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Septembre / Octobre
2002
Vol. 34, no 5

Portrait d'un don de commanditaire

Michel Brisebois, Services de recherche et d’information

Voici quelques mois, une affiche fascinante se trouvait dans mon bureau, sur une pile de dossiers. Je venais tout juste de l'acheter et j’attendais qu’elle soit cataloguée. Conçue pour les émigrants, elle contenait des renseignements très utiles destinés aux gens qui voulaient voyager de Toronto à Fort William (maintenant Thunder Bay) et ensuite à Fort Garry, qui deviendrait Winnipeg quelques années plus tard. C'est un document datant des tout débuts de l'émigration au Manitoba : en 1872, la population de Winnipeg se chiffrait à seulement quelque 1 500 habitants.

D'où venaient ces immigrants et où allaient-ils exactement, l'affiche ne le dit pas. Ce que nous savons, c'est qu'ils venaient de l'« Est » et se dirigeaient vers l'« Ouest ». La majorité se retrouva sans doute sur des concessions de terres aux alentours de Winnipeg. L'affiche nous montre aussi le trajet qu'ils empruntèrent avant que le chemin de fer ne rendît le « voyage vers l'Ouest » beaucoup plus facile. Le réseau du Northern Railway mentionné se limitait alors à l'Ontario  -  ce n'est qu'en 1881 que le chemin de fer atteignit Winnipeg.

Cette affiche rare, probablement unique, est une contribution à notre importante collection de littérature sur l'émigration, un sujet que la Bibliothèque nationale s’évertue à rassembler avec acharnement, comme on dit dans le métier.

Tout en songeant à cette affiche, je reçus un appel téléphonique de Bjarne Tokerud, de Victoria (C.-B.). Il me dit que depuis la mort de son père, quelques mois auparavant, il avait cherché le moyen de commémorer le fait que ses parents avaient été des immigrants prospères au Canada. Il avait décidé de donner de l'argent à la Collection des livres rares de la Bibliothèque nationale du Canada. À la mémoire de ses parents, l'argent devrait être utilisé pour l'acquisition d'un document spécial relié à l'immigration.

Comme Bjarne le dit : « Même si mon père est né en Norvège et ma mère et moi, en Suède, nous avions tous adopté le Canada comme foyer et patrie. Je me rappelle que mon père et ma mère avaient répondu à une annonce attrayante intitulée "Visitez le Canada", que le gouvernement canadien a fait paraître dans un journal suédois en 1951. Cette annonce, associée au besoin et au désir d'entreprendre une vie nouvelle et meilleure, amena éventuellement notre famille entière à opter pour la citoyenneté canadienne. »

L'affiche de Fort Garry était exactement ce que Bjarne avait en tête, et le fait qu'elle se trouvait dans mon bureau quand il m'appela était une étonnante coïncidence. Après en avoir reçu une photocopie de ma part, il confirma son enthousiasme et m'envoya un chèque équivalent au prix que nous avions payé.

Dans la note jointe, il avait écrit : « Si le passage de l'Atlantique par mes parents et la création d'un nouveau foyer dans un pays étranger ne furent certainement pas les défis auxquels les immigrants firent face en voyageant par chemin de fer, bateau à vapeur et convoi jusqu'à Fort Garry, sur la Rivière Rouge, en 1872, il fut quand même parsemé d'embûches. Après son arrivée à Toronto, en 1951, mon père était gêné d'avoir à se présenter au bureau local de l'immigration au bout d'une semaine infructueuse de recherche d'emploi, parce qu'il en était rendu à son dernier dollar. Malgré sa formation d'ingénieur en aéronautique et son expérience de copilote, sa demande d'emploi à De Havilland fut refusée parce qu'il était un étranger et ne pouvait obtenir d'autorisation. Ma mère dut maîtriser une nouvelle langue, s'adapter à une nouvelle culture et se faire de nouvelles amies. »

Bien sûr, les dons de livres à la Bibliothèque nationale ont été la norme jusqu'à aujourd'hui, mais au fur et à mesure que nous enrichissons la collection, il devient de plus en plus difficile pour les donateurs de trouver dans leurs propres collections des documents que la Bibliothèque nationale ne possède pas déjà.

Les dons en argent sont toujours les bienvenus, mais la plupart des donateurs aiment naturellement savoir à quoi servira leur argent. C'est là que la commandite privée d'un document en particulier devient souvent le choix le plus sage. Cela permet au donateur de rembourser la Bibliothèque nationale pour un document dont elle a grand besoin dans un domaine ou un sujet particulièrement estimable pour le donateur. Quand un document est mis sur le marché, surtout un document rare, le conservateur n'a que quelques jours, parfois même quelques heures, pour compléter l'achat avant qu'il ne soit offert à quelqu'un d'autre. Si le document s'avère intéressant pour le commanditaire éventuel et que le conservateur connaît cet intérêt à l'avance, l'achat peut être fait directement par le donateur ou l'argent peut être remboursé après l'achat à la Bibliothèque nationale. La commandite privée de documents tel celui que Bjarne Tokerud a offert si chaleureusement à la mémoire de ses parents devient une manière efficace de contribuer aux collections de la Bibliothèque nationale tout en satisfaisant les goûts particuliers du donateur. Pour Bjarne Tokerud, « le fait de savoir que la Collection des livres rares de la Bibliothèque nationale ait été capable d'acheter l'affiche à la mémoire de mes parents me permet de méditer avec bonheur sur leur vie ».

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L'affiche sur les Territoires du Nord-Ouest est déjà sur le point d'être rendue accessible aux Canadiennes et aux Canadiens d'ici et d'ailleurs. Elle sera incluse dans le futur site Web de la Bibliothèque nationale pour la jeunesse portant sur les trains canadiens. La richesse de l'information contenue dans cette affiche constitue la base d'une série d'activités éducatives conçues pour l'enseignement scolaire. Reliées à ce nouveau site, ces activités permettront aux élèves d'examiner des sources originales qui les aideront à mieux prendre conscience des défis et épreuves affrontés par les pionniers.

Pour plus de renseignements sur la Collection des livres rares de la Bibliothèque, veuillez communiquer avec :

Michel Brisebois
Conservateur des livres rares
Bibliothèque nationale du Canada
395, rue Wellington, pièce 468
Ottawa ON K1A 0N4
Téléphone : (613) 947-0828
Télécopieur : (613) 995-1969
Courriel : michel.brisebois@nlc-bnc.ca