(accessible aux employés du gouvernement fédéral seulement)
Notre industrie de construction navale était moribonde. Selon moi, il ne restait que de deux à cinq ans de travail pour les employés. L'industrie canadienne de construction navale avait un pied dans la tombe.
Bien sûr, la flotte existante de la Marine royale et la Garde côtière ne rajeunit pas et l'on reconnaît que celle-ci doit être renouvelée à long terme, pour que nous puissions continuer à accomplir nos missions et atteindre nos objectifs.
Puisqu'il s'agissait d'un important programme, d'une initiative majeure du gouvernement, je crois que l'on attendait à ce que cela soit un échec, simplement car l'industrie navale canadienne se trouvait dans une situation difficile. C'est litigieux. Superposer cela aux considérations régionales. Et puisque les gens pensaient que le processus d'approvisionnement allait être un échec, on nous laissait seuls pour faire nos propres choses, établir nos propres jalons et processus.
Ce n'est pas uniquement une question de prix et de risques, d'établir un prix pour le gouvernement fédéral et tout le monde qui tente de se protéger. Il s'agit de ce qui représente le meilleur rapport qualité-prix pour le Canada. De quelle manière allons-nous optimiser l'argent des contribuables et donner à nos militaires ce qu'ils veulent d'une manière efficace?
Je crois que des siècles d'approvisionnement nous ont donné l'impression que dans le passé, les projets d'approvisionnement ont été difficiles. Ces derniers étaient menés dans le plus grand secret. C'étaient des trous noirs. Ils étaient difficiles à comprendre et à utiliser, et ils étaient très rarement exécutés dans les délais. Ainsi, malheureusement, les pratiques antérieures nous ont laissé un goût amer : nous, l'industrie de la prochaine ronde.
Le 3 juin 2010, le gouvernement du Canada a lancé un processus d’achat afin de sélectionner de manière concurrentielle deux sources stratégiques d’approvisionnement pour la construction de tous les navires fédéraux sur une période de 20 à 30 ans :
Cette acquisition devait être la plus importante de toute l’histoire canadienne. Cinq soumissionnaires potentiels représentaient toutes les régions du pays. Tous les soumissionnaires devaient s’attendre à ce qu’il y ait des perdants et des gagnants. Les grands projets d’approvisionnement – non seulement pour l’achat du matériel militaire, mais également les marchés complexes –prennent habituellement de quatre à sept ans, de la conception à la sélection. Des exemples de cas d’approvisionnement réussis, réalisés rapidement, sont difficiles à trouver. Malgré tout, moins de 500 jours après le lancement du 3 juin, le processus de sélection était terminé et les gagnants annoncés, sans que pratiquement personne ne formule de commentaires négatifs. Voici pourquoi ce projet d’approvisionnement a connu beaucoup de succès.
Les politiques, les lignes directrices, les règles et les lois qui régissent habituellement les processus d’approvisionnement sont conçues afin de veiller à ce que tous les éléments du processus soient ouverts et transparents, et que l’ensemble des participants soient traités équitablement. Historiquement, l’interprétation et l’application strictes de ces politiques et lignes directrices avaient pour objectif d’assurer le plus grand respect des lois et de réduire les risques au maximum. Cette approche a donné lieu à des conséquences imprévues : des processus d’approvisionnement mesurés, prudents et souvent lents, ainsi que des échanges limités entre les soumissionnaires individuels et l’autorité contractante. Le défi était de modifier l’approche sans compromettre l’équité. Voici ce qu’avait à dire le surveillant de l’équité, Peter Woods :
Le rôle du surveillant de l'équité est de superviser ou d'examiner le processus, de son début à sa fin, pour attester son équité.
Je crois qu'il y a beaucoup de personnes qui doutaient du
processus, et avant même qu'il soit lancé.
Alors, qu’est-ce qui a changé? Pourquoi la SNACN est-elle maintenant considérée de façon quasi unanime comme le processus d’approvisionnement le plus réussi de l’histoire canadienne? L’analyse subséquente le processus était axée sur trois facteurs essentiels de réussite :
Examinons chacun de ces facteurs. Peter Woods commence…
La mobilisation de l'industrie a été un élément important de ce processus. Cela a permis d'établir une norme, une norme très élevée, mais a aussi assuré la transparence de l'élaboration de la demande de propositions, ce qui était très important.
En juillet 2009, nous avons participé à un événement de l'industrie d'une durée de deux jours, dont le coup d'envoi a été donné par quatre ministres. L'événement a été mené par un groupe de représentant du ministère de la Défense nationale (MDN), qui a expliqué leurs souhaits pour le processus d'approvisionnement. Ce n'était pas une explication de ce qu'ils allaient faire, mais plutôt des questions. Nous avons examiné ensemble des lignes directrices, puis ils nous ont demandé de présenter des documents de travail en septembre de la même année. C'est ce que nous avons fait. Et ce que nous avons obtenu comme aperçu a démontré qu'ils avaient vraiment écouté l'industrie quant à ce qui serait une bonne façon de progresser.
De toute évidence, l’engagement exige la mise en œuvre de trois composantes :
Le deuxième facteur de réussite était la structure de gouvernance unique. Celle-ci était fondée sur un partenariat de collaboration entre les ministères fédéraux clés, qui a permis d’établir un processus décisionnel indépendant et de fournir une échelle de résolution de conflits. Les soumissionnaires potentiels pouvaient ainsi consulter les hauts fonctionnaires, responsables ultimes du processus. Cette gouvernance a procuré l’infrastructure nécessaire en vue d’établir et de respecter un calendrier de projet ambitieux. Jim Irving :
Je crois que le gouvernement, par le biais du Secrétariat de la SNACN et de son organisation, a été très, très prudent, et s'est assuré d'être discipliné, totalement discipliné, à l'égard de l'ensemble du processus.
Le Secrétariat a excellé à s'assurer que les communications étaient diffusées à l'ensemble de l'industrie. Il n'y avait donc pas qu'un seul joueur qui savait ce qui se passait avec le processus d'approvisionnement.
Je crois que ce qui a rendu le processus unique, sur le plan de la surveillance de l'équité, est la visibilité de ce dernier à l'échelle de TPSGC, du sous-ministre et de tous les employés, tout le monde a activement participé au processus.
Le troisième facteur de succès a été le recours aux tiers indépendants dans le but d’accroître davantage la crédibilité du processus. Il est fréquent de faire appel à un surveillant de l’équité. Toutefois, trois groupes additionnels ont pris part au processus de la SNACN et ont fourni de l’expertise ou assuré le suivi du processus.
Il y a une importante participation de tiers dans ce processus d'approvisionnement, une qui était supérieure à la norme.
Nous avons trouvé le fait que TPSGC s'est assuré de faire participer des tiers, au lieu de tout faire à l'interne : le surveillant de l'équité ainsi que les experts-conseils britanniques de FMI. Tout cela a donné aux personnes à l'extérieur d'Ottawa la crédibilité dont elles avaient réellement besoin. Lorsque nous avons vu cela, que nous l'avons entendu, et lorsque nous avons rencontré ces tiers, que nous ayons constaté leur participation, cela a permis de donner une certaine crédibilité au processus.
Cela signale toute la philosophie de la SNACN et que le Secrétariat de la SNACN a établi plusieurs accords initiaux.
Aucun de ces facteurs individuels n’est unique. Toutefois, collectivement, ils permettent de gérer très différemment les projets d’approvisionnement complexes ou majeurs. Des efforts sans précédent ont été déployés afin de garder les résultats secrets jusqu’à l’annonce.
Les réactions et les commentaires concernant l’annonce des résultats du 19 octobre 2011 démontrent à quel point ce processus était fondamentalement différent. Terry Williston :
Pour la première fois depuis de nombreuses années, il s'agissait d'une situation où personne ne connaissait les résultats avant l'annonce officielle : une approche sans précédent jamais utilisée auparavant.
Le 19 octobre 2011 est une journée que je n'oublierai jamais. J'allais recevoir un appel téléphonique et nous allions tous prendre part à une très très bonne nouvelle ou à une très très mauvaise nouvelle.
L'entrepreneur retenu pour le lot de travaux relatifs aux navires autres que les navires de combat est Vancouver Shipyards.
Je me rappelle clairement, il était environ 17 h 15, le 19 octobre, lorsqu'ils ont annoncé le nom des soumissionnaires retenus. Il n’y a pas de doute que ce fût notre moment préféré.
L'entrepreneur retenu pour le lot de travaux relatifs aux navires de combat est Irving Shipbuilding Inc.
Lorsqu’on a écouté les reportages qui ont suivi, on savait que nous disposions d’une stratégie qui avait eu le succès qu’on espérait.
En fait, pour les contrats de construction navale, nous avons lancé le processus d'approvisionnement le plus ouvert, le plus transparent et le plus équitable que nous n’avons jamais mené. Nous nous sommes assuré que tous comprenaient bien les règles. Ils ont participé à l'élaboration des règles. (traduction)
L’adaptation des processus d’approvisionnement actuels et futurs, afin d’inclure les facteurs de réussite abordés ici, est déjà en cours à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada. Jonathan Whitworth :
Il n'y a pas beaucoup de moments dans une entreprise, ou dans un cycle industriel, où vous pouvez être témoins de changements des règles. Ils s'étendent généralement sur la durée de vie des gens. Toutefois, le 19 octobre 2011 a changé les règles du jeu.
Le processus d'approvisionnement en matière de construction navale change clairement la donne en ce qui concerne la façon dont les processus d’approvisionnement sont conçus et menés. Ce processus a également tout changé pour les soumissionnaires retenus et l’ensemble de l’industrie maritime. L’incidence de la Stratégie nationale d’approvisionnement en matière de construction navale peut se mesurer en dollars. Toutefois, les effets véritables seront ressentis par les hommes et les femmes au cœur de notre industrie de la construction navale. Dans quelle mesure ce processus a-t-il des conséquences plus sérieuses pour les spécialistes des politiques publiques et les personnes qui travaillent en administration publique? Après tout, l’atteinte des résultats pour les Canadiens et les Canadiennes constitue le principal objectif de la fonction publique. Cet objectif est clair aux yeux de tous.
«C'est une nouvelle fantastique! Je viens tout juste d'avoir un bébé et je ne veux pas avoir à déménager à l'autre bout du pays pour gagner un salaire raisonnable. Peut-être que maintenant, je vais pouvoir rester chez moi et obtenir un bon salaire. » (traduction).