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Enquête nationale sur le conflit entre le travail et la vie personnelle (2001) : Rapport 1

Chris Higgins, professeur, Richard Ivey School of Business, University of Western Ontario
Linda Duxbury, professeur, School of Business, Carleton University

Rapport final
mars 2002


Enquête nationale sur le conflit entre le travail et la vie personnelle (2001) : Rapport 1 Novelle fenêtre
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Avant-propos

Les enjeux associés à  l'équilibre entre travail 1 et vie personnelle revêtent une importance considérable pour les personnes, les organisations qui les emploient, leurs proches, les syndicats qui les représentent et les gouvernements touchés par la concurrence mondiale, le bien-être de la population et la santé nationale. Même si on a écrit beaucoup sur le sujet, seules une poignée d'études qui ont eu une incidence considérable lui ont été consacrées au Canada 2. Malgré l'intérêt soutenu de la presse populaire pour la question (reflet de celui des lecteurs), il existe, à  ce jour, peu de données empiriques fiables pour documenter le débat. Cela est déplorable, puisque les travaux de recherche crédibles peuvent influencer la vision des gouvernements et des employeurs en ce domaine et la manière dont ils formulent les politiques de ressources humaines et de travail, ainsi que les politiques sociales.

Il y a une décennie, en collaboration avec nos collègues, Catherine Lee de l'Université d'Ottawa et Shirley Mills de l'Université Carleton, nous avons réalisé une étude nationale sur le conflit travail-famille au Canada, qui avait pour but d'explorer comment l'évolution des relations entre la famille et le travail influe sur les organisations, les familles et les employeurs3 . Au total, 14 549 employés provenant de 37 moyennes et grandes entreprises privées, ainsi que 5 921 employés relevant de 7 ministères fédéraux avaient participé à  cette recherche.

Il s'est produit beaucoup de choses au cours des dix dernières années, depuis que nous avons réalisé notre première étude sur l'équilibre entre travail et vie personnelle. Des travaux de recherche universitaire en ont découlé. Notre compréhension personnelle des interactions entre le travail et la vie personnelle s'est approfondie, et nous avons entrepris de la recherche avec un certain nombre d'organisations tant publiques que privées. (Une liste de publications résultant de cette recherche est présentée à  l'annexe A.)

Sur la scène nationale, les années 1990 ont été mouvementées pour les travailleurs canadiens, qui ont vu se succéder dans les entreprises du pays des changements commandés par la réduction et le rajustement des effectifs, la restructuration et la mondialisation. La récession du début de cette décennie a été suivie d'une reprise économique dite «sans emplois» vers 1995, et la sécurité d'emploi est devenue la principale préoccupation de nombreux travailleurs canadiens et de leur famille. Les organisations, qui pouvaient compter sur une surabondance de personnel compétent, se souciaient souvent très peu d'adopter des pratiques exemplaires en matière de gestion des ressources humaines. Paradoxalement, au début du nouveau millénaire, on a constaté un revirement à  cet égard chez les employeurs qui, se voyant aux prises avec un manque de main-d'oeuvre imminent, sont devenus de plus en plus préoccupés par le recrutement et la rétention des «travailleurs du savoir»4 . Ces mêmes employeurs ont reconnu que le «capital humain» était une composante clé de l'accroissement de la productivité de la main-d'oeuvre en 2001 et l'avenir.

Tout au long des années 1990, le changement technologique et la nécessité de maintenir la concurrence sur le plan mondial ont accru les pressions exercées tant sur les organisations que sur le personnel. Le temps d'emploi a augmenté pour plusieurs, tout comme le recours à  des formes d'emploi non traditionnelles. Les exigences associées aux autres sphères de la vie ont aussi connu une hausse durant la décennie, car les structures familiales ont continué d'évoluer, et le pourcentage de travailleurs canadiens ayant à  charge des enfants ou des aînés, ou les deux (la génération tartine) a continué de croître.

Réunis, ces changements nous portent à  croire que le moment est venu d'examiner de façon empirique la question du conflit entre le travail et la vie personnelle. La recherche dont il est fait état dans ce rapport, de même que les autres de la série, vise à  fournir aux dirigeants du monde des affaires et des syndicats, aux décideurs politiques et aux universitaires une image globale objective de ce qui s'est produit au Canada au cours de la dernière décennie ainsi que de la situation actuelle. Elle permettra ainsi aux parties intéressées de distinguer la rhétorique de la réalité en ce qui a trait au conflit entre le travail et la vie personnelle.

L'étude que nous avons réalisée visait neuf objectifs :

1. Quantifier les questions associées à  l'équilibre entre le travail et la vie personnelle en 2001 et comparer la situation actuelle à  celle d'il y a dix ans.

2. Quantifier les avantages (pour les employés, les employeurs, les familles et la société canadienne) de l'équilibre entre le travail et la vie personnelle.

3. Quantifier les coûts (pour les employés, les employeurs, les familles et la société canadienne) du déséquilibre entre le travail et la vie personnelle.

4. Quantifier, pour le système de santé canadien, les coûts du déséquilibre important entre le travail et la vie personnelle.

5. Aider les employés à  réaliser une analyse de rentabilisation du changement en ce domaine au sein de leur organisation.

6. Déterminer les pratiques exemplaires liées aux questions de travail et de vie personnelle.

7. Aider les organisations à  cerner ce dont elles ont besoin pour réduire le déséquilibre entre le travail et la vie personnelle chez leur personnel.

8. Aider les employés et leur famille à  voir ce qu'ils peuvent faire pour réduire le déséquilibre entre le travail et leur vie personnelle.

9. Ètudier de façon empirique comment la population, les entreprises privées et les organismes sans but lucratif se distinguent en ce qui a trait aux enjeux liés au travail et au mode de vie mentionnés précédemment.

Autrement dit, notre étude examine les questions associées au conflit entre le travail et la vie personnelle, identifie les personnes à  risque et explique pourquoi les parties prenantes (les gouvernements et les employeurs) devraient s'en préoccuper et fournir des pistes de solution. Cette étude devrait :

  • permettre de mieux comprendre dans quelle mesure le conflit entre travail et vie personnelle affecte les employés et les employeurs du Canada;
  • aider les organisations à  constater pourquoi elles ont besoin de changer la façon dont elles gèrent leur personnel en liant le conflit entre travail et vie personnelle aux résultats obtenus par l'organisation;
  • accroître les connaissances en ce domaine;
  • proposer des stratégies appropriées aux différentes organisations pour aider leurs employés à  concilier leurs multiples rà´les et responsabilités.

Cadre théorique

Il existe une vaste documentation sur la question du conflit entre le travail et la vie personnelle. La complète recension de celles-ci dépasse la portée de cette série de rapports et ne cadre pas avec notre principal objectif, qui consiste plutà´t à  présenter de l'information pertinente et facile à  comprendre sur le conflit entre le travail et la vie personnelle aux principaux intéressés (gouvernements, décideurs politiques, employés, employeurs et syndicats). Cela dit, les lecteurs intéressés aux fondements théoriques de cette recherche pourront consulter la figure 1. Le cadre théorique présenté englobe les deux concepts essentiels abordés dans la littérature ainsi que les principales découvertes que nous avons faites en dix ans de recherche en ce domaine. Cette étude a pour prémisse que la capacité des personnes à  équilibrer le travail et la vie personnelle est fonction des exigences au travail et hors du travail (soit le temps et les responsabilités liés à  des rà´les professionnels et personnels), de même qu'un certain nombre de grandes caractéristiques démographiques (le sexe, le type d'emploi, le statut économique, le lieu de résidence et le secteur). En outre, nous posons comme hypothèse que la capacité d'un employé à  concilier le travail et la vie personnelle sera associée à  des résultats en ce qui a trait aux aspects suivants :

  • organisationnels (engagement, intention de roulement, absentéisme, satisfaction liée à  l'emploi, classement de l'organisation);
  • familiaux (satisfaction, adaptation et intégration de la famille, rà´le parental);
  • individuels (stress, humeur dépressive, santé physique perçue, épuisement, satisfaction de vivre, pression sur le fournisseur de soins);
  • sociétaux (utilisation du système de santé).
Finalement, il est postulé que ces relations seront modérées par des variables liées à  la fois aux organisations o๠travaillent les employés (organisation du travail, souplesse perçue, milieu de travail, appui de la gestion, soutien et services offerts par l'organisation, capacité de refuser de faire des heures supplémentaires), et aux stratégies personnelles auxquelles recourent les employés et leur famille pour composer avec la situation (heures de travail différentes de celles du conjoint, grossesses tardives, familles plus petites, recours à  diverses stratégies familiales et individuelles).

1 Sans le présent document, le terme «travail» désigne un emploi rémunéré.

2 Voir, par exemple, MacBride-King et Paris, 1989; Duxbury et al., 1992; Higgins, Duxbury et Lee, 1993; Duxbury et Higgins, 1998; Duxbury et al., 1999; MacBride-King et Bachman, 1999

3 Duxbury et al., 1992, p. 16.

4 Peter Drucker (1999) a créé le terme anglais «knowledge worker», qui a été traduit par travailleur du savoir, pour décrire les employés hautement scolarisés dont le travail est complexe, cyclique de nature et comporte le traitement et l'utilisation de l'information pour prendre des décisions.


Résumé

Au cours de notre vie, nous sommes tous appelés à  jouer différents rà´les : conjoint, parent, employé, frère ou sœur, ami et citoyen. Les conflits entre le travail6 et la vie personnelle surgissent lorsque le temps et l'énergie exigés par ces rà´les sont excessifs. S'acquitter d'un rà´le se fait alors au détriment d'un autre. Les conflits entre le travail et la vie personnelle surviennent dans trois situations : lorsqu'un rà´le entraîne une surcharge de travail (trop à  faire), lorsque le travail interfère avec la vie familiale (de longues heures de travail, des horaires de travail contraignants et de lourdes charges de travail qui empêchent l'employé de remplir pleinement ses rà´les et fonctions familiaux) et lorsque la famille interfère avec le travail (s'absenter du travail pour soigner un enfant ou un aîné malade, être incapable de faire des heures de travail supplémentaires, de se déplacer dans le cadre du travail ou manquer de mobilité professionnelle).

Jusqu'à  quel point les conflits entre le travail et la vie personnelle sont-ils un problème au Canada? Qu'a-t-on fait au juste pour améliorer la situation? Les réponses à  ces questions demeurent ambiguà«s. Certains soutiennent que les conflits entre le travail et la vie personnelle se sont intensifiés au cours des années 1990 :

  • Une proportion plus grande d'employés canadiens exercent des responsabilités accrues (p. ex., le nombre de femmes sur le marché du travail, le ménage bi-actif, les parents seuls, les employés sandwich [qui ont soin de leurs enfants et de leurs parents à  la fois] et l'accroissement du nombre d'employés qui ont la responsabilité des soins aux aînés);

  • Le marché du travail s'est transformé au cours des années 1990 (p. ex., réduction des effectifs, rajustement des effectifs et restructuration). L'avènement des technologies a contribué à  nourrir le sentiment d'insécurité lié à  emploi, augmenté les exigences du travail et rendu moins claires les limites entre le travail de la famille.

D'autres affirment que l'équilibre entre le travail et la vie personnelle est devenu plus facile à  atteindre. Les tenants de cette opinion prétendent que les organisations ont beaucoup progressé de ce point de vue parce qu'elles reconnaissent l'importance de recruter des employés et de garder ceux qui sont en place et que leurs attitudes à  l'égard du travail changent. De tels changements, soutiennent-ils, ont motivé les organisations à  créer des milieux de travail plus souples et plus favorables à  la famille, dans le but de garder et de stimuler leurs principaux employés ainsi que d'atteindre leurs objectifs stratégiques.

En ce nouveau millénaire, le gouvernement canadien, les employeurs, les employés et les ménages doivent faire face à  un même défi : que faire pour aider les Canadiens et les Canadiennes à  concilier leurs responsabilités professionnelles et leur désir d'avoir une qualité de vie personnelle? Certes, d'autres efforts doivent être déployés pour améliorer les lieux de travail et les stratégies gouvernementales afin de venir en aide aux travailleurs canadiens et aux familles [Scott, 2000]. Ce projet de recherche est un premier pas dans cette direction.

L'avant-propos du présent rapport explicite les grands objectifs de ce projet de recherche. Ce rapport vise quatre objectifs généraux :

  1. Fournir au lecteur des renseignements de base pertinents sur l'équilibre entre le travail et la vie personnelle;
  2. Exposer les grandes lignes de la méthodologie adoptée dans le cadre de ce projet;
  3. Décrire l'échantillon du sondage de 2001;
  4. Examiner comment des facteurs clés tels que le temps consacré à  l'emploi, aux travaux domestiques, au soin des enfants ainsi qu'aux responsabilités qui s'y rattachent ont évolué au fil des ans.

Plus précisément, le rapport répond aux questions suivantes :

  • Qui sont les participants au sondage sur le conflit entre le travail et la vie personnelle réalisé par Santé Canada en 2001?

  • À quels types d'exigences et de responsabilités (professionnelles et personnelles) ces personnes sont-elles confrontées?

  • Comment le temps consacré à  un emploi a-t-il changé au cours de la dernière décennie?

  • Comment le temps consacré à  des activités personnelles a-t-il changé au cours de la dernière décennie?

  • Comment les formules de travail non conventionnelles ont-t-elles changé au cours de la dernière décennie?

  • Dans les familles canadiennes, qui assume la responsabilité principale des soins aux enfants et aux aînés? Est-ce que la responsabilité des soins aux enfants a changé au cours de la dernière décennie?

  • Quelle incidence le sexe, le type d'emploi, la garde de personnes à  charge et le secteur d'emploi ont-ils sur le type d'exigences professionnelles et personnelles auxquelles doivent répondre les travailleurs canadiens?

  • Jusqu'à  quel point les résultats obtenus dans cet échantillon peuvent-ils être généralisés à  toute la population canadienne?

Èchantillon

Dans le cadre de cette étude, on a constitué un échantillon composé d'employés canadiens qui travaillent dans le secteur public (gouvernements fédéral et provinciaux, administrations municipales), le secteur privé et des organismes sans but lucratif (aux fins de ce sondage, il s'agit d'organisations issues des domaines des soins de santé et de l'éducation). Toutes les personnes qui font partie de cet échantillon travaillent pour des organisations comptant plus de 500 employés.

Au total, 100 organisations de 500 employés et plus ont participé à  l'enquête (soit 3,4 % des organisations identifiées dans la base de sondage en entier) dont 40 proviennent du secteur privé, 22 du secteur public et 38 sont des organismes sans but lucratif. L'échantillon est constitué d'entreprises privées du secteur des télécommunications, de la haute technologie, de la vente au détail, du transport, de l'industrie pharmaceutique, des services financiers, du divertissement, des ressources naturelles et de la fabrication. En ce qui a trait au secteur public, 7 administrations municipales, 7 ministères provinciaux et 8 ministères ou organismes fédéraux ont participé à  l'enquête. Quant aux organismes sans but lucratif, l'échantillon comprend 15 établissements hospitaliers ou conseils régionaux de santé, 10 conseils scolaires, 8 universités et collèges et 5 « autres » organismes qui entrent dans la catégorie d'organismes sans but lucratif ou de services publics en général (p. ex., services sociaux, œuvres de charité, services de protection).

Au moment de procéder à  l'analyse des données, nous avions reçu 31 571 réponses utilisables fixant le taux de réponse à  environ 26 %. Ce taux de réponse est acceptable étant donné la durée du sondage (il fallait de 30 à  60 minutes pour y répondre) et l'impossibilité d'envoyer une note de rappel aux participants du sondage. La répartition de l'échantillon s'est faite de la façon suivante :

  • Un peu moins de la moitié des répondants (46 %) travaillent dans le secteur public. Une personne sur trois est employée par un organisme sans but lucratif et 20 % par des entreprises du secteur privé;

  • Un peu plus de la moitié d'entre elles sont des femmes (55 %);

  • Un peu moins de la moitié des répondants (46 %) occupent des postes de gestion et professionnels, 40 % des postes non professionnels (p. ex., travail de bureau ou administratif, vente au détail, production) et 14 % des postes techniques. La majorité des répondants qui occupent des postes techniques sont des hommes (67 %) tandis que la majorité des femmes (73 %) occupent des postes non professionnels.

  • Un peu plus de la moitié des répondants (56 %) ont la garde de personne à  charge. Les autres, soit 44 %, n'en ont aucune.

Profil démographique des répondants

Le sondage de 2001 est représentatif quant aux aspects suivants : âge, région, taille de la collectivité, type de travail, scolarité, revenu personnel, revenu du ménage et situation financière du ménage. À bien des égards, les caractéristiques démographiques de l'échantillon correspondent aux données nationales et laissent supposer que les résultats de ce sondage peuvent être généralisés. On estime qu'environ la moitié des répondants masculins et féminins sont considérés comme des travailleurs du savoir ayant fait des études avancées. La majorité bénéficie de deux revenus d'emploi à  temps plein et dit vivre confortablement (mais pas dans le luxe). Les répondants qui ont déclaré faire partie d'une famille traditionnelle, o๠l'homme est le soutien de famille, constituent la minorité (5 % de l'échantillon total et 11 % de l'échantillon d'hommes) et ils sont moins nombreux que les parents seuls. En général, dans les familles traditionnelles, ce sont les hommes occupant des postes de gestion ou professionnels hautement rémunérés qui sont le soutien de famille. Cela laisse supposer que ce profil familial se limite aux ménages qui ont des revenus importants.

L'échantillon contient un nombre important d'employés dont le travail et la vie personnelle risquent d'entrer en conflit. L'âge moyen des répondants est 42,8 ans. À cet âge, les travailleurs ont atteint la mi-carrière ou arrivent à  un stade de leur vie o๠l'avancement professionnelle est rapide, o๠les enfants qui ont atteint l'âge adulte vivent encore sous leur toit et pendant laquelle s'opère une transition sur le plan du développement adulte. À chacun de ces stades, les adultes subissent plus de stress et s'acquittent de responsabilités personnelles et professionnelles plus grandes. Trois quarts des personnes sondées sont actuellement mariées ou vivent en union libre. De cette proportion, 69 % font partie de ménages bi-actifs, 11 % sont des parents seuls et 12 % vivent dans les milieux ruraux. Une personne sur trois effectue du travail de bureau ou administratif, le niveau de scolarité est moins élevé (moins grande mobilité d'emploi), et le revenu personnel et le revenu du ménage sont plus bas. Un quart des répondants ont indiqué que leur budget était serré; 29 % gagnent moins de 40 000 $ annuellement et un peu plus du quart ont déclaré que le revenu total du ménage était en-deçà  de la moyenne canadienne. Un tiers des répondants ont dit avoir interrompu leurs études à  la fin du secondaire ou avant.

On a remarqué un certain nombre de différences démographiques et socioéconomiques selon le sexe. D'une part, les hommes faisant partie de l'échantillon sont en général un peu plus âgés que les femmes; ils sont plus susceptibles d'occuper des postes de gestion ou techniques et d'être mariés (notamment les hommes détenant des postes de gestion ou professionnels et les hommes responsables de la garde de personnes à  charge), ainsi que d'avoir poursuivi des études universitaires et de gagner plus de 60 000 $ annuellement. D'autre part, les femmes sondées effectuent plus souvent du travail de bureau et administratif et elles sont plus susceptibles de gagner moins de 40 000 $ par année. Selon des données collectées, les femmes qui exercent des fonctions de gestion, professionnelles et techniques sont pour la plupart plus scolarisées que leurs collègues masculins. Or, là  o๠on a recueilli des données sur la scolarité, on a constaté que les répondantes gagnaient moins d'argent que les hommes. Cela porte à  croire que les femmes qui travaillent dans de grandes entreprises n'ont pas encore atteint l'égalité avec leurs collègues masculins.

Les données révèlent également qu'il existe une étroite corrélation entre le statut socioéconomique et le type de travail. En général, les répondants occupant des postes non professionnels étaient plus susceptibles d'avoir interrompu leurs études à  la fin du secondaire ou avant, de gagner de plus faibles revenus et de gérer un budget familial serré. Par contre, les gestionnaires et les professionnels masculins et féminins étaient plus susceptibles de détenir un diplà´me d'études universitaires, d'avoir un revenu familial d'au moins 100 000 $ par année et de déclarer n'avoir aucune préoccupation financière. Les hommes et les femmes qui occupent des postes techniques ont en général achevé des études collégiales. Le revenu personnel et le revenu du ménage correspondent à  ceux des travailleurs non professionnels.

Finalement, les répondants qui ont la garde de personnes à  charge se distinguent singulièrement des autres de diverses façons, et bon nombre de ces différences ont un rapport avec le sexe. Les répondants qui assument la garde de personnes à  charge ont en moyenne deux ans de plus. En général, ils ont révélé gérer un budget serré, et ce même si le revenu du ménage est sensiblement le même que celui des répondants qui n'ont pas cette responsabilité. Par comparaison aux femmes, il y a plus d'hommes mariés qui assument la garde de personnes à  charge. Par comparaison aux femmes qui ont la garde de personnes à  charge, les autres femmes ont un niveau de scolarité plus élevé (45 % ont un diplà´me universitaire comparativement à  35 %). Cette particularité n'a pas été notée chez les hommes. Ces résultats laissent supposer que :

  • La garde de personnes à  charge peut accroître la pression financière sur les ménages;

  • Les professionnelles canadiennes remettent à  plus tard la naissance d'un enfant parce qu'elles souhaitent plutà´t mettre l'accent sur leur carrière.

Répondants qui ont la garde de personnes à  charge

La majorité des employés compris dans l'échantillon assument des responsabilités non professionnelles. De cette majorité, 70 % sont des parents (2,1 enfants par famille en moyenne); 60 % ont soin d'aînés (une personne est responsable de 2,3 aînés en moyenne); 13 % ont la garde de parents handicapés, et 13 % voient aux besoins d'enfants et d'aînés à  la fois (cette situation est notamment celle de la « génération sandwich »). Les données ci-dessus correspondent étroitement aux données nationales émises par Statistique Canada et par l'Institut Vanier, et elles laissent supposer qu'il est possible de transposer les résultats de ce sondage à  l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens employés par de grandes organisations.

Il n'y a aucune corrélation entre le type ou le secteur de travail et la garde de personnes à  charge. Toutefois, ces responsabilités diffèrent considérablement lorsqu'il s'agit du sexe. Les hommes compris dans l'échantillon étaient plus nombreux que les femmes à  être parents (77 % des hommes ont des enfants comparativement à  65 % chez les femmes). Si on examine de plus près ces données, on peut dire que cette différence entre les deux sexes quant au statut de parent découle du fait que les femmes qui occupent des postes professionnels ou techniques ont moins tendance à  avoir des enfants que les femmes qui occupent des postes non professionnels. Ces disparités sont inexistantes chez les hommes interrogés. En fait, ces hommes ont tendance à  avoir plus d'enfants que les hommes qui exercent un travail non professionnel. Pour quelles raisons les femmes qui occupent des postes professionnels ou techniques sont-elles moins disposées à  avoir des enfants? Selon les données, la maternité et l'avancement professionnel seraient jugés incompatibles par les femmes professionnelles. Un peu moins de la moitié des répondantes qui ont des emplois de gestion ou professionnels ont reconnu ne pas avoir fondé une famille à  raison de leur carrière et avoir eu moins d'enfants à  cause des exigences de leur travail.

Bien qu'on soit tenté de conclure que les organisations doivent faire preuve de plus de sensibilité et mieux aider les femmes professionnelles à  concilier le travail et la vie professionnelle, les données laissent supposer que des changements doivent aussi survenir à  la maison. À titre d'exemple, les responsabilités liées au soin des enfants n'ont aucun rapport avec le type de travail. Une majorité d'hommes et de femmes compris dans les échantillons de 1991 et de 2001 avouent qu'au sein de leur famille, la conjointe est principalement responsable du soin des enfants. Par ailleurs, la majorité des hommes et des femmes qui font partie du présent échantillon et qui poursuivent tous les deux une carrière (p. ex., la femme occupe un poste professionnel) sont aussi de cet avis. En d'autres mots, les professionnels mariés à  des femmes professionnelles n'assument généralement pas plus de responsabilités à  la maison que les professionnels mariés à  des femmes qui occupent des emplois moins exigeants. Peut-être qu'un plus grand partage des responsabilités liées à  l'éducation des enfants aurait pour effet de faciliter le choix d'être à  la fois femme de carrière et mère.

Bien que dans l'esprit de bon nombre d'hommes, prendre soin des enfants demeurent une responsabilité inhérente à  la femme, les données recueillies tendent à  démontrer qu'ils ont habituellement un point de vue différent quant aux soins aux aînés. De plus, malgré le fait que la majorité des femmes prétendent qu'elles sont les premières responsables des soins aux aînés, certaines reconnaissent néanmoins que cette responsabilité est partagée avec leur famille ou que le conjoint l'assume totalement. Par contre, elles ne sont pas de cet avis en ce qui concerne le soin des enfants. La plupart des hommes compris dans l'échantillon croient que, par comparaison au soin des enfants, les soins aux aînés sont une responsabilité partagée par la famille.

Caractéristiques du travail

Que sait-on des milieux de travail des répondants au sondage (et par extension, des milieux de travail des Canadiennes et des Canadiens qui travaillent pour de grandes organisations)? La moitié de ces travailleurs font partie d'un syndicat. Une personne sur trois supervise le travail d'autrui et les exigences liées aux fonctions de supervision sont considérables puisque l'étendue des responsabilités du superviseur est très large (une moyenne de 20 subordonnés immédiats). L'étendue des responsabilités a augmenté de façon importante depuis le sondage de 1991 (une moyenne de 6 subordonnés immédiats), ce qui concorde avec le fait que de nombreux postes de gestion ont été supprimés au moment de la restructuration des organisations. Ces données laissent supposer que la stratégie de réorganisation retenue a eu pour effet d'accroître la charge de travail du superviseur qui est resté en place. Malgré les perturbations des années 1990, les données recueillies au cours du sondage de 2001 indiquent que la majorité des employés canadiens respectent un engagement à  long terme envers leur employeur. En moyenne, les répondants au sondage travaillent pour le même employeur depuis 13,9 années. Malheureusement, les données semblent indiquer qu'on accorde peu d'importance à  la formation continue et à  l'avancement professionnel, car, en moyenne, les participants occupent leur poste actuel depuis 7,3 années. De plus, les gros employeurs ne consacrent pas suffisamment de ressources à  l'avancement professionnel.

En outre, bien que les questions touchant le travail et la vie professionnelle préoccupent les employés de plus en plus, les données tendent à  démontrer que les employeurs n'y sont pas suffisamment sensibles. La plupart des employés au Canada font partie d'un ménage bi-actif et ont la garde de personnes à  charge (soin des enfants, des aînés ou des deux à  la fois). Or, dans ce contexte, ils doivent aménager leurs horaires de différentes façons. Malheureusement, selon les données, la majorité des répondants des échantillons de 1991 et de 2001 avaient des horaires de travail « habituels » (p. ex., très peu de souplesse quant aux heures d'arrivée et de départ ainsi qu'au choix du lieu de travail). La proportion des répondants qui bénéficient de formules de travail favorisant leur vie professionnelle et personnelle (horaires variables, télétravail) n'a pas changé au cours de la dernière décennie et stagne à  un niveau relativement bas (environ 20 % des participants ont des horaires variables et 1 % effectuent du télétravail). De fait, il semble que pour de nombreux employés canadiens, les horaires de travail se sont détériorés depuis les dix dernières années, car la proportion d'employés soumis à  des horaires de travail fixes va en augmentant, et ces derniers sont de plus en plus déchirés par des conflits entre le travail et la vie personnelle (p. ex., quart alternant, quart fixe, formule de travail inhabituelle).

Les données montrent également qu'il existe des disparités au sein du marché du travail quant à  l'accès à  des formules de travail souples. De plus, les personnes qui ont besoin de faire appel à  ce genre de formule de travail (p. ex., parents et employés responsables de la garde de personnes à  charge) n'y ont pas accès. Malgré tout ce qui se dit à  propos du milieu de travail « favorable à  la famille » et de l' « employeur de qualité », on pourrait soutenir que de nombreuses grandes organisations entretiennent toujours le « mythe du cloisonnement du travail et de la vie personnelle » quand il s'agit de la gestion des affaires, omettant ainsi d'harmoniser les réalités du monde du travail à  celles de la vie personnelle.

Curieusement, quoique peu de répondants fassent du télétravail, 12 % pratiquent ce qu'il convient d'appeler du télétravail de guérilla (ou du travail à  domicile non structuré). Ces données tendent à  démontrer que le travail à  domicile est tout à  fait possible (p. ex., le travail peut s'accomplir hors des lieux de travail habituels) et que des employés souhaitent se prévaloir de ces formules de travail. Les résultats montrent que c'est sur le plan organisationnel que se situent les difficultés qui freine l'essor du télétravail. En général, ce sont les employés du secteur privé et ceux qui n'ont pas la garde de personnes à  charge qui pratiquent le télétravail de guérilla. Cette constatation est intéressante du fait qu'elle s'oppose à  la perception qu'ont les gens relativement aux employés qui travaillent à  domicile parce qu'ils n'ont pas à  faire garder leurs enfants.

Finalement, il est intéressant de noter qu'un participant sur trois aménage son horaire de travail dans le but de partager avec son partenaire le soin des enfants (p. ex., effectuer un quart de travail à  des heures différentes de celles de son partenaire pour ne pas avoir à  faire garder les enfants). Cette stratégie, co mmunément appelée « horaires décalés », est principalement utilisée par les hommes qui occupent des postes de gestion ou professionnels et qui ont la garde de personnes à  charge, car cela les aide à  atteindre l'équilibre entre le travail concurrentiel et les exigences familiales. Tandis que cette formule peut être avantageuse pour les enfants, on connaît peu de choses quant à  ses effets sur les relations de couple et les conflits entre le travail et la vie personnelle.

Exigences du travail

Les données sont claires : une proportion importante de Canadiennes et de Canadiens employés par de grandes organisations font régulièrement des heures de travail supplémentaires. Voici les principales observations qu'on peut tirer de ces données :

  • Les employés font plus souvent des heures de travail supplémentaires non rémunérées que rémunérées;

  • Le temps consacré mensuellement à  l'accomplissement de travail supplémentaire à  domicile et à  faire des heures de travail supplémentaires non rémunérées dépasse largement et de façon importante les heures de travail supplémentaires rémunérées;

  • Les employés consacrent à  leur employeur un nombre considérable d'heures supplémentaires non rémunérées (environ cinq jours par mois);

  • Bien que les différents types d'employés effectuent sensiblement le même nombre d'heures de travail supplémentaires non rémunérées (les gestionnaires et les professionnels ont tendance à  faire des heures de travail supplémentaires non rémunérées plus fréquemment comparativement aux non-professionnels), un pourcentage important de l'ensemble des répondants font des heures de travail supplémentaires rémunérées et non rémunérées;

  • Un bon nombre d'employés se déclarent incapables de dire « non » à  une demande de travail supplémentaire (p. ex., ils ont peu de contrà´le sur les heures de travail);

  • Il semble que ce soit dans les organismes sans but lucratif que les exigences liées au heures de travail supplémentaires soient les plus grandes;

  • Par comparaison aux femmes, les hommes semblent subir beaucoup plus de pression de la part de leur employeur quant à  l'accomplissement d'heures de travail supplémentaires rémunérées et non rémunérées. Cela porte à  croire que les attentes des organisations à  l'égard des employés ou les exigences que s'imposent les employés eux-même diffèrent selon le sexe;

  • Depuis les dix dernières années, le nombre d'heures de travail supplémentaires non rémunérées a augmenté considérablement.

Accroissement des exigences liées au travail au cours des années

Une comparaison des données compilées en 1991 et en 2001 tend à  démontrer que les travailleurs consacrent plus de temps au travail depuis les dix dernières années. Tandis qu'en 1991, une personne sur dix travaillait au moins 50 heures par semaine, aujourd'hui ce rapport est de un sur quatre. Au cours de cette même période, le pourcentage d'employés qui travaillaient de 35 à  39 heures par semaine a diminué de 48 % à  27 %. On a observé cet accroissement des heures de travail dans toutes les catégories et tous les secteurs d'emplois.

En ce qui a trait aux heures consacrées au travail et aux heures de travail supplémentaires, on a remarqué que depuis la dernière décennie, il est de plus en plus difficile pour les employés canadiens (notamment les gestionnaires et les professionnels) de répondre aux attentes de leur emploi pendant les heures normales de travail. Il semble que les personnes employées par de grandes organisations aient tenté de répondre aux exigences grandissantes en faisant des heures supplémentaires ou en accomplissant du travail à  domicile. Il est nécessaire de mener d'autres enquêtes afin de comprendre pourquoi les exigences du travail se sont accrues au cours de la dernière décennie. Parmi les explications possibles tirées des données, notons :

  • L'anorexie organisationnelle (réduction des effectifs - notamment au niveau des cadres moyens - implique qu'il n'y a pas suffisamment d'employés pour accomplir le travail et pas suffisamment de gestionnaires pour élaborer des stratégies et planifier);

  • La culture de l'entreprise (si un employé ne fait pas d'heures supplémentaires ou s'il n'accomplit pas de travail à  domicile, il n'obtiendra pas d'avancement professionnel et perdra son emploi si des mesures de réduction des effectifs sont appliquées);

  • L'utilisation accrue des technologies (des données collectées dans d'autres segments du sondage viennent appuyer partiellement cette hypothèse);

  • La concurrence mondiale (étendue des heures de travail en vue d'accomplir du travail dans d'autres fuseaux horaires; concurrence accrue et désir de maintenir les coûts à  un bas niveau, incitation des employeurs à  embaucher le plus petit nombre d'employés possible pour réaliser les activités de l'organisation;

  • Les changements surviennent tellement rapidement que de nombreuses organisations ne sont plus en mesure de planifier et de cerner les priorités. Lorsque l'organisation gère une crise, la charge de travail s'accroît (des données collectées dans d'autres segments du sondage viennent appuyer partiellement cette hypothèse);

  • Les employés craignent de ne pas « être perçus comme des collaborateurs » et appréhendent les conséquences :
    • les non-professionnels peuvent craindre de perdre leur emploi s'ils ne font pas d'heures supplémentaires;
    • les professionnels peuvent craindre de voir leur carrière plafonnée s'ils ne font pas d'heures supplémentaires.

Finalement, il faut noter que le rapport entre les heures de travail, la surcharge de rà´le, les conflits entre le travail et la vie personnelle, l'épuisement, ainsi que les problèmes de santé physique et mentale laisse supposer qu'il est impossible de tenir de telles charges de travail sur une longue période de temps.

Exigences du travail ne favorisant pas l'équilibre (notamment en ce qui a trait aux déplacements exigés par le travail et aux heures de travail supplémentaires)

Les données suggèrent que les grandes organisations entretiennent toujours le « mythe du cloisonnement du travail et de la vie personnelle ». Une grande proportion des employeurs s'attendent à  ce que leurs employés délaissent leur famille pour travailler les soirs de semaine et de week-ends si leur travail l'exige, et bien des employés se sentent incapables de refuser des heures de travail supplémentaires. Un peu plus d'une personne sur trois quitte la maison pour se rendre au travail en moyenne 3,1 soirs par mois. Une personne sur trois doit consacrer une partie de ses soirées du week-end (25 %) au travail à  l'extérieur de la maison. Un autre tiers des répondants ont des emplois qui obligent à  faire la navette environ deux jours par mois d'un lieu de travail à  un autre. Finalement, une personne sur six se déclare incapable de refuser de faire des heures de travail supplémentaires si on le lui demande. Une proportion additionnelle de participants (37 %) ont indiqué qu'ils étaient en mesure de refuser « occasionnellement » de faire des heures de travail supplémentaires.

Quelles sont les personnes qui exercent les emplois les plus exigeants?

Les conclusions du sondage tendent à  démontrer que ce sont les hommes, les gestionnaires, les professionnels et les employés qui travaillent au sein d'organismes sans but lucratif qui ont les emplois les plus exigeants. Les données présentées ci-dessous appuient clairement l'idée que les hommes, par comparaison aux femmes, font un travail plus exigeant. En général, les hommes (peu importe le secteur d'emploi, le type de travail, la garde de personnes à  charge) passent plus d'heures chaque semaine dans un emploi rémunéré que les femmes (44,1 heures contre 40,6 heures); exécutent plus d'heures de travail supplémentaires rémunérées (34 % contre 28 %); exécutent plus d'heures de travail supplémentaires non rémunérées (55 % contre 45 %) et font plus du travail additionnel à  domicile (58 % contre 43 %). En outre, ils font habituellement plus d'heures de travail supplémentaires rémunérées chaque mois que les femmes (12 heures contre 10 heures) et plus d'heures de travail supplémentaires non rémunérées (20 heures contre 14 heures). Par ailleurs, ils doivent se déplacer pour le travail plus souvent que les femmes (ils sont plus susceptibles de s'absenter de leur domicile la semaine et le week-end).

On a constaté que les gestionnaires et les professionnels masculins et féminins avaient manifestement les emplois les plus exigeants. Ce sont ceux qui passent le plus de temps au travail chaque semaine, se déplacent le plus souvent (ils s'absentent de leur domicile en semaine et le week-end), exécutent le plus grand nombre d'heures de travail additionnel non rémunérées, accomplissent du travail additionnel à  leur domicile. Il faut noter que les gestionnaires et les professionnels masculins ont notamment d'énormes charges de travail. Si on tient compte du fait que les gestionnaires et les professionnels (peu importe le sexe) font en général moins d'heures de travail supplémentaires rémunérées que les non-professionnels et les techniciens et que les organisations ont des attentes particulières à  l'égard de leur personnel professionnel quant aux heures de travail, ces organisations doivent contribuer d'une façon ou d'une autre.

Il est aussi intéressant de constater que les hommes et les femmes qui travaillent dans des organismes sans but lucratif ont de lourdes charges de travail. Les données ont démontré que les hommes issus de ces organismes sont ceux qui doivent accomplir le plus grand nombre d'heures de travail supplémentaires rémunérées. En général, les femmes qui travaillent dans ce secteur se disent incapables de refuser de faire des heures supplémentaires. Habituellement, hommes et femmes de ce secteur exécutent du travail additionnel à  domicile, font des heures de travail supplémentaires non rémunérées et se déplacent le week-end. Ce sont eux qui « donnent » le plus de temps à  leur employeur. Il y a un rapport entre les charges de travail énormes, les compressions budgétaires et la réduction des effectifs imposées dans les secteurs de l'éducation et de la santé au cours des dernières années (p. ex., moins de personnel pour exécuter la même charge de travail). Il est à  noter que les employés du secteur privé font de nombreuses heures de travail rémunérées chaque semaine. Toutefois, ils consacrent moins de temps aux déplacements et exécutent moins d'heures de travail supplémentaires.

Même si les employés qui ont la garde de personnes à  charge doivent répondre à  de nombreuses exigences et obligations personnelles, ils consacrent le même nombre d'heures au travail chaque semaine que leurs collègues qui n'ont pas cette responsabilité. Les données laissent supposer que les hommes et les femmes qui ont la garde de personnes à  charge doivent y consacrer beaucoup plus de temps que leurs collègues qui n'ont pas cette responsabilité (p. ex., les heures de travail sont les mêmes, mais le temps consacré à  des activités non professionnelles est plus grand). Par comparaison aux femmes, les hommes qui ont la garde de personne à  charge effectuent un travail plus exigeant. Ils font plus d'heures de travail supplémentaires rémunérées et passent plus de soirées de la semaine à  l'extérieur du domicile. Le fait que les hommes consacrent plus de temps à  leur travail favorise sans doute leur avancement professionnel.

Il est aussi intéressant de noter que les employés qui ont la garde de personnes à  charge exécuteront habituellement du travail additionnel à  la domicile. Une enquête future permettra de déterminer si cette stratégie est un moyen efficace pour aider les parents et les personnes qui assument la garde de personnes à  charge à  faire face aux exigences professionnelles de plus en plus grandes ou si elle exacerbe les conflits entre le travail et la vie personnelle.

Exigences domestiques

Les personnes sondées ont répondu qu'ils consacrent environ 17 heures par semaine à  des activités non professionnelles. Ce nombre d'heures est considérablement moins élevé que celui qu'ils consacrent à  un travail rémunéré. Il n'y a pas de rapport entre le temps consacré à  des activités non professionnelles et ce secteur. Toutefois, il y en a un entre ce temps et le sexe, la garde de personnes à  charge et le type de travail.

Par comparaison aux hommes, les femmes comprises dans l'échantillon passent plus de temps chaque semaine à  exécuter les travaux domestiques (12,2 heures contre 10,1 heures). Toutefois, comparativement aux femmes, les hommes s'adonnent à  plus d'heures de loisir chaque semaine (9,6 heures contre 8,5 heures). En général, les hommes font plus de bénévolat que les femmes (43 % contre 34 %). Cependant, il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'heures consacrées au bénévolat (3,7 heures par semaine) et le sexe.

Les données sont claires : les employés qui ont la garde de personnes à  charge doivent répondre à  plus d'exigences quant à  leur emploi du temps comparativement à  leurs collègues qui n'ont pas une telle responsabilité. Ils passent deux fois plus de temps à  des activités non professionnelles (23 heures contre 10 heures) et 3 heures de moins à  des activités de loisir chaque semaine. Les ménages qui ont la garde de personnes à  charge consacrent plus de temps chaque semaine au travail et aux activités non professionnelles que les ménages qui n'ont pas à  s'acquitter de telles obligations (environ 110 heures contre 90 heures). Dans cet échantillon, il semble qu'on consacre beaucoup plus de temps aux enfants qu'au soin des aînés (10,8 heures contre 5,3 heures).

À l'issue de cette recherche, on a tiré une conclusion importante : de nos jours, le rapport entre le « fournisseur de soins » et le sexe est beaucoup moins important. Historiquement, les recherches ont démontré que les femmes consacraient plus de temps au soin des enfants que les hommes, ce qui n'est pas le cas dans la présente recherche, car les mères et les pères consacrent essentiellement le même nombre d'heures chaque semaine à  avoir soin des enfants (11,1 heures pour les mères contre 10,5 heures pour les pères). Dans le cas des hommes et des femmes responsables des soins aux aînés, la situation est semblable à  celle qui a été mentionnée précédemment, c'est-à -dire que les deux consacrent à  peu près autant de temps à  fournir des soins aux aînés (4,6 heures par semaine pour les femmes contre 5,2 heures par semaine pour les hommes).

Selon les données recueillies, l'arrivée de la femme sur le marché du travail a eu des répercussions profondes sur la répartition des tâches à  la maison. Le fait qu'on n'a pas observé de différences importantes liées au sexe relativement aux nombres d'heures passées à  prendre soin des enfants est sans doute imputable à  la diminution du temps que consacrent les parents aux activités familiales et à  l'augmentation des heures de travail (après tout, n'y a-t-il pas que 24 heures dans une journée?). Une comparaison entre les données de 1991 et celles de 2001 vient appuyer cette conclusion. Ces données indiquent que même si les deux parents consacrent actuellement moins de temps aux activités familiales qu'auparavant, depuis la dernière décennie, cette diminution est plus marquée chez les femmes que chez les hommes (33 % contre 15 %). Voici ce qui peut expliquer ces résultats :

  • Les mères ont réaménagé leur horaire parce qu'elles travaillent à  l'extérieur du domicile;

  • Les familles étant plus petites, les mères s'occupent des jeunes enfants durant moins d'années;

  • De plus en plus d'enfants d'âge préscolaire passent du temps à  l'extérieur du domicile, dans des garderies ou dans des groupes de jeu, et ce sans égard à  la situation d'emploi de la mère;

  • Les hommes participent de plus en plus à  l'éducation de leurs enfants;

  • Grâce à  la technologie (p. ex., téléphones cellulaires, téléavertisseurs), les parents sont disponibles pour répondre aux besoins des enfants sans devoir être à  la maison.

En d'autres mots, il n'y a pratiquement plus de différence quant au temps que consacrent le père et la mère avec les enfants. Les femmes fournissent moins d'heures de soins aux enfants et les hommes davantage, et il n'est plus nécessaire de consacrer autant de temps au soin des enfants (Bianchi, 2000. L'ouvrage présente une excellent réflexion sur cette question).

À la lecture des données, on peut prétendre que dans de nombreux ménages canadiens, hommes et femmes consacrent un nombre égal d'heures à  prendre soin des enfants. Cette interprétation se fonde sur le fait que 44 % des hommes et 33 % des femmes compris dans l'échantillon croient le soin des enfants est une responsabilité familiale. Il faudra poursuivre cette recherche en vue d'approfondir cette question (p. ex. ce partage, est-il une fabrication de ce sondage? Comment les données ont-elles été collectées? Sont-elles le reflet de la nouvelle réalité des ménages canadiens? Existe-t-il un rapport entre le sexe, les types de tâches liées au soin des enfants et des aînés au sein de la famille même s'il n'en existe aucun quant aux heures consacrées aux tâches?).

Bien que des ménages canadiens aient adopté un comportement « plus sain » à  l'égard du partage des soins aux enfants, il importe de noter que la répartition des responsabilités familiales n'englobe pas les travaux domestiques. Les femmes comprises dans l'échantillon consacrent beaucoup plus de temps aux travaux domestiques chaque semaine que les hommes, et ce peu importe le secteur d'emploi, le type de travail ou la garde de personnes à  charge. Ces résultats tendent à  démontrer que de nombreux ménages canadiens perçoivent toujours les travaux domestiques comme des tâches inhérentes aux femmes.

Finalement, il faut souligner le fait que les répondantes qui occupent des postes de gestion ou professionnels consacrent plus de temps au soin des enfants (11,5 heures) que les femmes qui exécutent d'autres types de travail ou que leurs collègues masculins. Elles font partie de ménages qui consacrent plus d'heures chaque semaine au travail et aux activités non professionnelles (106 heures). Ces données laissent supposer que de nombreuses professionnelles canadiennes ont accepté le rà´le de la « supermaman » et doivent répondre à  de très fortes attentes qu'elles se sont elles-mêmes imposées afin de respecter leurs obligations professionnelles et personnelles.

Que peuvent faire les employeurs?

Selon les données recueillies, aux employeurs désireux d'aider leurs employés à  atteindre l'équilibre entre le travail et la vie personnelle, il est suggéré de :

  1. Trouver des moyens de réduire la charge de travail des employés (surtout en ce qui concerne les organismes sans but lucratif). Une attention particulière doit être prêtée à  la réduction de la charge de travail chez les gestionnaires et les professionnels dans tous les secteurs d'emploi;

  2. Cerner des moyens de réduire les heures que consacrent les employés aux déplacements associés au travail;

  3. Reconnaître et récompenser les heures de travail supplémentaires;

  4. Réduire la dépendance aux heures supplémentaires rémunérées et non rémunérées;

  5. Donner aux employés la possibilité de refuser de faire des heures de travail supplémentaires. Un refus ne devrait pas limiter l'avancement professionnel;

  6. Rendre plus largement accessibles d'autres formules de travail dans l'organisation;

  7. Considérer le perfectionnement et l'avancement professionnels selon une perspective « travail-vie personnelle ». Les employés ne devraient pas avoir à  choisir entre fonder une famille et faire avancer leur carrière professionnelle;

  8. Ètudier les attentes liées au travail, les récompenses et les avantages selon une perspective « cycle de vie » (c'est-à -dire ce que les employés peuvent accomplir, ce qui les motive au travail et quelles sont les récompenses ou les avantages qu'ils souhaiteraient recevoir seront modifiés selon l'étape de vie o๠ils se trouvent).

Que peuvent faire les employés?

Les employés devraient :

  1. Dire « non » aux heures de travail supplémentaires si les demandes sont irréalistes;

  2. Tenter de restreindre la quantité de travail qu'ils font à  leur domicile durant les soirées. S'ils décident de travailler à  la maison, ils doivent être en mesure de séparer le temps consacré au travail et à  la famille (p. ex., exécuter le travail une fois les enfants couchés, aménager un bureau à  domicile);

  3. Essayer de diminuer le nombre d'heures consacrées aux déplacements associés au travail;

  4. Tirer avantage des formules de travail souples offertes par leur organisme.

Que peuvent faire les gouvernements?

Les gouvernements (fédéral, provinciaux et municipaux) doivent :

  1. Ouvrir la voie au chapitre de la garde d'enfants. Plus particulièrement, ils doivent déterminer la meilleure façon d'aider les Canadiennes et Canadiens qui travaillent à  composer avec la garde d'enfants (c'est-à -dire élaborer des politiques pertinentes à  l'intention des parents et compte tenu d'enfants de divers groupes d'âges, déterminer les mécanismes de soutien et les mettre sur pied);

  2. Ouvrir la voie au chapitre des soins prodigués aux aînés. Plus particulièrement, ils doivent déterminer la meilleure façon d'aider les Canadiennes et les Canadiens à  composer avec le soin des aînés (c'est-à -dire élaborer des politiques pertinentes, déterminer les mécanismes de soutien et les mettre sur pied);

  3. « Prêcher par l'exemple » en ce qui a trait à  la disponibilité et à  l'accessibilité de formules de travail souples (c'est-à -dire qu'il ne suffit pas de proposer une grande variété de formules de travail, les employés doivent sentir qu'ils peuvent se prévaloir de ces formules de travail sans se faire pénaliser);

  4. Chercher des moyens de mieux sensibiliser la population canadienne à  l'évolution des rà´les sociaux et des responsabilités au cours des dernières décennies, les informer des changements qui s'imposent toujours et des raisons pour lesquelles ces changements surviennent (c'est-à -dire campagnes de marketing social, programmes d'éducation dans les écoles, publicité);

  5. Déterminer la façon de réduire les « pénalités financières » auxquelles doivent faire face les parents (c'est-à -dire comment reconnaître concrètement les dépenses plus élevées que ces employés ont à  assumer).

6 Dans le présent document, le terme « travail » désigne un emploi rémunéré.


Enquête nationale sur le conflit entre le travail et la vie personnelle (2001) : Rapport 1 Novelle fenêtre
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