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Effets de la marchandisation de l’arganier sur la vie socioéconomique des populations de l’arganeraie marocaine

Larbi Aziz, Marc Mormont et Khallil Allali

Résumés

Arbre permettant plusieurs usages aux populations locales, l’arganier assure aussi de multiples fonctions : économique, sociale et environnementale. Il était, et il est encore, un élément important du système agraire local et participe au maintien d’une biodiversité particulière. Comme il a toujours configuré et rythmé la vie des populations de l’arganeraie puisqu’il était (ou l’un de ses produits) toujours présent dans leurs activités culinaires, festives ou socioculturelles. Cependant, la flambée des prix de l’huile d’argan a engendré de multiples conséquences sur la vie socioéconomique et culturelle de ces populations. Pour comprendre et analyser ces évolutions et les nouvelles dynamiques locales qui y prennent place, nous avons réalisé une étude empirique dans la région d’Essaouira au niveau de deux communes rurales. Ce qui nous a permis, en plus de l’analyse historique, de comparer les dynamiques qui sont en cours au niveau de ces deux communes. Nos principaux résultats montrent que l’engouement pour les produits de l’arganier et la flambée de leurs prix (notamment l’huile) ont reconfiguré la vie socio-économique et culturelle locale : de nouveaux acteurs ont surgi, un marché insuffisamment structuré et pas assez profitable aux locaux s’est développé, le savoir-faire local s’érode, de nouveaux modes d’alimentation ont fait leur apparition, des coutumes et traditions sont en voie de disparition, etc.

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Texte intégral

Introduction

  • 1 Riche en acide linoléique, en vitamine E dont le rôle est de maintenir l’équilibre de l’organisme e (...)

1L’arganeraie est un écosystème organisé autour de l’arganier [Argania spinosa (L) Skeels], une espèce endémique et arbre typique des paysages du Sud-ouest marocain et s’étend principalement sur les provinces d’Essaouira, Agadir, Chtouka Ait Baha, Tiznit et Taroudant. C’est cette aire qui constitue la réserve de la biosphère de l’arganeraie décrétée par l’UNESCO en 1998 pour faire face à la dégradation de cet écosystème. L’arganier constitue, au niveau national, la troisième essence forestière après le chêne vert et le thuya. C’est un arbre caractérisé par une capacité d’adaptation aux déficits hydriques et aux températures extrêmes qui caractérisent son aire de répartition. Il permet plusieurs usages aux populations locales et assure aussi plusieurs fonctions : économique, sociétale et environnementale. Il lutte contre la désertification et l’érosion des sols comme il participe au maintien d’une biodiversité particulière. Parfois arbre forestier et parfois arbre fruitier ou fourrager, selon la perception qu’on en fait, l’arganier joue plusieurs rôles. Ainsi, pour les populations locales, il est une source d’alimentation (huile d’argan), ses produits rentrent dans des préparations cosmétiques traditionnelles (que les firmes pharmaceutiques recherchent de plus en plus1), ses sous-produits constituent un aliment pour le bétail (feuilles, pulpe, tourteau), une source énergétique (bois de feu, charbon) et aussi un moyen pour la confection d’outils de travail ou pour la construction des toitures des bâtiments… etc. C’est dire que ses multiples fonctions ont toujours configuré et rythmé la vie de ces populations. D’autre part, il constitue le pivot d’un système agraire local basé essentiellement sur la céréaliculture (particulièrement l’orge) et l’élevage (surtout les caprins). Et étant donné qu’en montagne l’agriculture reste généralement vivrière, l’arganier et ses produits constituent actuellement la principale source de revenus des ménages locaux (surtout pour les femmes). En fait, l’huile d’argan extraite des amendons du fruit de cet arbre par les femmes de la région est devenue trop convoitée à l’échelle nationale et internationale. Ainsi, vu ces propriétés nutritionnelles et cosmétiques, les prix de l’huile d’argan n’ont cessé d’augmenter. Avec cette flambée des prix (depuis la fin des années 1990), nous assistons, au niveau de la zone, à de nouvelles dynamiques socio-économiques et de nombreux changements de différents ordres seraient alors en train de prendre place. Quels sont alors les effets de cette marchandisation des produits de l’arganier sur la vie quotidienne des populations locales ?

Éléments méthodologiques

Objectif de l’étude

2Le présent article a pour objectif d’analyser les effets de ces changements sur les comportements des locaux et sur leur vie socioéconomique et culturelle. La finalité recherchée est de valoriser les effets positifs et de minimiser les effets négatifs dans le cadre d’une cogestion conservatoire de cet écosystème où tous les acteurs seront pris en compte. Pour atteindre notre objectif, nous avons réalisé une étude empirique dans la région d’Essaouira précisément au niveau des deux communes rurales d’Aguerd et de Tidzi

Choix de la zone d’étude

3Parmi les provinces constituant la réserve de biosphère de l’arganeraie, nous avons choisi de travailler au niveau de la province d’Essaouira qui s’étend sur une superficie de 6491,15 km². Sur le plan démographique, selon le recensement général de la population et de l’habitat de 2004, la province d’Essaouira abrite 1.5 % de la population nationale et les ruraux représentent 78.9 % du total de sa population. Celle-ci est constituée de deux entités solidaires :

  • la tribu des Hahas, principalement berbérophones, implantée dans la partie sud de la province :

  • la tribu des Chiadmas, arabophone, qui occupe la partie nord de la province

  • 2 La faiblesse des zones irriguées dans cette région est due à plusieurs raisons dont : l’absence d’a (...)

4C’est une zone quasi montagneuse accidentée au sud et dominée au nord par des micro-plaines entrecoupées de collines. Elle est classée parmi les zones semi-arides du royaume en raison de son faible volume des précipitations. Ainsi, on note la prédominance des surfaces pluviales qui représentent plus de 98 % de la superficie agricole utile (SAU), les superficies irriguées ne dépassent pas 3003 ha2, ce qui représente environ 1 % de la SAU totale (Direction provinciale de l’agriculture d’Essaouira, 2005).

5Au niveau de cette province, l’arganier constitue la première essence forestière. Il y couvre une superficie d’environ 136 430 ha soit prés de 20 % par rapport à l’arganeraie nationale (Chriqui et al., 2003) dont 84 % dans la tribu des Haha et 16 % dans celle des Chiadma (DPA Essaouira, 2005). L’arganier, dans cette zone, est caractérisé par une végétation dense, un état de développement remarquable de l’arbre et une vigueur exceptionnelle de l’espèce lui conférant d’ailleurs d’être classée parmi l’aire centrale de la réserve de la biosphère de l’arganier (M’Hirit et al. 1998). En montagne, l’arganier constitue encore le pivot du système agraire local. Le deuxième maillon important de ce système est l’élevage qui reste extensif et à dominance de caprins. Cette espèce est pourtant mise en avant par les développeurs comme portant atteinte à l’arganier puisqu’elle en fait un pâturage suspendu. En fait, du moment que les principales sources d’alimentation du bétail sont les parcours et la forêt, il est devenu normal de voir des chèvres grimper sur les arganiers pour en consommer les feuilles surtout là où le pâturage fait défaut et lors des périodes de sécheresse. Toutefois, Bourbouze et El Aich (2005) pensent que « le système d’élevage caprin associé à l’arganeraie mérite d’être efficacement défendu » pour deux raisons : le caprin est un élément important de l’économie locale et sur le plan du patrimoine national, cet élevage caprin est un exemple unique et exceptionnel de synergie entre un animal et son milieu. En fait, au niveau de Haha, l’élevage constitue un des éléments régularisant le budget de l’exploitation agricole : comme dans toutes les sociétés où l’agro-pastoralisme est important, le bétail constitue un trésor pour les paysans et un signe de prestige, car la richesse de l’individu est calculée également sur l’importance du bétail possédé (Faouzi, 2003). Compte tenu des conditions climatiques défavorables et de l’état du relief ainsi que de la nature du sol, le troisième pilier de ce système agraire repose sur les céréales particulièrement l’orge qui est cultivée sur les parcelles privées et sous les arganiers. Par ailleurs, ces trois composantes du système agraire sont en interaction les unes avec les autres. À titre d’exemple, si le troupeau tire profit de l’arbre (feuilles, fruits et tourteau) et des céréales (paille et graines), il fournit du fumier servant de fertilisant pour les deux autres composantes.

  • 3 Surtout avec le changement des représentations de la population vis-à-vis de l’adhésion à ces coopé (...)
  • 4 C’est d’ailleurs une coopérative innovatrice dans la région d’Essaouira puisqu’elle était parmi les (...)

6L’étude a concerné particulièrement les deux communes rurales d’Aguerd et de Tidzi relevant de Haha. Deux critères ont été à l’origine du choix de ces deux communes. Le premier a concerné la superficie de la forêt qui est plus importante dans la deuxième commune (soit 6350 ha) que dans la première (3928 ha). Alors que le deuxième était relatif à l’importance du tissu coopératif (féminin surtout). En fait, la montée des coopératives3 a contribué à créer de nouvelles dynamiques au niveau local. Ainsi, la création de la coopérative située à Tidzi remonte à l’année 19984 alors que celle se trouvant à Aguerd n’a été créée qu’en 2005. La prise en compte de ce critère découle du fait que la création des coopératives a induit des dynamiques locales particulières qui seront relatées plus loin dans cet article.

Recueil des données

7Il s’est basé sur des entretiens semi-directifs. Décider de faire usage de l’entretien, c’est primordialement choisir d’entrer en contact direct et personnel avec les sujets (Daunais, 1992). Ce contact était d’autant plus intéressant dans notre cas étant donné que les informations recherchées étaient plus qualitatives que quantitatives. Nous avons alors entretenu 110 personnes, dont 49 femmes (20 adhérentes aux coopératives) et 61 hommes relevant des deux communes au cours de trois séjours sur le terrain. Nous avons également réalisé des entretiens avec les responsables au niveau de la Direction provinciale de l’agriculture (DPA) et du Service provincial des eaux et forêts (SPEF) à Essaouira qui sont les deux principales entités administratives chargées de l’encadrement technique de la population et de l’aménagement de la forêt.

8Parallèlement à l’entretien semi-directif, nous avons eu recours à l’observation participante dans un souci de complémentarité entre les deux outils. En fait, il est même inconcevable de réaliser un travail ethnologique (et peut-être également sociologique) sans cette double approche qui consiste à vérifier par l’observation des faits ce qui est dit par les informateurs et à analyser ce que l’on voit à la lumière des explications données par les acteurs (Fassin, 1990).

Méthodes d’analyse

9Nous sommes partis de l’hypothèse que la marchandisation des produits de l’arganier a eu à la fois des effets économiques, environnementaux et socioculturels au niveau des deux communes étudiées. C’est pourquoi les informations recherchées ont porté sur ces trois niveaux d’effets.

10Pour l’analyse des données collectées, nous avons eu recours à trois méthodes complémentaires. L’analyse descriptive nous a permis de présenter les faits relatés ou observés. Alors que nous avons opté pour l’analyse de contenu pour traiter et analyser les informations recueillies par entretiens. Pour réaliser cette analyse, nous avons transcrit l’ensemble des entretiens effectués puis nous avons procédé à une analyse thématique dans le but de dégager les éléments sémantiques fondamentaux en les regroupant à l’intérieur des catégories (Negura, 2006) ; par la suite, nous avons déterminé des sous-catégories pour chaque catégorie globale. En fin, l’analyse comparative nous a servis pour confronter nos résultats entre les deux communes étudiées, et au sein de chaque commune nous avons rapproché les savoirs détenus par les hommes et les femmes, les jeunes et les adultes.

Résultats

Les effets économiques de la marchandisation de l’arganier

La flambée des prix des produits de l’arganier

  • 5 Selon l’Office de développement de la coopération (ODECO, 2010), ce nombre est passé de 97 en 2006 (...)

11Vers la fin des années 1990, le marché de l’huile d’argan et des autres produits de l’arganier a évolué de manière spectaculaire. Ainsi ce n’est pas seulement l’huile, alimentaire ou cosmétique, qui est de plus en plus convoitée, mais également les fruits entiers et leurs dérivés. La population locale rattache cet accroissement de la demande sur la matière première à la création des coopératives féminines d’extraction de l’huile d’argan5 et à l’apparition d’intermédiaires et d’industriels. En effet, ces coopératives sont devenues de grands demandeurs de fruits du fait qu’elles doivent produire plus d’huile pour répondre favorablement aux commandes faites par leurs clients (spécialement touristes et privés étrangers vers qui elles exportent).

  • 6 Le dirham (Dh) est la monnaie marocaine : 1 euro est équivaut à 11 Dh

« Le prix d’« affiache » (fruits) a augmenté à cause des coopératives et des intermédiaires ; auparavant, un abra (unité de mesure locale correspondant à 12 kg) coûtait 6 Dh6 alors que maintenant elle coûte dans les 40 Dh. Il y a maintenant des gens qui collectent les fruits auprès de la population ou des vendeurs au marché local et les stockent puis les ramènent par camion vers Tiznit, Agadir ou Taroudante » (homme, 50 ans, Aguerd).

« C’est l’apparition des coopératives d’huile d’argan qui a fait augmenter la demande et par la suite l’augmentation des prix » (femme, 65 ans, Aguerd, d’un village ne disposant pas de coopérative).

  • 7 Marché local

12Selon nos enquêtés, avant la décennie 1990, les produits de l’arganier ne faisaient pas l’objet de transactions marchandes importantes. La production était le plus souvent destinée à l’autoconsommation. C’est ce qui est confirmé par la première présidente de la coopérative pionnière dans la zone (commune de Tidzi) : « À l’époque les gens ne vendaient que rarement les fruits, il y en avait même qui les jetaient une fois qu’ils commençaient à pourrir. J’avais alors pris un crieur au souk7 pour annoncer que j’achetais les fruits à 10 puis à 12 Dh/abra alors qu’ils se vendaient à 2 ou 2,5Dh l’abra ».

13Avec cette nouvelle donne du marché, la demande sur les fruits s’accroit de plus en plus à tel point que parfois ceux-ci deviennent rares ou sont indisponibles. Cette rareté s’accentue lors des années à fort déficit pluviométrique. En outre, le comportement de certains spéculateurs (achat à bas prix/stockage/revente quand les cours sont élevés et/ou quand il y a moins de fruits sur le marché) contribue aussi à la hausse des prix de la matière première. Pour faire face à ce risque de pénurie, les coopératives optent davantage pour le stockage des fruits en s’approvisionnant auprès de diverses sources. Si les coopératives stockent des fruits séchés, c’est aussi parce qu’elles ne disposent par d’arbre et sont obligées de s’en fournir auprès d’intermédiaires ou sur les souks. Enfin, les difficultés d’approvisionnement en matière première que rencontrent les coopératives s’expliquent aussi par les achats massifs réalisés par des intermédiaires grossistes travaillant pour le compte de sociétés privées :

  • 8 Situé à Chiadma, il est l’un des grands souks de la région.

« Au moment de la récolte, nous achetons les fruits auprès de la population ; parfois, les personnes viennent d’elles-mêmes chez nous pour nous proposer leurs récoltes. Comme on se procure les fruits au souk de la commune ou à celui de Had Dra8 ou encore ailleurs. La coopérative fait face à la rareté des fruits en essayant d’en acheter plus chaque fois qu’il y en a sur le marché. Il ne faut pas que la coopérative s’arrête ; quand il nous en reste deux grands sacs en stock, nous cherchons à en acheter ». (Femme 35 ans, trésorière d’une coopérative à Aguerd).

  • 9 Les prix de l’huile sont libres et non réglementés.
  • 10 L’huile traditionnelle se conserve moins que celle produite par les machines.

14Pour la population enquêtée, cette variation de l’offre et de la demande des fruits sur le marché agit, logiquement, sur le prix de cette matière première et les prix de l’huile s’en trouvent ainsi affectés. C’est donc toujours la loi de l’offre et de la demande qui définit les cours de cette ressource9. Cette variation est aussi liée, pour certains interviewés, au fait que l’arganier aurait une production importante une année sur deux (comme pour l’olivier) engendrant une offre plus importante. C’est ainsi que le prix du litre d’huile varie entre 150 et 200 Dh au souk, alors qu’il monte jusqu’à 300 Dh au niveau des coopératives. Toutefois, différentes raisons peuvent expliquer cette différence de prix : les deux types d’huile n’ont pas la même qualité10, elles ne sont pas conditionnées de la même manière et n’ont pas la même destination (exportation pour les huiles des coopératives la plupart du temps). Pourtant, pour les locaux c’est une évolution remarquable du prix, car certains se rappellent de l’époque où le litre ne coûtait que 10 Dh (vers les années 1975), puis 20 Dh et très récemment (il y a moins de trois ou quatre ans) il ne dépassait pas les 80 Dh. Avec ces évolutions, la population pauvre de l’arganeraie ne peut plus acheter de l’huile à de tels prix et se trouve « dépossédée » d’un produit ayant une forte valeur patrimoniale, historique et culturelle pour elle. Pourtant, au départ, les coopératives ont été créées notamment pour réduire la pauvreté en zone rurale et améliorer la condition des femmes. En fait, en faisant la promotion d’un produit « de terroir » à l’échelle internationale, il s’agissait de s’inscrire dans une démarche de développement local durable permettant de concilier ses trois aspects : économique, social et environnemental. Mais, il semblerait que les résultats obtenus jusqu’à présent ne soient pas à la hauteur des espérances des développeurs.

  • 11 C’est le problème des marges commerciales à l’aval de la filière.

15Cette tendance a aussi été enregistrée pour l’huile cosmétique dont le prix est plus élevé que celui de l’alimentaire, car cette huile est surtout destinée à l’exportation ; il peut varier de 300 Dh le litre (au souk) à 800 Dh (au niveau des coopératives). Pour écouler leur production, les coopératives conditionnent l’huile en bouteilles de différentes capacités, de 100 ml au litre. Cette diversification de l’emballage permet aux coopératives de toucher différents segments du marché en offrant au client « la quantité dont il a besoin en fonction de ses moyens financiers », disent-elles. Le coût élevé de cette huile se justifie selon les locaux par le fait que les amendons non torréfiés produisent moins d’huile comparativement à des amendons torréfiés (avec la torréfaction, l’huile coule facilement expliquent-ils). Pour les responsables des coopératives, deux facteurs justifient encore ce coût plus élevé : le prix de revient (la mécanisation du procédé d’extraction et la labellisation) et la destination du produit (où les acheteurs étrangers la vendent bien plus cher11).

16Mais au souk, outre les fruits et les huiles, d’autres sous-produits de l’arganier sont vendus :

  • « irguen » ou coque vide et dure à 0,5 Dh/kg. Ce produit est recherché par des intermédiaires qui le vendent aux bains maures ou aux boulangeries des villes en tant que combustible ;

  • « zagmouna » ou tourteau obtenu après l’extraction de l’huile servant comme aliment de bétail et dont le prix varie de 1,80 à 2,50 Dh l’unité (qui pèse dans les 200 g).

  • 12 Bien que cette comparaison soit difficile du moment que l’huile d’olive est plus facile à produire (...)

17Cette valorisation accrue des produits de l’arganier en a fait la principale source de revenu agricole parmi les autres composantes du système agraire local. En effet, la comparaison12 entre l’huile d’olive et celle d’argan montre que la première atteint 50 à 60 Dh/l contre 150 Dh/l pour la seconde. De plus, l’olivier exige des efforts d’entretiens et d’irrigation, alors que l’arganier n’en demande pas. Pourtant, la population locale ne pense pas délaisser l’olivier : « je n’abandonnerai aucune des deux huiles, car chacune a son importance pour moi ». (Homme, 40 ans, Aguerd).

  • 13 Actuellement tout le monde l’utilise, surtout si la campagne est bonne.

18Ce gain est mieux perçu quand les enquêtés comparent l’arganier aux céréales. En effet, ils étaient unanimes pour souligner que le prix de vente des céréales ne couvre même pas le prix de revient. Ce dernier se décompose en achat des semences (5 Dh/ kg), main d’œuvre lors de la moisson (130 Dh/jour/personne avec la prise en charge des repas, location de moissonneuse13 (200 Dh/ jour plus la nourriture des conducteurs et ouvriers). Le prix de vente est de 1,2 à 1,30 Dh/kg pour l’orge et 2 Dh/kg pour le blé tendre ! De plus, les agriculteurs sont confrontés aux problèmes d’écoulement des récoltes. C’est ainsi que l’arganier représente la seule source de revenu pour 40 % des enquêtés (qui sont toutes des femmes y compris les adhérentes aux coopératives). Il participe aussi au revenu de 54 % des enquêtés. Pour ces derniers, l’autre partie de leur revenu provient de l’agriculture (céréales et élevage) et pour une faible part d’autres activités (maçonnerie, commerce, etc.) ou de l’immigration (les locaux comptent sur les revenus extérieurs émanant des membres de la famille ayant immigré vers les villes du pays ou à l’étranger). En conséquence, l’économie des deux communes étudiées est de plus en plus basée sur l’arganier.

Un marché pas assez profitable aux locaux

  • 14 Nationaux et internationaux
  • 15 Officiellement publiée au bulletin officiel N° 5805 le 18 janvier 2010 puis enregistrée le 25 janvi (...)

19L’engouement pour les produits de l’arganier a permis le développement rapide d’un marché où de nouveaux acteurs ont surgi. Ainsi, en plus des coopératives féminines d’extraction de l’huile et leurs groupements d’intérêt économique (GIE, qui ont fait leur apparition à partit de la moitié des années 1990, sous l’impulsion de chercheurs ou d’organismes de développement nationaux et internationaux), de nombreux acteurs privés14 ont pris place au niveau de cet échiquier, en plus des intermédiaires. Ces opérateurs privés, constitués dans leur majorité de groupes d’industriels, s’emparent de la grande part sur ce marché au détriment de la population locale et même des coopératives et leurs GIE. En fait, ces acteurs privés comptent sur un réseau d’intermédiaires qui sillonnent les villages pour acheter directement les fruits chez la population ou au souk. Ils s’installent généralement en dehors de l’aire de l’arganeraie ou même à l’étranger où ils réalisent leurs activités, ce qui fait que la valeur ajoutée de ce marché échappe à l’arganeraie. C’est pourquoi les opérateurs de la filière ont mis en place une indication géographique protégée IGP argane15 pour protéger la production vis-à-vis de la concurrence étrangère, valoriser davantage le produit et garantir qu’une plus-value reste au niveau de la région en empêchant la délocalisation de l’ensemble de la filière hors zone.

20En plus de cette concurrence, les coopératives se trouvent affaiblies par de nombreux facteurs (la faiblesse du lien à l’arbre , problèmes de commercialisation de et de marketing, l’analphabétisme et le manque d’expérience des adhérentes des coopératives en matière de gestion et de management de l’entreprise, concurrence directe d’un privé mieux outillé et rodé, etc.) malgré les efforts d’accompagnement qui leur ont été apportés par nombreux acteurs (étatiques ou organismes de développement nationaux ou internationaux). En conséquence, nous assistons à une disproportion des rapports de forces entre les différents acteurs de ce marché. C’est ce que soulignent aussi les théoriciens de l’économie de la biodiversité : « ce n’est pas tant le marché qui est en cause que les acteurs qui faussent les conditions de son fonctionnement » (Boisvert et Vivien 2007).

Les effets environnementaux de la marchandisation des produits de l’arganier

Des effets positifs en faveur de la conservation de l’arganier

  • 16 Il concerne dans la majorité des cas la gestion de l’herbe et du pâturage. Mais « dans certains cas (...)
  • 17 La loi coranique
  • 18 Ce n’est pas le cas des autres forêts au Maroc. L’arganeraie est la seule forêt « à 7 droits ». (...)

21Depuis longtemps, la population locale avait mis en place une gestion communautaire typique de l’espace. En fait, dans toute la zone de l’arganeraie « appropriée », parallèlement à l’aménagement forestier assuré par les Eaux et Forêts, s’applique traditionnellement une mise en défend saisonnière pour le pâturage et la récolte, appelée « agdal16 ». Les dates de fermeture de la forêt sont variables selon les années, de mai à août les mauvaises années, de mai à octobre les bonnes années (Bourbouze et El Aich , 2005). Cette mise en défens démarre, alors, après la moisson et les troupeaux sont orientés vers les chaumes pour y pâturer. Il s’agit, donc, d’une gestion particulière d’un espace où, à côté des parcelles privées, la forêt est « privatisée » en partie (parcelles où on a un droit de jouissance) pour y collecter les fruits et y cultiver des céréales ; c’est l’agdal cultivé. Il y a aussi l’agdal non cultivé où l’on ne s’adonne à aucune culture sous les arganiers ; on s’y limite à collecter les fruits. Par opposition aux agdals, les « mouchaa » sont gérés en collectif, sont à accès libre et ouverts au bétail le long de l’année ; ce qui explique leur état dégradé comparé aux agdals. Relativement à cette gestion communautaire des droits d’usage dont jouissent les riverains de la forêt, ceux-ci ont développé une législation coutumière cohabitant avec une législation « moderne », instaurée depuis l’arrivée des colons, en plus de la présence de la Charia17 pour le partage de l’héritage. Par ailleurs, le droit dit moderne reconnait aux riverains de cette forêt, depuis 1925, les droits de jouissance suivants18 :

  • ramassage de bois mort ;

  • cueillette des fruits ;

  • parcours des troupeaux ;

  • utilisation des sols pour la culture ;

  • droit de prélever gratuitement avec autorisation du service forestier, le bois de chauffage, de charbonnage et service destinés à leurs usages domestiques ;

  • branchages nécessaires à la confection des clôtures ;

  • et prélèvement en des endroits désignés du sable, de la pierre destinée à leurs besoins domestiques ou à ceux de l’artisanat local avec redevance égale à 20 % seulement du tarif ordinaire.

22Notons aussi que les droits d’héritage s’appliquent, en plus de la propriété foncière, sur les biens (arbres, parcelles) y compris ceux de statut domanial. Mais le problème est compliqué, car l’exiguïté des exploitations agricoles et la croissance démographique se conjuguent pour morceler cet espace. Dans bien des cas, celui qui cultive la céréale n’est pas celui qui exploite l’arganier poussant sur la parcelle (Bourbouze et El Aich, 2005). En somme, les droits sur le sol, sur le pâturage, sur la récolte des fruits, résultent finalement d’interactions complexes entre ces différentes sources de droit (Nouaim, 2005).

Toutefois, le développement du marché de l’huile d’argan a eu des effets positifs et négatifs sur le comportement des populations des deux communes étudiées. Nombreux auteurs (Lybbert et al., 2011 ; Nouaim, 2005 ; Mhirit et al., 1998) ont mis en valeur certains changements positifs induits et ont montré que les retombées de l’essor de la filière huile d’argan sur les populations locales sont assez faibles en termes économiques et financiers. Nous présentons ici certains effets qui n’ont pas (ou peu) été relatés auparavant. Ainsi, sans prétendre lister exhaustivement tous les effets positifs engendrés, nous en citerons quelques-uns récents :

  • L’arrêt de la coupe de rejets et de branches vivantes et de l’arrachage d’arganiers en propriété privée (melk). Nous avons recueilli les déclarations suivantes :

  • « Il y avait des gens qui arrachaient l’arganier de leur melk afin de faciliter la mise en culture. Mais actuellement ils ne le font plus, car l’arganier a pris de la valeur » (femme, 50 ans, Aguerd) ;

  • « Auparavant, on se rendait chez le forestier pour lui demander une autorisation pour défricher une parcelle et y installer une culture ; mais actuellement, on ne le lui demande plus, on ne veut plus arracher les arganiers » (homme, 50 ans, Aguerd).

  • La protection des jeunes plants : les locaux, selon certains enquêtés, commencent à protéger du troupeau les jeunes semis naturels d’arganiers pour garantir leur développement.

  • L’acquisition d’un savoir relatif à l’intérêt de l’arganier au plan environnemental et aux méthodes de conservation (citée par quelques adhérentes de coopératives). Ceci montre que des savoirs « exogènes » en matière de conservation de l’écosystème pourraient être véhiculés à travers les coopératives auprès d’une tranche importante de la population locale.

  • La surveillance des arganiers en forêt par les ayants droit surtout pendant la période de l’agdal. « Les ayants droit conservent l’arganier mieux qu’auparavant. Par peur du vol des fruits, certains passent même la nuit pour surveiller leurs arbres quand les fruits sont mûrs, car ils connaissent la valeur sur pied de la future récolte » (femme, 31 ans, Tidzi).

23Notons que ces différents comportements ne sont pas généralisés chez toute la population des deux communes étudiées. Toutefois, ils constituent des prémices d’éléments relatifs à la stratégie de conservation de type « gagnant-gagnant » selon laquelle plus la population prend conscience de la valeur de la ressource qui lui échappe en grande partie, plus elle opte pour sa conservation. C’est à quoi fait référence aussi Lybbert et al. (2002) lorsqu’ils notent que la conservation d’un écosystème devrait découler nécessairement de la valorisation économique de ses ressources.

Des effets négatifs sur la conservation de l’arbre

24Dans un autre registre, l’augmentation de la valeur de l’huile d’argan a eu des incidences négatives sur le comportement des locaux et par la suite sur la biodiversité. En effet, à la suite de la flambée des prix, de nouveaux comportements agressifs à l’égard de l’arganier ont surgi chez certaines personnes au niveau des deux communes, c’est notamment le cas du gaulage. Normalement, les fruits de l’arganier sont collectés une fois mûrs et tombés au sol ; il s’agit d’une collecte plutôt que d’une cueillette. Le gaulage, selon plusieurs interrogés, s’est développé bien avant alors que d’autres affirment qu’il n’est apparu que dernièrement suite à la flambée des prix de l’argan. Il se fait en cachette puisqu’il est interdit et s’intensifie lorsque le prix du kilo de fruits devient important (7 Dh/kg par exemple).

25Par ailleurs, beaucoup d’enquêtés assurent que les fruits gaulés (nommés localement « lebziz ») sont de moindre qualité, car ils ont une teneur en huile plus faible, n’ayant pas atteint leur stade de maturité. Ils sont de petite taille, de couleur verdâtre et non jaunâtre (la couleur du fruit mûr). Or, la teneur des amendes en huile dépend du stade de maturité et ce n’est qu’après maturité complète que la teneur en huile dépasse les 50 % et que la qualité est meilleure (Kenny et De Zborowski, 2007). C’est en raison de cette qualité médiocre (taille, couleur, consistance) que les coopératives n’achètent pas les fruits gaulés, surtout celles qui produisent de l’huile labélisée avec un cahier de charges à respecter. Selon nos enquêtés, ces fruits sont le plus souvent achetés par les intermédiaires qui ne se préoccupent que de la quantité et non de la qualité.

26D‘autre part, la majorité des interrogés affirme que le gaulage nuit à la production de fruits de l’année suivante puisqu’il provoque la chute des bourgeons floraux ou des fleurs déjà en place. Pour d’autres, il peut occasionner des blessures, portes d’entrée de maladies, étant donné qu’il se fait à l’aide de bâtons ou de pierres.

27S’agissant des raisons qui poussent les personnes à pratiquer le gaulage, nos interviewés affirment qu’elles sont nombreuses et les plus importantes à leurs yeux sont :

  • L’accroissement des vols en forêt (le plus souvent pratiqués par des jeunes et des non-ayants droit) oblige les ayants droit à accélérer l’opération de collecte par le gaulage. Ce comportement est plus accentué à Aguerd dont la superficie de la forêt et la densité d’arganiers sont moins importantes que celles de Tidzi.

  • Les locaux craignent que les éleveurs de caprins non titulaires de droit de collecte fassent entrer leurs troupeaux avant que la période d’agdal ne soit terminée et donc avant que les ayants droit n’aient collecté leurs fruits.

  • Les hommes qui sont pressés par le temps du fait qu’ils exercent d’autres activités pratiquent le gaulage pour récolter les fruits sur une période très courte.

  • Certains préfèrent vendre les fruits gaulés qui ont un poids plus élevé, car encore frais, que ceux ramassés au sol qui sont desséchés. En effet, la pulpe à l’état frais est très riche en eau (70 à 80 %) et au fur et à mesure de son dessèchement, ce pourcentage se réduit à 12 % (Kenny et De Zborowski, 2007).

Une recomposition du cheptel local

  • 19 L’accroissement de la scolarisation des enfants est bien réel, particulièrement celle de la jeune f (...)

28De par son histoire, la population de Haha a toujours été attachée en particulier à l’élevage des chèvres. Cet élevage constituait pour elle, en plus d’une source d’alimentation, une source de revenus puisque le chef du foyer vendait quelques têtes du troupeau pour satisfaire les besoins de la famille. Toutefois, avec la nouvelle donne du marché de l’arganier, nous assistons à de récentes dynamiques locales allant dans le sens d’une reconfiguration de la composition du troupeau local. C’est ainsi que 35 % des enquêtés ont reconverti leur cheptel caprin en ovins et 25 % ont définitivement délaissé l’élevage. Ce changement important est dû à de nombreuses raisons dont la plus importante et la plus citée par nos enquêtés reste la difficulté à trouver des bergers. En effet, leur statut s’est dévalorisé au niveau local, et les personnes préfèrent s’adonner à d’autres activités plus rémunératrices, dont la vente des produits de l’arganier. Pour expliquer cet état de fait, les enquêtés (surtout d’Aguerd) ont fréquemment répété la formule suivante : « actuellement, il est plus facile de trouver un chauffeur qu’un berger ». En outre, les familles sont de plus en plus soucieuses de la scolarisation de leurs enfants19 qui par ailleurs refusent souvent cette activité. Et même si ces derniers abandonnent l’école, ils partent travailler ailleurs. C’est le cas de plusieurs enquêtés qui ont émigré vers d’autres villes à la recherche d’un emploi ou se sont orientés vers d’autres domaines parallèlement à l’agriculture : la construction, la boucherie, le transport, l’épicerie, etc. Ainsi, ceux-ci ne trouvent plus le temps pour pratiquer l’élevage, surtout des caprins qui sont « plus difficiles à garder », comme l’affirment tous les enquêtés.

29D’autres considérations en relation avec la marchandisation de l’argan peuvent aussi expliquer cette reconfiguration du troupeau. En fait, surtout à Aguerd, certains interviewés commencent à considérer l’arganier au même titre que l’olivier ; ils le protègent contre les chèvres et certains ont même délaissé cet élevage puisqu’elles ont la réputation de nuire à l’arganier. Par contre, d’autres éleveurs, particulièrement à Tidzi, ne peuvent pas abandonner les caprins puisqu’ils contribuent pour une part importante à la formation de leurs revenus. C’est le cas spécialement de ceux ne disposant pas de droit de collecte de fruits pendant la période d’agdal. Cette dernière représente une période très critique pour ces éleveurs, car leurs troupeaux ne trouvent pas beaucoup d’autres espaces de pâturage. Par conséquent, il est devenu aujourd’hui normal, surtout à Aguerd, de rencontrer en forêt un troupeau composé à 100 % d’ovins. Ce qui témoigne d’un changement radical au niveau du système d’élevage local. Mais ce changement n’aura-t-il pas d’effets sur la stabilité de l’écosystème de l’arganeraie ?

Les effets socioculturels induits par la marchandisation de l’arganier

Changement de représentations vis-à-vis de l’arganier

30De par le passé et jusqu’à nos jours encore, l’arganier a constamment configuré la vie des populations de l’arganeraie. Étant donné les multiples services offerts par cet arbre, celui-ci a toujours été perçu comme source d’alimentation tant pour les hommes que pour leurs animaux, comme arbre-guérisseur et végétal faisant partie du système culturel et mythique de la population locale. Il était présent dans le quotidien des familles et lors de leurs activités festives (voir plus loin).

31Cependant, depuis la flambée des prix de ses produits (notamment l’huile), l’intérêt principal de l’arganier aux yeux de la population est devenu sa valeur marchande. C’est ainsi que les propriétaires d’arganiers (ou les ayants droit d’usages pour être plus précis) voient avec satisfaction cette évolution des prix. En fait, pour les femmes surtout, l’arganier représente la seule source de revenus. En ce sens, il est fréquent de les entendre dire : « Argan, oh argan, tu es le seigneur des hommes ». C’est donc l’arganier qui « offre » à ces femmes l’argent nécessaire pour satisfaire leurs besoins et ceux de leurs familles, leur procurant ainsi une certaine autonomie monétaire vis-à-vis de leurs maris. En somme, les femmes se représentent l’arganier comme leur « métier » et leur relation à cet arbre est devenue une relation plutôt marchande. La fonction économique commence alors à masquer les fonctions sociales, psycho-affectives et culturelles qu’assurait l’arganier. Depuis peu, les femmes ont commencé à générer du revenu et à aller au souk, là où elles ne se rendaient pas. Certaines d’entre elles, qui ont plus de moyens, ont acheté des chèvres, des brebis ou des vaches, montrant ainsi une sorte de réinvestissement de l’argent gagné. Or, bien que ce soit le mari qui se rend généralement au souk pour la vente des produits, ce dernier rend l’argent à sa femme puisque c’est elle qui a produit l’huile. Ainsi, elle peut se procurer des biens dans l’intérêt de la famille et ne pas dépendre de son mari pour voyager ou subvenir à ses besoins. Toutefois, elle peut lui laisser le produit de la vente s’il n’a pas de revenus pendant la période où la vente a eu lieu. Mais si cette entente entre époux est une tendance générale, elle fait défaut chez nombreuses familles et ces revenus peuvent être source de conflits. Ceci témoigne d’un changement des rapports de genre entre l’homme et la femme en ce sens que cette dernière prend une part dans certaines décisions familiales.

Des pratiques et traditions en voie de disparition

  • 20 Population de Haha

32Les travaux d’anthropologues ont montré que le rapport des populations locales à la nature était médiatisé par un système complexe de représentations d’ordre essentiellement métaphysique (Pinton et Grenand 2007). C’est aussi le cas pour les Hahis20 .En fait, les nombreuses représentations de l’arganier et de ses produits correspondaient à des pratiques spécifiques. Toutefois, étant donné les nouvelles donnes du marché et l’ouverture de la population des deux communes étudiées sur l’extérieur (l’émigration vers les villes, l’arrivée de touristes et de clients, la scolarisation des jeunes…) plusieurs de ces pratiques sont en train de disparaître. En fait, pour le paysan « c’est son vécu qui compte, parce qu’il constitue un socle sur lequel il va tenter d’asseoir ses pratiques, anciennes comme nouvelles » (Pinton et Grenand 2007). Pour illustrer ces propos, nous présentons ci-dessous certaines de ces pratiques et les changements qui en ont résulté.

33Les femmes du même foyer produisaient ensemble et se partageaient les tâches : Toutes les femmes des communes visitées savent produire l’huile et adoptent la même technicité, nous ont déclaré nos enquêtées. Plus encore, elles disent qu’il n’y a pas de spécialisation entre ces femmes pour l’une ou l’autre des opérations d’extraction de l’huile (la collecte de fruits, le dépulpage, le concassage, le broyage, la torréfaction et le malaxage). Toutefois, étant donné que certaines de ces étapes exigent plus d’effort (le broyage et le malaxage), les vieilles prennent en charge le plus souvent le concassage (bien qu’elles maitrisent également toutes les autres opérations). D’autre part, les femmes d’un même foyer (grand-mère, fille et petite-fille) se partagent aussi les rôles et les tâches : si l’une prépare le repas, les autres sont en train de préparer l’huile. On assiste à une division des tâches entre les femmes du même foyer. Ce qui s’accentue du fait que les adhérentes aux coopératives y passent la plupart de leur temps.

34« Iduffu » : fêter ensemble la première extraction de l’année : auparavant, les familles se rassemblaient pour préparer ensemble la première production d’huile. Lors de l’ « Iduffu », les femmes s’entraident pour extraire, la même nuit, l’huile qui sera consommée ensemble en famille avec du pain et du thé. On en mange et on chante jusqu’à une heure tardive.

35Arganier, arbre de recueillement pour les femmes : presque partout dans les deux communes étudiées, il y a des arganiers qui sont bien connus par la population locale et sous lesquels les femmes, depuis longtemps, viennent manger et chanter. C’est le cas d’« argan’Sidi Jaafar » (village Lkasseh, commune Aguerd) sous lequel elles s’installent à l’ombre vu sa taille. L’hiver, quand la pluie tarde, les femmes s’y rendent, chacune apportant une bouteille d’argan, et y préparent le « tagoula » (repas local à base d’huile d’argan). Elles en mangent et offrent aussi à manger à chaque passant. Vers la fin de la journée, et avant de partir, elles prient Dieu (« fatiha ») pour qu’il pleuve. « Lala Tagouramt » est un autre arbre se trouvant au village Ait Ali Ouatmane (Aguerd) sous lequel se réunissent les femmes du village dans le même but. Elles peuvent inviter les femmes des villages avoisinants comme elles peuvent se rendre aussi à « Targan’t Sidi Jaafar » si les femmes de cette localité les invitent. C’est aussi le cas de l’arganier de « Sidi Mohamed Dhou » au village Ait lkaseh. A Tidzi, « Argan Lala Abouch » ou « Argan Tkhouba » vers le village d’Ait Ahmed Ouhmed, sont des arbres sous lesquels les femmes se réunissent occasionnellement lors d’événements festifs locaux (« mawsime »). Personne ne touche à ces arbres, ni à leurs branches, ni à leurs fruits. Toutefois ces pratiques ne perdurent actuellement que par endroits ; elles sont de plus en plus délaissées.

36L’arganier est aussi un arbre-guérisseur : les produits de l’arganier ont toujours fait partie des ingrédients des recettes de la pharmacopée traditionnelle locale. Nous avons pu collecter nombre de ces recettes auprès de nos enquêtées ; les plus âgées sont les principales détentrices de ce savoir-faire. Mais ces recettes sont elles aussi en train de disparaître, puisque la population a de plus en plus recours aux produits pharmaceutiques industriels.

37Certains arganiers faisaient partie des rites thérapeutiques locaux. C’est le cas, à titre d’illustration, d’un arganier appelé « Argan’ Imasmarn » au village Ait Ali Ouatmane (Aguerd) : si une personne a un bouton sur sa peau, il se rend sous l’arbre, il gratte le bouton avec un clou qu’il enfonce ensuite dans le tronc de l’arganier et s’en va sans se retourner ; le bouton sèche en peu de temps. De même, quand quelqu’un tombe ou quand il est blessé, il retourne le lendemain sous cet arganier, y jette quelques gouttes d’huile d’argan et part sans se retourner. Aux dires de nos enquêtés (surtout les jeunes), ces pratiques n’existent plus puisqu’ils n’y croient plus.

38L’arganier, médiateur lors des festivités de mariage : quand une femme veut organiser le mariage d’un de ses enfants, elle rassemble toutes les femmes du village toute une journée afin de concasser des fruits ; c’est une forme d’entraide en cette occasion. Ou bien encore, chacune prend des fruits pour les casser chez elle et offrir l’huile produite à la commanditaire. L’huile ainsi collectée va servir pour préparer les plats de la cérémonie, se coiffer et en offrir aux invitées citadines. Quand la mariée quitte sa famille, elle emporte avec elle ½ litre d’huile. Le septième jour après le mariage, elle prépare, à base de cette huile, « labsisse » qu’elle offre (en cuillerée) à toute personne qui vient la saluer. « Labsisse » est une préparation à base de farine produite d’orge qui est moissonnée à vert puis mise dans le couscoussier et laissé pour sécher avant de la moudre au moulin traditionnel pour en obtenir une farine spéciale. Celle-ci est aromatisée au romarin, puis on lui ajoute de l’huile d’argan afin d’obtenir une sorte de pâte visqueuse. Cette pratique perdure encore chez certaines familles.

39L’arganier source récente de conflits : l’engouement vis-à-vis des produits de l’arganier a créé des tensions entre les membres de la population. On assiste ainsi à de nombreux conflits qui peuvent aller jusqu’au tribunal : “ si quelqu’un touche à l’arganier de l’autre, ils peuvent s’entretuer ; les conflits sont fréquents au niveau du tribunal ou chez les forestiers » (homme, 60 ans). Il est vrai que de pareils conflits existent depuis longtemps, mais la population locale trouve qu’ils se sont intensifiés récemment avec la flambée des prix.

Changements dans les habitudes alimentaires 

40Au niveau des deux communes, l’huile d’argan était toujours présente dans la cuisine locale, soit pour la consommation brute lors du petit déjeuner ou pour la présenter aux invités. Elle était également utilisée comme ingrédient principal pour la préparation des plats et des recettes traditionnelles. Bref, toute maison en disposait et toutes les préparations en contenaient. Cependant, actuellement, nous assistons à un changement des habitudes alimentaires de la plupart de foyers enquêtés. En effet, et d’après nos enquêtes et nos observations, devant la hausse du prix de l’huile d’argan, les gens préfèrent la vendre et la remplacer par l’huile industrielle pour préparer leurs plats. Et l’huile d’argan qui était, jusqu’à très récemment, un élément principal des plats de réception est devenue un élément rare ou absent chez plusieurs familles. « Actuellement, nous qui habitons ici, nous ne le consommons plus à cause du prix du marché » (homme, 50 ans, Aguerd). En outre, les familles qui n’ont pas d’arganiers, bien qu’elles soient rares au niveau de la zone étudiée, n’arrivent plus à acheter cette huile dont le prix du litre « vaut pour moi l’équivalent de mes dépenses, trois souks hebdomadaires, pour couvrir les frais de mes besoins alimentaires » (femme, 55 ans, veuve et ne disposant pas d’arganier, puisque son mari prenait en métayage une parcelle, Aguerd). Ces assertions traduisent à quel point les habitudes alimentaires des générations actuelles commencent à s’éloigner de celles des anciennes générations. Les personnes âgées affirment que nombreuses maladies ont fait leur apparition dans la zone en raison de ces changements d’habitudes puisque l’argan leur offrait une santé et une immunité meilleures.

Un savoir local qui s’érode

  • 21 Au niveau d’Essaouira, au 31/12/2011, 46 coopératives ont été créées avec l’adhésion de 1221 femmes (...)
  • 22 Il y a aussi des coopératives dites artisanales qui optent toujours pour le procédé traditionnel d’ (...)
  • 23 On a besoin de 2.5 kg d’amendons pour produire un litre d’huile (qui sera vendu à 90 Dh/l) ce qui v (...)

41Avec le développement du marché de l’huile, nombreuses sont les femmes qui n’extraient plus l’huile chez elles. Ceci est dû, selon les adhérentes aux coopératives21, au fait qu’elles ne trouvent pas le temps pour cette activité puisqu’elles sont toute la journée à la coopérative. Elles y passent jusqu’à 10 h par jour principalement à concasser les fruits et certaines parcourent 8 km pour y arriver. Notons que pour nombre de ces coopératives, l’extraction de l’huile se fait mécaniquement22 par des machines et la seule étape qui reste manuelle (comparativement au procédé traditionnel manuel) est le concassage réalisé par ses adhérentes. Pour les femmes non adhérentes, cela tient principalement à deux raisons : la pénibilité des étapes d’extraction (actuellement les filles refusent tout travail pénible) et le bénéfice23 dégagé de la vente des amendons qui est plus important par rapport à celui obtenu à partir de la vente de l’huile. Ceci est bien expliqué dans les déclarations de nos enquêtées :

« Les étapes d’extraction sont pénibles ; de ce fait, actuellement la plupart des femmes ne vendent que les amendons. Contrairement aux anciennes, les filles aujourd’hui refusent tout travail pénible ». « Les femmes ne vendent que les amendons, car ces derniers sont très demandés par les coopératives ». « Actuellement, rares sont les femmes qui extraient encore l’huile ; elles vendent plutôt les amendons. Avant, il n’y avait pas d’acheteurs d’amendons, mais grâce aux coopératives, ceux-ci sont de plus en plus demandés sur le marché ».

42Ce qui nous amène à conclure qu’il y aurait risque de rupture du cycle de préparation de l’huile. Par conséquent, avec le temps, le savoir-faire relatif au procédé manuel d’extraction de l’huile serait menacé de disparation, surtout que la transmission entre générations est basée, en grande partie, sur l’observation et l’apprentissage progressif. Toutefois, les responsables des coopératives ne sont pas de cet avis. Elles pensent que si des femmes travaillent à la coopérative à longueur de journée, d’autres restent encore à la maison et produisent de l’huile de manière traditionnelle assurant ainsi le transfert de ce savoir. Elles affirment également que dans la région, il est impossible de trouver une fille qui ne sait pas extraire l’huile, car elles se sont habituées à voir, dès leur jeune âge, leurs mères la produire.

43Cette tendance conjuguée au fait que les femmes préfèrent de plus en plus vendre les amandes ou les fruits que de produire de l’huile fait que les savoirs relatifs à la pharmacopée et au cosmétique traditionnels disparaissent à un rythme accéléré. Pour les nouvelles générations, ces amendes n’ont qu’une valeur marchande leur permettant de dégager un revenu pour satisfaire leurs besoins familiaux. Ainsi, les recettes de médecine ou de beauté traditionnelles sont abandonnées au profit de produits pharmaceutiques et cosmétiques industriels à bas prix. À titre d’exemple, une jeune femme s’interroge : « Pourquoi perdre du temps à confectionner ces recettes pour se coiffer ou se laver les cheveux alors que le shampoing est disponible à bas prix ? »

44Un autre registre du savoir local risquant de disparaître sous l’influence des changements en cours dans la zone est celui relatif au système agraire local. Ainsi, pour l’élevage, la reconversion ou l’abandon des caprins, à Aguerd surtout, fait perdre un savoir lié à la conduite de cette espèce : le mode de pâturage, la conduite sanitaire, la différentiation entre chèvres grimpeuses sur l’arganier et celles qui ne le sont pas… etc. De même, le savoir relatif à la conduite des céréales risque aussi de connaître une grande érosion. Ceci est dû à l’émigration de plus en plus importante des jeunes et même ceux qui n’ont pas émigré préfèrent s’adonner à d’autres activités moins pénibles et plus rémunératrices que le travail agricole.

Conclusion

45L’évolution très rapide ces dernières années du prix de l’huile d’argan a eu des effets à la fois positifs et négatifs sur le tissu socio-économique, sur le système agraire et sur l’écosystème au niveau des deux communes étudiées. Ainsi, cette évolution a permis aux femmes locales, surtout celles travaillant dans les coopératives, d’avoir une source de revenus qui a engendré leur épanouissement et leur accès au marché. Comme elle a amélioré le taux de scolarisation des enfants de la zone et a donné naissance à certaines conscientisations vis-à-vis de la protection de l’arganier allant dans le sens de la théorie de conservation dite "gagnant-gagnant". Toutefois, si cette visée écologique était recherchée par les développeurs derrière cette valorisation économique des produits de l’arganier (Simenel et al., 2009), cette évolution du marché a eu d’autres conséquences négatives non prévues sur la vie socioéconomique et culturelle au niveau de l’arganeraie étudiée. Celles-ci ont principalement touché le système agraire local, le savoir traditionnel, le patrimoine culturel local et le marché lui-même (disproportionné, il n’est pas tellement profitable aux locaux). En amont, les représentations des populations ont évolué au point que la fonction économique que joue actuellement l’arganier commence à masquer les fonctions sociales, psycho-affectives et culturelles qu’il assurait. Comment alors valoriser les conséquences positives de cette marchandisation des produits de l’arganier et faire face à ses effets négatifs ?

  • 24 Déjà la création de l’AMIGHA et de l’ANDZOA va dans ce sens.

46Selon nous, cela passe par l’adoption d’une approche de développement globale et intégrée faisant participer tous les acteurs locaux, une approche qui considère l’arganeraie dans sa globalité en tant qu’écosystème. Il s’agit principalement de penser à une cogestion de l’arganeraie et à une structuration du marché de l’huile d’argan et des ses produits24. Il est vrai que nombre d’actions qui vont dans ce sens sont en train de voir le jour (création d’associations d’usagers, mise en place de cahier de charge pour la labellisation d’indication géographique, création de l’agence de développement des zones oasiennes et de l’arganeraie…). Toutefois, de par nos entretiens avec les responsables institutionnels, ces actions restent encore dispersées sans synergie aucune entre elles, car menées de manière individuelle sans coordination entre les acteurs concernés. Théoriquement, la création de l’Association marocaine de l’indication géographique de l’huile d’argane (AMIGHA) et l’IGP argane (qui a mobilisé nombreux acteurs) devrait contribuer à plus de cohérence entre les opérateurs de la filière et l’Agence nationale de développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA) aurait un rôle déterminant dans la mise en cohérence entre les divers intervenants.

La cogestion doit passer par la redéfinition des missions et des rôles des différents acteurs, y compris la population locale qui a fait preuve de savoirs et de pratiques locales pouvant être des éléments importants pour la conception d’une stratégie pour et par les populations. Mais pour réussir encore cette participation des locaux, il serait intéressant de redynamiser les coopératives en place pour qu’elles atteignent les objectifs qui ont été à la base de leur création : l’émancipation des femmes, la valorisation des produits de l’arganier et la conservation et la préservation de l’arganeraie (Alifriqui, 2004). Et pour réduire la dépendance de ces coopératives des bailleurs de fonds, une « solidarité » entre les membres d’AMIGHA vis-à-vis de ces entités doit être observée du moment que :

  • Les femmes porteuses de savoir local, qui a fait l’image de l’argane et que l’IGP cherche à protéger, sont au niveau des coopératives (à moins que les industriels installent leurs unités dans les localités et y recrutent aussi des femmes locales) ;

  • Si le privé ne cherche que du profit, la coopérative a en plus une fonction sociale vis-à-vis de ses membres et ne doit pas, par conséquent, être délaissée en répondant à cette fonction ;

  • L’analphabétisme et le manque d’expérience des adhérentes des coopératives en matière de gestion et de management de l’entreprise et de marketing affaiblissent ces coopératives devant une concurrence d’un privé mieux outillé et rodé.

47D’autre part, nos résultats ont montré que les membres de ces coopératives sont capables de s’approprier un savoir « exogène » se rapportant à la préservation de cet arbre du moment qu’il constitue leur seule source de revenus. Toutefois, les seuls messages de sensibilisation sur ces aspects ne seront pas suffisants si l’on ne pense pas à renforcer le lien de ces femmes avec l’arbre. En fait, le temps important qu’elles passent à la coopérative, conjugué au fait que les coopératives ne disposent pas d’arganiers, ne consolide pas leur attachement à cette ressource. Il s’agira aussi de travailler sur la gouvernance au sein de ces coopératives en reconsidérant le rôle des femmes membres pour qu’elles soient de vraies adhérentes et pas seulement « une main d’œuvre pour le concassage » au sein de ces institutions. Pour qu’elles le soient, des séances d’alphabétisation doivent être organisées à leur faveur (par les coopératives elles-mêmes ou les autres partenaires), car leur analphabétisme entrave le développement de leurs compétences managériales, ce qui limite leur compétitivité sur le marché de l’argan.

48Il en va de même pour les associations d’usagers nouvellement créées pour lesquelles doivent être attribuées de vraies tâches dans la gestion de la forêt tout en veillant aussi à leur bonne gouvernance. La cogestion dont il est question ici suppose d’associer décideurs, scientifiques, experts et populations locales dans des actions communes de gestion durable de l’arganeraie. Mais cela ne va pas de soi, tant les valeurs et les savoirs des uns et des autres sont distants. Ceci ne peut pas se faire sans une transformation des rapports entre ces différents acteurs (Pinton et Grenand 2007). C’est ce à quoi renvoie aussi la Convention de la diversité biologique (CDB) lorsqu’elle affirme que créer un marché favorable à la conservation de la biodiversité fait le pari d’une rencontre ou d’une cohabitation entre un savoir scientifique ou technique et des savoirs traditionnels.

Remerciement

49Nous tenons à remercier la Coopération Technique Belge qui a financé cette étude et les évaluateurs anonymes qui ont contribué à l’amélioration da la qualité de cet article à travers leurs remarques et suggestions pertinentes.

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Nouaïm, R., 2005. L’arganier au Maroc : entre mythes et réalités, une civilisation née d’un arbre. Paris, l’Harmattan, 230 p.

Office du Développement de la Coopération (ODCO), 2012, Revue marocaine des coopératives, 2, Rabat.

Pinton, F. et P. Grenand, 2007, Savoirs traditionnels, populations locales et ressources globalisées, 30 pages, Pinton F. et P. Grenand, Les marchés de la biodiversité, IRD Éditions, Paris, 165-194 pp. 

Simenel, R. G. Michon, L. Auclair, Y. Thomas, B. Romagny et M. Guyon, 2009, L’argan : l’huile qui cache la forêt domestique, De la valorisation du produit à la naturalisation de l’écosystème, Autrepart, 50, pp. 51-74.

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Notes

1 Riche en acide linoléique, en vitamine E dont le rôle est de maintenir l’équilibre de l’organisme en luttant contre le processus de vieillissement des cellules (Charrouf, 1984), et en d’autres acides gras essentiels (M’hirit O. et al, 1998), l’huile d’argan est utilisée pour les soins de la peau, du visage, des ongles et des cheveux.

2 La faiblesse des zones irriguées dans cette région est due à plusieurs raisons dont : l’absence d’aquifères facilement exploitables, forte pauvreté en zone rurale, priorité donnée par les pouvoirs publics à l’eau pour les villes … etc.

3 Surtout avec le changement des représentations de la population vis-à-vis de l’adhésion à ces coopératives ; les premières adhérentes étaient presque toutes veuves ou divorcées alors qu’actuellement toutes les femmes y adhèrent quelque soit leur statut (célibataires, mariées, etc.).

4 C’est d’ailleurs une coopérative innovatrice dans la région d’Essaouira puisqu’elle était parmi les pionnières à opter pour la certification Bio et la première à opter pour la labellisation IGP argane.

5 Selon l’Office de développement de la coopération (ODECO, 2010), ce nombre est passé de 97 en 2006 à 144 coopératives en 2008 et de nombreuses demandes existent pour de nouvelles créations.

6 Le dirham (Dh) est la monnaie marocaine : 1 euro est équivaut à 11 Dh

7 Marché local

8 Situé à Chiadma, il est l’un des grands souks de la région.

9 Les prix de l’huile sont libres et non réglementés.

10 L’huile traditionnelle se conserve moins que celle produite par les machines.

11 C’est le problème des marges commerciales à l’aval de la filière.

12 Bien que cette comparaison soit difficile du moment que l’huile d’olive est plus facile à produire que l’huile d’argan et du fait que l’olivier n’est pas un arbre endémique de la région contrairement à l’arganier. 

13 Actuellement tout le monde l’utilise, surtout si la campagne est bonne.

14 Nationaux et internationaux

15 Officiellement publiée au bulletin officiel N° 5805 le 18 janvier 2010 puis enregistrée le 25 janvier 2010 au registre de l’OMPIC (l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale) et 13 coopératives ont été certifiées IGP (dont Ajdigue à Tidzi) en 2011 (AMIGHA, 2011).

16 Il concerne dans la majorité des cas la gestion de l’herbe et du pâturage. Mais « dans certains cas, il s’applique à l’arbre et réglemente l’accès et l’usage des forêts » (Auclair et Alifriqui, 2005), c’est le cas de l’Agdal dans l’espace arganeraie. .

17 La loi coranique

18 Ce n’est pas le cas des autres forêts au Maroc. L’arganeraie est la seule forêt « à 7 droits ».

19 L’accroissement de la scolarisation des enfants est bien réel, particulièrement celle de la jeune fille, suite à l’augmentation du revenu des femmes qui ne veulent pas que leurs filles revivent les mêmes conditions qu’elles. C’est ce qu’ont montré aussi Lybbert et al (2011).

20 Population de Haha

21 Au niveau d’Essaouira, au 31/12/2011, 46 coopératives ont été créées avec l’adhésion de 1221 femmes (ODCO, 2012).

22 Il y a aussi des coopératives dites artisanales qui optent toujours pour le procédé traditionnel d’extraction de l’huile.

23 On a besoin de 2.5 kg d’amendons pour produire un litre d’huile (qui sera vendu à 90 Dh/l) ce qui veut dire que 2.5 d’amendons sont vendus à 92.5 dh (à raison de 37dh/kg). Donc la vente des amendons est plus rentable que la vente de l’huile extraite ».

24 Déjà la création de l’AMIGHA et de l’ANDZOA va dans ce sens.

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Pour citer cet article

Référence électronique

Larbi Aziz, Marc Mormont et Khallil Allali, « Effets de la marchandisation de l’arganier sur la vie socioéconomique des populations de l’arganeraie marocaine Â», VertigO - la revue électronique en sciences de l'environnement [En ligne], Volume 13 Numéro 1 | avril 2013, mis en ligne le 16 avril 2013, consulté le 22 mai 2013. URL : http://vertigo.revues.org/13445 ; DOI : 10.4000/vertigo.13445

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Auteurs

Larbi Aziz

Unité Socio-Économie-Environnement-Développement, Département des sciences et gestion de l’environnement, Campus d’Arlon, Faculté des Sciences, Université de Liège, Belgique. 185, Avenue de Longwy, 6700 Arlon, Belgique, Courriel : Aziz.larbi@yahoo.fr

Marc Mormont

Unité Socio-Économie-Environnement-Développement, Département des sciences et gestion de l’environnement, Campus d’Arlon, Faculté des Sciences, Université de Liège, Belgique. 185, Avenue de Longwy, 6700 Arlon, Belgique, Courriel : mmormont@ulg.ac.be

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Khallil Allali

Département D’économie rurale, École Nationale d’Agriculture de Meknès, Maroc. B.P. S/40, Meknès. 50000 Maroc, Courriel : kallali@hotmail.com

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