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C. A. Robinson, M.A. (1); G. Agarwal, M.B.B.S. (2); K. Nerenberg, M.D., M. Sc. (3)
Cet article a fait l’objet d’une évaluation par les pairs.
Rattachement des auteurs :
Correspondance : Chris Robinson, Centre de prévention et de contrôle des maladies
chroniques, Agence de la santé publique du Canada, 785, avenue Carling, Ottawa
(Ontario) K1A 0K9, Canada; tél. : 613-957-9874; téléc. :
613-941-2633;
courriel : chris.robinson@phac-aspc.gc.ca
Introduction : Malgré des taux élevés de diabète et de prédiabète non diagnostiqués, on ne dispose pas encore actuellement d’outils adéquats d’évaluation du risque pour estimer le risque individuel de diabète au Canada.
Méthodologie : Nous avons effectué une étude de dépistage transversale pour évaluer l’exactitude et le pouvoir discriminatif du nouveau Questionnaire d’évaluation du risque de diabète à l’intention des Canadiens (CANRISK) pour détecter le diabète et le prédiabète (dysglycémie) chez 6 223 adultes d’origine ethnique variée. L’état glycémique de tous les participants a été confirmé au moyen d’une épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO). Nous avons mis au point les scores CANRISK sur support électronique et papier, au moyen d’une régression logistique, puis les avons validés en les comparant à des analyses sanguines de référence à l’aide de méthodes « apprentissage-test ». Nous avons eu recours aux statistiques sommaires de la surface sous la courbe (SSC) obtenues à partir d’analyses de la fonction d’efficacité du récepteur (ROC) pour comparer dans quelle mesure CANRISK et d’autres modèles de cotation du risque permettaient de distinguer une vraie dysglycémie.
Résultats : Les SSC pour les scores CANRISK sur support électronique et support papier étaient de 0,75 (IC à 95 % : 0,73–0,78) et 0,75 (IC à 95 % : 0,73–0,78), respectivement, par rapport à 0,66 (IC à 95 % : 0,63–0,69) pour le score finlandais FINDRISC et à 0,69 (IC à 95 % : 0,66–0,72) pour un modèle simple de l’obésité qui incluait l’âge, l’IMC, le tour de taille et le sexe.
Conclusion : CANRISK est un outil statistiquement valide qui peut convenir à l’évaluation du risque du diabète dans la population multi-ethnique du Canada. CANRISK était considérablement plus précis que le score FINDRISC et le modèle simple de l’obésité.
Mots-clés : diabète, prédiabète, dépistage, évaluation du risque, FINDRISC, glycémie, santé publique
Malgré des taux élevés de diabète et de prédiabète non diagnostiqués au Canada, les outils d’évaluation actuellement utilisés pour estimer le risque individuel de diabète ne sont pas optimaux. D’un point de vue clinique, il est important d’être en mesure d’identifier les personnes susceptibles d’être diabétiques. Tout d’abord, il peut souvent s’écouler entre 4 à 7 ans avant qu’un diabète non détecté soit diagnostiqué sur le plan clinique, et bon nombre des patients qui viennent de recevoir un diagnostic de diabète présentent déjà des signes de complications microvasculaires et macrovasculaires1,2. Deuxièmement, les personnes souffrant de prédiabète (anomalie de la glycémie à jeun [AGJ] ou intolérance au glucose [IG]) sont très susceptibles de développer un diabète de type 2 — de 10 à 20 fois plus susceptibles que les personnes normoglycémiques3,4. Par conséquent, les adultes atteints d’un prédiabète sont les personnes qui ont le plus de chances de retirer des bienfaits des interventions précoces3,4.
De vastes études expérimentales randomisées, telles que la Finnish Diabetes Prevention Study (Étude finlandaise de prévention du diabète)5 et le US Diabetes Prevention Program (programme de prévention du diabète des É.-U.)6, ont montré qu’une intervention axée sur le mode de vie peut réduire efficacement l’incidence du diabète chez les sujets souffrant d’un prédiabète. Les questionnaires de cotation des risques peuvent aider à améliorer l’évaluation du risque individuel et l’éducation relative au mode de vie. Ils pourraient également conduire à des stratégies plus rentables de dépistage du diabète.
Plusieurs modèles pronostiques de cotation du risque de diabète de type 2 sont actuellement utilisés en clinique7-14, mais la plupart exigent des résultats d’analyses sanguines particulières, ce qui suppose qu’une consultation clinique a déjà eu lieu ou qu’un test diagnostique a été effectué. Cette exigence limite l’usage généralisé de ces modèles dans le contexte de la santé publique. Un outil d’évaluation du risque de diabète, qui ne requiert que des renseignements qu’un participant peut fournir lui-même sans qu’il soit nécessaire d’obtenir des résultats détaillés d’épreuves de laboratoire particulières, a été mis au point en Finlande. Le Finnish Diabetes Risk Score15 (FINDRISC; score finlandais de risque du diabète) est un élément clé du programme national de prévention du diabète FIN-D2D de la Finlande, qui a permis de tester avec succès plus de 10 % de la population finlandaise jusqu’à présent. FINDRISC a été utilisé en Finlande pour identifier les personnes à risque élevé qui pourraient tirer profit d’interventions ou qui auraient intérêt à subir un examen plus approfondi au moyen de l’épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO). Parmi les sujets de l’étude finlandaise qui ont été identifiés comme étant « très susceptibles » de développer un diabète, 60 % des hommes et 45 % des femmes présentaient déjà une intolérance au glucose au début de l’étude16. L’incidence du diabète après un suivi de un an se situait entre 18 % et 22 % chez les sujets prédiabétiques présentant un risque élevé (c.-à-d. ceux présentant une AGJ et une IG) au début de l’étude. Parmi ceux qui ont suivi un programme d’éducation relative au mode de vie, 17 % ont réduit leur poids corporel de plus de 5 %; leur risque de développer un diabète était donc 69 % moins élevé que celui des personnes dont le poids était demeuré stable17.
La généralisabilité des résultats de FINDRISC est toutefois limitée par les différences dans la composition ethnique de la population canadienne, comparativement à celle de la Finlande. Les experts canadiens en diabète ont donc adapté le questionnaire FINDRISC pour inclure l’origine ethnique et d’autres variables clés (sexe, niveau de scolarité, macrosomie) afin de créer le Questionnaire d’évaluation du risque de diabète à l’intention des Canadiens (CANRISK)18,*.
Le présent article décrit les trois principaux objectifs de notre étude : (1) élaborer un modèle pronostique d’évaluation du risque (similaire au score FINDRISC) adapté à la population multi-ethnique canadienne (CANRISK); (2) valider le modèle de cotation obtenu au moyen d’une méthode « apprentissage-test » pour évaluer la dysglycémie à partir des résultats d’analyses sanguines; (3) comparer l’exactitude prédictive du nouveau modèle CANRISK et du modèle FINDRISC.
* http://www.diabetes.ca/documents/for-professionals/NBI-CANRISK-french.pdf
Entre 2007 et 2011, 6 475 adultes canadiens résidant dans sept provinces (Colombie-Britannique, Saskatchewan, Manitoba, Ontario, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse, Île-du-Prince-Édouard) ont été recrutés pour participer à une étude de dépistage visant à détecter le diabète et le prédiabète au moyen du questionnaire CANRISK. Plusieurs grands centres urbains ont été délibérément inclus pour que l’échantillon de participants présente une diversité multi-ethnique. L’état glycémique de tous les participants a été confirmé au moyen de l’épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO, c.-à-d. glycémie à jeun [GJ] et glycémie 2 heures après une charge en glucose de 75 g). On a également mesuré le taux d’hémoglobine glycosylée (HbA1C) pour un sous-ensemble de participants dans trois sites CANRISK.
La plupart des participants ont été recrutés en personne lors de consultations opportunistes dans des centres de santé communautaires19; certains ont été sollicités par le biais d’envois postaux locaux20. La majorité des participants étaient âgés entre 40 et 74 ans, mais certains sites ont choisi d’inclure des sujets autochtones plus jeunes et des membres d’autres groupes ethniques qui n’étaient pas de race blanche.
Les critères d’admissibilité pour participer à l’étude étaient les suivants : un diabète (ou un prédiabète dans certains sites pilotes) n’avait pas été diagnostiqué antérieurement; les participantes ne devaient pas être alors enceintes; les sujets devaient être capables de remplir le questionnaire CANRISK en anglais ou en français, avec de l’aide au besoin (et ce, pour la plupart des sites, bien que des versions en d’autres langues étaient également disponibles dans plusieurs sites pilotes en milieu urbain); les sujets ne prenaient pas alors de la metformine ni d’autres médicaments de prescription modifiant la glycémie (certains sites pilotes); ils vivaient dans la zone locale de l’étude.
Pour estimer les divers modèles pronostiques, nous avons restreint l’ensemble de données CANRISK aux participants qui avaient fourni des données complètes pour les variables clés (résultats d’analyses sanguines, âge, sexe, origine ethnique, taille, poids). En ce qui concerne le tour de taille, nous avons imputé les données manquantes (6 % des cas de base) en nous basant sur les valeurs moyennes provenant des participants pour lesquels les données étaient valides, stratifiées selon l’âge, le sexe et l’indice de masse corporelle (IMC) (voir tableau 1). Pour les antécédents familiaux, nous avons également imputé les données manquantes (en présumant que la réponse était « non » dans 13 % des cas de base). Les cas pour lesquels il manquait des données pour d’autres variables ont été éliminés des modèles de régression finals.
Q | Caractéristiques selon la réponse aux questions de CANRISKa | Pourcentage, % |
Nombre valide, n |
Nombre avec données manquantes |
---|---|---|---|---|
Abréviations: IMC, indice de masse corporelle; CANRISK, Questionnaire d’évaluation du risque de diabète à l’intention des Canadiens; Q, numéro de la question dans CANRISK.
|
||||
3 | Sexe masculin | 36,4 | 2 263 | 0 |
1 | Âge, ans (moyenne = 52,6; ET = 12,5) | 0 | ||
19–44 | 26,4 | 1 644 | ||
45–54 | 27,5 | 1 712 | ||
55–64 | 28,5 | 1 774 | ||
65–78 | 17,6 | 1 093 | ||
2 | IMC (kg/m2)b | 0 | ||
Normal/insuf. pond. (<25) | 42,8 | 2 666 | ||
Surpoids (25–29,9) | 33,0 | 2 052 | ||
Obésité, non morbide (30–34,9) | 15,8 | 982 | ||
Obésité, morbide (35+) | 8,4 | 523 | ||
3 | Tour de taille (cm) | 368c | ||
Hommes < 94 / Femmes <80 | 19,5 | 1 213 | ||
Hommes 94–102 / Femmes 80–88 | 26,4 | 1 643 | ||
Hommes >102 / Femmes > 88 | 54,1 | 3 367 | ||
4 | Activité physique quotidienne à un bon rythme ≥ 30minutes | |||
Non | 37,8 | 2 350 | 13 | |
5 | Consommation quotidienne de fruits/légumes | |||
Non | 23,9 | 1 484 | 4 | |
6 | Hypertension diagnostiquée par un médecin ou une infirmière/a pris des médicaments pour l’HTA | |||
Oui | 31,6 | 1 954 | 46 | |
7 | Hyperglycémie confirmée par un test sanguin/durant une maladie/la grossesse | |||
Oui | 13,5 | 822 | 141 | |
8 | Antécédents familiaux de diabèted | |||
Mère | 25,7 | 1 390 | 824 | |
Père | 20,2 | 1 039 | 1 077 | |
Frère ou sœur | 24,6 | 1 301 | 933 | |
Enfant | 2,5 | 148 | 326 | |
Autres membres de la famille | 33,2 | 1 795 | 824 | |
9 | Origine ethnique (mère) | |||
Race blanche | 65,7 | 4 089 | 0 | |
Autochtone | 12,1 | 756 | 0 | |
Race noire | 3,5 | 220 | 0 | |
Latino-Américaine | 2,8 | 175 | 0 | |
D’Asie méridionale | 5,3 | 328 | 0 | |
D’Asie orientale | 10,1 | 629 | 0 | |
Autre | 1,0 | 63 | 0 | |
10 | Origine ethnique (père) | |||
Race blanche | 66,0 | 4 084 | 34 | |
Autochtone | 11,3 | 698 | 31 | |
Race noire | 3,6 | 222 | 31 | |
Latino-Américain | 2,7 | 169 | 30 | |
D’Asie méridionale | 5,3 | 327 | 30 | |
D’Asie orientale | 10,2 | 632 | 30 | |
Autre | 1,2 | 72 | 34 | |
11 | Niveau de scolarité | 16 | ||
Études secondaires non complétées ou moins | 23,2 | 1 443 | ||
Diplôme d’études secondaires | 21,4 | 1 330 | ||
Études collégiales ou universitaires non complétées |
26,8 | 1 669 | ||
Diplôme universitaire ou collégial | 28,6 | 1 781 | ||
12 | État de santé auto-déclaré | 27 | ||
Excellente | 10,4 | 648 | ||
Très bonne | 33,2 | 2 067 | ||
Bonne | 42,1 | 2 618 | ||
Moyenne/mauvaise | 14,3 | 890 | ||
13 | Consommation de cigarettese | |||
Tous les jours | 13,6 | 534 | 2 294 | |
15 | Antécédents de diabète gestationnel (% des femmes) | 7,5 | 258 | 268 |
16 | Antécédents de macrosomie (% des femmes) | 22,0 | 678 | 202 |
Nous avons dérivé certaines variables prédictives à partir des réponses au questionnaire CANRISK (p. ex. l’IMC, basé sur le poids et la taille). Nous avons converti les variables continues, comme l’âge et l’IMC, en variables nominales, avant d’adopter une approche basée sur les variables nominales pour une analyse de régression logistique. Cela a permis une non-linéarité dans les variables prédictives tout en permettant de continuer à produire un algorithme pratique de cotation où les scores pouvaient être additionnés par simple calcul arithmétique (p. ex. version sur papier de l’outil de cotation CANRISK). Les données sur la consommation de tabac n’étaient disponibles que pour certains sites pilotes (63 % des observations totales), vu que cette question a été ajoutée au questionnaire CANRISK durant la dernière phase de la collecte de données. (La variable « consommation de tabac » a été insérée pour qu’elle puisse être utilisée dans d’autres études potentielles de couplage de données concernant le risque cardiovasculaire. Pour cette raison et à cause du fort pourcentage de données manquantes, la consommation de tabac n’a pas été incluse comme prédicteur dans le modèle pronostique de la dysglycémie de CANRISK.)
Pour les besoins de la validation, le résultat retenu pour le modèle pronostique était la « dysglycémie » basée sur les résultats combinés des analyses sanguines des participants (GJ et résultats de l’HGPO de 2 heures avec une charge de 75 g) et définie à partir des critères normatifs de 2006 de l’Organisation mondiale de la Santé21,22.
Conformément aux méthodes statistiques standard, nous avons validé le modèle CANRISK en utilisant l’approche de fractionnement « apprentissage-test » de l’échantillon23. Ce procédé de validation interne comportait le fractionnement aléatoire de l’ensemble de données centrales de CANRISK en deux groupes : l’ensemble « apprentissage » regroupant 70 % des cas existants (n = 4 366), et l’ensemble « test » regroupant les 30 % restants (n = 1 857) et qui servira d’ensemble de validation. Durant la première étape, nous avons eu recours aux données « d’apprentissage » pour estimer le modèle pronostique au moyen d’une régression logistique. La statistique sommaire de Hosmer-Lemeshow et le score de Brier24 associé ont été utilisés pour évaluer la qualité d’ajustement du modèle. Nous nous sommes ensuite servis des coefficients de régression résultants pour prédire la dysglycémie dans l’ensemble « test ». Nous avons évalué l’exactitude du modèle de régression (c.-à-d. le pouvoir discriminatif de classer correctement les cas réellement positifs de dysglycémie) au moyen de courbes de la fonction d’efficacité du récepteur (ROC). Pour mesurer la performance générale du modèle de régression en matière de validité prédictive, nous avons employé la statistique sommaire de la surface sous la courbe (SSC) (c.-à-d. la statistique c de concordance).
Enfin, pour divers seuils potentiels de CANRISK, nous avons calculé des mesures types de la sensibilité, de la spécificité, de la valeur prédictive positive (VPP) et de la valeur prédictive négative (VPN) afin d’évaluer la validité diagnostique du test de dépistage pour chaque seuil.
En premier lieu, nous avons utilisé les données du sous-ensemble de test transversal pour estimer trois modèles de régression logistique servant à prédire le résultat du point de vue de la dysglycémie : (1) le modèle de l’obésité, utilisant l’IMC, le tour de taille, l’âge et le sexe (ce modèle de base visait à rendre compte des facteurs de risque observables qui servent couramment au dépistage du diabète); (2) le modèle des variables FINDRISC, qui utilise les huit questions de FINDRISC (c.-à-d. les huit premières questions de CANRISK) (ce modèle reflétait à quel point les variables FINDRISC permettaient de prédire la dysglycémie dans une analyse transversale de l’ensemble de données CANRISK); (3) le modèle CANRISK, utilisant toutes les variables du questionnaire CANRISK (ce modèle d’« information complète » tenait compte de l’origine ethnique et d’autres variables ajoutées au modèle de base des variables FINDRISC).
Lors de l’élaboration du modèle pronostique CANRISK, nous avons reconnu que les scores FINDRISC existants dérivés de l’incidence cumulative sur 10 ans (c.-à-d. le résultat définitif à long terme du point de vue du diabète) devraient être conservés et améliorés, plutôt que remplacés par un tout nouveau modèle pronostique fondé sur une dysglycémie existante (c.-à-d. un facteur de risque à court terme révélé par une analyse sanguine effectuée à un moment donné). Nos méthodes statistiques reflètent donc notre objectif analytique, à savoir adapter le modèle pronostique FINDRISC existant en incluant l’origine ethnique et d’autres variables clés pour s’assurer que les données puissent être généralisées à l’ensemble de la population canadienne. Il n’était pas essentiel dans ce cas de réduire au minimum le nombre de variables prédictives.
Au moyen de l’ensemble d’apprentissage, nous avons élaboré le modèle pronostique CANRISK en suivant les étapes ci-dessous :
La figure 1 illustre la façon dont les données disponibles ont été organisées aux fins de l’analyse. Nous avons exclu 3,9 % des participants pour lesquels nous manquions de données pour certaines variables clés dans l’ensemble de données « de base ». Le tableau 1 décrit l’origine ethnique et d’autres caractéristiques clés des 6 223 sujets restants dans l’ensemble de données de base ainsi que les données manquantes connexes pour les variables individuelles.
Équivalent texte de la Figure 1 - Données de CANRISK
Les résultats des analyses sanguines (tableau 2) ont montré que 20,5 % des participants présentaient une dysglycémie (15,7 % présentaient un prédiabète et 4,8 % un diabète nouvellement détecté). Sur les 1 273 cas de dysglycémie détectés, seulement 545 (43 %) auraient été identifiés si on avait utilisé uniquement la glycémie à jeun.
Résultats d’analyses sanguinesa | Pourcentage du totalb,c % |
Cas détectés n |
|
---|---|---|---|
Abréviations : AGJ, anomalie de la glycémie à jeun; GJ, glycémie à jeun; HbA1C, hémoglobine glycosylée; HGPO, épreuve d’hyperglycémie provoquée par voie orale (2 heures après une charge en glucose de 75 g); IG, intolérance au glucose.
| |||
A | AGJ isolée | 3,8 | 238 |
B | IG isolée | 9,2 | 573 |
C | Prédiabète à risque élevé (AGJ et IG) | 2,6 | 163 |
D | Total des cas de prédiabète = A + B + C | 15,7 | 974 |
E | Diabète détecté par GJ seulement | 0,8 | 52 |
F | Diabète détecté par épreuve de charge en glucose (HGPO) uniquement | 2,5 | 155 |
G | Diabète détecté par GJ et épreuve de charge en glucose (HGPO) | 1,5 | 92 |
H | Total des cas de diabète détectés lors du dépistage = E + F + G | 4,8 | 299 |
Total des cas de dysglycémie = D + H | 20,5 | 1 273 | |
Cas avec HbA1C > 6,5 % dans le sous-ensemble de 1 057 participantsd | 4,2 | 44 |
Le tableau 3 présente les trois modèles pronostiques différents que nous avons évalués à l’aide de méthodes de régression logistique appliquées aux données de base de CANRISK. Du point de vue de la qualité de l’ajustement et de la signification globale, les trois modèles étaient très significatifs d’après le rapport des vraisemblances et le chi carré de Pearson (χ2) à p < 0,001. La statistique sommaire de Hosmer-Lemeshow a également révélé que chacun des modèles était bien ajusté. Le score de Brier24 pour le modèle pronostique CANRISK s’élevait à 0,002; l’intervalle habituel va de 0 (parfait) à 0,25 (aucune valeur prédictive).
Modèle de régression logistique | ||||||||||
---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|---|
CANRISKa (n = 4 091 obs. apprentissage) |
Variables FINDRISCb (n = 4 251 obs. apprentissage) |
Obésitéc (n = 4 366 obs. apprentissage) |
||||||||
Abréviations : CANRISK, Questionnaire d’évaluation du risque de diabète à l’intention des Canadiens; DS, diabète sucré; eCANRISK, score CANRISK électronique; F, femmes; FINDRISC, score finlandais de risque de diabète; H, hommes; IC, intervalle de confiance; IMC, indice de masse corporelle; obs., observations; pCANRISK, score CANRISK sur papier; RC, rapport de cotes; réf., référence; s.o., sans objet. Remarques : Les cellules ombragées dans le modèle des variables FINDRISC et le modèle de l’obésité ne faisaient pas partie de l’évaluation.
| ||||||||||
Nombre d’épisodes de dysglycémie dans chaque sous‑échantillon du modèle, n | 852 | 873 | 902 | |||||||
RC | IC à 95 % | Score eCANRISK (β)* | Score pCANRISKd | RC | IC à 95 % | Coefficient β* | RC | IC à 95 % | Coefficient β* | |
Valeur à l’origine | -3,84 | -3,31 | 3,25 | |||||||
Variable | ||||||||||
Âge, ans | ||||||||||
19–44 (réf.) | 1,00 | 1,00 | 1,00 | |||||||
45–54 | 2,01 | 1,53–2,63 | 0,70 | 7 | 1,77 | 1,37–2,28 | 0,57 | 1,98 | 1,55–2,52 | 0,68 |
55–64 | 3,33 | 2,55–4,37 | 1,20 | 13 | 2,81 | 2,20–3,59 | 1,03 | 3,27 | 2,59–4,13 | 1,19 |
65–78 | 4,21 | 3,12–5,69 | 1,44 | 15 | 3,65 | 2,78–4,79 | 1,29 | 4,33 | 3,37–5,57 | 1,47 |
IMC, kg/m2 | ||||||||||
< 25 (réf.) | 1,00 | 1,00 | 1,00 | |||||||
25–29,9 | 1,43 | 1,10–1,86 | 0,36 | 4 | 1,43 | 1,12–1,83 | 0,36 | 1,29 | 1,01–1,64 | 0,25 |
30–34,9e | 2,43 | 1,78–3,33 | 0,89 | 9 | 2,74 | 2,07–3,63 | 1,01 | 2,12 | 1,59–2,82 | 0,75 |
35+ | 3,70 | 2,61–5,24 | 1,31 | 14 | 3,55 | 2,60–4,84 | 1,27 | |||
Tour de taille, cm | ||||||||||
H < 94/F < 80 (réf.) | 1,00 | 1,00 | 1,00 | |||||||
H 94–102/F 80–88 | 1,51 | 1,11–2,06 | 0,41 | 4 | 1,27 | 0,94–1,70 | 0,24 | 1,46 | 1,10–1,95 | 0,38 |
H > 102/F > 88 | 1,74 | 1,24–2,45 | 0,56 | 6 | 1,29 | 0,95–1,76 | 0,26 | 1,77 | 1,30–2,42 | 0,57 |
Activité physique ≥ 30 min/jour | ||||||||||
Oui (réf.) | 1,00 | 1,00 | ||||||||
Nonf | 1,12 | 0,94–1,33 | 0,11 | 1 | 1,09 | 0,92–1,29 | 0,09 | |||
Mange des fruits et légumes chaque jour | ||||||||||
Oui (réf.) | 1,00 | 1,00 | ||||||||
Nonf | 1,16 | 0,95–1,43 | 0,15 | 2 | 1,30 | 1,07–1,57 | 0,26 | |||
Antécédents d’hypertension | ||||||||||
Non (réf.) | 1,00 | 1,00 | ||||||||
Oui | 1,43 | 1,20–1,70 | 0,36 | 4 | 1,42 | 1,20–1,68 | 0,35 | |||
Antécédents d’hyperglycémie | ||||||||||
Non (réf.) | 1,00 | 1,00 | ||||||||
Oui | 3,88 | 3,14–4,79 | 1,36 | 14 | 3,72 | 3,04–4,55 | 1,31 | |||
Antécédents familiaux de diabète | ||||||||||
Aucun (réf.) | 1,00 | 1,00 | ||||||||
Parent 1er degré avec DSg | 1,21 | 1,09–1,34 | 0,19 | 2 | 1,31 | 1,11–1,54 | 0,27 | |||
Tout parent au 2e degré touchéh | — | — | — | — | 0,74 | 0,61–0,89 | -0,31 | |||
Sexe | ||||||||||
Féminin (réf.) | 1,00 | 1,00 | ||||||||
Masculin | 1,68 | 1,39–2,04 | 0,52 | 6 | 1,56 | 1,32–1,84 | 0,44 | |||
Origine ethnique | ||||||||||
Race blanche (réf.) | 1,00 | |||||||||
Autochtone | 1,35 | 1,004–1,82 | 0,30 | 3 | ||||||
Race noirei | 1,53 | 0,92–2,54 | 0,43 | 5 | ||||||
D’Asie orientale | 2,61 | 1,93–3,52 | 0,96 | 10 | ||||||
D’Asie méridionale | 2,69 | 1,90–3,82 | 0,99 | 11 | ||||||
Macrosomie (femmes)f | ||||||||||
Non ou s.o. (réf.) | 1,00 | |||||||||
Oui | 1,06 | 0,81–1,39 | 0,06 | 1 | ||||||
Niveau de scolarité | ||||||||||
Études collégiales/universitaires non complétées (réf.) | 1,00 | |||||||||
Diplôme d’études secondairesj | 1,13 | 0,91–1,40 | 0,12 | 1 | ||||||
Études secondaires non complétées | 1,60 | 1,31–1,96 | 0,47 | 5 |
Le modèle pronostique CANRISK résultant comporte plusieurs facteurs de risque essentiels – notamment l’origine ethnique –, de même que les antécédents familiaux, le tour de taille, l’IMC et d’autres variables clés. Comme l’indiquent les rapports de cotes (RC) dans le tableau 3, l’origine ethnique autre que la race blanche était un facteur de risque significatif comparativement au groupe de référence de race blanche (p. ex. RC = 2,69 pour les personnes venant d’Asie méridionale; 2,61 pour les personnes venant d’Asie orientale; 1,35 pour les Autochtones). La race noire (RC = 1,53; IC à 95 % : 0,92-2,54) n’était pas statistiquement significative, mais le signe était correct (coefficient positif) et était un facteur plausible d’après d’autres études épidémiologiques26-28; elle a donc été conservée. L’origine latino-américaine et l’origine autre étaient toutes deux statistiquement non significatives. Comparativement à une scolarité élevée de niveau universitaire ou collégial, un faible niveau de scolarité (RC = 1,60 pour ceux qui n’avaient pas terminé leurs études secondaires) était un facteur de risque statistiquement significatif, mais le fait de n’avoir qu’un diplôme d’études secondaires n’était pas statistiquement significatif. Nous avons conservé cette dernière variable pour rendre compte de l’augmentation du risque associé à la faible scolarité. Le sexe masculin (RC = 1,68) constituait un autre facteur de risque significatif dans le modèle CANRISK (il avait auparavant été exclu dans le modèle FINDRISC original). Par rapport à l’absence d’antécédents familiaux de diabète, le fait d’avoir des antécédents familiaux (RC = 1,21 pour le nombre de catégories de parents au premier degré touchés par le diabète : mère, père, frère ou sœur, enfant) était également significatif dans le modèle CANRISK (les antécédents familiaux de diabète n’avaient pas été estimés directement dans le modèle FINDRISC). Comme les antécédents familiaux concernant des parents au deuxième degré étaient statistiquement non significatifs et étaient accompagnés du mauvais signe (coefficient négatif), ils ont été rejetés. Les variables de l’alimentation et de l’activité physique n’étaient pas statistiquement significatives, mais ont produit le bon signe a priori (coefficient positif). Conformément à l’approche du modèle FINDRISC, nous avons conservé ces variables liées au mode de vie dans le modèle, à des fins éducatives. Pour des raisons similaires, nous avons également conservé la macrosomie (femmes qui ont donné naissance à un enfant pesant 4,1 kg ou plus) dans le modèle CANRISK, malgré le fait qu’elle soit statistiquement non significative.
D’autres variables potentielles, comme l’état de santé auto-déclaré, ont été mises à l’essai puis rejetées en raison du signe peu plausible et du fait que le coefficient était statistiquement non significatif. Deux variables ont été abandonnées à cause d’une multicolinéarité : les antécédents de diabète gestationnel étaient fortement corrélés avec les antécédents d’hyperglycémie, et l’origine ethnique du père était fortement corrélée (0,92) avec l’origine ethnique de la mère. L’inclusion de ces variables dans le modèle a entraîné des signes déroutants pour les coefficients et réduit la qualité de l’ajustement dans le modèle (à noter que cela ne signifie pas que l’origine ethnique du père n’est pas importante ou ne devrait pas être prise en compte. Cela veut plutôt dire que l’origine ethnique de la mère peut servir de mesure substitut pour les deux parents lors de l’estimation du coefficient du modèle correspondant).
Pour appliquer le modèle CANRISK, des valeurs seuils spécifiques doivent être établies comme valeurs limites potentielles crédibles pour déterminer les grandes catégories de risque de diabète : faible, modéré et élevé. Comme les scores CANRISK peuvent être appliqués dans divers contextes de santé publique et de soins primaires, deux formats de présentation différents ont été utilisés pour leur calcul : (1) un format « électronique » détaillé (eCANRISK) pour les calculateurs de risque programmés (p. ex. App iPad, ou calculateur en ligne sur le Web) et (2) un format « sur papier » (pCANRISK) basé sur des coefficients arithmétiques simples et arrondis (comme FINDRISC). Dans le cas de la version électronique détaillée, nous avons calculé les scores eCANRISK en additionnant les coefficients bêta pertinents de l’équation logistique au tableau 3 pour les variables applicables. Par exemple, un homme blanc de 58 ans, qui ne présente aucun autre facteur de risque à part le fait que sa mère est diabétique, aurait un score eCANRISK qui sera calculé de la façon suivante : -3,84 (valeur à l’origine) + 1,20 (âgé de 55 à 64 ans) + 0,52 (sexe masculin) + 0,19 (multiplié par 1, vu qu’une seule catégorie de parents au premier degré est atteinte de diabète) + 0,00 (IMC, tour de taille, etc. normaux) = -1,93.
Pour le score pCANRISK, nous avons suivi l’approche utilisée par Sullivan et coll.29. Le score a été calculé à partir d’une version rééchelonnée et arrondie des coefficients bêta détaillés constituant le score eCANRISK. Les valeurs eCANRISK de base ont été rééchelonnées en utilisant la formule bêta/0,09393 pour un total maximum de 81 points pour les femmes et 86 points pour les hommes. Le rééchelonnage à un nombre plus élevé visait à réduire au minimum l’effet de l’erreur liée à l’arrondissement sur les scores sur papier. Si on utilise le même exemple d’un homme blanc de 58 ans qui ne présente aucun autre facteur de risque à part le fait que sa mère est diabétique, le score pCANRISK serait calculé de la façon suivante : 13 (âgé de 55 à 64 ans) + 6 (sexe masculin) + 2 (multiplié par 1, vu qu’une seule catégorie de parents au premier degré est atteinte de diabète) = 21. Ce score est faible comparativement au score pCANRISK médian sur papier (28) obtenu pour l’ensemble de la population étudiée. (Voir l’annexe A pour une explication détaillée de la façon dont les scores CANRISK électroniques et sur papier peuvent être utilisés pour estimer la probabilité d’une dysglycémie.)
La figure 2 montre les relations complexes entre les facteurs de risque sous-tendant le score CANRISK, et illustre la relation positive étroite entre le score CANRISK et la vraie dysglycémie, la prévalence de la dysglycémie étant 25 fois plus importante dans le décile CANRISK le plus élevé (57 %) que dans le décile le plus faible (2 %).
Figure 2. Dysglycémie selon le décile CANRISK
Équivalent texte de la Figure 2 - Dysglycémie selon le décile CANRISK
Nous avons créé les scores CANRISK en utilisant les données « d’apprentissage », qui ont ensuite été appliquées au moyen d’une analyse ROC à l’évaluation de l’ensemble de données « test » afin de valider le modèle logistique CANRISK par rapport aux analyses sanguines de référence (GJ et 2 h après une charge en glucose). Cette analyse ROC a évalué à quel point CANRISK était capable de prédire une vraie dysglycémie (c.-à-d. discrimination des cas vraiment positifs et vraiment négatifs).
Comme le montre le tableau 4, le pouvoir discriminatif de chaque modèle CANRISK pour toute la gamme de valeurs limites des scores de risque possibles est indiqué par la statistique sommaire de la SSC (ce pouvoir est également illustré graphiquement par la courbe ROC à la figure 3). D’après les 30 % de données « test » de validation, la SSC pour eCANRISK et pCANRISK était dans les deux cas de 0,75.
Modèle | Données « test » de validation (n = 1 676) |
|
---|---|---|
SSC | IC à 95 % | |
Abréviations : CANRISK, Questionnaire d’évaluation du risque de diabète à l’intention des Canadiens; FINDRISC, score finlandais de risque de diabète; IC, intervalle de confiance; ROC, fonction d’efficacité du récepteur; SSC, surface sous la courbe. | ||
Score électronique (eCANRISK) | 0,75 | 0,73–0,78 |
Score sur papier (pCANRISK) | 0,75 | 0,73–0,78 |
Variables FINDRISC | 0,73 | 0,70–0,76 |
Modèle de l’obésité | 0,69 | 0,66–0,72 |
Score FINDRISC | 0,66 | 0,63–0,69 |
Équivalent texte de la Figure 3 - Courbes ROC
Comme le révèlent le tableau 4 et la figure 3, l’analyse ROC compare dans quelle mesure les divers modèles sont capables de détecter avec exactitude une vraie dysglycémie. Les résultats de la SSC indiquent que les deux scores pCANRISK (0,75) et eCANRISK (0,75) sont significativement plus exacts que le score FINDRISC (0,66) et le modèle simple de l’obésité (0,69) à un niveau de confiance supérieur à 95 %. CANRISK semble légèrement plus exact que le modèle des variables FINDRISC, bien que leurs intervalles de confiance se chevauchent.
Enfin, nous avons établi la validité diagnostique de pCANRISK comme test de dépistage potentiel en utilisant certains seuils de cotation pour détecter la glycémie dans l’ensemble de données de validation (tableau 5). Les scores seuils retenus incluent trois scores pCANRISK correspondant aux scores seuils FINDRISC utilisés en Finlande, de même qu’un score équilibré. Ce « score optimal »30 tente de trouver un équilibre entre la sensibilité et la spécificité du test, là où la courbe ROC est le plus proche du point (0, 1) indiquant une discrimination parfaite. Il s’appuie sur la prémisse que les faux positifs sont tout aussi importants que les faux négatifs. Le seuil équilibré pour pCANRISK est de 32.
Le tableau 5 illustre la performance de pCANRISK aux cinq seuils de dépistage retenus (à noter que ces seuils sont arbitraires et n’indiquent pas nécessairement des seuils de dépistage souhaitables). Dans le cas d’un score relativement faible équivalant au seuil « légèrement élevé » du modèle FINDRISC, un score pCANRISK de 21 ou plus aurait une sensibilité de 95 % et une spécificité de 28 % (taux de faux positifs : 72 %). La valeur prédictive positive (VPP) et la valeur prédictive négative (VPN) pour ce seuil seraient de 25 % et de 96 %, respectivement. À l’autre extrême, si l’on restreint le dépistage aux sujets qui ont obtenu un score de 43 ou plus (c.-à-d. seuil de risque « très élevé » de FINDRISC), on augmenterait de façon marquée la spécificité et la proportion de participants à CANRISK qui seraient écartés (pour lesquels on ne recommanderait pas de test supplémentaire ni d’intervention éducative intensive), mais on diminuerait substantiellement la sensibilité et la VPN. Au score seuil équilibré de 32, la sensibilité s’élèverait à 70 %, la spécificité à 67 %, la VPP à 35 % et la VPN à 90 %.
La figure 4 illustre la relation entre les scores CANRISK et FINDRISC. Pour les catégories de risque légèrement élevé, modéré, élevé et très élevé, les valeurs seuils (médianes) CANRISK sur papier comparables sont de 21, 29, 33 et 43, respectivement. Ces valeurs correspondent aux scores FINDRISC de 7, 12, 15 et 21, respectivement. Pour chaque catégorie FINDRISC, la figure 4 présente la moyenne correspondante et l’intervalle de confiance à 95 % pour les scores pCANRISK dans l’ensemble de la catégorie FINDRISC (et non le score seuil lui-même). Comme prévu, les scores CANRISK augmentent de façon monotone d’une catégorie FINDRISC à l’autre. Cette observation est utile pour établir un lien entre l’information concernant l’incidence future du diabète, selon l’Étude finlandaise de prévention du diabète5, et les scores CANRISK. Selon FINDRISC31, plus de 1 cas à risque élevé sur 3 développerait probablement un diabète au cours des 10 années suivantes, comparativement à 1 cas à risque modéré sur 6 et 1 cas à risque légèrement élevé sur 25.
Figure 4. Score pCANRISK selon la catégorie FINDRISC
Équivalent texte de la Figure 4 - Score pCANRISK selon la catégorie FINDRISC
Le modèle CANRISK inclut des termes pour l’âge, l’IMC, le tour de taille, l’activité physique, la consommation de fruits et de légumes, les antécédents d’hypertension, les antécédents d’hyperglycémie, les antécédents familiaux de diabète, le sexe, l’origine ethnique, les antécédents maternels de macrosomie et le niveau de scolarité. Quatre de ces termes (sexe, origine ethnique, macrosomie et niveau de scolarité) ne faisaient pas partie des mesures originales de cotation de FINDRISC. Comme prévu, l’origine ethnique était fortement prédictive de la dysglycémie. Le RC associé à l’origine autochtone était inférieur à celui de certains autres groupes ethniques non blancs, car une partie de l’excès de risque de ce groupe a été pris en compte dans d’autres prédicteurs comme l’IMC, le tour de taille et le niveau de scolarité atteint.
Pour ce qui est de la validité prédictive, la SSC pour eCANRISK et pCANRISK était dans les deux cas de 0,75, ce qui indique que les scores CANRISK tant électroniques que sur papier ont un bon pouvoir discriminatif30 (c.-à-d. qu’ils sont capables de distinguer les cas vraiment positifs des cas vraiment négatifs à partir des résultats d’analyses sanguines de référence). Ainsi, la validité prédictive des deux scores CANRISK est confirmée dans cette population étudiée multi-ethnique. En d’autres termes, les résultats de la SSC indiquent que ces modèles pronostiques permettent de distinguer efficacement les cas à faible risque des cas à risque élevé. Une SSC de 1 dénoterait une discrimination parfaite (exactitude de 100 %) et une SSC de 0,5 indiquerait que la discrimination n’est pas supérieure au simple hasard (un examen récent des modèles pronostiques servant à prédire la mortalité32 a fait état d’une SSC médiane de 0,77 pour un total de 94 études admissibles). Le score de Brier24 pour le modèle s’établissait à 0,002, ce qui indiquait également une bonne exactitude prédictive.
Ces résultats montrent en outre que CANRISK est plus exact que le modèle de score FINDRISC et que le modèle simple de l’obésité pour détecter la dysglycémie dans cette population canadienne multi-ethnique.
Cependant, un modèle validé statistiquement n’a pas nécessairement besoin d’être valide sur le plan clinique23, et d’autres études s’imposent pour établir l’utilité clinique du modèle.
L’objectif de CANRISK était d’élaborer un simple calculateur du risque qui pourrait être utilisé tant dans le contexte des soins primaires que par les personnes elles-mêmes. Il est d’abord nécessaire de sélectionner les scores CANRISK qui serviront de seuils. Le choix du score seuil déterminera l’exactitude de CANRISK à cette valeur limite particulière. Un score seuil plus faible aurait tendance à accroître la sensibilité, mais augmenterait également le nombre de cas faussement positifs orientés pour subir des tests diagnostiques supplémentaires. Le choix du seuil dépendra également de la quantité de ressources disponibles pour les tests diagnostiques subséquents.
Le choix d’une valeur limite particulière a donc des répercussions tant cliniques qu’économiques; en milieu clinique, ce choix influerait sur le nombre de cas sélectionnés pour faire l’objet d’un suivi (c.-à-d. tests diagnostiques ou éducation relative au mode de vie). Par exemple, si on utilise un score CANRISK sur papier de 29 comme seuil modéré, seulement 50 % des cas évalués par CANRISK (scores de 29 et plus) seraient systématiquement orientés pour un suivi. Les 50 % restants non retenus pourraient toujours subir ultérieurement des tests diagnostiques sur une base individuelle, si leur médecin de famille ordonnait d’autres examens en raison de la présence de symptômes ou d’autres indications cliniques. À noter que les pourcentages de cas « non retenus » seraient probablement différents dans la population cible éventuelle, parce que les distributions selon l’âge et l’origine ethnique de l’ensemble de la population diffèrent probablement de celles de l’échantillon CANRISK.
Pour les besoins de la validation, le résultat prédit par le modèle pronostique reposait sur les résultats combinés des analyses sanguines des participants (GJ et résultats de l’HGPO de 2 heures avec une charge de 75 g). Les taux de détection de la dysglycémie fondés uniquement sur la GJ auraient sous-estimé de façon significative la dysglycémie prévalente : 59 % des cas de prédiabète et 52 % des cas de diabète n’auraient pas été détectés sans la charge en glucose de l’HGPO de 2 heures. Le modèle pronostique CANRISK présume donc que les sujets orientés pour subir une évaluation du risque feront l’objet d’une évaluation diagnostique incluant l’HGPO. Une étude ontarienne récente33 a cependant souligné que l’HGPO de référence est sous-utilisée en pratique, représentant moins de 1 % de tous les tests de dépistage du diabète chez les adultes asymptomatiques.
Cette même étude33 a également montré qu’une part importante des efforts de dépistage opportuniste est déjà consacrée chaque année à la détection du diabète chez les adultes canadiens asymptomatiques. Plus de 63 % des adultes non diabétiques ont subi un test sanguin de dépistage du diabète au cours des trois années précédentes. Ce dépistage ponctuel comporte la plupart du temps une épreuve de GJ et, de plus en plus souvent, un dosage de l’HbA1C. Une approche organisée de triage pour le dépistage, qui utilise CANRISK pour l’évaluation initiale du risque, pourrait contribuer à accroître la rentabilité des efforts de détection.
Nous comptons confirmer les scores CANRISK actuels en suivant la cohorte de participants à CANRISK afin d’évaluer l’incidence cumulative du diabète dans les divers groupes ethniques et catégories de risque. Pour le moment, les variables spécifiques sous-tendant le score CANRISK actuel « basé sur la dysglycémie » visent à élargir la discussion sur l’évaluation du risque avec les participants testés, en quantifiant les risques associés à l’origine ethnique, à l’obésité, au sexe, aux antécédents familiaux de diabète, à la macrosomie et à d’autres facteurs socio-économiques.
Les données manquantes constituaient un problème pour plusieurs variables, en particulier pour les antécédents familiaux de diabète. Dans le modèle CANRISK, on présumait que les personnes qui disaient ne pas connaître les antécédents de diabète de leur mère ou d’un frère ou d’une sœur, ou qui n’avaient pas répondu à cette question, avaient donné une réponse équivalente à « non ». Il convient de confirmer de plus près cette hypothèse en recueillant et en analysant davantage de données. Il peut exister d’autres sources potentielles de biais vu que des variables prédictives ont été auto-déclarées. Une autre limite de l’étude tenait au fait que chaque centre d’étude utilisait des critères d’admissibilité différents en ce qui concerne les sujets qui avaient déjà reçu un diagnostic de prédiabète (tous les centres excluaient les cas connus de diabète). De même, durant la deuxième phase du recrutement, un site d’étude (Î.-P.-É.) a exclu les personnes atteintes d’un prédiabète à qui on avait prescrit le médicament metformine (la plupart des médecins de famille canadiens ne prescrivent pas de la metformine aux patients atteints de prédiabète, mais utilisent plutôt un traitement axé sur le mode de vie34).
Les sujets de l’étude CANRISK ont été recrutés comme participants volontaires et non dans le cadre d’un échantillonnage aléatoire dans une population. L’échantillon de commodité de participants à CANRISK qui en résulte ne reflète donc pas la distribution de la population canadienne dans son ensemble. Cependant, l’obtention d’un échantillon représentatif n’était pas l’objectif principal de l’étude. Le groupe étudié a été plutôt recruté de façon à obtenir un nombre suffisant de membres des divers grands groupes ethniques, afin que la puissance statistique soit suffisante pour analyser l’origine ethnique comme facteur de risque. Ainsi, l’échantillon de commodité constitué pour l’étude représente les groupes cibles visés. Toutefois, le fait que l’échantillon n’est pas représentatif de la population canadienne signifie que la performance globale du modèle et l’importance de l’origine ethnique (et peut-être de certains autres facteurs de risque) dans l’ensemble de la population canadienne peuvent avoir été surestimées.
D’autres travaux seraient nécessaires pour déterminer l’acceptabilité de CANRISK en milieu clinique. Pour que CANRISK puisse être appliqué dans un contexte clinique, il faudra établir des règles pratiques pour les décisions cliniques basées sur des scores seuils spécifiques, notamment en soupesant les conséquences économiques futures sur le plan des coûts et des bienfaits pour la santéqui risquent d’en découler. Ces règles pour la prise de décisions devraient être basées sur un juste équilibre entre les priorités cliniques visant à maximiser la prévention et d’autres contraintes opérationnelles pratiques (p. ex. la capacité de dépistage des laboratoires locaux) influant sur le coût de divers scénarios de dépistage du diabète. Le coût réel de l’évaluation du risque de diabète au moyen de CANRISK dépendra des circonstances locales qui influeront sur les économies d’échelle au moment de la mise en œuvre (c.-à-d. seuils de cotation pour un suivi et des examens précis) et le mode de prestation. Il faut également considérer les coûts non monétaires des faux positifs (inquiétude) et des faux négatifs (faux réconfort).
CANRISK peut aussi être utilisé en milieu non clinique par des particuliers. L’utilité de CANRISK comme outil éducatif dans ce contexte doit être examinée. Il faut évaluer davantage les questions d’application pratique dans divers milieux. Le modèle pourrait être élargi pour tenir compte d’autres groupes ethniques particuliers, tels que les Latino-Américains (personnes d’origine hispanique qui ne sont pas de race blanche), ce qui aiderait à élargir l’applicabilité de CANRISK à d’autres endroits en Amérique du Nord. Les variables actuelles qui décrivent l’alimentation et l’activité physique pourraient également être améliorées par d’autres collectes de données et études de validation. La transférabilité du score CANRISK à d’autres régions géographiques et à l’ensemble de la population canadienne aidera à confirmer la validité externe de ce nouveau modèle pronostique.
Enfin, le succès de la mise en œuvre de l’outil de cotation CANRISK dépendra non seulement de l’adoption réussie du questionnaire de cotation du risque lui-même, mais également de la création de programmes d’intervention axés sur le mode de vie à l’intention des personnes présentant un risque modéré ou élevé de dysglycémie. Les données actuelles semblent indiquer qu’une modification efficace du mode de vie nécessite une « dose critique de prévention » consistant en 5 ou 6 heures de discussion dirigée par un animateur sur une période de 8 à 12 mois5,6. Selon les études économiques actuelles, les stratégies de prévention du diabète comportant des interventions de groupe axées sur le mode de vie et qui ciblent des personnes atteintes de prédiabète sont rentables35-37 et peuvent même entraîner des économies à long terme pour le système de santé.
Cette étude a montré que CANRISK est un outil statistiquement valide qui peut se révéler utile pour évaluer le risque de diabète dans la population multi-ethnique canadienne. L’ajout de l’origine ethnique au modèle de cotation FINDRISC permet de mieux distinguer le diabète et le prédiabète pour les besoins de la détection précoce et de l’intervention au Canada. Comme ce nouvel outil d’évaluation du risque est à la fois peu coûteux et fondé sur des preuves, il peut aider à accroître l’efficience et l’efficacité de la prévention ciblée du diabète chez les personnes qui courent un risque modéré ou élevé de développer un diabète de type 2.
Les auteurs tiennent à souligner la contribution de plusieurs organisations sans l’aide desquelles cette recherche n’aurait pu se faire. Cette aide a pris la forme d’ententes d’échange de données et d’approbations du caractère éthique de la recherche négociées avec les organisations provinciales suivantes : ministère de la Santé de l’Î.-P.-É. (sites de Charlottetown, Summerside et O’Leary), le Diabetes Care Program de la Nouvelle-Écosse (sites de Kentville et d’Antigonish), Santé et Mieux-Être du Nouveau-Brunswick (sites de Fredericton et de Lameque), Santé et Mieux-Être de l’Ontario (site de Mississauga au Credit Valley Hospital), Santé et Mieux-Être du Manitoba (sites de Brandon et de Winnipeg), la Saskatoon Regional Health Authority et la Vancouver Coastal Health Authority. Nous voulons également remercier de leurs précieux commentaires les chercheurs Markku Peltonen et Jaakko Tuomilehto, de l’Agence nationale finlandaise de la santé publique (THL), qui ont examiné nos résultats préliminaires. Nous voulons enfin signaler le travail des rédacteurs-réviseurs de Maladies chroniques et blessures au Canada qui ont fourni des commentaires utiles pour la révision du présent article.
La probabilité d’une dysglycémie actuelle peut être estimée pour une personne au moyen de l’une ou l’autre des deux formules suivantes, selon que le score est basé sur eCANRISK ou pCANRISK :
(1) Utilisation des scores électroniques (eCANRISK) :
Px = 1 ÷ [1 + e-(z)]
où z = α0 + β1 X1 + β2 X2 …+ βn Xn , de sorte que α0 = −3,842 pour la valeur à l’origine dans le modèle de régression logistique, et βi sont les coefficients bêta (scores eCANRISK) pour chacun des prédicteurs Xi respectifs, allant de i = 1 à n. D’après les caractéristiques du sujet mentionné dans le corps de l’article (un homme blanc de 58 ans qui ne présente aucun autre facteur de risque à part le fait que sa mère est diabétique), z =-1,929, ce qui donne un risque absolu de 0,13.
(2) Utilisation des scores sur papier (pCANRISK) :
Px = 1 ÷ [1 + e-(m)]
où m = α0 + σ (P1 X1 + P2 X2 …+ Pn Xn), de sorte que α0 = -3,842 pour la valeur à l’origine, et Pi sont les scores sur papier (pCANRISK) pour chacun des prédicteurs Xi respectifs et σ = 0,09393 (c.-à-d. le facteur de rééchelonnage pour convertir les coefficients bêta en scores sur papier). Dans notre exemple, m = -1,869, ce qui donne une probabilité absolue de 0,13.
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