Livres de recettes canadiens (1825-1949) : Au cœur du foyerNicole Watier, Services de recherche et d'information Elizabeth Driver, rédactrice et chercheure indépendante, était la conférencière invitée à la session SAVOIR FAIRE de janvier. Elle a parlé de son ouvrage, Culinary Landmarks : A Bibliography of Canadian Cookbooks (1825-1949), sur le point d'être publié par l'University of Toronto Press. Mme Driver détient un baccalauréat avec spécialisation de l'Université Queen's et une maîtrise en histoire de l'art de l'Université de London. Pendant plus de dix ans, elle a œuvré diligemment à l'identification de chaque livre de recettes publié au Canada entre 1825 et 1949. Elle a aussi tenté de découvrir les auteurs se cachant derrière des pseudonymes corporatifs, comme Rita Martin pour Robin Hood Flour Mills et Edith Adams pour le Vancouver Sun. Grâce à ses recherches, elle a découvert que plus de 25 pour cent des 3 000 ouvrages inclus dans sa bibliographie se retrouvent dans les foyers de citoyens ordinaires. C'est l'une des raisons qui l'ont décidée à sous-titrer sa conférence : « Au cœur du foyer ». Localiser ces livres de recettes parfois introuvables fut l'un des défis soulevés par sa recherche. Mme Driver a expliqué que la plupart des plus anciens livres de recettes n'ont pas été publiés par des éditeurs conventionnels, mais par des communautés, des compagnies et des groupes de femmes. Même si elle a pu étudier les notices de quelques livres de recettes grâce aux catalogues en direct, elle s'est aussi rendue dans plusieurs communautés et organismes partout au Canada, visitant les musées d'histoire locaux et y rencontrant les gens qui avaient réagi à la couverture médiatique suscitée par son projet. Ces communications ont amené plusieurs paticuliers à donner leurs livres de recettes anciens à un organisme public.
En 2000, grâce à la publicité recueillie par le projet de Mme Driver, la Bibliothèque nationale du Canada a eu le plaisir d'accepter le don d'une rare édition originale de La Cuisinière canadienne (1840). Le livre a été découvert lorsque la page frontispice a été reproduite dans un article du Montreal Gazette, et que le propriétaire s'est aperçu que le livre faisait partie de sa collection. La Division des services de référence et d'information de la Bibliothèque nationale du Canada a aidé Mme Driver dans sa recherche en s'assurant que l'information bibliographique recueillie dans les catalogues en direct reflétait avec exactitude les documents décrits. Tout récemment, le personnel de la Bibliothèque nationale du Canada a pu l'aider à établir la date probable de publication d'un exemplaire non daté du Western Farmers’ Handbook.
Mme Driver a évoqué quelques-uns des livres de recettes les plus significatifs et les plus intéressants de toute l'histoire canadienne, nous apprenant que l'édition d'une œuvre célèbre en français de Menon datant du XVIIIe siècle et intitulée La Cuisinière bourgeoise (1825), fut le premier livre de recettes publié au Canada. Elle nous a aussi parlé du premier livre de recettes écrit au Canada. Il y en eut en fait deux, écrits pratiquement en même temps en 1840. Le livre de recettes francophone La Cuisinière canadienne utilisait plusieurs ingrédients locaux dans ses recettes; il fut réimprimé neuf fois jusqu'au milieu des années 1920. Le premier livre de recettes anglophone fut The Frugal Housewife’s Manual. Ce livre était divisé en deux sections, l'une pour les recettes, et l'autre pour les légumes, qui incluaient des instructions sur leur culture et leur cuisson. Paru en 1854, The Female Emigrant’s Guide de Catharine Parr Traill était un livre de recettes unique, une véritable bible de la cuisine telle que pratiquée dans les bois. Il présentait ses recettes dans une perspective typiquement canadienne, observant par exemple que « Le Canada est le pays des gâteaux ». Lors de la publication du Home Cook Book en 1877, un nouveau genre de livre de recettes est né : le livre destiné à une collecte de fonds à des fins caritatives ou en faveur de la communauté. Plus de 100 000 exemplaires du Home Cook Book ont été vendus pour soutenir l’Hospital for Sick Children de Toronto, ce qui en a fait le livre de recettes canadien le plus vendu du XIXe siècle. Ce type de livre de recettes n'a généralement eu de succès que dans la communauté anglophone protestante. Mais ce succès en a inspiré d'autres à compiler et publier des ouvrages similaires. La Révérende Mère Caron fut le premier membre d'un ordre religieux à écrire un livre de recettes. Directions diverses données par La Rév. Mère Caron (1878) établit des principes de cuisson dans une perspective religieuse. Elle organisa une école ménagère pour les Sœurs et les enfants, et son ouvrage fut utilisé dans les institutions catholiques du Québec. Mère Caron pensa que cette citation, d'un cuisinier qu'elle considérait comme un modèle parfait et vertueux, devrait être incluse dans son livre : « Le feu de la cuisine, que j’ai toujours sous les yeux…me fait penser aux flammes de l’enfer, que j’ai si souvent méritées ». On se demande ce qu'aurait pensé Mère Caron des plus récentes générations d'enfants, dont la première expérience de cuisson a eu lieu sur un four Easy Bake. Le livre de recettes publicitaire est encore une autre variété de livre de recettes devenu populaire à la fin des années 1880. Ces brochures publicitaires contenaient quelques recettes et faisaient la promotion d'ingrédients ou d'appareils de cuisine. Par exemple, une collection de recettes a été publiée sous le titre Cottolene, the New Shortening. Le produit est décrit comme « un produit jaune pâle, ayant la consistance, la texture et la substance du lard… une simple préparation d'huile de graines de coton et de gras de bœuf [qui] répond au désir du public pour un substitut pur, sain et digestible au gras de porc. » Dans la première moitié du XXe siècle, le livre de recettes qu'on retrouvait dans la plupart des maisons était le Five Roses Cook Book et sa traduction La Cuisinière Five Roses. Les entreprises rivales de farine ont utilisé les livres de recettes comme instruments publicitaires pour mieux se faire connaître de leurs clients éventuels. Une tendance majeure est née dans les années 1930 et 1940 : les auteurs de livres de recettes sont devenus des célébrités. Les cuisiniers professionnels étaient alors peu connus, mais grâce à la radio, aux magazines et à d'autres formes de publicité, le public s'est intéressé à eux de plus en plus. Kate Aitken est toujours la vedette la plus célèbre de cette époque. Culinary Landmarks : A Bibliography of Canadian Cookbooks (1825-1949) n'est pas simplement une liste de livres de recettes canadiens. Elizabeth Driver espère que la publication de l'ouvrage sensibilisera davantage le public à l'histoire culinaire du Canada et aidera à conserver cette partie unique du patrimoine de l'édition canadienne. SAVOIR FAIRE est une série de séminaires mensuels présentés par des chercheurs et des membres du personnel de la Bibliothèque nationale du Canada. La série est centrée sur les activités de recherche de la Bibliothèque nationale du Canada et favorise les échanges d'information parmi les chercheurs et le personnel. Pour plus de renseignements sur la présentation SAVOIR FAIRE du mois prochain à la Bibliothèque nationale du Canada, visitez le site Web de la Bibliothèque nationale du Canada à www.nlc-bnc.ca et cliquez sur « Activités culturelles ».
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