaro, 1997). Pourtant, lorsqu’elles sont étudiées de manière fine et précise, les conditions de vie des migrants en ville ne sont pas toujours plus mauvaises que celles des natifs. La désagrégation de la catégorie des migrants, entre ceux provenant du milieu rural, d’autres villes du pays ou de l’étranger implique notamment de nuancer les conclusions, comme l’ont montré Dos Santos et Le Grand (2013) dans une analyse sur les facteurs de l’accès à l‘eau à Ouagadougou. Ces conditions peuvent même être meilleures, selon le principe de la théorie classique de la sélection positive des migrants, en termes de capital humain (Ouédraogo et al., 2007 ; Bocquier et Legrand, 1998 ; Traoré, 1997 ; Piché et al., 1995). Par exemple, les études empiriques réalisées à Bamako et à Dakar, qui ont étudié l’insertion résidentielle des migrants, ont mis en évidence qu’être non-natif de ces deux capitales était un facteur qui favorisait l’autonomie résidentielle4, et tout particulièrement l’accès à la propriété à Bamako (Marcoux et Tokindang, 1998). Finalement, le sens de l’association entre migration et conditions sanitaires et sociales varie d’un pays à l’autre ainsi que d’une définition à l’autre du statut migratoire.

7Il en est de même concernant le lien entre le statut migratoire de la mère et la survie des enfants (Bocquier et al., 2011). Pour l’agglomération de Dakar, Brockerhoff (1990) a montré que les enfants migrants gardaient le handicap de leur passage par le milieu rural et connaissaient un risque de décès avant leur cinquième anniversaire plus élevé que les enfants dont la mère était native de cette ville. Utilisant une quinzaine d’enquêtes démographiques et de santé (EDS) d’Amérique latine, d’Afrique et d’Asie, ce même auteur confirmait quelques années plus tard le désavantage de la migration sur la survie des enfants (Brockerhoff, 1995). En revanche, une analyse récente portant sur deux bidonvilles de Nairobi (Bocquier et al., 2010) démontre que les enfants dont la mère est nouvellement arrivée dans le bidonville ont un risque plus faible de décéder avant leur quatrième anniversaire que les enfants dont la mère est résidente dans le bidonville depuis plus longtemps, et notamment dont la mère a accouché dans le bidonville. En réalité, le type de données utilisées (transversales ou, plus appropriées pour l’analyse des événements démographiques comme la mortalité, longitudinales), la définition du statut migratoire et l’opérationnalisation du concept en terme de variables et la disponibilité et la finesse de la base de données sur la migration, expliquent ces conclusions divergentes (Bocquier et al., 2011).

  • 5 Le terme « durable » et ses dérivés (durabilité, durablement) sont utilisés au sens de pérennité. I (...)

8Finalement, il ressort que la recherche reste encore embryonnaire sur l’accès des migrants aux services urbains de base, et notamment comment les femmes migrantes tirent profit de la disponibilité de ces services, comme l’accès à l’eau courante. Plus encore, et partant du postulat que l’accès à l’eau courante reste le moyen le plus efficace pour réduire les maladies diarrhéiques (Dos Santos, 2005 ; Howard et Bartram, 2003), un différentiel dans l’accès à l’eau selon le statut migratoire des mères pourrait avoir des conséquences sur la survie de leurs enfants. Aussi, l’objectif de cet article est-il de mettre en évidence les liens entre le statut migratoire et l’accès à l’eau courante en étudiant d’une part les facteurs associés à la durabilité de l’accès5 et, d’autre part, l’effet net du statut migratoire et de l’accès à l’eau sur la mortalité des enfants. À partir de données originales de type biographique, l’analyse procède en deux étapes. La première consiste à étudier les conditions de l’accès durable à l’eau courante des femmes à Ouagadougou au regard de leur statut migratoire, en étudiant ce statut toutes choses égales par ailleurs. Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons plus particulièrement aux différentiels de survie des enfants selon le statut migratoire des mères. Il s’agira de voir comment le statut migratoire modifie l’effet de l’accès à l’eau, et inversement, mais également comment ces liens persistent après avoir contrôlé les effets des autres caractéristiques socio-démographiques de la mère.

9Avant la présentation des résultats des deux séries d’analyses de données, nous clarifierons la méthodologie puis contextualiserons cette recherche dans le cas de la ville de Ouagadougou. Finalement, l’article débouchera sur une discussion notamment relative aux perspectives actuelles sur la problématique de l’accès à l’eau dans cette ville.

Méthodologie

Les données

  • 6 Pour plus de détails sur l’EMIUB, on peut se référer à Poirier et al. (2001) et sur la pondération (...)

10Les données analysées dans cet article proviennent de l’Enquête migration, insertion urbaine et environnement au Burkina Faso (EMIUB) conduite en 2000 par l’Institut supérieur des sciences de la population (ISSP, ex-UERD) de l’Université de Ouagadougou, le département de démographie de l’Université de Montréal et le CERPOD de Bamako (Poirier et al., 2001). Cette enquête a notamment recueilli 1 424 biographies de femmes dont au moins un épisode résidentiel de plus de trois mois a eu lieu à Ouagadougou6. À partir de cette histoire résidentielle, des données très originales sont disponibles sur le type d’approvisionnement en eau dans chaque résidence ainsi que, le cas échéant, la date de changement du type d’approvisionnement en cours de résidence entre 1960 et 2000. Ces informations permettent de mettre au jour le processus d’accès durable à ce service de base, en examinant comment les femmes parviennent ou non à accéder à un logement raccordé au réseau de distribution d’eau.

  • 7 Si l’enfant a été confié avant son cinquième anniversaire, nous disposons de la date de ce confiage (...)
  • 8 Pour plus de détails sur ces données, voir Dos Santos (2005).

11En outre, l’EMIUB a recueilli l’histoire génésique de l’ensemble de ces femmes, soit 3 449 naissances entre 1970 et 2000, dont 282 décès avant le cinquième anniversaire de ces enfants. L’histoire résidentielle de ces mères dans Ouagadougou a donc été liée à la survie de leurs enfants, en faisant l’hypothèse que les enfants de moins de cinq ans suivent leur mère dans leur cheminement résidentiel7. De cette manière, il a été possible d’étudier l’effet du type d’accès à l’eau sur le risque de décéder avant cinq ans à Ouagadougou, tout en tenant compte du statut migratoire des mères8.

Les méthodes

  • 9 Pour plus de détails sur la méthode, voir Dos Santos (2005).

12La méthode de l’analyse des transitions, mise en œuvre dans cet article, répond à la richesse des données biographiques9. À la différence de l’utilisation de données du moment, transversales, l’analyse de données biographiques permet de considérer le comportement des populations comme n’étant pas stationnaire dans le temps, en prenant en compte des périodes d’ajournement et de récupération de certains comportements. Ce type d’analyse permet en outre d’aller plus loin que l’analyse transversale en étudiant l’interaction entre les phénomènes, et notamment les liens existants entre les différentes trajectoires de chaque individu (familiale, résidentielle et professionnelle notamment). Ainsi et concrètement, à la différence des modèles logistiques, dans l’analyse des transitions, le temps écoulé durant la période d’observation fait partie intégrante de l’estimation des risques calculés pour chaque unité de temps, permettant une analyse dynamique des phénomènes.

13Trois grandes étapes structurent l’analyse. D’abord, les analyses descriptives de l’accès à l’eau courante sont réalisées à partir du cheminement résidentiel ainsi que des courbes de Kaplan-Meier. L’estimateur de la fonction de séjour de Kaplan-Meier permet de connaître la proportion des individus qui n’a pas encore connu l’événement à chaque âge.

  • 10 Cette transition peut être le fruit d’un changement physique de résidence ou d’une modification app (...)
  • 11 De la même manière que dans le cas de l’accès, la perte peut prendre deux formes. Dans la base de d (...)

14Ensuite, nous proposons deux types d’analyses explicatives par l’approche des transitions afin de répondre à la question de la durabilité de l’accès à l’eau courante d’une part, et de son rôle sur la survie des enfants d’autre part. Le premier modèle explicatif a pour objectif d’analyser dans quelles conditions l’accès à l’eau courante a été un accès durable sur la période 1960-2000. Il prendra pour outil le modèle semi-paramétrique à risques proportionnels de Cox (Blossfeld et Rohwer, 2002 ; Courgeau et Lelièvre, 1989 ; Allison, 1984). Deux indicateurs permettent de mesurer cette durabilité de l’accès. Le premier analyse le premier accès à l’eau courante, c’est-à-dire la première fois qu’une femme fait la transition d’une résidence n’ayant pas accès à l’eau courante à une résidence ayant accès à l’eau courante10. Ensuite, nous analyserons dans quelles conditions cet accès à l’eau courante peut être perdu, c’est-à-dire en observant la première transition d’un logement ayant l’eau courante à un logement sans eau courante11. Ce type de modèle est notamment choisi parce que, dans le modèle de Cox, l’allure de la fonction de base n’est pas définie a priori, ce qui correspond à notre hypothèse de départ.

  • 12 L’âge de 15 ans peut être considéré comme l’âge auquel commence la participation à la prise de déci (...)

15La durée étudiée dans l’analyse multivariée sur l’accès et la perte de l’eau courante correspond à la durée écoulée en ville entre l’entrée et la sortie d’observation. Dans le cas de l’analyse sur le premier accès, l’entrée en observation prend deux formes : résider à Ouagadougou à 15 ans dans un logement sans eau courante ou arriver à Ouagadougou après 15 ans et résider dans un logement sans eau courante12. Dans ce dernier cas, l’entrée en observation est dite différée : l’observation est censurée à gauche jusqu’à l’entrée en observation, c’est-à-dire à la date d’arrivée à Ouagadougou dans un logement sans eau courante. Les individus qui, à 15 ans, réside dans un logement avec eau courante ou qui, à leur arrivée après 15 ans à Ouagadougou, habitent dans une première résidence avec eau courante sont donc exclus de l’analyse. Dans le cas de l’analyse de la perte de l’accès, l’entrée en observation débute lorsque l’individu réside à Ouagadougou à 15 ans ou plus dans un logement avec eau courante. Ce logement peut être le logement à 15 ans ou le premier logement avec eau courante dans lequel a résidé l’individu après l’âge de 15 ans. De la même manière que précédemment, il existe également des cas d’entrées différées qui sont censurées à gauche jusqu’au moment de l’entrée en observation, c’est-à-dire à la date d’installation à Ouagadougou dans un logement avec eau courante. Dans les deux analyses, la sortie d’observation correspond soit à la date de l’événement lui-même (le premier accès ou la première perte), soit à deux types de censure à droite : l’une due à la date de l’enquête elle-même et l’autre due à la première émigration hors de Ouagadougou. Dans ce dernier cas, les individus sont exclus définitivement de la population à risque.

16Le récapitulatif des deux populations à risque est présenté dans le tableau 1. Les effectifs ainsi que les événements concernés sont tout à fait suffisants pour l’analyse (Courgeau et Lelièvre, 1989). Le cas de la censure à droite due à la date de l’enquête est une troncature classique à ce type d’analyse qui entraîne un biais limité : la part des troncatures à la date de l’enquête s’accroît avec les générations. Comme nous l’avons vu également, il existe des individus dont la durée d’observation est réduite, parce qu’ils entrent dans la population à risque de manière différée, alors qu’ils immigrent à Ouagadougou après l’âge de 15 ans.

Tableau 1. Description de la population à risque : nombre de femmes en observation, ayant connu l’évènement (premier accès ou première perte de l’eau courante), censures à droite pour sortie d’observation avant la date de l’enquête (du fait d’une émigration hors de Ouagadougou), entrés en observation après l’âge de quinze ans, et suivis complet (du quinzième anniversaire à la date de l’enquête).

Premier accès

Première perte

Événement

141

164

Censures à droite 

émigration

174

133

date de l’enquête

762

303

Entrées différées

521

378

Total

1 077

600

  • 13 Or, cette hypothèse ne peut pas être soutenue eu égard à la littérature démontrant que les facteurs (...)

17D’autre part, une deuxième série de modèles explicatifs vise à estimer l’effet de l’adduction d’eau sur la survie des enfants au cours de la période 1970-2000 à Ouagadougou. Des modèles exponentiels par morceaux (Blossfeld et Rohwer, 2002) sont utilisés à cet effet. Ce type de modèle a été choisi parce qu’il évite l’hypothèse selon laquelle l’effet de certaines variables indépendantes est proportionnel à la probabilité de connaître l’événement dans chaque intervalle de temps considéré13. Au sein de l’estimation d’un même modèle, différentes périodes de l’enfance sont ainsi distinguées afin notamment d‘estimer l’effet de l’adduction d’eau au cours de ces différentes périodes.

18Au total, l’analyse porte sur la survie avant cinq ans de 3 449 enfants dont la résidence se situe à Ouagadougou au cours de la période 1970-2000. Le tableau 2 présente les différents cas de traitement de la population à risque. Les cas dont le suivi est censuré à droite correspondent soit aux enfants dont la mère a quitté la capitale pour une période de plus de trois mois, soit aux enfants qui ont quitté le foyer maternel avant leur cinquième anniversaire (cas de confiage) ou encore au cas où l’enfant n’avait pas encore atteint son cinquième anniversaire au moment de l’enquête. Enfin, les cas d’entrées différées correspondent aux enfants qui sont arrivés à Ouagadougou après leur naissance et avant leur cinquième anniversaire.

Tableau 2. Description de la population à risque : nombre d’enfants en observation, ayant connu l’évènement (décès avant l’âge de 5 ans), censurés à droite pour sortie d’observation avant l’âge de 5 ans (du fait d’une émigration hors de Ouagadougou ou n’ayant pas atteint l’âge de 5 ans au moment de l’enquête), entrés en observation après le premier mois de vie, et suivis pendant 5 ans (observation complète).

Population à risque

Événement - décès

282

Censures à droite :

émigration ou confiage

229

date de l’enquête

772

Suivi jusqu’au 5e anniversaire

2 166

Entrées différées

371

Total

3 449

  • 14 Le milieu urbain est défini par le seuil de 5 000 habitants à partir des projections de Beauchemin (...)
  • 15 L’éducation informelle relève du processus par lequel une personne est éduquée par son milieu, acqu (...)
  • 16 Pour plus de détails sur cette discussion, voir Dos Santos (2005).

19La variable indépendante d’intérêt commun à l’ensemble de ces analyses est l’histoire migratoire des femmes, etnotamment la distinction entre les natives et les non-natives de Ouagadougou (Ouédraogo et al., 2007 ; Antoine et al., 1995 ; Ouédraogo et Piché, 1995). Jusqu’à récemment, l’idée dominante considérait les individus nés dans la capitale comme mieux implantés dans leur ville que ne le seraient les migrants, disposant plus souvent d’un réseau familial large qui faciliterait leur insertion dans les différentes sphères de la vie urbaine. En revanche, les individus nés à l’extérieur de la capitale disposeraient d’un réseau moins large d’accueil et d’entraide. Or, dans les villes africaines, les stratégies résidentielles sont principalement élaborées sur la base des réseaux familiaux (Locoh, 1988 ; Osmont, 1987). L’EMIUB ne renseigne toutefois pas sur le lieu de naissance précis des personnes enquêtées. Le département est le niveau le plus fin qui ait été recueilli, ce qui ne permet pas de connaître l’origine rurale ou urbaine habituellement utilisée dans les analyses classiques de démographie sociale. L’histoire migratoire des femmes est donc ici renseignée par leur lieu de résidence à l’âge de 6 ans, qui est la première période de l’histoire résidentielle recueillie. Ce lieu de résidence de la mère à l’âge de 6 ans distingue quatre modalités : la capitale Ouagadougou, les autres villes du Burkina Faso14, le milieu rural et l’étranger. Dans cet article, nous qualifierons de natives les femmes dont la résidence à l’âge de 6 ans était Ouagadougou, et les non-natives, les femmes dont la résidence à 6 ans n’était pas Ouagadougou. Cette assimilation se justifie dans la littérature. Il semblerait, en effet, que les individus nés à l’extérieur de la capitale, mais arrivés avant l’âge de 12 ans s’apparentent de manière très claire aux natifs (Antoine et al., 1995 ; Ouédraogo et Piché, 1995). En outre, cette catégorisation de la variable permet d’approcher le contexte de socialisation des femmes, et notamment le milieu d’exposition à l’éducation informelle15 durant l’enfance ; l’hypothèse étant que les femmes natives de Ouagadougou et des autres villes ont été davantage exposées aux normes « modernes », dont les normes biomédicales font partie16 que les femmes natives du milieu rural, qui constitue davantage le lieu de l’acquisition des normes traditionnelles.

20Bien que les données utilisées soient relativement anciennes, elles permettent néanmoins de formuler des conclusions d’actualité au regard du processus d’urbanisation qui se poursuit actuellement dans les capitales d’Afrique de l’Ouest. Par ailleurs, l’intérêt de ces données tient dans l’originalité des analyses réalisables, en termes de dynamique d’accès à l’eau, mais également en prenant en compte le type d’accès à l’eau au moment précis de la période allant de la naissance à la cinquième année des enfants (ou de la date du décès le cas échéant), ce que ne permettent pas les données transversales classiquement utilisées dans ce type d’analyses. Enfin, ce type d’analyse permet l’intégration de variables explicatives variant dans le temps : au cours de la période d’observation de chaque individu, la modalité correspondante à chaque variable variant dans le temps n’est pas fixe ; elle peut changer au cours du temps, et au moment précis où le changement a eu lieu, si un changement a été enregistré dans la base de données. Par exemple, le type d’accès à l’eau dans le modèle sur la survie des enfants n’est pas fixe : si le type d’approvisionnement en eau a changé au cours de la période allant de la naissance au cinquième anniversaire de l’enfant, le fichier de données distingue les deux périodes correspondantes aux deux modes d’accès, la fin de la première période correspondant au début de la deuxième, la date de ce changement marquant la coupure entre ces deux périodes.

L’accès à l’eau à Ouagadougou

  • 17 Pour plus de détails, et plus généralement sur l’accès à l’eau à Ouagadougou, voir Dos Santos (2006 (...)
  • 18 La ville comptait 19 700 habitants en 1948 (Jaglin, 1995).
  • 19 On peut se reporter à l’étude de Sylvy Jaglin (op. cit.) pour des détails sur le rôle de la Révolut (...)
  • 20 De par son positionnement géographique, Ouagadougou connaît une situation de déficit hydrique sévèr (...)

21La ville de Ouagadougou est souvent citée comme un cas relativement original en Afrique de l’Ouest en matière d’accès à l’eau ; ce qui s’explique par des raisons politiques et relatives à l’histoire même de la ville17. Alors qu’elle ne fut longtemps qu’un gros village18, Ouagadougou a connu, comme beaucoup de villes d’Afrique de l’Ouest, une croissance urbaine très rapide depuis la décennie 1970, tant du point de vue démographique que spatiale. Avec plus de 9 % par an entre les deux recensements de 1975 et 1985, et plus de 4 % entre 1985 et 1996, la croissance démographique de la capitale burkinabé se poursuit à un rythme de 7,6 % par an au cours de la dernière période intercensitaire (1996-2006) (Boyer, 2010). Cette croissance a notamment été alimentée par la migration en provenance de l’étranger, et particulièrement des migrations de retour de Côte d’Ivoire (Beauchemin et Bocquier, 2004). Une des manifestations de cette croissance démographique a été la spectaculaire extension des quartiers périphériques non lotis dont les pouvoirs locaux avaient déjà perdu la maîtrise au lendemain de l’indépendance en 1960. En 2009, 35 % des logements de la ville sont situés en zone non lotie (Boyer, 2010). Dans un pays sans véritable tradition urbaine, ces deux éléments ont donc posé concrètement le problème de l’offre publique de logements et de services urbains de base, comme l’accès amélioré à l’eau. L’habitat et les services urbains de base ont toujours été un enjeu sectoriel prioritaire de la politique sociale, et tout particulièrement durant la période sankariste19 durant laquelle l’accès à l’eau a été considéré comme un service public prioritaire, selon l’idée d’une institutionnalisation du partage de la pénurie20 accompagnée par des mécanismes originaux de gestion des services, basés sur le partage des charges et des responsabilités gestionnaires entre la population et le comité révolutionnaire élu par les habitants de chaque secteur. C’est cette forme inédite que Jaglin (1995) a appelée la « gestion partagée » des points d’eau collectifs qui, par la suite, a inspiré les urbanistes œuvrant en Afrique de l’Ouest, avec cependant des résultats mitigés en termes de réduction des inégalités socio-spatiales de l’accès à l’eau (Jaglin, 2005). Depuis le début des années 2000, les politiques de lutte contre la pauvreté, dans lequel l’accès à l’eau est un élément central, de gestion de la ressource en eau, sous l’égide de la GIRE (ICWE, 1992), mais également de bonne gouvernance, placent l’accès à l’eau au plus grand nombre dans le cadre général du partenariat public-privé. Le postulat de ces nouvelles politiques est la conception de l’eau comme un bien économique, et par la même la rentabilité du service, « ouvrant ainsi la voie aux processus d’exclusion et de fragmentation socio-spatiale » (Baron, 2006, p. 12). Par ailleurs, en rupture avec la « gestion partagée » des années 1990, et bien que ces processus soient pourtant qualifiés de participatifs, les habitants restent les grands absents de cette nouvelle gouvernance de l’eau (Baron, 2006), et notamment les femmes (Dos Santos, 2012b).

  • 21 Nous préférons ici le mode conditionnel, car la source de données des OMD pour la ville de Ouagadou (...)

22En tout état de cause, c’est sans doute l’originalité de cette gestion de l’eau durant les années 1990 qui place souvent Ouagadougou comme un exemple, notamment dans le caractère plausible du développement d’une desserte en eau dans des quartiers pourtant en pleine croissance (Roche, 2003). Ainsi, à Ouagadougou, en 2010, 99 % de la population aurait accès à une source d’eau améliorée21(INSD et ICF International, 2012), ce qui placerait cette capitale d’Afrique de l’Ouest comme particulièrement bien pourvue de ce point de vue (Dos Santos, 2006). Cependant, comme l’illustre les chiffres de la figure 1, cet indicateur cache un mode pluriel d’approvisionnement en eau, entre l’accès à l’eau courante, l’accès aux points collectifs d’eau, ou encore les revendeurs du marché informel. Plus précisément, le statut migratoire des femmes est particulièrement discriminant dans les différentiels d’accès à l’eau. Alors que 19 % des femmes d’origine rurale ont accès à l’eau courante, cette proportion est de 31 % pour les natives de Ouagadougou, de 40 % pour les natives d’une autre ville que Ouagadougou et de 46 % pour les femmes originaires de l’étranger.

Figure 1. Répartition des femmes ( %) selon le type d’accès à l’eau, pour chaque statut migratoire, à Ouagadougou en 2000

Figure 1. Répartition des femmes ( %) selon le type d’accès à l’eau, pour chaque statut migratoire, à Ouagadougou en 2000

Source EM IUB, 2000

23En l’absence d’eau courante, les femmes s’approvisionnent à partir de pompes, de forages, de bornes-fontaines ou par l’intermédiaire de revendeurs d’eau dont l’eau provient des bornes-fontaines. On le voit, les points collectifs d’eau potable sont le type d’approvisionnement majoritaire à Ouagadougou (Figure 1), mais davantage encore pour les femmes d’origine rurale : 64 % du type d’approvisionnement en eau pour ces dernières contre 39 % pour les femmes d’origine étrangère par exemple. Par contre, « les enfants qui poussent l’eau », ces jeunes vendeurs ambulants qui sillonnent quotidiennement la ville en poussant une barrique de 200 litres, fournissent davantage l’eau aux femmes d’origine étrangère (14 % du mode d’approvisionnement dans ce groupe) qu’aux autres (de l’ordre de 6 à 10 % selon le groupe considéré), et ceci malgré les prix élevés qu’ils pratiquent dans les zones les moins bien dotées en matière d’approvisionnement en e au (Dos Santos, 2006).

24On remarque que la seule distinction entre les natives et les non-natives est loin d’être suffisante pour comprendre l’accès différentiel à l’eau chez les femmes à Ouagadougou. Par exemple, en s’en tenant à cette simple dichotomie, nous aurions conclu que les natives ont un meilleur accès à l’eau courante que les non-natives, soit respectivement 31 % et 27 %. Si le statut migratoire tel que défini de manière dichotomique natif/non natif semble dominer dans la littérature sur l’insertion urbaine, on voit combien, en différenciant plus précisément la modalité « non native de Ouagadougou », on met en évidence l’hétérogénéité de cette catégorie. C’est donc à partir de cette désagrégation de la catégorie « non native » que nous allons maintenant comprendre le processus d’accès durable à l’eau courante.

L’accès à l’eau courante des femmes : l’apport de l’analyse longitudinale descriptive

25La présence d’un robinet dans la cour ou dans la résidence est le type d’accès à l’eau qui réduise au maximum les coûts sanitaires et sociaux, notamment pour les femmes et les enfants. Nous allons maintenant centrer l’analyse sur cet accès à l’eau courante, en focalisant d’abord l’analyse sur les trajectoires résidentielles au regard de cet accès, puis sur l’intensité et la durabilité de cet accès.

Les trajectoires résidentielles et l’accès à l’eau courante

26Les analyses utilisant l’estimateur de la fonction de Kaplan-Meier, en décrivant la vitesse d’accès à un logement ayant l’eau courante ou, à l’inverse, la vitesse de perte d’accès à l’eau courante, masquent cependant un élément important pour la compréhension de l’accès à ce service de base, à savoir la diversité des trajectoires résidentielles en termes d’accès à l’eau courante. Du fait des effectifs nécessaires à l’analyse des trajectoires, nous ne présentons que le cas des femmes dans leur ensemble, sans distinction du statut migratoire. Cette analyse a toutefois le mérite de donner la mesure du caractère non durable de l’accès à l’eau courante.

  • 22 Ici, c’est l’ensemble de la trajectoire résidentielle récoltée à l’enquête qui a servi de base d’ét (...)
  • 23 Dans ce cas, l’accès pris en compte est celui enregistré en fin de résidence.

27Ces trajectoires (figure 2) sont définies par les séquences successives qu’ont connues les 1 424 femmes enquêtées à Ouagadougou22 ; séquences de résidence dans un logement ayant l’eau courante (EC) et séquences de résidence dans un logement sans eau courante (SEC)23. Les traits continus représentent les changements de résidence successifs. Ainsi, le trait partant de EC1 et allant à SEC2 représente le passage du premier logement au deuxième logement, le premier logement disposant de l’eau courante, et le deuxième n’en disposant pas. Les traits en pointillés représentent des états stationnaires, dans lesquels les femmes n’ont jamais plus changé de résidence jusqu’à la date de l’enquête. Les chiffres à chaque terminaison représentent la probabilité de chacune des séquences ou trajectoires. La somme de toutes ces probabilités est de un. Les séquences observées sont, en réalité, plus longues que celles présentées ici puisque, à partir de notre échantillon, on peut observer jusqu’à 9 séquences résidentielles avec changement dans l’accès à l’eau courante. Toutefois, après la troisième résidence, les effectifs sont assez faibles (moins de 50 pour chaque point d’arrivée représenté), nous empêchant de poursuivre l’analyse au-delà de cette limite.

  • 24 Les résultats pour les hommes ne sont pas montrés. Le lecteur pourra se référer à Dos Santos (2005) (...)

28Les résultats issus de la figure 2 montrent que 16 % des femmes enquêtées par l’EMIUB ont connu des trajectoires résidentielles uniquement dans des logements ayant l’eau courante. Par comparaison, 20 % des trajectoires résidentielles des hommes enquêtés à Ouagadougou en 2000 ont été réalisées uniquement dans des logements ayant l’eau courante24. Alors que 9 % des femmes résident toujours en 2000 dans leur premier logement ouagalais raccordé au réseau (EC1 =0,09), cette proportion atteint 12 % chez les hommes. Quel que soit leur statut migratoire, les femmes auraient ainsi plus de difficultés à accéder à une résidence équipée de l’eau courante que les hommes. Nous reviendrons plus loin sur la discussion de ce constat.

29Figure 2. Cheminement résidentiel (1970-2000) des femmes à Ouagadougou selon l’accès à l’eau courante : probabilité des séquences résidentielles pour les résidentes à Ouagadougou en 2000

Figure 2. Cheminement résidentiel (1970-2000) des femmes à Ouagadougou selon l’accès à l’eau courante : probabilité des séquences résidentielles pour les résidentes à Ouagadougou en 2000

30Trois trajectoires résidentielles sur cinq ont été réalisées uniquement dans des logements sans eau courante. Ainsi, il existe une grande inertie dans l’accès à l’eau courante puisque 78 % des femmes enquêtées n’ont jamais connu de changement dans l’accès à l’eau courante.

31En revanche, 22 % des femmes ont rapporté des cheminements résidentiels impliquant un ou des changements dans l’accès à l’eau courante. Plus précisément, 11 % des femmes ont connu un changement de résidence impliquant une dégradation de leur accès à l’eau courante, et 11 % des femmes ont connu une amélioration de leur accès à l’eau courante. Par comparaison, des analyses non présentées ici (Dos Santos, 2005) révèlent que les épisodes de dégradation de l’accès sont comparables entre les hommes et les femmes. Par contre, les femmes ont connu une proportion supérieure d’épisodes d’amélioration de l’accès par rapport aux hommes (respectivement de 11 % et de 8 %).

Intensité et durabilité de l’accès à l’eau courante

32La figure 3 compare les probabilités pour les femmes de rester dans un logement sans eau courante en fonction de leur histoire migratoire à partir de l’estimateur de la fonction de Kaplan-Meier. Au départ de l’observation, toutes les femmes sont dans un logement sans eau courante (probabilité égale à 1). L’inverse de la probabilité de rester dans un logement sans eau courante correspond donc aux chances d’accéder à un premier logement équipé de l’eau courante. Les interprétations sont faites sur cette dernière probabilité.

Figure 3. Probabilité de rester dans un logement sans eau courante à Ouagadougou pour les femmes en fonction du statut migratoire (1970-2000) (estimateur de Kaplan-Meier)

Figure 3. Probabilité de rester dans un logement sans eau courante à Ouagadougou pour les femmes en fonction du statut migratoire (1970-2000) (estimateur de Kaplan-Meier)
  • 25 Différences significatives des courbes le test de Cox au seuil de 0,001 %.

33De manière très nette, la probabilité d’accéder à un logement raccordé au réseau de distribution d’eau varie fortement et de manière très significative en fonction du statut migratoire des femmes25. Au cours de leur histoire résidentielle à Ouagadougou, 20 % des femmes originaires du milieu urbain hors Ouagadougou et 25 % des femmes d’origine rurale ont habité au moins une fois dans un logement équipé de l’eau courante. Par contraste, 39 % des femmes d’origine ouagalaise et 50 % des femmes venues de l’étranger ont eu accès à un logement équipé de l’eau courante au moins une fois durant leur histoire résidentielle à Ouagadougou. Être native de Ouagadougou et être originaire de l’étranger sont des caractéristiques qui paraissent donc fortement associées à une plus grande probabilité d’accéder à l’eau courante ainsi qu’un accélérateur de cet accès. Cette relation reste toutefois à être confirmée par l’analyse multivariée.

34Nous venons de voir l’intensité de l’accès à l’eau courante. La figure 4 présente les chances pour les femmes de rester dans un logement avec eau courante, et donc, à l’inverse, représente le risque de perdre l’accès à l’eau courante.

Figure 4. Probabilité de rester dans un logement avec eau courante à Ouagadougou pour les femmes en fonction du statut migratoire (1970-2000) (estimateur de Kaplan-Meier)

Figure 4. Probabilité de rester dans un logement avec eau courante à Ouagadougou pour les femmes en fonction du statut migratoire (1970-2000) (estimateur de Kaplan-Meier)
  • 26 Différences significatives des courbes par le test de Cox au seuil de 0,05 %.

35La probabilité de perdre l’accès à l’eau courante varie elle aussi en fonction du statut migratoire26. En effet, les femmes originaires du milieu rural ou du milieu urbain hors Ouagadougou ont moins de risque de perdre l’accès à l’eau courante que les femmes natives de Ouagadougou ou immigrées d’origine étrangère. Notamment, 61 % des femmes d’origine rurale sont restées dans leur logement équipé de l’eau courante alors que seuls 46 % des femmes natives de Ouagadougou et 33 % des femmes d’origine étrangère ont conservé leur accès à l’eau courante. Tout se passe comme si avoir accès à l’eau courante pour les femmes originaires du milieu rural est suffisamment rare pour qu’une fois acquis, elles ont d’autant moins de risque de le perdre. Une explication peut provenir du fait que, d’une manière générale, l’insertion résidentielle des migrants, et notamment des migrants ruraux, se fait dans les quartiers spontanés de Ouagadougou, non pourvus de services urbains de base (Boyer, 2010). Aussi, les quelques cas d’insertion dans les quartiers plus centraux, mieux équipés, doivent probablement être synonymes pour ces femmes migrantes d’origine rurale d’une insertion plus définitive, n’impliquant pas changement de résidence et donc de type d’accès à l’eau. L’analyse multivariée qui suit va nous permettre de voir si c’est le statut migratoire en lui-même qui joue un rôle sur la durabilité de l’accès à l’eau courante ou davantage les caractéristiques propres au statut de natives ou de non-natives de Ouagadougou.

L’effet net du statut migratoire dans la durabilité de l’accès à l’eau courante

36Nous allons maintenant voir si le statut migratoire des femmes reste une caractéristique associée à l’explication de l’accès à l’eau courante et de sa durabilité (analysée par le biais de la perte de l’eau courante), toutes choses égales par ailleurs. Le tableau 3 expose les résultats des analyses de transition appliquées d’une part à l’accès à l’eau courante et, d’autre part, à la perte de cet accès à l’eau courante. Deux modèles sont présentés dans les deux types d’analyse : les premiers portent sur l’effet brut de la variable d’intérêt, le statut migratoire (modèles 1 et 3) ; les seconds sur l’effet net du statut migratoire après l’introduction des variables de contrôle (modèles 2 et 4).

37Les résultats du modèle 1 montrent comment le statut migratoire est discriminant dans les chances d’accéder une première fois à l’eau courante. Ainsi, les effets bruts de l’origine rurale et de l’origine étrangère des femmes sont forts, et jouent dans un sens opposé : les premières ont moins de chances d’accéder à l’eau courante que leurs consœurs natives de Ouagadougou alors que les secondes ont plus de chances d’accéder à l’eau courante que les natives. Au cours des années 1990, les migrations en provenance de Côte d’Ivoire ont contribué de manière importante dans la croissance démographique de la ville. Généralement, ces migrants disposaient d’un capital financier constitué à l’étranger (Schoumaker et Beauchemin, 2002), dont on peut supposer qu’il leur permettait de mieux s’insérer en ville, notamment en termes de conditions de logement.

Tableau 3. Caractéristiques associées à l’accès et à la perte de l’eau courante à Ouagadougou pour les femmes (modèles semi-paramétriques de Cox)

Accès à l’eau courante

Perte de l’eau courante

Variables

Femmes-années

Modèle 1 Coef

Modèle 2 Coef

Femmes-années

Modèle 3 Coef

Modèle 4 Coef

Résidence à 6 ans (Ouagadougou)

4 238

1 910

Autre urbain

992

1,04

0,71

611

0,75

1,02

Rural

4 772

0,72*

0,57***

1 368

1,19

1,21

Étranger

757

2,12***

1,31

435

2,17***

1,81**

Période (v) (1990-2000)

5 862

103

Avant 1970

603

1,20

414

0,34*

1970-1979

1 303

1,50

1 275

0,19***

1980-1989

2 991

1,14

2 532

0,47***

Instruction (aucune)

7 178

1 524

Primaire

2 282

2,06***

1 015

1,81***

Secondaire et plus

1 299

3,25***

1 785

0,89

Activité économique (v) (emploi informel)

7 692

2 166

Emploi formel

225

2,52

431

0,59

Étudiant

585

1,96*

780

1,57

Autre

2 257

1,34

947

1,20

Célibataire (v) (oui)

2 250

1 629

Non

8 509

2,03**

2 695

5,09***

Statut de résidence (v) (propriétaire)

6 169

1 606

Locataire

992

2,66***

621

0,45***

Hébergé par parents

1 697

0,23***

1 014

0,21***

Hébergé par autre

1 901

1,55*

1 083

0,48***

Notes : Coef. représente les coefficients du modèle sous forme multiplicative qui sont interprétés en termes de risques relatifs par rapport aux catégories de références entre parenthèses. Les niveaux de significativité sont : *** : p<0,01 ; ** : p<0,05 ; * : p<0,10.

Légende : (v) Variables dont la valeur peut changer dans le temps.

Crédit : Adapté et complété de Dos Santos (2005).

38Toutefois, après l’introduction des variables socio-économiques, le second modèle montre que l’effet net du statut migratoire est quelque peu modifié (modèle 2). Les femmes d’origine étrangère n’ont statistiquement plus davantage de chances d’accéder à l’eau courante que les natives. En revanche, l’effet net de l’origine rurale s’accentue et montre qu’être issue du milieu rural est un fort handicap à l’accès à l’eau courante, avec 43 % moins de chances que pour les femmes natives de Ouagadougou. Ainsi, la prise en compte des variables socio-économiques vient nuancer les conclusions de l’analyse descriptive, renforçant l’importance de l’analyse explicative toute chose égale par ailleurs : ce sont davantage les caractéristiques socio-économiques des femmes qui expliquent les différentiels d’accès à l’eau que leur statut migratoire, en dehors du statut des femmes d’origine rurale.

39Les résultats des modèles 3 et 4 sur la perte de l’eau courante peuvent être interprétés en terme de durabilité de l’accès à l’eau courante. Ceux-ci confirment une partie des résultats de l’analyse descriptive : le rôle « protecteur » de l’origine ouagalaise n’est révélé de manière significative que par rapport aux femmes d’origine étrangère. Ainsi, si l’origine étrangère favorise l’accès à l’eau courante, elle ne protège pas d’un déménagement dans une résidence sans eau courante. L’hypothèse énoncée plus haut concernant le relatif pouvoir économique des migrantes venues notamment de la Côte d’Ivoire n’est cependant pas ici totalement remise en question, eu égard aux stratégies résidentielles courantes à Ouagadougou : dans un premier temps, à leur arrivée en ville, les migrantes peuvent disposer de suffisamment de ressources pour accéder à un logement en location, souvent mieux équipé. Dans un deuxième temps, l’acquisition de leur propre logement, plus abordable en périphérie, peut être toutefois synonyme d’une baisse de qualité du logement, et notamment de l’accès à l’eau courante.

40En revanche, et contrairement aux résultats obtenus dans l’analyse descriptive, les femmes d’origine rurale n’ont pas plus de risques statistiquement significatifs, toutes choses égales par ailleurs, de perdre l’accès à l‘eau courante que les femmes natives de Ouagadougou. Ainsi, dans l’analyse descriptive, ce n’était pas tant l’origine rurale de ces femmes qui expliquait un accès moins durable à l’eau courante que d’autres caractéristiques socio-économiques, et notamment le niveau d’instruction, le statut matrimonial ou le statut de résidence.

41En effet, en dehors de la variable de statut migratoire dont l’effet est relativement modéré, l’effet d’autres variables semble être plus important dans l’explication des différentiels. Notamment, un regard sur le contexte historique vient confirmer la tendance à la difficulté de l’accès à l’eau courante depuis le début des années 1980. Alors que les chances d’accéder à l’eau courante ne vont pas crescendo, les risques de perdre l’eau courante étaient, eux, plus importants durant la période 1990-2000 que durant les périodes précédentes. Les risques pour les femmes de déménager d’un logement avec eau courante à un logement sans eau courante étaient deux fois plus faibles dans la décennie 1980 que dans les années 1990. Ce différentiel se creuse encore davantage lorsque l’on compare la décennie 1970 à la décennie 1990. Une explication peut provenir d’un effet de structure : durant la décennie 1970, les logements raccordés au réseau d’eau courante étaient peu nombreux et concernaient presque exclusivement les logements de propriétaires. Les femmes vivant dans ces logements avaient donc moins de risque de quitter leur logement, étant propriétaires. Par ailleurs, ces résultats peuvent également trouver une explication dans la politique de l’accès à l’eau entre la période creuse allant de la Décennie internationale de l’eau potable et de l’assainissement (1980-1990) et avant la lancée des OMD en 2000, combinée à la forte croissance démographique et spatiale de la ville. À cette époque, les capacités financières et techniques de l’ONEA ont été éprouvées pour maintenir un niveau de desserte à l’eau courante : alors qu’un tiers des Ouagalais avaient accès à l’eau courante au milieu des années 1980, ce taux n’est que d’un quart en 2000 (Dos Santos, 2006).

42En outre, si une instruction élevée offre plus de chances d’accéder à l’eau courante, cette variable n’est toutefois pas protectrice de la perte de l’accès. Au contraire, le sens des coefficients est contre-intuitif : lorsque les femmes sans instruction parviennent à résider dans un logement avec eau courante, elles ont moins de risque de perdre cet accès que les femmes d’instruction primaire. Le niveau de significativité n’étant pas acceptable, on peut conclure qu’un niveau secondaire et plus ne prévient pas la perte de l’eau courante. Le même type de constat peut-être fait pour l’activité économique formelle, qui n’est pas associée à un risque plus faible de perdre l’eau courante, par rapport au secteur informel.

43Les résultats concernant le statut matrimonial mérite également d’être soulignés : être non célibataire explique à la fois le premier accès à l’eau courante, mais surtout sa première perte : les femmes non célibataires ont 5 fois plus de risque de perte l’accès à l’eau courante que les femmes célibataires. Une explication peut provenir du cheminement résidentiel des femmes lors de leur changement de statut matrimonial. Dans le cas du modèle patrilinéaire et patrilocal, tel que dominant à Ouagadougou, le mariage amène les femmes à changer de résidence et donc potentiellement de type d’accès à l’eau. Ce changement de résidence peut toutefois se faire en plusieurs étapes : au départ, la jeune mariée rejoint son jeune époux dans la résidence familiale, plus ancienne, plus souvent située dans les quartiers plus centraux mieux équipés en adduction d’eau. À mesure que la jeune famille s’agrandit, le couple peut chercher à acquérir une parcelle, bien souvent dans les quartiers périphériques moins bien équipés en services urbains de base. Cette différence de cheminement résidentiel liée au statut matrimonial peut également expliquer le constat que nous faisions plus haut, à savoir que les femmes, d’une manière générale, ont plus difficilement accès à l’eau courante que les hommes (Dos Santos et Le Grand, 2013).

  • 27 Contrairement à d’autres études où les femmes n’ont jamais que le statut « d’hébergées » si elles r (...)

44Si l’on regarde maintenant l’effet du statut d’occupation dans le logement, les résultats indiquent que les femmes propriétaires27 ont moins de chances d’accéder à l’eau courante et davantage de risque de perdre ultérieurement cet accès par rapport aux locataires. Une analyse plus détaillée sur les trajectoires pourrait sans doute mettre en évidence le parcours résidentiel typique : le premier logement autonome est en location, plus souvent raccordé au réseau d’adduction d’eau. Au moment d’accéder à la propriété, les individus se déplacent dans des zones où l’accès à la propriété est plus abordable, c’est-à-dire dans les zones moins bien équipées en termes d’accès aux services urbains de base.

45Le parcours migratoire des femmes influence donc quelque peu leurs chances de résider dans un logement équipé d’un robinet. Toutefois, ce type de résidence est relativement peu durable, quel que soit le statut migratoire. Nous allons maintenant voir comment cet accès durable à l’eau courante peut avoir une influence sur le risque de décès de leurs enfants.

L’accès à l’eau et la survie des enfants : y a-t-il un effet différencié selon l’histoire migratoire de la mère ?

46L’histoire migratoire des mères est, dans cette section, la variable d’intérêt. Sa construction repose sur l’hypothèse suivante : l’insertion urbaine, et notamment celle des femmes issues du milieu rural, peut avoir un effet d’accélérateur potentiel de l’acquisition de nouvelles connaissances, à travers l’éducation informelle et l’accès à l’information moderne que cette insertion suppose. À partir de la variable de lieu de résidence de la mère à son 6e anniversaire, nous avons construit une variable en la combinant avec la durée de résidence à Ouagadougou si la mère est d’origine rurale. Cette durée de résidence a été calculée à partir du cumul des différentes périodes de résidence depuis le 6e anniversaire jusqu’à la date de l’enquête. La durée ne correspond donc pas à la durée depuis la dernière installation résidentielle. Elle représente l’intensité du contact que la mère d’origine rurale a pu avoir avec la ville, compte tenu de ses séjours à Ouagadougou. La variable de statut migratoire de la mère vise à prendre en compte le lieu de socialisation dans lequel la mère a grandi et/ou vécu et qui pourrait avoir une influence sur ses comportements en matière de maternage (Brockerhoff et De Rose, 1994).

47Le tableau 4 présente les résultats issus des modèles de survie (exponentiels par morceaux) de l’effet des différentes variables sur les risques de décéder avant cinq ans à Ouagadougou pour la période 1970-2000. Les modèles estiment l’effet des différents types d’approvisionnement en eau au cours de trois périodes de l’enfance : avant 1 mois, entre 1 et 12 mois, et entre 13 et 59 mois révolus. Quatre modèles sont présentés. Le modèle A estime l’effet du statut migratoire de la mère sur le risque de décès de l’enfant, tout en contrôlant par les caractéristiques biodémographiques de l’enfant (âge et sexe) et la période de l’histoire durant laquelle s’est déroulée l’enfance. Le modèle B analyse l’effet du type d’approvisionnement en eau sur le risque de décès avant 5 ans révolus, tout en contrôlant l’effet des caractéristiques biodémographiques de l’enfant et la période de l’histoire. Le modèle C intègre la variable de statut migratoire de la mère aux variables testées dans le modèle B. Enfin, le modèle D prend en compte l’ensemble des variables introduites précédemment en plus des autres caractéristiques culturelles et socio-économiques de la mère. Tout en présentant l’effet net du statut migratoire sur la mortalité avant cinq ans, cette démarche permet de mettre en évidence d’éventuels liens d’interdépendance entre les variables, et notamment l’accès à l’eau, le statut migratoire et l’instruction.

48Nous allons d’abord analyser les résultats concernant l’effet de l’accès à l’eau. Après contrôle de l’effet des variables biodémographiques de l’enfant et de la période historique, le modèle B révèle l’effet bénéfique de l’accès à l’eau courante en comparaison des autres sources d’approvisionnement en eau. Ainsi, les enfants dont la source d’eau de boisson est un robinet placé dans le logement ou dans la cour commune ont un risque deux à trois fois moins élevé de décéder entre leur premier et leur cinquième anniversaire que les enfants dont l’eau de boisson provient d’une source collective améliorée ou d’une source d’eau non améliorée. L’effet protecteur de l’accès à l’eau courante par rapport à l’eau provenant d’un vendeur ambulant est significatif dans le modèle B, mais seulement pour la période de l’enfance entre un et douze mois révolus. Globalement, les différentiels sont plus nets et statistiquement plus significatifs pour la période de l’enfance après le premier anniversaire, ce qui n’est pas surprenant du fait de l’effet protecteur de l’allaitement maternel (Butz et al., 1984 ; Huffman et Lamphore, 1984). En effet, durant la phase d’allaitement exclusif, avant le sevrage partiel ou total, l’accès à l’eau per se n’a théoriquement aucun effet sur la santé et la mortalité des enfants dans la mesure où le nourrisson ne consomme que le lait maternel. En revanche, au moment du sevrage partiel ou total, qui se situe autour de la première année de vie, une autre source d’alimentation ou d’hydratation peut induire un risque accru de contamination par l’eau.

49L’effet bénéfique de l’accès à l’eau courante par rapport aux autres sources d’approvisionnement se maintient à l’introduction de la variable de statut migratoire de la mère (modèle C), tout particulièrement pour les enfants âgés de plus d’un an, et à l’exclusion du différentiel avec le vendeur ambulant qui ne devient plus statistiquement significatif. En revanche, l’introduction des autres variables culturelles et socio-économiques de la mère (modèle D) réduit le bénéfice de l’accès à l’eau courante ; les différentiels ne sont plus statistiquement significatifs, les coefficients allant toutefois toujours dans le même sens. Ce manque de différences statistiquement significatives peut d’abord s’expliquer par des problèmes de mesure, et notamment du faible nombre de décès dans chaque modalité. Une autre explication vient de l’interaction manifeste entre le type d’accès à l’eau et le statut socio-économique de la mère, et notamment le niveau d’instruction, dont l’effet sur l’accès à l’eau courante a été mis en évidence dans le modèle2 présenté dans la section précédente. En effet, lorsque la variable d’accès à l’eau est introduite sans la variable de niveau d’instruction, l’effet capté par la première (l’accès à l’eau) cache en réalité un fort effet de la deuxième (le niveau d’instruction). Cet effet peu tranché de l’accès à l’eau sur la survie des enfants, toutes choses égales par ailleurs, ne doit cependant pas se lire comme l’inefficacité sanitaire de l’accès à l’eau courante. En particulier, la mise en évidence de l’effet propre de l’accès à l’eau n’est pas évidente dans le cas d’une variable à expliquer aussi multifactorielle que ne l’est la mortalité des enfants, notamment lors de corrélations avec d’autres facteurs qui peuvent totalement neutraliser l’effet de l’accès à l’eau.

  • 28 Ce constat est plus marqué dans le dernier modèle (D), avec un seuil de significativité qui ne cess (...)
  • 29 Voir Dos Santos et LeGrand (2007) pour une discussion sur les problèmes méthodologiques que pose la (...)

50Afin de prendre en compte la durabilité de l’accès à l’eau courante, une variable dichotomique a été introduite. Elle est codée 1 si, au cours de la période d’observation de l’enfant, l’accès à l’eau courante a été perdu. Bien que le seuil de significativité ne soit pas statistiquement acceptable, les résultats suggèrent que les enfants ayant connu un épisode de perte de l’accès à l’eau courante au cours de leur cinq premières années de vie ont un risque près de deux fois plus élevé que ceux qui n’ont pas connu d’interruption de l’accès à l’eau courante ou qui n’ont pas eu accès à l’eau courante28. En dehors de l’intérêt de ce résultat en termes de santé publique, ce constat doit également être lu comme une contribution à la nécessité d’un indicateur pertinent qui aille au-delà du seul équipement (robinet dans le logement ou la cour), en prenant en compte les conditions d’accès à l’eau courante (la durabilité, mais également la continuité du service) ainsi que la gestion domestique de l’eau au sein des ménages. Notamment, les conditions de stockage de l’eau (Wright et al., 2004 ; Nyong et Kanaroglou, 1999) ainsi que les quantités disponibles sont des éléments cruciaux qui doivent être intégrés dans les modèles explicatifs, ce qui nécessite des données très spécifiques sur cette problématique29.

Tableau 4. Risques relatifs de décès avant cinq ans (modèles exponentiels par morceaux)

Période de l’enfance

Modèle A

Modèle B

Modèle C

Modèle D

Source d’eau de boisson (v) (eau courante)

Source collective améliorée

< 1 mois

1-12 mois

13-59 mois

1,03

1,20

2,11 **

0,99

1,14

2,03 **

0,74

0,86

1,59

Vendeurs ambulants

< 1 mois

1-12 mois

13-59 mois

1,32

1,92 *

1,78

1,29

1,85 +

1,73

1,12

1,60

1,48

Source non améliorée

< 1 mois

1-12 mois

13-59 mois

0,96

1,81 +

2,94 ***

0,90

1,68

2,76 **

0,57

1,08

1,82 +

Perte de l’accès à l’eau courante (non)

Oui

1,59

1,60

1,92

Sexe (masculin)

Féminin

0,85

0,85

0,84

0,86

Gémellité (oui)

Non

0,30 ***

0,32 ***

0,31 ***

0,32 ***

Rang (2-5)

1er

0,91

0,93

0,92

0,98

6 et +

1,32

1,29 +

1,32 +

1,27

Période (v) (1990-2000)

1970-1979

1,59 **

1,62 **

1,57 **

1,48 *

1980-1989

1,02

1,06

1,03

1,00

Statut migratoire de la mère (native)

Autre urbain

0,59 +

0,63

0,70

Rural : moins de 10 ans à Ouagadougou (v)

0,94

0,94

1,00

Rural : 10 ans et plus à Ouagadougou (v)

0,79

0,82

0,78

Étranger

0,79

0,79

0,98

Religion de la mère (musulmane)

Autre

0,62 ***

Ethnie de la mère (Moose)

Autre

0,63 *

Instruction de la mère (secondaire ou plus)

Sans

2,44 **

Primaire incomplet

2,30 **

Primaire complété

1,58

Indice de niveau de vie (v) (haut)

Très bas

2,54 *

Bas

1,46

Moyen

1,56

Évacuation des ordures (v) (ramassage)

Décharge publique

1,78 **

Brûle

1,27

Autre

1,29

Termes du risque de base

< 1 mois

0,07 ***

0,05 ***

0,06 ***

0,02 ***

1-12 mois

0,01 ***

0,01 ***

0,01 ***

0,00 ***

13-59 mois

0,00 ***

0,00 ***

0,00 ***

0,00 ***

Légende : Les niveaux de significativité sont : *** : p < 0,01 ; ** : p < 0,05 ; * : p < 0,10 ; + : p < 0,15 

La catégorie de référence est entre parenthèses. (v)Variables dont la valeur peut changer dans le temps.

51Concernant l’effet du statut migratoire des mères, les résultats du modèle A suggèrent que celui-ci semble avoir un effet relativement faible sur la survie des enfants, après avoir contrôlé l’effet des variables biodémographiques de l’enfant et des périodes historiques : il n’y a pas de différence statistiquement significatives dans le risque de décès entre les enfants dans la mère est native de Ouagadougou et les enfants dont la mère est d’origine rurale (ayant vécue plus ou moins 10 ans à Ouagadougou) ou les enfants dont la mère est née à l’étranger. Le seul différentiel (risque d’erreur de 15 %) est observé entre les enfants de mères natives de Ouagadougou et les enfants de mère natives d’autres villes du Burkina Faso : ces derniers ont 40 % moins de risque de décéder avant cinq ans que les enfants des mères natives de Ouagadougou.

52À l’introduction du type d’accès à l’eau (modèle C) et des variables socio-économiques de la mère (modèle D), et bien que ces différentiels ne sont plus statistiquement significatifs, ils suivent cependant un gradient intéressant. En effet, les résultats suggèrent que les enfants des mères originaires d’un autre centre urbain ainsi que les enfants des mères d’origine rurale, mais ayant séjourné longtemps à Ouagadougou (plus de 10 ans) auraient moins de risque de décès avant leur cinquième anniversaire que les enfants des mères natives de Ouagadougou. Tout se passe comme si il existait une sélection des migrantes qui leur permettrait de s’adapter rapidement aux conditions de leur nouvel environnement (Caldwell, 1986). Les femmes qui auraient immigré à Ouagadougou seraient en meilleure santé et auraient des capacités d’adaptation propres à l’adoption de nouveaux comportements grâce aux interactions sociales et à l’exposition à de nouvelles idées, à travers l’éducation informelle et l’accès aux mass médias. À l’opposé, les femmes d’origine ouagalaise constituent une population très hétérogène, notamment en termes de normes sociales véhiculées au sein du groupe auquel elles se réfèrent. L’argument de l’hétérogénéité des caractéristiques du groupe des femmes natives se justifie d’autant plus à Ouagadougou qui compte parmi son agglomération des lieux intermédiaires, les zones périurbaines non loties, qui s’apparentent ni complètement au milieu urbain, ni plus au milieu rural, tant dans les équipements que dans les normes sociales et culturelles dominantes.

  • 30 Pour ce coefficient, le niveau de significativité est p =0,24. également Dos Santos (2011) sur les (...)
  • 31 Voir notamment l’article de Dos Santos (2011) sur les représentations sociales des risques sanitair (...)

53Aussi, la distinction des mères d’origine rurale en fonction de leur durée de résidence à Ouagadougou est judicieuse et révélatrice : bien que le niveau de significativité ne soit pas statistiquement acceptable, les coefficients obtenus entre ces deux catégories suggèrent une relation intéressante. Ainsi, si les enfants des mères d’origine rurale ayant séjourné moins de 10 ans dans la capitale ont les mêmes risques de décès que les enfants dont la mère est native de Ouagadougou, les enfants dont la mère est d’origine rurale, mais ayant séjourné plus de 10 ans à Ouagadougou auraient tendance à avoir un risque plus faible30 de décéder que les enfants de mère native de la capitale. Ce résultat, bien que ténu, conforterait la théorie de l’assimilation progressive aux normes modernes, et notamment à la théorie biomédicale (Cleland et van Ginneken, 1988) : plus le temps d’exposition est long, plus les effets bénéfiques sur la santé et la mortalité se font sentir. Ces résultats quantitatifs ne permettent cependant pas d’aller au-delà de commentaires au conditionnel. Il serait intéressant de pouvoir y répondre de manière plus approfondie, à partir de données qualitatives31.

Conclusion

54L’objectif de cet article était d’analyser le processus d’accès durable à l’eau courante chez les femmes et de mettre en lumière les effets de cet accès durable sur la survie de leurs enfants, avec un regard particulier sur le statut migratoire de ces mères.

55À partir d’une série d’analyses de transitions utilisant des données longitudinales, nous avons pu montrer qu’à Ouagadougou, il existe un différentiel d’accès à l’eau courante selon le statut migratoire des femmes. Ainsi, les femmes d’origine rurale ont une propension plus faible d’accéder à l’eau courante que les natives. Cet accès est cependant très peu durable puisque, quelle que soit l’histoire migratoire des femmes, 40 à 70 % de celles qui ont connu un premier accès à l’eau courante l’ont perdu. L’accès à l’eau courante est donc réservé à une minorité de privilégiées et demeure temporaire. Ce résultat concernant la durabilité de l’accès peut également expliquer le peu de lien observé dans cet article entre le type d’accès à l’eau et la survie des enfants. En effet, les résultats présentés plus haut montrent que l’effet protecteur de l’accès à l’eau courante sur la survie des enfants s’estompe à mesure que les variables socio-démographiques de la mère sont intégrées dans le modèle. Des problèmes d’ordre méthodologique discutés plus haut peuvent davantage expliquer ces résultats qu’une simple remise en question de l’effet positif de l’adduction d’eau sur la santé et la survie des populations en général, et des enfants en particulier, dont le rôle dans la baisse de la mortalité des villes occidentales des XIXe et XXe siècles a déjà été démontrée(Cutler et Miller, 2005 ; Preston et Van de Walle, 1978). Ainsi, les conditions d’accès à l’eau correspondent à des situations complexes, complexité qu’il est nécessaire de prendre en compte, au risque d’aboutir à des conclusions erronées.

56Par ailleurs, l’autre apport de cet article réside dans la compréhension dynamique de l’accès à l’eau courante, et notamment la démonstration que cet accès n’est pas linéaire, contrairement à la littérature sur le développement qui voit ce processus comme une échelle ascendante, dans laquelle l’accès à l’eau courante est une modalité d’ascension sociale et économique. Au contraire, cet accès est peu durable pour une grande majorité de la population, et des femmes en particulier. Les logiques de mobilités intra-urbaines ainsi que le manque d’intégration socio-spatiale dans le domaine de l’accès à l’eau tout particulièrement du à la segmentation de l’espace urbain en sont des éléments explicatifs importants. En effet, jusqu’à très récemment, les quartiers périurbains non lotis, au sein desquels 35 % des ménages ouagalais résident (Boyer et Delaunay, 2009), n’étaient pas destinataires de la politique d’accès à l’eau de l’ONEA. L’accès au branchement individuel était ainsi conditionné par l’obtention d’un titre légal de propriété foncière (Baron, 2006), laissant de côté une part importante des ménages ouagalais vivant dans les zones non loties. Tout dernièrement, et sous l’injonction éthique de l’équité de l’accès, des stratégies se sont développées en faveur de l’accès à l’eau des plus pauvres. À Ouagadougou, un système de sous-traitance à des prestataires privés est en cours dans 5 quartiers non lotis, pour le développement et la gestion de bornes-fontaines et de branchements individuels subventionnés. Toutefois, d’ores et déjà, on peut noter que la différenciation, non pas cette fois dans l’accès, car le type d’approvisionnement technique est le même (un branchement individuel matérialisé par un robinet dans la cour ou le logement), mais dans les modalités de cet accès n’en est pourtant pas moins toujours existante. En effet, ces branchements sociaux individuels se traduisent également par une baisse des normes de desserte par rapport aux zones loties (baisse de la pression, interruptions plus longues et fréquentes du service, moins bonne qualité de l’eau) induite par le modèle économique d’efficacité et de rentabilité du service (Baron et Isla, 2004). La question de l’équité de l’accès se pose donc avec toujours autant d’acuité, bien que selon des termes différents, et notamment pour ces populations résidentes des zones non loties, plus souvent jeunes et migrantes (Rossier et al., 2012). Cet enjeu éthique se pose enfin par rapport aux conséquences sanitaires de l’accès à l’eau chez les enfants, alors que les périphéries ouagalaises comptent davantage d’enfants de moins de cinq ans que le centre : respectivement 20 % et 10 % (Rossier et al., 2011).

Remerciements

57Je remercie l’ex-Programme population et développement au Sahel, représenté par le Département de démographie de l’Université de Montréal et l’Institut supérieur des sciences de la population de l’Université de Ouagadougou, pour avoir gracieusement mis à ma disposition les données de l’Enquête migration insertion urbaine et environnement au Burkina Faso (EMIUB).

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Notes

1 La définition utilisée dans le cadre des OMD distingue les personnes ayant accès à l’eau, c’est-à-dire dont la source est « améliorée » (un robinet placé dans l’habitation ou la parcelle et raccordé au réseau d’adduction d’eau, une borne-fontaine, un forage, un puits ou une source protégée ou le stockage de l’eau de pluie) des personnes n’ayant pas accès à l’eau, dont la source est « non améliorée » (les puits et les sources non protégées (les eaux de surface non traitées (rivière, barrage, lacs, canaux d’irrigation, etc.) ainsi que l’eau provenant des revendeurs ambulants ou des camions-citernes).

2 Dans cet article, le terme d’« accès à l’eau courante » désigne le raccordement du logement au réseau d’adduction d’eau de la ville, c’est-à-dire la disponibilité d’au moins un robinet placé dans le logement ou la cour. L’eau provenant du réseau d’adduction d’eau est généralement issue de sources d’eau superficielle puis traitée avant d’être distribuée dans le réseau et délivrée à domicile via un au moins un robinet (ce que nous appelons ici « accès à l’eau courante ») ou par des bornes-fontaines collectives.

3 Bien que l’ouvrage soit ancien, il reste une référence dans ce domaine.

4 L’autonomie résidentielle se définit par un changement de résidence qui s’accompagne du passage de statut d’hébergé au statut de locataire ou propriétaire.

5 Le terme « durable » et ses dérivés (durabilité, durablement) sont utilisés au sens de pérennité. Il n’est pas prédéfini par une durée précise.

6 Pour plus de détails sur l’EMIUB, on peut se référer à Poirier et al. (2001) et sur la pondération à Schoumaker (2007).

7 Si l’enfant a été confié avant son cinquième anniversaire, nous disposons de la date de ce confiage. Le cas échéant, le lien entre le cheminent résidentiel de la mère et le suivi de l’enfant n’est alors plus fait et l’enfant n’est plus suivi.

8 Pour plus de détails sur ces données, voir Dos Santos (2005).

9 Pour plus de détails sur la méthode, voir Dos Santos (2005).

10 Cette transition peut être le fruit d’un changement physique de résidence ou d’une modification apportée dans la résidence occupée. Dans un quart des cas, le premier accès s’est fait en cours de résidence, les femmes ne disposant pas de l’eau courante à l’arrivée dans le logement. Dans trois quarts des cas, cet accès s’est fait par un changement de résidence, d’un logement sans à un logement avec eau courante. La faiblesse des effectifs ne permet cependant pas d’analyser distinctement ces deux cas.

11 De la même manière que dans le cas de l’accès, la perte peut prendre deux formes. Dans la base de données, seuls 3 % des pertes sont dus à un changement d’accès à l’eau en cours de résidence dans un même logement, principalement dû à l’enlèvement du compteur par l’Office Nationale de l’Eau et de l’Assainissement (ONEA).

12 L’âge de 15 ans peut être considéré comme l’âge auquel commence la participation à la prise de décision (INSTRAW, 1994).

13 Or, cette hypothèse ne peut pas être soutenue eu égard à la littérature démontrant que les facteurs les plus reconnus dans l’explication de la mortalité infanto-juvénile ne sont pas distribués uniformément sur l’ensemble de la période de l’enfance allant de la naissance à 59 mois révolus.

14 Le milieu urbain est défini par le seuil de 5 000 habitants à partir des projections de Beauchemin et al (2002), réalisées sur la base des différents recensements burkinabés, nous avons la possibilité de connaître le type de localité habitée, rurale ou autre urbaine, l’année du 6e anniversaire de chaque femme.

15 L’éducation informelle relève du processus par lequel une personne est éduquée par son milieu, acquiert des connaissances et des savoir-faire à travers sa famille, son environnement proche (quartier, village ou ville) ou lointain (mass média), etc. C’est un cadre d’apprentissage parallèle à l’éducation formelle représentée par l’institution scolaire (Coombs et Ahmed, 1974).

16 Pour plus de détails sur cette discussion, voir Dos Santos (2005).

17 Pour plus de détails, et plus généralement sur l’accès à l’eau à Ouagadougou, voir Dos Santos (2006).

18 La ville comptait 19 700 habitants en 1948 (Jaglin, 1995).

19 On peut se reporter à l’étude de Sylvy Jaglin (op. cit.) pour des détails sur le rôle de la Révolution dans les choix politiques particulièrement originaux concernant la gestion urbaine à Ouagadougou.

20 De par son positionnement géographique, Ouagadougou connaît une situation de déficit hydrique sévère.

21 Nous préférons ici le mode conditionnel, car la source de données des OMD pour la ville de Ouagadougou (INSD et ICF International, 2012) ne comptabilise pas le marché informel de l’eau constitué par les revendeurs ambulants qui s’approvisionnent aux bornes-fontaines. Selon nos hypothèses, les ménages s’approvisionnant auprès de ces vendeurs ont été intégrés à la modalité de l’approvisionnement aux bornes-fontaines. Or, les revendeurs ambulants ne sont pas considérés comme une source améliorée dans la définition officielle des OMD. Pour la période actuelle, nous estimons qu’au moins 10 % des ménages font appel à ces vendeurs à Ouagadougou. Voir Dos Santos (2012a) pour une critique de cet indicateur.

22 Ici, c’est l’ensemble de la trajectoire résidentielle récoltée à l’enquête qui a servi de base d’étude, c’est-à-dire à partir de l’âge de 6 ans.

23 Dans ce cas, l’accès pris en compte est celui enregistré en fin de résidence.

24 Les résultats pour les hommes ne sont pas montrés. Le lecteur pourra se référer à Dos Santos (2005) pour une analyse plus détaillée.

25 Différences significatives des courbes le test de Cox au seuil de 0,001 %.

26 Différences significatives des courbes par le test de Cox au seuil de 0,05 %.

27 Contrairement à d’autres études où les femmes n’ont jamais que le statut « d’hébergées » si elles résident avec leur conjoint propriétaire, dans l’EMIUB, les femmes ont été déclarées propriétaires si le couple est propriétaire du logement où il réside.

28 Ce constat est plus marqué dans le dernier modèle (D), avec un seuil de significativité qui ne cesse de décroitre à mesure que les variables de contrôle sont introduites.

29 Voir Dos Santos et LeGrand (2007) pour une discussion sur les problèmes méthodologiques que pose la modélisation de l’effet de l’accès à l’eau sur la mortalité des enfants.

30 Pour ce coefficient, le niveau de significativité est p =0,24. également Dos Santos (2011) sur les représentations sociales des risques sanitaires liés aux usages domestiques de l’eau à Ouagadougou)

31 Voir notamment l’article de Dos Santos (2011) sur les représentations sociales des risques sanitaires liés aux usages domestiques de l’eau à Ouagadougou qui discute .

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Table des illustrations

Titre Figure 1. Répartition des femmes ( %) selon le type d’accès à l’eau, pour chaque statut migratoire, à Ouagadougou en 2000
Crédits Source EM IUB, 2000
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13289/img-1.png
Fichier image/png, 1,5k
Titre Figure 2. Cheminement résidentiel (1970-2000) des femmes à Ouagadougou selon l’accès à l’eau courante : probabilité des séquences résidentielles pour les résidentes à Ouagadougou en 2000
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13289/img-2.png
Fichier image/png, 2,2k
Titre Figure 3. Probabilité de rester dans un logement sans eau courante à Ouagadougou pour les femmes en fonction du statut migratoire (1970-2000) (estimateur de Kaplan-Meier)
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13289/img-3.png
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Titre Figure 4. Probabilité de rester dans un logement avec eau courante à Ouagadougou pour les femmes en fonction du statut migratoire (1970-2000) (estimateur de Kaplan-Meier)
URL http://vertigo.revues.org/docannexe/image/13289/img-4.png
Fichier image/png, 1,3k
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Pour citer cet article

Référence électronique

Stéphanie Dos Santos, « L’accès à l’eau courante des femmes migrantes à Ouagadougou : durabilité de l’accès sur la survie des enfants  Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 13 Numéro 1 | avril 2013, mis en ligne le 16 avril 2013, consulté le 22 mai 2013. URL : http://vertigo.revues.org/13289 ; DOI : 10.4000/vertigo.13289

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Auteur

Stéphanie Dos Santos

Socio-démographe, IRD, Laboratoire population environnement développement, en affectation à l’Institut supérieur des sciences de la population, BP 7118, Ouagadougou, Burkina Faso, courriel : Stephanie.DosSantos@ird.fr

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