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Novembre/Décembre
2000
Vol. 32, no 11/12

SAVOIR FAIRE
Citoyenneté et criminels de guerre

Nicolas Savard,
Services de recherche et d’information

En juillet 2000, dans le cadre de la série SAVOIR FAIRE, la Bibliothèque nationale du Canada a invité Pierrette Landry, candidate au doctorat de l’Université du Québec à Montréal, à venir présenter un exposé intitulé « Citoyenneté et criminels de guerre ».

Mme Landry s’est intéressée à cette question durant ses études doctorales qui portent sur l’histoire des politiques de sélection des travailleurs immigrants recrutés à partir de la fin de la Seconde Guerre mondiale. Aborder le sujet des criminels de guerre est toujours épineux, surtout si on parle des criminels de guerre nazis. L’opinion publique croit souvent que le Canada n’a pas été assez sévère dans l’application de ses politiques visant à limiter l’entrée au pays de ces « indésirables ». Les autorités canadiennes ont peut-être manqué de rigueur mais, comme l’a démontré Mme Landry, les politiques gouvernementales et les directives ministérielles étaient en place et les fonctionnaires fédéraux les appliquaient.

Dans son exposé, Mme Landry a discuté de trois procédés par lesquels le Canada a traité et traite encore aujourd’hui les criminels de guerre qui tentent de trouver refuge sur son territoire. Elle a premièrement discuté des diverses politiques gouvernementales visant à interdire l’entrée de ces gens au pays, que ce soit à l’aide de la Loi sur l’immigration ou au moyen de divers décrets émis par les ministères fédéraux. Grâce à ces outils administratifs, le Canada sélectionne les immigrants qu’il est prêt à accueillir au pays, et il établit des critères définissant la catégorie de « citoyens interdits » auxquels on bloque les frontières.

En deuxième lieu, la conférencière a abordé la question du « Security Panel », un comité interministériel créé en 1946 qui est chargé de vérifier les politiques et les directives liées à l’immigration provenant des ministères ou organismes fédéraux. Ce comité émet et révise les instructions destinées aux fonctionnaires responsables de la sélection des immigrants.

Le troisième thème abordé par Mme Landry fut celui du traitement actuel réservé aux criminels de guerre qui ont trouvé refuge en terre canadienne. Les autorités canadiennes ne tentent plus de juger ces gens pour les crimes qu’ils ont commis dans un pays étranger, elles invoquent plutôt le fait que la citoyenneté canadienne ait été obtenue de façon frauduleuse. Cette fraude s’est opérée en omettant certains renseignements lors de la demande d’accueil ou en fournissant de fausses informations aux fonctionnaires à l’emploi du ministère de l’Immigration. Comme la citoyenneté a alors été obtenue de façon illégale, elle peut être révoquée et les accusés retournés dans leur pays d’origine, où ils répondront aux crimes dont on les accuse. Il s’agit, selon Mme Landry, d’une procédure hypocrite de la part des autorités canadiennes. Par quel raisonnement peut-on soudainement retirer la citoyenneté à quelqu’un qui, 30, 40 ou 50 ans auparavant, répondait parfaitement aux exigences canadiennes du temps ? N’est-il pas opportun, toujours selon Mme Landry, de se demander s’il y a réellement eu fraude ? Les autorités canadiennes actuelles seraient-elles motivées par un sentiment de culpabilité plutôt que par un désir de justice ?

Enfin, Mme Landry a parlé de l’impact de la Commission d’enquête sur les criminels de guerre (Commission Deschênes). Le dépôt, en 1986, du rapport de la commission, qui fait partie de la collection de la Bibliothèque nationale du Canada, a eu comme effet immédiat d’amener une modification au Code criminel du Canada, une modification à la Loi sur l’immigration, ainsi que la création d’unités spéciales à la Gendarmerie royale du Canada et au ministère de la Justice, unités chargées d’enquêter sur les criminels de guerre pouvant se trouver en sol canadien.

Mme Landry soutient donc qu’il est faux de prétendre que le Canada a été une passoire permettant à plusieurs criminels de guerre de venir s’y installer. Dans les faits, les lois et règlements étaient assez stricts, et le nombre élevé de décrets et de directives émis au quotidien prouvent que le Canada prenait et prend encore très au sérieux la question de l’immigration de criminels de guerre. Ce qui a probablement fait défaut, d’après Mme Landry, ce sont les procédures adoptées par les fonctionnaires responsables de la sélection des nouveaux immigrants.

Alimentés, entre autres, par une recherche approfondie dans la vaste collection de la Bibliothèque nationale du Canada, les travaux de Mme Landry font la lumière sur un aspect parfois sombre et souvent intrigant de l’histoire canadienne du XXe siècle.

Le prochain séminaire de la série SAVOIR FAIRE aura lieu le 12 décembre. Le conférencier sera S. Timothy Maloney, directeur de la Division de la musique à la Bibliothèque nationale du Canada, qui parlera de sa recherche sur Glenn Gould.