Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
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Volume 16, No 1- 1995

 

  Agence de santé publique du Canada

Article court:
Index de masse corporelle, diabète gestationnel et diabète sucré dans trois communautés autochtones du Nord de la Saskatchewan
Roland F. Dyck, Leonard Tan et Vern H. Hoeppner

Introduction

Le diabète sucré non insulinodépendant (DSNID) a maintenant pris des proportions épidémiques chez les autochtones du Canada, et les taux sont généralement plus élevés lorsqu'il y a eu contact prolongé entre Européens et autochtones 1 . En Saskatchewan, aussi récemment qu'en 1937 2 , le DSNID était pratiquement inconnu chez les autochtones, alors qu'aujourd'hui, son taux de prévalence chez les Indiens inscrits d'âge adulte est près du double de celui dans la population générale 3 . Bien qu'une propension à l'obésité (possiblement liée à un gène «d'épargne»4), conjuguée à une transformation des habitudes de vie traditionnelles, contribue probablement à cette augmentation des taux de DSNID, on ne sait pas à quels événements faire remonter cette épidémie lors des premiers contacts entre Européens et autochtones.

La présente étude descriptive avait pour objet de déterminer les taux d'obésité, de diabète sucré (ci-après appelé «diabète») établi et de diabète gestationnel dans trois communautés autochtones isolées de la Saskatchewan dont l'accès à un centre urbain varie.

Méthodes

En 1991/1992, dans le cadre du programme de lutte antituberculeuse de la Saskatchewan, on a effectué une enquête de dépistage de la tuberculose dans deux communautés Dene (Black Lake et Wollaston Lake) et dans une communauté Cree (Deschambault Lake), toutes trois situées dans la partie nord de la province. Avec l'autorisation des conseils de bande, on a fait passer une brève interview (avec l'aide d'un interprète, au besoin) à tous les participants consentants âgés de sept ans ou plus afin de recueillir des données sur leur état diabétique. Les femmes de 16 ans et plus devaient nous dire si elles avaient fait du diabète durant leur grossesse (diabète gestationnel).L'index de masse corporelle (poids en kg / hauteur en m 2 ) a été déterminé à partir des mensurations faites sur les sujets (sans souliers et sans vêtements d'extérieur).

Nous avons calculé, dans chaque groupe d'âge, la proportion d'hommes et de femmes dont l'index de masse corporelle (IMC) était supérieur à la moyenne 5,6 et dépassait de 10 % la moyenne établie pour les Canadiens appariés selon l'âge et le sexe. Ce dernier critère définissait la présence d'obésité et excédait une valeur absolue de l'IMC d'au moins 25 dans le cas des femmes et d'au moins 26 chez les hommes âgés de 18 ans ou plus. Les résultats groupés ont été utilisés pour déterminer la proportion globale, par sexe, de sujets de chaque communauté dont l'IMC était élevé. Les taux de prévalence ponctuelle par âge et par sexe du diabète sucré auto-déclaré ont été également calculés pour chaque communauté. En outre, nous avons déterminé la proportion de femmes qui ont fait état d'antécédents de diabète gestationnel.

L'accès géographique à un centre urbain variait d'une communauté à l'autre. Celle de Black Lake, la plus éloignée, située à l'est du Lac Athabasca, n'est dotée d'aucun accès routier au sud. La communauté de Wollaston Lake, à 100 km plus au sud, n'est accessible que par la voie des airs et par un traversier qui fait la jonction avec une route de 450 km allant jusqu'au village de La Ronge. Deschambault Lake est au centre de la Saskatchewan dans le sens nord-sud et à environ 125 km de Flin Flon par la route. Chaque communauté dispose d'un poste de soins infirmiers ouvert en permanence et est visitée régulièrement par un médecin qui s'y rend en avion. Au moment de notre étude, il n'y avait pas de disparités manifestes dans les services médicaux entre les trois communautés.

Les taux de diabète, de diabète gestationnel et d'obésité chez les adultes des trois communautés ont été comparés à l'aide du test du khi-carré de Pearson, tandis que les corrélations entre le diabète et l'obésité et l'accessibilité géographique à un centre urbain ont été établies par analyse bivariée (avec les logiciels statistiques BMDP 4F et 6D, 1990).

Résultats

Le nombre des participants à l'enquête s'est établi comme suit : 355 sur 497 à Black Lake (71 %), 345 sur 600 à Wollaston Lake (58 %) et 321 sur 647 (68 %) à Deschambault Lake. Tous les participants avaient au moins sept ans. Ces chiffres incluent 61 % de tous les enfants âgés de 7 à 17 ans et 68 % des adultes âgés de 18 ans ou plus.

La prévalence ponctuelle brute du diabète auto-déclaré chez les participants âgés de 18 ans ou plus était de 1,4 % pour les hommes et de 4,4 % pour les femmes. Le nombre des diabétiques s'accorde très étroitement avec les données communiquées par les agents locaux de santé communautaire. La proportion de femmes ayant fait état d'un diabète gestationnel est de 8,2 %. Aucune femme de moins de 18 ans n'a déclaré d'antécédents de diabète ou de diabète gestationnel. La figure 1 montre que la prévalence du diabète auto-déclaré augmente chez les hommes et les femmes avec l'amélioration de l'accessibilité géographique de la communauté (en raison du nombre peu élevé de cas, les différences entre communautés ne sont pas statistiquement significatives à un niveau de 5 %). La proportion de femmes ayant fait du diabète gestationnel était également plus élevée dans les communautés plus accessibles (p < 0,001), et ce taux était supérieur au taux de diabète établi.

La figure 2 montre la proportion d'hommes et de femmes dans les trois communautés dont l'IMC dépasse d'au moins 10 % la moyenne canadienne (les différences dans l'obésité masculine parmi les trois communautés sont hautement significatives sur le plan statistique (p < 0,0001], tandis qu'elles sont significatives [p = 0,0218]) dans le cas de l'obésité féminine. Ces proportions augmentent chez les deux sexes avec l'amélioration de l'accessibilité géographique, mais, au sein de chaque communauté, une proportion plus importante de femmes que d'hommes affichent un IMC plus élevé. Bien qu'il y ait une forte corrélation entre obésité et diabète et amélioration de l'accessibilité géographique, tant chez les hommes (r = 0,999) que chez les femmes (r = 0,939), cette corrélation ne s'avère significative que chez les hommes (p < 0,05).

 



Figure 1


Figure 2


   

La tendance générale à une augmentation de l'IMC avec l'amélioration de l'accessibilité géographique se maintient chez les enfants, mais n'est pas aussi frappante que chez les adultes. Les écarts entre sexes au niveau de l'IMC sont moins apparents chez les groupes plus jeunes.

Discussion

Les taux d'obésité et de diabète auto-déclaré dans trois communautés autochtones isolées de la Saskatchewan augmentent avec l'amélioration de l'accessibilité géographique à un centre urbain. Dans les trois communautés, le nombre de femmes obèses et diabétiques est supérieur à celui des hommes, mais les écarts entre sexes dans les taux de ces affections sont moins marqués dans le village le plus accessible. Les taux de diabète gestationnel sont beaucoup plus élevés que les taux de diabète dans les deux localités situées plus au sud. Enfin, chez les enfants, les différences entre communautés en ce qui concerne le diabète ne sont pas aussi apparentes.

Comme elles ont un caractère descriptif, nos observations ne démontrent pas l'existence d'un rapport de cause à effet entre l'accessibilité géographique et les taux d'obésité, de diabète et de diabète gestationnel. Notre étude souffre de certaines limites méthodologiques, notamment l'utilisation d'échantillons non randomisés, l'auto-déclaration comme moyen d'identification des cas et l'établissement de comparaisons sur deux groupes tribaux différents. Cependant, en raison de l'importance des échantillons, nous croyons que nos observations reflètent la situation réelle de l'obésité dans ces communautés. La prévalence réelle du diabète sucré (et du diabète gestationnel) est probablement plus élevée que celle que nous avons déterminée par auto-déclaration, ce qui devrait toutefois valoir également pour les trois communautés.

Les écarts dans la susceptibilité génétique à l'obésité et au diabète entre les Dene et les Cree pourraient contribuer aux différences constatées entre les deux communautés situées plus au sud, mais n'expliqueraient pas nos observations dans les deux villages les plus septentrionaux. En outre, les communautés Cree de la Baie-de-James présentent également une prévalence de diabète qui s'accroît avec la réduction du degré de latitude géographique 7 .

Nos observations les plus inattendues sont celles révélant des taux élevés de diabète gestationnel dans les deux communautés situées plus au sud. Bien que le diabète gestationnel survienne dans moins de 3 % des grossesses chez la population générale 8 , près de 14 % des femmes provenant du «site plus accessible» (où le dépistage du diabète gestationnel est systématique) et 9,9 % des femmes provenant du «site le plus accessible» (où le diabète gestationnel n'est pas dépisté systématiquement) ont déclaré avoir fait du diabète durant leur grossesse. Ces chiffres sont compatibles avec une enquête nationale récente, dans laquelle on a constaté que, chez les femmes autochtones, la fréquence du diabète gestationnel variait entre 2 % (région du Pacifique) et 16 % (région du Québec) des grossesses 9 . Notre étude se distingue par le fait qu'elle a permis de mettre en évidence une corrélation entre les taux élevés de diabète gestationnel et l'amélioration de l'accessibilité géographique et l'élévation des taux d'obésité chez les femmes. En outre, cette situation s'observe dans les communautés où la prévalence du diabète sucré auto-déclaré chez les femmes est inférieure à 6 %. Ces résultats sont importants, puisque les enfants de femmes souffrant de diabète gestationnel courent plus de risques d'être obèses 10 et de développer un DSNID 11 .

Bien que nos observations représentent un «instantané» de la situation qui prévalait dans trois communautés autochtones en 1991/1992, nous croyons qu'elles confirment l'hypothèse suivante concernant l'évolution initiale de l'intolérance des populations autochtones aux glucides consécutivement à leurs premiers contacts avec les Européens. À mesure que l'accès (l'exposition) À des modes de vie autres qu'autochtones augmente, il en va de même des taux d'obésité. Peut-être en raison de différences biologiques et du fait qu'elles ont adopté plus rapidement une alimentation non traditionnelle et un niveau d'activité compatible avec la sédentarisation, les femmes et les jeunes filles autochtones sont les premières À manifester de l'obésité.

L'obésité, une diminution de l'activité et, peut-être, d'autres facteurs contribuent À l'apparition plus rapide du DSNID chez les femmes autochtones et, pour des raisons encore obscures, aux taux inhabituellement élevés de diabète gestationnel. Il est possible que ces taux élevés de diabète gestationnel entraînent un accroissement du nombre de descendants des deux sexes dans les générations successives qui sont davantage susceptibles de présenter de l'obésité et du DSNID. L'évolution des habitudes de vie pourrait aussi intervenir. Plus les taux de DSNID chez les autochtones augmentent et dépassent ceux de la population non autochtone, plus les différences entre sexes dans ces taux s'atténuent.

Il faut que nos observations soient corroborées par des études analytiques conçues spécialement pour vérifier l'hypothèse que nous avançons. En particulier, il importe de déterminer si le diabète gestationnel joue un rôle clé dans l'augmentation de l'incidence du DSNID chez les autochtones. Dans l'affirmative, des mesures de prévention, l'identification des cas et l'optimisation de la prise en charge du diabète gestationnel dans cette population devraient devenir une priorité sur le plan de la santé publique.

Remerciements

Nous tenons À exprimer notre reconnaissance aux représentants des bandes pour leur collaboration et pour nous avoir autorisés À réaliser cette enquête. L'aide que nous ont apportée les infirmières fédérales et provinciales chargées de la lutte antituberculeuse, les représentantes en santé communautaire et le personnel infirmier des postes de soins infirmiers communautaires a contribué utilement À la planification et À la réalisation de l'étude.

Références

1. Young TK, Szathmary EJE, Evers S, Wheatley B. Geographical distribution of diabetes among the native population of Canada: a national survey. Soc Sci Med 1990;31:129-39.

2. Chase LA. The trend of diabetes in Saskatchewan, 1905 to 1934. Can Med Assoc J 1937;36:366-9.

3. Dyck RF, Tan L. Rates and outcomes of diabetic end-stage renal disease among registered native people in Saskatchewan. Can Med Assoc J 1994;150(2):203-8.

4. Neel JV. Diabetes mellitus: a "thrifty genotype" rendered detrimental by "progress"? Am J Hum Genet 1962;14:353-62.

5. Reeder BA, Angel A, Ledoux M, Rabkin SW, Young TK, Sweet LE, Canadian Heart Health Surveys Research Group. Obesity and its relation to cardiovascular disease risk factors in Canadian adults. Can Med Assoc J 1992;146(11):2009-19.

6. Canada Fitness Survey. Canadian youth and physical activity. Ottawa: Fitness and Amateur Sport, Government of Canada; 1983 oct.

7. Brassard P, Robinson E, Lavalee C. Prevalence of diabetes mellitus among the James Bay Cree of northern Quebec. Can Med Assoc J 1993;149(3):303-7.

8. Amankwash KS, Prentice RL, Fleury FJ. The incidence of gestational diabetes. Obstet Gynecol 1977;49:497-8.

9. Health and Welfare Canada. National database on breastfeeding among Indian and Inuit women. Survey of infant feeding practices from birth to six months-Canada, 1988. Ottawa: Medical Services Branch, 1990 mai.

10. Pettit DJ, Baird HR, Aleck KA, Bennett PH, Knowler WC. Excessive obesity in offspring of Pima Indian women with diabetes during pregnancy. New Engl J Med 1983;308(5):242-5.

11. Pettit DJ, Aleck KA, Baird HR, Carraher MJ, Bennett PH, Knowler WC. Congenital susceptibility to NIDDM. Role of intrauterine environment. Diabetes 1988;37(5):622-88.

Références des auteurs

Roland F. Dyck, Départements de médecine et de santé communautaire et épidémiologie, Collège de médecine, Université de la Saskatchewan, Royal University Hospital, Saskatoon, Saskatchewan S7N 0X0
Leonard Tan, Département de santé communautaire et épidémiologie, Collège de médecine, Université de la Saskatchewan Vern H. Hoeppner, Département de médecine, Collège de médecine, Université de la Saskatchewan

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Dernière mise à jour : 2002-10-29 début