J'ai lu avec le plus grand intérêt la version de consultation de la Stratégie canadienne sur l'information numérique. Ayant suivi périodiquement l'état d'avancement des travaux, nous ne pouvons qu'être d'accord avec la vision exprimée ainsi que les moyens et objectifs qui sont proposés dans ce document. Tout particulièrement la nécessité d'optimiser l'accès à l'information numérique, d'en améliorer la visibilité tant auprès de la population canadienne qu'au plan international.

Toutefois, malgré notre profonde conviction du bien-fondé des grandes orientations de la stratégie qui sont présentées dans ce document, une dimension nous semble faire défaut après avoir pris connaissance de l'ensemble de son contenu. Une dimension qui nous apparaît d'autant plus importante si l'on considère les prochaines étapes visant à mettre en œuvre cette stratégie canadienne en matière d'information numérique.

Bien sûr, comme il est précisé, « le document actuel est muet sur plusieurs détails importants des mesures recommandées, des éléments comme le leadership, les partenaires, les coûts et les sources de financement ». Nul doute ces facteurs, de même que celui de la normalisation, seront déterminants dans la réussite d'une telle entreprise. Mais là n'est pas le problème qui nous préoccupe. En effet, le peu de liens, de synergie, d'effet d'entraînement entre les trois grands défis énoncés dans le document nous ont fait réaliser que, malgré la pertinence de la vision, des moyens et des objectifs de la stratégie, celle-ci ne comportait pas en tant que telle de but ou de réalisation. Or si la révolution du numérique est indéniable alors qu'attendons-nous pour, à l'image des entreprises de la nouvelle économie, développer des outils permettant d'en faire profiter économiquement et culturellement la population canadienne? À bien y penser, c'est là que se trouve l'avantage concurrentiel du Canada comparativement aux investissements importants faits par d'autres pays sur le plan de la production ou de la préservation de l'information numérique.

En d'autres termes, la stratégie canadienne en matière d'information numérique devrait être l'occasion de mettre en place des outils permettant de faire connaître, de soutenir et de favoriser le développement des initiatives des différents milieux et de répondre aux besoins des diverses catégories d'utilisateurs. Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple du domaine des archives qui m'est plus familier. Aujourd'hui, les Canadiens disposent grâce aux efforts des différents intervenants du milieu d'un réseau d'information archivistique des plus performants dont ils peuvent être fiers : outils de recherche offrant la possibilité de repérer des fonds d'archives partout au pays, moteur de recherche fédérée en généalogie, accès à des documents numérisés de toutes sortes, expositions virtuelles, ressources pédagogiques, bases de données, banques d'images, etc. Pourtant, malgré les qualités indéniables de ces réalisations, celles-ci demeurent dans leur ensemble souvent méconnues sauf auprès d'un public informé. Comment accroître cette visibilité qui, par le fait même, contribuerait à accentuer le dynamisme exprimé par ce milieu depuis de nombreuses années? Tout le défi est là. Il s'agit d'offrir à n'importe quel internaute intéressé par le domaine des archives la possibilité de disposer de tous les éléments pertinents, et ce, de la manière la plus simple possible. Bref, d'offrir un produit d'information numérique de qualité comparable à ceux disponibles sur le marché.

Comment faire? Pour donner un aperçu des solutions envisageables, poursuivons avec notre exemple et imaginons que, contre une compensation financière ou lors de l'obtention de financement, il soit demandé aux organismes du milieu des archives d'inclure des métadonnées dans leurs différentes réalisations numériques. Métadonnées qui pourraient ensuite être moissonnées et rendues accessibles dans une interface de recherche. Interface dont les métadonnées pourraient être moissonnées à leur tour et incluses dans une autre interface plus générale. Et ainsi de suite au besoin et selon les besoins des différentes catégories ou communautés d'utilisateurs.

La Stratégie canadienne sur l'information numérique devrait donc envisager de concrétiser sa vision dans la réalisation d'un lieu de référence, d'un service public de diffusion de l'information numérique qui permettrait aux institutions ayant la responsabilité du patrimoine documentaire de jouer pleinement leur rôle de médiation, c'est-à-dire d'être en mesure d'effectuer les traitements nécessaires afin de transformer les ressources éparses en ensembles signifiants pour les besoins du plus grand nombre.

Le terrain est vierge. À nous de l'exploiter, économiquement et culturellement, au profit des citoyens et du rayonnement du Canada au plan international.