Mai/Juin 2003
Vol. 35, no 3
ISSN 1492-4684
D'une maison sans livre… à l'administration générale de la Bibliothèque nationale
Traduction du numéro du 1er mars 2003 du Sentinel-Tribune, Bowling Green (Ohio)
Jordan Fouts, rédactrice au Sentinel
À son abondante liste d'érudition, de leadership et de service, l'auteur canadien Roch Carrier a ajouté son premier diplôme honorifique d'une institution américaine.
À 65 ans, l'administrateur général de la Bibliothèque nationale du Canada a reçu un diplôme de Docteur en lettres du Bowling Green State University, mardi, grâce à la Pallister French-Canadian Lecture Series. Il s’agit d’une série de conférences rendant hommage au travail et aux intérêts de Janis Pallister, professeur émérite active dans les arts et la culture à caractère francophone.
Elle a souligné les connaissances et l'humour dans les écrits de M. Carrier, explorant la vie et la dynamique des cultures voisines, souvent du point de vue d’un enfant. Il est l’auteur de dizaines de romans, de nouvelles et de pièces de théâtre, en plus d’être membre de nombreuses organisations et d’agir à titre de représentant du gouvernement à la promotion des arts et de l'éducation.
Il a dirigé le Conseil des Arts du Canada de 1994 à 1997 et il est devenu le quatrième administrateur général de la Bibliothèque nationale en 1999. Parmi d'autres honneurs, il est Membre de la Société royale du Canada et Officier de l'Ordre du Canada.
« Il a été choisi à cause des réalisations extraordinaires au cours de sa vie », a dit Mark Kasoff, directeur du Centre universitaire des études canadiennes. « L'université accorde un diplôme honorifique aux gens qui ont mené une vie exceptionnelle, (et) je pense qu'il mérite cela du Bowling Green State University. »
M. Carrier s’est dit ravi et surpris par la distinction, et il a fait l'éloge du département dont le travail tisse un lien entre deux pays voisins.
« Le programme d’études canadiennes est un programme bien établi, et en tant que Canadien, cela me réconforte personnellement », a-t-il dit. « Ce programme favorise une meilleure compréhension du Canada et une compréhension entre les deux pays. »
Comme le diplôme a reconnu son inspiration à l’égard des plus jeunes auteurs canadiens tout en développant une tradition typiquement canadienne-française, il a raconté sa propre enfance et ses débuts en tant qu’auteur.
Né à Sainte-Justine, Québec – un village si rustique qu'il a considéré recevoir une charrue comme entrée dans le monde de la technologie – il a grandi en écoutant des histoires de sa grand-mère. Il se souvient encore des détails de ses histoires de fantôme, de ses fables et des contes tristes de l'histoire nationale.
« C'était une lourde tradition orale, nous n'avions pas de livres », a-t-il précisé. « Alors que maintenant, à titre d’administrateur général de la Bibliothèque nationale, je visite des écoles et je dis aux élèves : sans livres au départ, je suis devenu responsable de tous les livres du pays. Tout est possible. »
Également, son père faisait la nouvelle du village, s'arrêtant souvent brusquement quant le détail croustillant devenait le plus juteux. « Il était le Larry King du village… En tant qu'écrivain, j'ai appris quelque chose de lui : personne ne m'a enseigné une si bonne recette quant à savoir où arrêter un chapitre. »
À neuf ans, alors que M. Carrier a vu pour la première fois des livres ramenés de voyages par son père, il a considéré l'événement comme une seconde naissance. Son monde s'est agrandi avec les classiques grecs et latins, six ans plus tard, quand il a commencé à apprendre l'anglais au pensionnat.
« Ils l'ont enseigné comme une langue morte, pour que nous ne le parlions pas (et) nous avons fini par parler l'anglais comme si nous avions été des bébés protestants », a-t-il dit. « Mais c'est le problème du domaine de l'enseignement. Vous croyez enseigner quelque chose, mais les étudiants apprennent autre chose. »
Il a dit que le fait de traduire des auteurs comme Homère et Chaucer lui a permis d’acquérir une qualité fondamentale dans l’écriture : « J’ai découvert la musique des mots. En tant qu'écrivain, il est extrêmement important de trouver les mots qui évoquent la musique. »
Encore, il s’est senti diminué de ne connaître que des écrivains qui, selon ses dires, portaient la barbe ou étaient morts. Donc, tout en servant des repas aux camionneurs, il se faisait des économies pour acheter des livres de J.D. Salinger et d’Ernest Hemingway, appréciant des histoires avec lesquelles il pourrait établir un rapport. Il s’est aussi mis à écrire, produisant environ une histoire par jour.
Il a cru que sa chance viendrait quand il a rencontré l'auteur dramatique Eugène Ionesco à Paris, mais l'auteur de l'absurde lui a seulement dit que la littérature était morte. Il s’est permis de ne pas être de cet avis.
« Je ne suis pas sûr que la littérature soit morte. Je pense que la littérature est plus vivante qu'en n'importe quelle autre période de l'histoire », a-t-il affirmé.
Plusieurs livres plus tard, M. Carrier constitue une légende vivante parmi les siens, a fait observé Dennis Moore, officier des affaires publiques au Consulat général du Canada à Detroit.
Il a mentionné que les écrivains canadiens sont souvent méconnus, malgré leur qualité. Il a rappelé l'attrait important suscité par les histoires racontées dans Le chandail de hockey et La Guerre, yes sir !, abordant des questions de différences culturelles et de détresse du public en temps de guerre.
« Ce fut un voyage agréable. Un jour, j’ai mis quelques petits mots sur un morceau de papier et chacun a commencé à y porter attention et à me dire de belles choses », a dit l'auteur. « Je ne regrette par d'avoir choisi la littérature. Ce fut une vie formidable. »
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