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Mai / Juin
2002
Vol. 34, no 3

Le Fonds Gabrielle-Roy à la Bibliothèque nationale du Canada

Denis Robitaille, Services de référence et d’information

La Bibliothèque nationale du Canada a le précieux dépôt du cœur de Gabrielle Roy. Avouez que vous l’ignoriez…

Oh ! pas celui qui palpite et qui aime. « L’autre » cœur, celui de l’intimité de l’auteure, celui de l’œuvre en gestation, du chef-d’œuvre en devenir : son fonds de manuscrits littéraires conservés à la Bibliothèque nationale du Canada.

Le 12 février dernier, c’était fête, chez-nous : Gabrielle Roy y recevait. Quelques-uns de ses manuscrits l’avaient déjà précédée dans la vaste salle où se pressaient, anxieux, de nombreux admirateurs. Un rendez-vous, un « SAVOIR FAIRE » tout en demi-teintes.

Par la voix de Christine Robinson, Gabrielle allait leur ouvrir son cœur, partager ses hésitations et ses incertitudes. Le temps de quelques trop courtes minutes, l’auteure-fétiche allait entrouvrir son jardin secret, proposer une incursion dans l’antichambre de son atelier d’écriture.

Madame Robinson est familière de la salle de lecture des Collections spéciales de la Bibliothèque nationale du Canada. Bien connue de son personnel, elle y consulte régulièrement le Fonds Gabrielle-Roy. Spécialiste en littérature québécoise, boursière du Fonds pour la formation de chercheurs et l’aide à la recherche (Fonds FCAR), Christine Robinson poursuit présentement des recherches post-doctorales au Département de français de l’Université Carleton et ce, concurremment à sa charge d’enseignement au Département des lettres françaises de l’Université d’Ottawa.

Les manuscrits de Gabrielle Roy constituent en soi un formidable et dynamique atelier d’écriture. Et c’est en étudiant ceux de la nouvelle intitulée« La Route d’Altamont » que Christine Robinson a guidé son auditoire de par les étapes séquentielles de l’acte créateur où, de la première ébauche au texte édité, le récit se transforme, s’allonge et, notamment, explore davantage la relation mère-fille.

Les inédits de Gabrielle Roy

D’entrée de jeu, la conférencière a présenté les « deux » Gabrielle Roy. D’abord, la célèbre, celle de l’oeuvre publiée qui a fait l’objet de multiples études tant au Canada qu’à l’étranger. Puis « l’autre », la méconnue, celle des textes inédits dont certains échappent encore à la critique. Fort heureusement, des manuscrits de nombreuses œuvres publiées de Gabrielle Roy sont encore accessibles. Nous leur devons de pouvoir assister à la mise en forme de l’œuvre et à son élaboration au fil des versions successives qui exigent un intense effort de réécriture.

Gabrielle Roy n’a pas tenu de journal intime. Les inédits (correspondance, textes autobiographiques), abordent toutefois certains thèmes plus librement que dans l’œuvre publiée. On comprend donc le soin qu’a apporté Gabrielle Roy à sa succession littéraire, veillant à ce que ses manuscrits soient transférés à la Bibliothèque nationale du Canada à son décès. Incontournables, les manuscrits servent à la « critique génétique » du texte et seuls la rendent possible.

Des chercheurs, dont madame Robinson, sont fort conscients du potentiel des textes inédits et s’attachent à les scruter et les mieux faire connaître.

Les habitudes d’écriture de Gabrielle Roy

Dans un deuxième temps, la conférencière a traité des habitudes matérielles d’écriture de Gabrielle Roy. Conséquente avec sa pratique journalistique, la romancière privilégie l’utilisation de la machine à écrire durant les années 40 et 50. Vers 1960, elle écrit tout bonnement dans des cahiers d’écolier, peaufinant certains passages jusqu’à trois fois. Boileau avait bien cerné la grandeur et les misères de l’écriture…

Rarement datés, les manuscrits de Gabrielle Roy défient le chercheur…

Le dossier génétique de « La Route d’Altamont »

Antérieurement à sa présentation des manuscrits de « La Route d’Altamont », madame Robinson a pertinemment situé la nouvelle dans l’œuvre et la vie de son auteure. Faisant partie du « cycle » de Rue Deschambault, « La Route d’Altamont » s’inspire de la vie de Gabrielle Roy et de sa famille. Trait marquant de l’œuvre royenne, la mère y joue un rôle de premier plan, la romancière écrivant notamment pour elle.

Après avoir fait un survol du fond et de la forme de l’œuvre éditée en 1966, Christine Robinson a brièvement décrit les manuscrits de « La Route d’Altamont » disponibles à la Bibliothèque nationale du Canada, y compris une version en possession de François Ricard. Tous les manuscrits n’ayant pas été conservés par l’auteure, le « dossier génétique » de l’œuvre est forcément incomplet.

Étude faite des manuscrits qui ont survécu, madame Robinson a pu établir l’existence de quatre versions manuscrites de « La Route d’Altamont ».

Sa description de la deuxième version relève à l’évidence combien la romancière a remanié, allongé et transformé son texte qui se rapproche de la version éditée. Certains éléments de la relation mère-fille connaîtront toutefois un traitement différent dans l’oeuvre publiée.

La troisième, incomplète, comporte des accents de la précédente.

Quant à la quatrième version, composée de cahiers manuscrits, elle s’apparente le plus au texte édité en 1966.

Afin de bien faire saisir l’évolution de l’œuvre, Christine Robinson a judicieusement projeté, en fin de présentation, un extrait du texte édité, confronté aux variantes des première et deuxième versions.

Les questions qui s’en suivirent disaient éloquemment toute la tendresse des nombreux fidèles de Gabrielle Roy. Jalouse de la vie de recluse qu’elle mena, entre Québec et Charlevoix, durant une trentaine d’années, la romancière se livre certes dans son œuvre publiée mais avec plus d’audace encore dans ses inédits.

Écoutez : N’entendez-vous pas battre son cœur de porcelaine ?