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Novembre / Décembre
2001
Vol. 33, no 6

La conservation dans les bibliothèques canadiennes

Ralph W. Manning, Programmes nationaux et internationaux

Introduction

Pour assurer l'accessibilité de l'information aux générations futures, les bibliothèques ont l'obligation primordiale de conserver le contenu intellectuel de leurs collections. Pour cela, elles créeront souvent des copies de remplacement de documents, en microforme ou sur papier permanent. La numérisation de documents imprimés originaux améliore considérablement leur accès, mais n'est pas considérée comme une solution de conservation à long terme. Il faut aussi prendre en considération la nécessité de préserver des documents originaux pour leur valeur historique, esthétique ou artistique, ainsi que patrimoniale.

Les documents de bibliothèque se détériorent à des rythmes variables et pour toutes sortes de raisons. Quelle qu'en soit la cause, si les collections d'une bibliothèque doivent être conservées, il faut agir. La conservation est un élément essentiel du service de bibliothèque afin d’assurer l'accès à long terme aux sources d'information possédées par l'institution. Tous les types de bibliothèques ont la responsabilité de conserver leurs collections. À tout le moins, la planification de la prévention des désastres et une manutention appropriée devraient faire partie des priorités de chaque bibliothèque. La Bibliothèque nationale du Canada considère la protection et la conservation de la collection nationale comme une de ses priorités stratégiques.

Malheureusement, la conservation est une activité historiquement négligée, mésestimée et insuffisamment financée. En 2000, un sondage auprès de 104 bibliothèques  --  de toutes les catégories (sauf les bibliothèques scolaires) partout au Canada  --  a examiné leurs activités de conservation. Ce sondage a mis à jour un aspect déplorable de ce genre d’activité.

Le sondage

L'Association of Research Libraries (ARL) nous a autorisé à utiliser l’outil de sondage élaboré pour leur compilation annuelle de statistiques de conservation. Ce sondage « est conçu pour recueillir de l'information statistique sur le niveau actuel des efforts de conservation dans… les bibliothèques et sur les éléments clés à caractère organisationnel, fonctionnel et fiscal, caractérisant les programmes de conservation. » Des 104 questionnaires envoyés aux bibliothèques canadiennes, 62 furent remplis, pour un taux de réponse de 59,6 %. Le tableau suivant résume le taux de réponse par catégorie de bibliothèque.

Tableau 1

 

Envoyé

Retourné

Taux de réponses

Bibliothèques publiques

34

21

61,8 %

Bibliothèques universitaires

45

30

66,7 %

Bibliothèques législatives

12

3

25,0 %

Bibliothèques spécialisées

10

6

60,0 %

Bibliothèques nationales/provinciales

3

2

66,7 %

Total

104

62

59,6 %

Administration de la conservation

L'administration de la conservation inclut toutes les activités reliées à la protection des documents de bibliothèque : traitement et reformatage de préservation, mais aussi les activités reliées à la prévention des désastres, à la planification de locaux d’hébergement et aux contrôles environnementaux. L'ensemble des activités est normalement géré par un administrateur de la conservation; la présence d'un administrateur à plein temps peut donc être un indicateur de l'engagement de la bibliothèque envers la conservation. Le sondage demandait donc si la bibliothèque avait un tel administrateur, et si oui, quel pourcentage de son temps était réservé à la conservation.

Un second indicateur du niveau d'activité de conservation de la bibliothèque est le nombre de membres du personnel attachés à cette activité. Le sondage demandait le nombre total d'ETP (équivalents temps plein) attachés à ces activités, y compris la reliure et les réparations mineures.

Quatre-vingt-quinze pour cent des bibliothèques publiques qui ont répondu au questionnaire n'avaient pas d'administrateur de la conservation. Le nombre moyen de membres du personnel attachés à la préservation dans les bibliothèques publiques répondantes est de 0,7 ETP. Il est toutefois remarquable que 60 % des bibliothèques publiques répondantes n'aient rapporté aucune activité de conservation. Seulement 15 % des répondants consacrent plus de 1 ETP aux activités de conservation.

Cinq bibliothèques du gouvernement fédéral ont répondu au sondage. Si deux d'entres elles avaient un responsable de la conservation, la moyenne ETP des activités de conservation des cinq répondants est inférieure à 0,5. Une des bibliothèques du gouvernement fédéral abritant des collections patrimoniales uniques et significatives n'a aucune activité de conservation.

Les seules données détaillées sur la conservation dans les bibliothèques universitaires en Amérique du Nord sont les statistiques de conservation ARL. Les dernières données disponibles remontent à l'année financière 1997. Bien que les membres de l'ARL représentent les plus grandes bibliothèques, il existe suffisamment de similitudes que certains parallèles avec les bibliothèques universitaires canadiennes permettent des comparaisons utiles. Trente pour cent des bibliothèques universitaires qui ont répondu au sondage ont un administrateur de la conservation, mais dans seulement 10 % de celles-ci, il s'agit d'un employé à plein temps. C'est très en dessous des chiffres de l'ARL où 72 % des bibliothèques comptent un administrateur de la conservation, et où 55 % utilisent cette personne à plein temps pour la conservation. Le temps moyen consacré aux activités de conservation par les administrateurs de la conservation dans les bibliothèques universitaires canadiennes est inférieur à 0,5 ETP. Le nombre moyen de membres du personnel attachés à la conservation de tous genres dans les universités canadiennes est de 3,19, alors que dans les universités de l'ARL, il dépasse 15.

Dépenses reliées à la conservation

Une autre mesure de l'activité de conservation est le total des dépenses consacrées à ces activités, incluant personnel, reliures, reformatage et fournitures. Le montant moyen dépensé par les bibliothèques publiques pour la conservation est de 47 311 $ par année; cependant, près de 60 % des dépenses des bibliothèques publiques sont comptabilisées par une seule institution. Neuf des 21 bibliothèques publiques répondantes ont rapporté ne rien dépenser à cette fin.

La dépense de conservation moyenne des bibliothèques universitaires répondantes était de 190 596 $. Cinq bibliothèques ne dépensaient rien. La dépense moyenne des bibliothèques de l'ARL était de 702 367 $.

Conclusion

En 1992, un comité consultatif établi par Marianne Scott, l'Administrateur général de la Bibliothèque nationale, a mis au point une Stratégie nationale de conservation dans les bibliothèques canadiennes. Le sommaire exécutif de la Stratégie expliquait que les « bibliothèques canadiennes sont très conscientes et très au courant des questions liées à la conservation » et que « le patrimoine canadien de l’édition repose en mains sûres, si des ressources suffisantes sont affectées à la mise en oeuvre d'une stratégie nationale de conservation ». Les résultats du sondage de 2000 indiquent que nous sommes bien loin des attentes de 1992. Les principales recommandations de la Stratégie mentionnaient que « la façon la plus efficace de coordonner les activités de conservation dans les bibliothèques canadiennes serait la création d'un organisme permanent assurant le financement adéquat du travail de conservation, et la réduction au minimum de la duplication de l'effort. »

Si personne n'agit, il semble y avoir peu de doute sur le fait que la détérioration nous coûtera des parties de notre patrimoine de l’édition.