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Novembre/Décembre
2002
Vol. 34, no 6

La sixième conférence mondiale des peuples indigènes sur l’éducation : un examen précis

Deborah Lee, Services de recherche et d’information

La Conférence mondiale des peuples indigènes sur l’éducation (CMPAE) est un événement triennal qui a vu le jour en 1985 à Vancouver, en Colombie-Britannique. Depuis lors, elle a été accueillie en Nouvelle-Zélande, en Australie, au Nouveau-Mexique et à Hawaï. Cette année, elle était de retour au Canada, sur la Réserve Morley, à l’ouest de Calgary. La conférence a eu lieu du 4 au 10 août 2002 et elle était organisée par le «First Nations Adult and Higher Education Consortium» de Calgary.

Depuis plusieurs années, la conférence connaît un succès international, démontrant que l’éducation autochtone est vivante et en bonne santé. Ces types de rassemblements réjouissent les éducateurs indigènes, qui forment un groupe dynamique, parce qu’ils leur offrent l’occasion de se sentir unis à une famille mondiale. La nature unique de cette sagesse partagée et ce sentiment d’unité se sont combinés pour faire de la conférence un événement extraordinaire. Pour présenter un aperçu plus précis du succès de la conférence, j’ai inclus les grands principes philosophiques de la conférence.

La philosophie de la conférence

« Célébrer le succès de l’amélioration et de la perpétuation de nos langues et cultures indigènes.

Célébrer et reconnaître les us et coutumes indigènes par l’application de la sagesse ancestrale.

Identifier des moyens efficaces d’améliorer l’équilibre et l’harmonie spirituels, mentaux, physiques et émotifs de nos communautés.

Mettre l’accent sur l’importance de notre bien-être spirituel et de nos relations spirituelles avec toutes les créations du Grand Esprit1. »

Cette philosophie et d’autres renseignements sur la conférence sont disponibles à www.fnahec.org/wipce2002.

Pour remplir le mandat de la conférence, qui est de faire expérimenter aux participants des enseignements « sur place », les organisateurs de la conférence de cette année ont tenu les présentations dans des tipis. Le spectacle de plus de 60 tipis sur la toile de fond des Montagnes Rocheuses était impressionnant et insufflait le sentiment de faire corps avec l’environnement. Je sentais que cet environnement rudimentaire ajouterait à l’authenticité des valeurs traditionnelles à la racine des enseignements.

Je n’ai pas été déçue. Le calibre des enseignements était excellent. Les plus marquants selon moi furent les présentations de l’éducatrice mi’kmaq Marie Battiste et de l’éducateur maori, monsieur Graham H. (Hingangaroa) Smith.

Marie Battiste

Mme Battiste compte 15 ans d’expérience avec les communautés d’Eskasoni et de la Réserve de Chapel Island (toutes deux en Nouvelle-Écosse), servant dans cette dernière à titre de directrice responsable de l’éducation de Mi’kmawey School. Elle enseigne actuellement au Collège d’éducation en plus d’être coordonnatrice du Indian and Northern Education Program du Department of Educational Foundations de l’Université de la Saskatchewan à Saskatoon. Mme Battiste est l’auteure de plusieurs livres sur le savoir autochtone et l’éducation des Premières Nations. Tout au long de sa présentation, « Décolonisation des méthodologies et de la recherche : engagement de la communauté autochtone », elle a fait des commentaires intéressants, dont plusieurs sur l’histoire du système d’écriture hiéroglyphique des Mi’kmaq, enregistré à l’origine sur des feuilles de bouleau et dans des cavernes.

Mme Battiste a également discuté de son implication dans la surveillance de la déontologie (Ethics Watch) mi’kmaq, un projet par lequel les communautés mi’kmaq prennent le contrôle du processus de recherche pour protéger la connaissance, le peuple et le patrimoine mi’kmaq. Le projet fut instauré à la suite de l’inquiétude causée par l’appropriation de la connaissance collective par des « étrangers » qui profitent commercialement de cette connaissance sans qu’aucun avantage, c’est-à-dire de redevances, revienne à la communauté.

M. Graham H. (Hingangaroa) Smith

M. Smith a travaillé pendant plusieurs années pour la Research Unit for Maori Education de l’université d’Auckland; il est maintenant professeur d’éducation et pro vice-chancelier de cette même université à Aotearoa (Nouvelle-Zélande). Son engagement envers la réforme éducative Maori remonte au milieu des années quatre-vingts. Dans sa présentation, « Transforming Education: Indigenous Reclaiming of Tertiary Education in Aotearoa/New Zealand [Transformer l’éducation : les Indigènes récupèrent l’éducation tertiaire à Aotearoa, Nouvelle-Zélande] », M. Smith a discuté d’éléments importants de la philosophie en transformation des initiatives d’éducation alternative d’Aotearoa. Ces éléments importants ont été établis par les parents d’enfants participant à des programmes d’éducation tertiaire et ont été énoncés comme suit :

  • autodétermination (que les parents aient plus à dire sur ce qui arrive à leurs enfants à l’école)
  • valeurs culturelles ancestrales
  • la meilleure manière, du point de vue culturel, de faire les choses
  • une médiation de facteurs socio-économiques (fournir un environnement dans lequel un manque de ressources ne gêne pas les études)
  • une unité sociale de famille élargie offrant des mécanismes de soutien culturel encourageants
  • une vision collective

Il a aussi discuté de plusieurs autres idées intéressantes, dont les défis posés par l’élaboration d’initiatives d’éducation alternatives et la prise de conscience voulant que de meilleurs résultats soient obtenus quand la lutte qu’on mène comporte un sens d’inclusion.

Contacts établis

D’un point de vue personnel, ce fut une belle surprise de rencontrer un collègue bibliothécaire à la conférence : un Hawaïen de naissance, bibliothécaire de la Hawaiian Pacific Collection des Kamehameha Schools d’Honolulu, Hawaï. Nous avons abordé plusieurs sujets d’intérêt mutuel, dont les droits de propriété intellectuelle des peuples indigènes.

Accès du peuple autochtone aux ressources de la Bibliothèque nationale du Canada

Ma présentation à la Conférence mondiale des peuples indigènes sur l’éducation 2002, qui portait sur l’accès du peuple autochtone aux ressources de la Bibliothèque nationale du Canada, devait au départ ressembler à une session de formation AMICUS, avec ordinateur personnel et accès Internet. Toutefois, moins d’un mois avant la conférence, j’ai appris que les présentateurs prendraient la parole dans des tipis, sans électricité ni accès Internet.

Ma présentation fut donc remaniée. J’ai distribué plusieurs documents, y compris une liste des sites Web de la Bibliothèque nationale du Canada (BNC) intéressants pour des publics autochtones, une liste des services offerts à la Bibliothèque nationale, ainsi qu’un instrument de recherche de ressources généalogiques et autres sources imprimées. Nous avons formé un cercle de discussion, partageant l’information sur l’utilisation que nous faisons des bibliothèques et ce que nous pensons de l’utilité des bibliothèques pour les peuples autochtones. Par exemple, nous avons parlé du nombre accru d’étudiants autochtones au postsecondaire, du nombre croissant de publications et produits (vidéo, audio et multimédia) créés par le peuple et les organisations autochtones et le besoin accru de préserver nos histoires orales et nos langues. J’ai aussi discuté de questions de référence souvent posées à la BNC sur des sujets intéressant le peuple autochtone (concernant entre autres les documents gouvernementaux et les études autochtones, comme les langues, les cultures et les histoires tribales, ainsi que les procédures d’obtention d’un statut de traité).

Des étudiants, des éducateurs, le bibliothécaire hawaïen mentionné ci-dessus, des administrateurs (des directeurs de l’enseignement venant de réserves particulières) et des particuliers œuvrant dans des organisations politiques ont assisté à ma présentation. Même si les participants n’étaient pas aussi nombreux que je l’avais espéré, les deux sessions furent intéressantes de diverses façons. L’information et les connaissances échangées en valaient la peine. J’ai apprécié l’honnêteté et la participation de ceux et celles qui ont exprimé leurs idées sur la façon dont les services de bibliothèque pourraient être améliorés pour le peuple autochtone. Une de ces idées concernait notre site Web : soit d’y inclure des liens aux autres sites Web du ministère du Patrimoine canadien, tels que le Musée canadien des civilisations et le Musée des beaux-arts du Canada. J’ai aussi rencontré un professeur d’école secondaire de l’intérieur de la Colombie-Britannique, qui ignorait l’existence de la Bibliothèque nationale du Canada avant d’assister à la conférence.

Pour terminer, j’aimerais ajouter quelques commentaires sur les défis à relever dans l’organisation d’une conférence de cette ampleur. Entre 50 et 70 sessions se déroulaient simultanément trois fois par jour pendant cinq jours. Ce fut tout un défi de décider à quel exposé assister; ce fut difficile de garder en mémoire l’emplacement de chaque présentation et de savoir s’il y avait des annulations. Toutefois, la qualité des présentations lors de cette occasion unique d’échange d’idées sur divers aspects de l’éducation autochtone en valait vraiment la peine. Je suis certaine que je ne suis pas la seule à attendre avec impatience la prochaine Conférence mondiale des peuples autochtones sur l’éducation qui se tiendra en Nouvelle-Zélande en 2005.

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1 Du site Web WIPCE 2002 (www.fnahec.org/wipce2002/)