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Mai / Juin
2002
Vol. 34, no 3

La Filière belge

Claire Carbonez-Dejaeger, conservatrice de l’exposition

Depuis quelques années déjà, l’ambassade de Belgique a mis sur pied un programme dont l’objectif est de souligner les liens unissant la Belgique et le Canada. C’est dans cette optique qu’ont été organisées des semaines belges à Ottawa et à Winnipeg et qu’une exposition portant sur l’immigration belge au Canada a été présentée à Hull (Québec) et à Delhi (Ontario).
Aujourd’hui, grâce à la collaboration de la Bibliothèque nationale du Canada et des Archives nationales, nous partons à la découverte de cartographes, d’écrivains, de graveurs, d’imprimeurs et des premiers missionnaires originaires de la partie sud des Dix-Sept Provinces (maintenant appelée le Royaume de Belgique), qui informaient leurs contemporains sur le Nouveau Monde.

Luc Carbonez
Ambassadeur de Belgique


À l’approche du XVe siècle, les centres de cartographie italiens, situés à Rome et à Venise, ont été éclipsés par les spécialistes venant d’Europe du Nord. Avec la chute de Constantinople en 1453, qui a coupé la route du commerce terrestre vers l’Orient, ainsi qu’avec la découverte du Nouveau Monde, le foyer du commerce mondial s’est progressivement déplacé de la Méditerranée à l’Atlantique. Au cours du XVIe siècle, l’école flamande de cartographie est devenue le centre des études géographiques et de la publication de cartes, en partie parce que les Pays-Bas du Sud occupaient une position dominante dans le commerce mondial, en partie aussi parce que l’art de l’impression et de la gravure avait atteint un haut niveau de développement. Afin d’enrayer la concurrence, la Cour espagnole tenait secrets ses renseignements sur le Nouveau Monde et par conséquent, les cartes ibériques circulaient essentiellement sous forme de manuscrit.

Quand les Pays-Bas du Sud sont entrés dans le siècle sous l’Empereur Charles V (né à Gand en 1500), ils comptaient parmi les régions les plus riches d’Europe et avaient été au cœur de la civilisation occidentale depuis le Moyen Âge. Les traditions de tolérance et d’humanisme s’étaient progressivement implantées. Des villes telles que Bruges, Gand et Ypres, Liège, Tournai, Bruxelles, Anvers et Malines, étaient devenues des centres de l’industrie et du commerce, de l’acquisition du savoir et de la culture. À l’Université de Louvain, Gemma Frisius (1505-1555) a créé un centre de cartographie où Gérard Mercator a étudié.

Vers 1540-1550, Anvers était reconnue comme le port le plus important de l’Europe occidentale et le plus grand centre du commerce mondial. La ville était une plaque tournante pour les marchands de la Hanse, les marchands anglais, espagnols et italiens, ainsi qu’un centre de distribution pour les produits orientaux apportés en Europe par les Portugais. Avec ses 90 000 habitants, la ville regorgeait de botanistes et de cartographes, ainsi que d’artistes, d’ouvriers métallurgistes, d’imprimeurs et de graveurs. Ces derniers étaient passés de l’illustration de gravure sur bois de fil à la gravure en taille-douce. Le même cuivre pouvait être modifié et réutilisé afin de produire de nombreuses éditions de la même carte ou impression, réduisant ainsi le coût des matériaux et de la main-d’œuvre. Étant donné que les nouvelles découvertes et explorations augmentaient la demande du matériel géographique actualisé, les graveurs s’essayaient à la cartographie. Grâce à la présence régulière des Ibères et d’autres navigateurs dans les ports des Pays-Bas, ils avaient un accès direct aux données géographiques actuelles des quatre coins du monde et ils ont rapidement commencé à publier, à la fin du XVIe siècle, les cartes du monde les plus précises et les plus prisées. Des cartographes et chroniqueurs comme Ortelius, Mercator, de Bry et de Jode, dont les œuvres sont incluses dans l’exposition, avaient tous débuté des carrières lucratives en tant qu’orfèvres, graveurs ou vendeurs d’antiquités, avant de passer à la cartographie. Anvers comptait aussi de nombreuses imprimeries et librairies, la plus grande d’entre elles étant la maison de Christoffel Plantin (1520-1589), un immigré français. Sa maison est devenue la plus célèbre au monde ainsi qu’un outil important dans la diffusion des ouvrages, des atlas et des récits de voyage sur le Nouveau Monde, consolidant ainsi la position d’Anvers en tant que foyer de la culture et du savoir. Tout récemment, en 2001, les archives de l’Officina Plantiniana d’Anvers ont été inscrites dans le Registre « Mémoire du Monde » de l’UNESCO.

Quand Charles V a abdiqué, en 1555, les Dix-Sept Provinces sont passées sous la domination espagnole. Pendant l’Inquisition, environ 100 000 bourgeois, calvinistes pour la plupart, mais aussi catholiques, ont choisi de quitter leur terre natale pour la Hollande et la Zélande, où ils étaient libres de pratiquer leur religion. Il s’agit là d’un motif récurrent chez les cartographes et les auteurs présentés dans cette exposition. Beaucoup ont fui le régime oppressif pour s’installer à Leyde ou à Amsterdam, où ils ont contribué à la prospérité et à l’expansion des provinces du Nord, qui s’étaient séparées de l’Espagne vers 1584.

La Bibliothèque nationale du Canada et les Archives nationales du Canada ont rassemblé plusieurs cartes, atlas et autres documents authentiques des XVIe et XVIIe siècles, émanant des érudits de la Belgique d’aujourd’hui. Les travaux de Johannes Ruysch, Gérard Mercator, Jodocus Hondius, Abraham Ortelius, Cornelius de Jode, Gemma Frisius, Cornelius Wytfliet, Théodore de Bry et Johannes de Laet, figurent parmi les plus anciens documents authentiques des fonds de documentation des deux organismes. La Collection des livres rares de la Bibliothèque nationale du Canada a aussi acquis des ouvrages des missionnaires catholiques, des jésuites et des récollets, essentiellement originaires de la province du Hainaut, qui étaient venus en Nouvelle-France à la fin du XVIIe siècle, Louis Hennepin étant le plus célèbre.

L’exposition a récupéré ces trésors de leurs étagères. Certaines des gravures sont d’une qualité exceptionnelle et les cartes et les atlas, dans leur couleur d’origine, sont de véritables œuvres d’art. Les livres relatant les récits des explorateurs sont d’une extrême importance pour l’historien, de même que pour le lecteur curieux, qui distingueront des aspects communs avec le monde d’aujourd’hui.

Cette exposition est conçue pour rappeler aux Canadiennes et aux Canadiens la « filière belge », les premiers échanges entre nos régions et le Canada et les Amériques. Bien que la plupart des cartographes et chroniqueurs du Nouveau Monde n’aient pas véritablement été dans le Nouveau Monde, contrairement aux premiers missionnaires, ils ont fourni dans leurs cartes, leurs atlas et leurs livres de voyage, les voies que les aventuriers et les gens de mer leur succédant devraient emprunter pour se rendre dans le Nouveau Monde. Ils ont diffusé l’information au sujet des peuples nouvellement découverts, de leurs cultures, de la flore et de la faune et, surtout, au sujet des richesses des nouvelles terres. Leurs cartes et leurs écrits ont éveillé la curiosité et l’imagination de leurs lecteurs et ils ont dépeint le Nouveau Monde comme un lieu où les pionniers pouvaient être tentés de prendre un nouveau départ fructueux.

Venez découvrir la Filière belge

La Filière belge, une exposition préparée avec la collaboration de l’ambassade de Belgique, montre quelques-uns des rapports entre la Belgique et le Canada par des documents rares qui ont été tirés de la Collection des livres rares de la Bibliothèque nationale du Canada et de la Collection des cartes et atlas des XVIe et XVIIe siècles des Archives nationales du Canada.

Cette exposition a ouvert ses portes le 1er mai 2002 dans la salle d’exposition D à la Bibliothèque nationale du Canada, au 395, rue Wellington, Ottawa. Elle sera ouverte au public tous les jours de 9 h à 22 h 30, jusqu’au 30 juin 2002 et l’entrée est libre.