Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
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Volume 16, No 4- 1995

 

  Agence de santé publique du Canada

Prévalence du diabète, facteurs de risque comportementaux et anthropométriques et constructions psychosociales dans trois communautés autochtones du centre de la Colombie-Britannique
Mark Daniel, Diane Gamble, Joyce Henderson et Sandy Burgess

Résumé

En 1994, un projet de prévention et de lutte contre le diabète sucré non insulinodépendant (DSNID) chez les autochtones de la région d'Okanagan en Colombie-Britannique a été entrepris. Nous présentons dans ce rapport les résultats de l'évaluation diagnostique de référence et du dépistage des facteurs de risque chez les sujets à haut risque sélectionnés dans trois communautés (n = 189). Nous avons évalué les facteurs de risque physiologiques, anthropométriques et comportementaux de même que les constructions psychosociales chez les personnes souffrant d'un diabète patent et chez celles qui présentent un risque familial de DSNID. Les sujets à risque ont subi une épreuve d'hyperglycémie provoquée par voie orale. Les taux régionaux bruts de prévalence du diabète et d'abaissement de la tolérance au glucose chez les adultes de 18 ans et plus s'établissaient à 36,1 pour 1 000 et à 7,8 pour 1 000, respectivement. Le pourcentage de sujets se situant au-dessus du 70 e percentile (selon l'Enquête Condition physique Canada) pour l'indice de masse corporelle et pour le rapport du tour de taille au tour de hanches atteignaient 60 % et 73 %, respectivement. Nous avons observé un taux élevé de prévalence de l'hypercholestérolémie (50 %), de l'hypertriglycéridémie (38 %) et de l'hyperinsulinémie (12 %) dans les trois échantillons. De façon générale, le diabète chez les personnes atteintes était mal équilibré.

Mots cles : Aboriginal health; British Columbia; community screening; diabetes mellitus, non-insulin-dependent; prevalence; risk factors


Introduction

Les changements environnementaux associés au passage de la culture traditionnelle à la vie moderne, alliés à une susceptibilité génétique, sont mis en cause dans le développement du diabète sucré chez les autochtones 1 . Dans ces populations, le diabète sucré non insulinodépendant (DSNID) est la forme la plus répandue de la maladie. Les facteurs de risque les plus importants et les plus communément acceptés de DSNID sont l'obésité 2 , la sédentarité 3 et la mauvaise alimentation 4 . Les facteurs liés au mode de vie offrent un intérêt pour les programmes communautaires d'intervention, car il est possible de modifier certains comportements, normes communautaires et structures organisationnelles par des mesures de santé publique. Le mode de vie est l'expression complexe d'habitudes anciennes et bien ancrées liées au contexte social et culturel qui influence et régit le comportement et à des choix conscients de la part des individus 5 .

Devant l'ampleur du problème du diabète chez les autochtones du Canada 6 et la nécessité de collaborer avec ces derniers à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation de nouveaux modèles de prestation de soins de santé qui correspondent aux besoins des communautés 7 , nous avons entrepris en 1994 un projet communautaire de prévention et de lutte contre le diabète dans la région d'Okanagan, située au centre de la Colombie-Britannique. Le projet d'une durée de 2 ans vise à mettre au point un modèle de prévention et de lutte contre le diabète, qui met l'accent sur les changements de comportements associés à des changements de milieu 8 .

Dans le cadre d'une méthode de prévention basée sur une population, un projet de dépistage des personnes à haut risque a été entrepris dans trois communautés en vue d'identifier les personnes souffrant d'un diabète non diagnostiqué et de recueillir des données de référence pour l'évaluation de l'efficacité d'un programme d'intervention élaboré et mis en oeuvre dans une des trois communautés. Deux tests de contrôle sont prévus dans chaque communauté. Nous présentons dans ce rapport les résultats des évaluations diagnostiques de référence et des activités de dépistage des facteurs de risque physiologiques, anthropométriques, psychosociaux et comportementaux effectuées avant la mise en oeuvre de stratégies de prévention et de lutte.

Méthodes

Populations et milieu étudié
Trois communautés ont participé au projet : une communauté d'intervention, la bande d'Okanagan, près de la ville de Vernon, et deux communautés de référence, les bandes de Spallumcheen et de Penticton, près des villes d'Enderby et de Penticton, respectivement. La bande d'Okanagan a conçu et mis en oeuvre un programme de prévention du diabète et de promotion de la santé d'une durée de 18 mois. Les communautés de Spallumcheen et de Penticton sont évaluées de la même façon que celle d'Okanagan et doivent élaborer leurs propres programmes de prévention une fois le projet est terminé.

Les mesures seront effectuées à trois reprises dans chaque communauté, à intervalles réguliers tout au long du projet. Conformément au plan quasi-expérimental avec groupe de contrôle non équivalent 9 , nous évaluerons les changements avec le temps dans les communautés d'intervention par rapport aux changements survenus dans les communautés de référence. Les trois communautés peuvent être classées sur le plan linguistique comme étant des Salishs de l'intérieur et, sur le plan culturel, comme des habitants de la région du Plateau 10 .

La région d'Okanagan fait partie du secteur sud de la zone continentale, telle que définie par la Direction générale des services médicaux (DGSM), région du Pacifique, de Santé Canada. Des données préliminaires recueillies en 1987 ont montré que la prévalence du diabète chez les autochtones de 35 ans et plus dans le sud de la zone continentale (5,2 %) dépassait la prévalence provinciale (4,5 %) pour le même groupe d'âge 11 . Les soins de santé sont dispensés par des infirmières de la DGSM, secondées par des représentants en santé communautaire. Des services médicaux sont offerts dans les villes de Vernon, d'Enderby et de Penticton. Un suivi médical et infirmier standard est effectué dans toutes les communautés dans le cas des personnes qui souffrent d'un diabète patent et des sujets dont le diabète a été diagnostiqué au cours du projet. La communauté d'intervention d'Okanagan jouit de l'avantage additionnel d'avoir accès aux programmes de prévention et de lutte offerts dans le cadre du projet.

Sélection des participants et protocole de dépistage
Les tests de référence dans chaque communauté ont été effectués chez des groupes de sujets à risque comprenant des personnes souffrant d'un diabète patent et des parents au premier et au deuxième degré de diabétiques. Nous avons identifié les personnes souffrant d'un diabète patent (diagnostiqué par un médecin) au moyen des dossiers tenus à jour par le bureau de santé local de la DGSM. Des travailleurs communautaires ont été engagés pour reconstruire l'arbre généalogique de tous les sujets souffrant d'un diabète patent; ils ont également identifié les personnes apparentées à des non-résidents diabétiques.

Les diabétiques et les personnes qui présentent un risque familial de diabète ont été invités à participer à une série de tests et de mesures effectués au début, au milieu et à la fin de ce projet échelonné sur 24 mois. Tous les participants ont donné leur consentement éclairé par écrit. Les femmes enceintes et les enfants de moins de 18 ans ont été exclus.

Le protocole de recherche a été revu et approuvé à l'Université de la Colombie-Britannique par deux comités distincts de recherche sur les sujets humains : le Clinical Screening Committee et le Behavioural Sciences Screening Committee. L'Okanagan University College Ethics Committee a également approuvé le protocole. Tous les tests ont été réalisés dans des salles communautaires entre 7 h 30 et 12 h. Dans toutes les communautés, les tests devaient se dérouler sur deux jours consécutifs, habituellement le vendredi et le samedi. Le protocole d'évaluation prévoyait l'ordre suivant : échantillons de sang, mesures anthropométriques, puis questionnaires sur le comportement et les variables psychosociales.

Variables métaboliques
Dans le cadre des tests de dépistage effectués dans la salle communautaire, on a prélevé chez chacun des participants un échantillon de sang veineux à jeun (jeûne de 12 heures) et mesuré la pression artérielle à l'aide d'un sphygmomanomètre étalonné à cadran. Pour tous les échantillons de sang prélevés à jeun, on a dosé la concentration plasmatique de glucose, d'insuline, d'hémoglobine glycosylée (HbA1c), de triglycérides, de cholestérol total ainsi que du cholestérol des lipoprotéines de haute densité (HDL).

À des fins diagnostiques, on a fait passer aux personnes à risque de diabète mais non à celles qui souffraient d'un diabète patent une épreuve d'hyperglycémie provoquée par voie orale (HGPO). Les personnes à risque ont ingéré 75 grammes de glucose après un premier prélèvement de sang À jeun, et un second échantillon de sang a été prélevé deux heures plus tard pour une évaluation de la glycémie post-stimulative glucosée. D'après les critères de l'Organisation mondiale de la Santé 12 , on peut classer les sujets selon leurs résultats à l'épreuve d'HGPO comme étant soit normoglycémiques (à jeun et deux heures après l'ingestion de glucose <=7,7 mmol/L), comme présentant un abaissement de la tolérance au glucose (ATG) [glycémie à jeun <=7,7 mmol/L et glycémie après deux heures de 7,8 à 11,0 mmol/L], ou comme étant diabétiques (glycémie à jeun >=7,8 mmol/L et/ou glycémie après deux heures >=11,1 mmol/L). Afin d'estimer la prévalence du diabète dans chaque communauté, nous avons regroupé les personnes qui souffraient déjà d'un diabète patent avec les personnes chez lesquelles on a diagnostiqué un diabète lors du dépistage.

Variables anthropométriques
Toutes les mesures ont été effectuées par des infirmières autorisées ayant reçu une formation dans ce domaine. Les participants portaient des vêtements légers (pantalon de survêtement et T-shirt) et avaient retiré leurs chaussures et leurs bas. Les infirmières ont évalué le poids, la taille, les cinq plis cutanés ainsi que le tour de taille et le tour de hanches à trois reprises, prenant la médiane des trois comme étant la valeur «réelle»13 . Les vêtements ont été déplacés pour permettre la mesure directe des plis cutanés et des tours de taille et de hanches. L'indice de masse corporelle (IMC), la somme des cinq plis cutanés (biceps, triceps, région sous-scapulaire, crête iliaque et milieu du mollet), le rapport du tour de taille au tour de hanches (RTTH) et la somme de deux plis cutanés au niveau du tronc (région sous-scapulaire et crête iliaque) ont été calculés 14 . Un programme informatique 15 a permis de déterminer les cotes en percentiles de ces mesures, par rapport à des normes liées au sexe et à l'âge établies dans l'Enquête Condition physique Canada (1981)16 .

Variables comportementales
Nous avons évalué le niveau d'activité physique d'après la réponse à trois questions : [traduction] a) «Vous adonnez-vous au moins une fois par semaine à une activité physique régulière du type marche rapide, jogging, vélo, etc., pendant une période assez longue pour être en sueur?»; b) «Si tel est le cas, combien de fois par semaine?»; et c) «De quelle activité s'agit-il?»17 . Ces questions ont été validées comme mesure de l'activité physique 18,19 . Les personnes ont également été classées en catégorie selon la fréquence à laquelle ils pratiquaient chaque semaine des activités physiques vigoureuses (induisant la transpiration). Cette démarche s'inspire d'études épidémiologiques qui semblent indiquer qu'il existe une relation linéaire dose-effets entre l'activité physique et la santé et qu'une activité faible à modérée pourrait avoir des effets fonctionnels 20 .

Les habitudes alimentaires ont été évaluées au moyen de relevés des aliments et boissons consommés au cours de trois journées consécutives, dont un jour de fin de semaine. La façon de remplir ces relevés alimentaires ont été expliqués avant les tests. Des diagrammes et des modèles ont été utilisés pour aider les participants à évaluer la taille des portions. Nous avons également recueilli des données sur la consommation de tabac et d'alcool.

Variables psychosociales Nous avons choisi des instruments d'évaluation psychosociale qui demandaient peu de temps, étaient rédigés dans une langue simple, avaient été largement utilisés et acceptés dans des populations différentes et dont la fiabilité et la validité étaient établies 21 . Toutefois, aucun des instruments choisis n'avait été validé dans des populations autochtones, et un examen de la littérature a fait ressortir qu'aucune des mesures choisies ni aucune autre mesure psychosociale n'avait été utilisée dans des populations (autres qu'en milieu clinique), autochtones ou non autochtones, pour la prévention et la lutte contre le diabète.

Nous avons évalué l'estime de soi en utilisant l'échelle cumulative comportant 10 questions de Rosenberg, qui se réduit à six items 22 . Rosenberg a bien montré que cette mesure était reproductible, échelonnable et qu'elle présentait une validité concourante 22 . Il existe une corrélation entre les scores et les cotes cliniques ainsi qu'avec des mesures similaires de l'estime de soi. Les sujets indiquent dans quelle mesure ils sont d'accord avec les affirmations du type [traduction] «Je pense avoir un certain nombre de qualités bonnes». Les cotes positives ont été additionnées pour tous les items (score maximum = 6).

Nous avons évalué le bien-être psychologique à l'aide de l'échelle d'équilibre de l'affect comportant 10 items de Bradburn 23 , dont la fiabilité 23 et la validité concourante ont été établies 24 . Les sujets répondent par «oui» ou «non» à 5 énoncés positifs et à 5 énoncés négatifs. Par exemple, [traduction] «Au cours des dernières semaines, quelque chose vous a-t-il particulièrement excité ou intéressé?» Les réponses affirmatives ont été comptabilisées et la somme des réponses aux items négatifs a été retranchée de la somme des items positifs. Pour tenir compte des scores négatifs, nous avons ajouté une constante de 5 à la différence (score maximal = 10).

La maîtrise, c'est-à-dire la mesure dans laquelle les personnes ont l'impression d'avoir une emprise sur les forces qui influent sur leur vie, a été évaluée au moyen d'une échelle de maîtrise (semblable à celle de Likert 25 ) en 5 points portant sur 7 items, dont la fiabilité et la validité de construct avaient été confirmées 26 . Les sujets indiquent dans quelle mesure ils sont d'accord avec une série de 7 énoncés positifs et négatifs du type : «Lorsque je suis bien décidé, je peux faire à peu près n'importe quoi.» Nous avons fait la moyenne des scores (score maximal = 5).

Pour évaluer le soutien social, nous avons posé deux questions qui portaient particulièrement sur le soutien affectif : [traduction] a) «Parmi vos amis et vos parents, à l'exception de votre conjoint(e), si vous en avez un(e), à combien de personnes avez-vous l'impression de pouvoir tout dire, combien de personnes peuvent vous comprendre et vous donner leur avis?»; et b) «Si vous vivez avec un(e) conjoint(e), pouvez-vous vraiment discuter avec lui(elle) de choses importantes?»26 Les réponses à la première question étaient cotées de 0 à 2, selon que le sujet répondait «personne», «une personne», ou «deux ou plus». La réponse à la seconde question était cotée 0 si elle était négative ou 1 si elle était positive. Les scores totaux variaient donc de 0 à 3.

Analyse statistique
Nous avons compilé les statistiques sommaires pour les variables continues (moyen ± écart-type) et les variables assignées (nombre et pourcentage). Les différences entre communautés ont été évaluées au moyen d'un test de khi carré, d'un test de Kruskal-Wallis ou d'une analyse de variance, au besoin. Nous avons analysé les relations entre l'activité physique, les habitudes de consommation de tabac et la glycémie et l'insulinémie à jeun au moyen d'une analyse de la variance dans laquelle on a utilisé des données selon la communauté, y compris un terme d'interaction qui met en rapport une communauté du premier degré et des effets principaux. Nous avons évalué les différences dans les variables psychosociales entre les groupes définis d'après leurs caractéristiques comportementales en procédant à des analyses de variance tout en apportant des corrections pour tenir compte de l'âge et du sexe. Une régression multiple par degrés a permis de déterminer quelles variables physiologiques, anthropométriques et comportementales étaient des prédicteurs significatifs de la glycémie et de l'insulinémie. Nous avons fait appel à l'Ensemble des programmes statistiques relatifs aux sciences sociales (SPSS)27 pour les analyses.

Résultats

Seize des 20 personnes atteintes de diabète de la bande d'Okanagan (80 %), 11 des 16 diabétiques de la bande de Spallumcheen (69 %) ainsi que 4 des 4 membres de la bande de Penticton (100 %) ont décidé de participer à l'étude. Le reste des sujets dans chaque échantillon était formé de personnes à risque de souffrir du diabète. Tous les participants n'ont pas subi tous les tests et toutes les mesures.

Pour ce qui est des caractéristiques de base, les échantillons à haut risque dans les trois communautés étaient similaires (tableau 1). Dans les communautés d'Okanagan et de Spallumcheen, 77 % des sujets étudiés disposaient d'un revenu suffisant pour pouvoir acheter des aliments nutritifs, et 71 % avaient assez de revenus pour s'adonner à des activités physiques durant leurs loisirs. Dans l'échantillon de Penticton, le taux de réponse affirmative à ces questions atteignait presque 50 %.

Les épreuves diagnostiques ont permis d'identifier six nouveaux cas de diabète dans les échantillons de Spallumcheen et de Penticton, mais aucun dans l'échantillon d'Okanagan (tableau 2). Toutefois, six cas d'ATG ont été diagnostiqués dans l'échantillon d'Okanagan; quatre dans les échantillons de Spallumcheen et de Penticton. La prévalence brute du diabète (population vivant dans la réserve) s'établissait à 2,8 % pour la bande d'Okanagan, 5,7 % pour la bande de Spallumcheen et à 2,9 % pour la bande de Penticton. Environ 75 % des sujets dans les trois échantillons ont été classés après le dépistage comme étant normoglycémiques, 5 % ont reçu un diagnostic d'ATG et 20 % ont été identifiés comme étant diabétiques. Les résultats du dépistage ne variaient pas selon le sexe : la moyenne pour les femmes était de 60 % dans toutes les catégories, alors qu'elle était de 40 % chez les hommes.


TABLEAU 1
Caractéristiques choisies des échantillons à
haut risque selon la communauté
  Okanagan Spallumcheen Penticton
 
La moyenne ± écart-type
Âgea (ans) (n = 92)
47.3 ± 14.5
(n = 66)
41.5 ± 14.4
(n = 31)
42.1 ± 15.4
 
Pourcentage
Sexe (n = 93) (n = 69) (n = 32)

femmes

68.8 62.3 59.4
hommes
31.2 37.7 40.6
État matrimonial (n = 89) (n = 63) (n = 28)
marié(e)
49.4 22.2 35.7
conjoint de fait(e)
16.9 31.8 17.8

jamais marié(e)

15.7 20.6 17.9
veuf(ve)
3.4 9.5 14.3
séparé(e) ou divorcé(e)
14.6 15.9 14.3
Diplôme d'études secondaires (n = 89) (n = 66) (n = 29)
  42.7 28.8 31.0
a Différence d'une communauté à l'autre (p = 0,031), Okanagan > Spallumcheen (p < 0,05)

TABLEAU 2
Prévalence (%) du diabète avant et après le
dépistage parmi les communautés, et
prévalence du diabète et de l'abaissement de la
tolérance au glucose dans les échantillons à
haut risque
  Okanagan Spallumcheen Penticton
TOTAL
POPULATION
(N = 707) ( N = 331) ( N = 238)
 
Nombre (prévalence)
Avant de le dépistage 20 (2.8) 16 (4.8) 4 (1.7)
Après le dépistage 20 (2.8) 19 (5.7) 7 (2.9)
ÉCHANTILLONS À HAUT RISQUE ( n = 88) ( n = 64) ( n = 31)
 
Nombre (pourcentage)
Avant de le dépistage      
diabète jamais diagnostiqué
72 (81.8) 53 (82.8) 27 (87.1)
diabète patent
16 (18.2) 11 (17.2) 4 (12.9)
Après le dépistage      
normoglycémiea
66 (75.0) 47 (73.4) 23 (74.2)

abaissement de la toléranceb au glucose

6 (6.8) 3 (4.7) 1 (3.2)
nombre total de sujetsdiabétiquesc
16 (18.2) 14 (21.9) 7 (22.6)
a Glycémie à jeun et 2 heures plus tard £7,7 mmol/L
b Glycémie à jeun £7,7 mmol/L et 2-heures glycémie 7,8–11,0 mmol/L
c Glycemie à jeun ³7,8 mmol/L et/ou 2-heures glycémie >11,1 mmol/L, ou
diagnostic antérieur

   

La prévalence de l'hypertension (pression systolique ³160 mmHg et/ou pression diastolique ³90 mmHg, et/ou traitement courant contre une hypertension avérée) s'élevait à 10,4 % dans les trois échantillons (tableau 3). Le pourcentage d'HbA1c était élevé chez 27,3 % des membres de l'échantillon d'Okanagan, mais chez seulement 15 % environ des membres de la bande de Spallumcheen et de Penticton. Douze pour cent des sujets dans les trois échantillons présentaient une hyperinsulinémie.

Près de 50 % des sujets dans les trois communautés étudiées affichaient des taux élevés de cholestérol (tableau 3). Nous avons observé une hypertriglycéridémie chez 30 à 50 % des sujets, selon la communauté. Une analyse de régression multiple ascendante portant sur les concentrations de triglycérides, de cholestérol et de HDL a révélé que seules les triglycérides pouvaient prédire les concentrations à jeun de glucose (F = 25,6, p < 0,001) et d'insuline (F = 5,7, p < 0,05).

Il ressort des statistiques sur le mode de vie et le comportement (tableau 4) que 65 % des sujets dans les trois échantillons pratiquaient au moins une fois par semaine un activité physique vigoureuse (induisant la transpiration). Leur insulinémie moyenne était plus faible par rapport à ceux qui ne s'adonnaient pas à ce type d'activité au moins une fois par semaine (F = 7,7, p = 0,006). Seulement 37 % des sujets pratiquaient une activité physique vigoureuse au moins trois fois par semaine. La fréquence hebdomadaire des activités physiques vigoureuses n'était pas liée aux concentrations à jeun de glucose, d'HbA1c, de cholestérol, de triglycérides ni de HDL.

Il existait des différences significatives d'un échantillon à l'autre dans la consommation d'alcool (khi carré = 15,0 avec 2 degrés de liberté [dl], p = 0,02). Entre 30 et 60 % des gens disaient boire de l'alcool et le nombre médian de consommations chaque semaine variait de quatre à onze (tableau 4). Les habitudes de consommation de tabac variaient également de façon significative d'un échantillon à l'autre (khi carré = 8,0 avec 2 dl, p < 0,001) : de 36 à 67 % des sujets fumaient régulièrement. La consommation moyenne de cigarettes par jour variait entre 11 et 16. Après correction pour tenir compte de la communauté, nous n'avons observé aucune relation significative entre la consommation d'alcool ou de tabac et les concentrations à jeun de glucose, d'insuline, de cholestérol, de triglycérides ou de HDL.


TABLEAU 3
Proportions (%) de sujets hypertendus et dont
les paramètres métaboliques sont anormaux
dans les échantillons à haut risque
 

Okanagan
( n = 88)

Spallumcheen
( n = 64)

Penticton
( n = 31)

Hypertensiona 14.8 7.8 3.2
HbA1cb >6.4% 27.3 14.1 16.1
Insuline >180 pmol/L 9.1 7.8 25.8
Cholestérol >5,4 mmol/L 57.9 35.9 48.4
Triglycérides >2,4 mmol/L 39.8 29.7 48.4
HDLc <0,59 (femmes) ou
<0,69 (hommes)
4.5 1.5 16.1
a Systolic blood pressure ³160 mmHg and/or diastolic blood pressure ³90 mmHg, or current
treatment for hypertension
b Glycosylated hemoglobin
c High density lipoprotein cholesterol (mmol/L)

TABLEAU 4
Caractéristiques liées au mode de vie et au
comportement des sujets à haut risque
 
Okanagan
Okanagan
Penticton
Pourcentage

Activité physique
vigoureuse au moins
une fois par semaine


Fréquence des activités
physiques vigoureuses
chaque semaine
(n = 90)
67.8
(n = 66)
62.1
(n = 29)
65.5
0 32.2 37.9 34.5
1 23.3 7.6 10.3
2 14.5 10.6 10.3
3 13.3 25.8 20.7
4+ 16.7 18.2 24.2
Boit de l'alcoola (n=89) (n=66) (n'27)
  31.5 47.0 59.9
Médiane (étendue)
Consommations par semaine
(n = 21)
4 (1–182)
(n = 24)
11 (1–48)
(n = 11)
5 (1–48)
 
 
Pourcentage
Fumeur actuelb
(n = 89)
36.0
(n = 66)
66.7
(n = 27)
40.7
 
 
La moyenne ± écart-type
Nombre moyen de
cigarettes par jour
(n = 32)
13.7 ± 9.1
(n = 44)
11.4 ± 8.2
(n = 11)
16.2 ± 10.1
Âge où les sujets ont
commencé à fumer
(ans)
15.0 ± 3.7
14.9 ± 5.7
17.9 ± 5.9
a Différences significatives d'une communauté à l'autre (p = 0,018) d'après une analyse du
khi carré
b Différences significatives d'une communauté à l'autre (p = 0,0006) d'après une analyse
du khi carré

   

Dans les relevés de la consommation alimentaire sur trois jours, une forte proportion d'items étaient ambigus et incomplets dans les trois communautés étudiées. Des visites à domicile et des entrevues sont en cours pour clarifier un grand nombre de relevés. Nous analyserons ceux-ci pour déterminer la quantité de protéines, de fibres alimentaires, de glucides et de matières grasses consommée de même que le nombre total de kilocalories et le pourcentage de calories apportées par les protéines, les glucides et les lipides. Nous mettrons l'accent sur les habitudes alimentaires en général plutôt que sur l'apport nutritionnel détaillé.

Nous avons également observé des différences significatives d'une communauté à l'autre, pour toutes les variables anthropométriques (tableau 5) sauf la taille et le rapport du tour de taille au tour de hanches. Les valeurs moyennes pour l'IMC variaient entre 26,7 kg/m2 et 30,6 kg/m2 , et celles du RTTH entre 0,90 et 0,92. L'intervalle de variation pour la somme des plis cutanés (SPC) était en moyenne de 82 à 126 mm, alors qu'il était de 44 à 68 mm pour la somme des plis cutanés au niveau du tronc (SPCT). D'après les normes 14 de l'Enquête Condition physique Canada 16 , le pourcentage de sujets qui se situent au-dessus du 70e percentile pour leur âge et leur sexe était de 59,2 % pour l'IMC, de 60,1 % pour la SPC, de 72,8 % pour le RTTH et de 66,8 % pour la SPCT.

Une analyse de régression multiple ascendante utilisant comme variables l'IMC, le RTTH, la SPC et la SPCT a montré que la SPCT était le prédicteur le plus puissant de la concentration d'insuline, expliquant à elle seule 12,4 % de la variation dans l'insulinémie. Après la SPCT, le RTTH était responsable d'un autre 3 % de la variation de l'insulinémie. En combinant l'IMC ou la SPC, on ne parvenait pas à modifier significativement la concentration d'insuline. Ainsi, l'équation finale de régression par degrés comportait deux variables, le SPCT et le RTTH, et expliquait 15,4 % de la différence dans la concentration d'insuline (F = 16,0 avec 2 et 175 dl, p < 0,001). L'analyse des mêmes variables explicatives utilisées comme prédicteurs de la glycémie à jeun a révélé que seul le RTTH expliquait une partie significative de la variation (12,8 %) de la glycémie (F = 25,9 avec 1 et 176 dl, p < 0,001).

Les scores étaient élevés dans tous les échantillons pour les variables psychosociales suivantes : estime de soi, équilibre de l'affect, maîtrise et soutien social (tableau 6). On a observé des différences très légèrement significatives (p = 0,05) entre les échantillons pour ce qui est de l'équilibre de l'affect et du soutien social, mais les différences dans l'estime de soi et la maîtrise n'étaient pas La maîtrise était un prédicteur de la glycémie à jeun (mais non la concentration d'insuline) et était corrélée négativement avec les concentrations de glucose (F = 6,4 avec 1 et 158 dl, p < 0,05). L'estime de soi, l'équilibre de l'affect et le soutien social n'étaient pas des prédicteurs significatifs de la glycémie ni de l'insulinémie. Il existait des différences importantes dans les scores relatifs à la maîtrise (mais non dans les scores pour l'estime de soi, l'équilibre de l'affect ou le soutien social) entre les diabétiques, les personnes présentant un ATG et les normoglycémiques (F = 5,4 avec 2 et 170 dl, p < 0,005).

Après correction pour tenir compte de l'âge et du sexe, les scores obtenus pour la maîtrise (mais non pour l'estime de soi, l'équilibre de l'affect ou le soutien social) étaient significativement plus élevés chez les non-fumeurs que chez les personnes qui fumaient au moment de l'étude (F = 8,4 avec 1 et 175 dl, p = 0,004); les scores moyens (±écart-type) était de 3,68 (0,69) pour les fumeurs actuels et de 3,87 (0,70) pour les non-fumeurs. Les scores pour les variables psychosociales ne variaient pas grandement d'un groupe à l'autre répartis en deux catégories selon la consommation d'alcool ou la pratique d'activités physiques vigoureuses et l'on ne relevait pas non plus de différence dans les scores psychosociaux entre les groupes classés d'après leur apport en lipides.


TABLEAU 5
Mesures anthropométriques chez les sujets à
haut risque
Variable mesurée
Okanagan
Spallumcheen
Penticton
La moyenne ± écart-type
Taille (cm) 163.5 ± 8.1 163.1 ± 11.0 164.7 ± 7.1
Poids (kg)a 82.3 ± 18.3 70.8 ± 14.7 81.5 ± 16.1
Indice de masse corporelle (IMC) [kg/m2]a 30.6 ± 5.8 26.7 ± 5.4 29.9 ± 5.3
Sommes des plis cutanés
b (mm)
103.9 ± 40.8 82.4 ± 30.1 125.7 ± 35.7
Somme des plis cutanés au niveau du tronc (mm)b 53.0 ± 20.5 43.5 ± 15.4 68.1 ± 20.8
Tour de taille (cm)a 98.4 ± 14.7 90.0 ± 12.3 98.1 ± 14.5
Tour de hanches (cm)b 107.8 ± 10.8 99.9 ± 9.2 106.5 ± 10.0
Rapport du tour de taille
au tour de hanches
0.912 ± 0.093 0.900 ± 0.087 0.919 ± 0.095
a Différences significatives d'une communauté à l'autre (p < 0,0001); Okanagan >
Spallumcheen, Penticton > Spallumcheen (p < 0,05)
b Différences significatives d'une communauté à l'autre (p < 0,0001); toutes les différences
significatives (p < 0,05)
TABLEAU 6
Constructions psychosociales pour les
échantillons à haut risque
 
Okanagan
Spallumcheen
Penticton
La moyenne ± écart-type
Estime de soi
(0 = faible, 6 = forte)
(n = 89)
5.1 ± 1.1
(n = 66)
4.8 ± 1.2
(n = 28)
5.0 ± 1.2
Maîtrise+
(0 = faible, 5 = forte)
(n = 89)
3.9 ± 0.6
(n = 66)
3.7 ± 0.8
(n = 28)
3.7 ± 0.6
Équilibre de l'affecta
(0 = nég., 10 = pos.)
(n = 86)
7.9 ± 2.0
(n = 66)
7.1 ± 2.3
(n = 28)
7.8 ± 2.6
Soutien socialb
(0 = aucun, 3 = fort)
(n = 85)
2.3 ± 0.8
(n = 62)
2.0 ± 0.9
(n=25)
1.9 ± 0.8
a Différence d'une communauté à l'autre (p = 0,05), Okanagan > Spallumcheen (p < 0,05);
par analyse de variance
b Différence limite d'une communauté à l'autre (p = 0,054); d'après le test de Kruskal-Wallis

   

Discussion

Après étude des communautés sélectionnées, qui englobent à elles trois la majorité des Indiens inscrits vivant dans les réserves de la région d'Okanagan en Colombie-significatives. Britannique, on estime à 36,1 pour 1 000 (n = 1 276) le taux régional de prévalence du diabète chez les adultes de 18 ans et plus. Ce taux brut est plus élevé que le taux obtenu à partir des données recueillies en 1987 pour les Indiens inscrits du sud de la zone continentale (région du Pacifique) de la Colombie-Britannique, qui était de 15,3 pour 1 000 11 . Même si les taux bruts ne peuvent être comparés directement, ces différences laissent entendre que l'incidence du diabète est à la hausse dans cette population. Cette conclusion est conforme à celle de rapports récents sur les populations autochtones d'autres régions du Canada 28,29 . Le taux régional de prévalence de l'ATG, qui n'a jamais été évalué antérieurement, est estimé à 7,8 pour 1 000 (n = 1 276) pour les adultes autochtones de 18 ans et plus.

En Colombie-Britannique 11 comme en Saskatchewan 29 et au Canada en général 30 , il existe une association positive entre l'urbanisation relative et la prévalence du diabète chez les autochtones. Bien qu'il n'ait pas été établi qu'une urbanisation croissante et l'acculturation causent le diabète, ces changements, alliés à une susceptibilité génétique au DSNID, sont associés à une augmentation de la prévalence du diabète chez les membres des Premières Nations.

L'urbanisation peut expliquer le faible niveau d'activité physique observé dans cette étude; même s'il s'agit de collectivités semi-rurales et d'économies de subsistance, 37 % seulement des sujets s'adonnaient à des activités physiques vigoureuses au moins trois fois par semaine. Il faut faire de l'exercice physique au moins trois fois par semaine pour en retirer des bienfaits 31 . D'après nos observations, il faudrait s'efforcer d'accroître la fréquence de l'activité physique chez les personnes dont le niveau est faible à modéré, mais il reste que ce chiffre de 37 % est assez voisin de la proportion de Nord-Américains qui s'adonnent à une activité physique régulière et modérée (40 %)32 .

Nous avons observé que les personnes qui pratiquent une activité physique vigoureuse au moins une fois par semaine affichaient un taux moyen d'insuline inférieur à celui des personnes qui ne s'adonnaient pas à ce type d'activité (p < 0,01), ce qui est conforme à un vaste corpus de données publiées qui associent l'activité physique à une plus grande sensibilité à l'insuline des muscles squelettiques et du tissu adipeux 3 . Nous n'avons relevé aucune tendance significative en ce qui a trait à l'effet des différents niveaux d'activité physique hebdomadaire sur les variables cliniques, ce qui reflète tout probablement le manque de précision de notre mesure de l'activité physique.

Zimmet et ses collaborateurs ont fait état d'un niveau plus élevé d'activité physique régulière associé aux activités de cueillette et à la pratique agricole dans les cultures qui ont conservé un mode de vie traditionnel et ont émis l'hypothèse que l'adoption de modes de vie sédentaires fait partie intégrante du processus d'acculturation des autochtones, qui entraîne une hyperinsulinémie, une résistance à l'insuline et, finalement, une intolérance au glucose, en particulier chez les sujets obèses 33 . La participation à des programmes de promotion de la condition physique chez les Zunis a été associée à des réduction de poids et à une amélioration de l'équilibre glycémique chez les personnes atteintes ou non de diabète 34 .

La relation entre le diabète et la consommation d'alcool est bien établie 35 , mais les niveaux de consommation d'alcool étaient faibles dans les trois échantillons; il n'y a donc pas lieu d'intervenir. Nous n'avons observé aucune relation significative entre la consommation d'alcool et les variables cliniques. Nous nous sommes toutefois servis dans cette étude des déclarations individuelles pour évaluer la prévalence des facteurs de risque comportementaux. La validité des données concernant l'usage d'alcool n'est pas certaine, et les auto-évaluations du nombre de consommations par semaine peuvent être biaisées, du fait que 25 % des sujets qui ont dit consommer de l'alcool n'ont pas répondu à une question portant sur le nombre moyen de consommations par semaine.

Par contre, l'usage du tabac était suffisamment répandu pour justifier une intervention. L'absence de relation entre la consommation de tabac et les variables cliniques peut être due au fait que nous n'avons pas recueilli de données sur les antécédents de consommation de tabac; nous n'avons donc pu estimer et analyser les années-paquets. La prévalence de l'hypertension artérielle dans l'échantillon d'Okanagan autorise une intervention vu qu'il a été démontré que l'hypertension augmente le risque de DSNID indépendamment d'autres facteurs de risque connus, y compris l'obésité 19 .

Dans les trois communautés étudiées, le diabète semble mal équilibré; 63 % de tous les cas atteints de diabète présentaient en effet des taux élevés d'HbA1c (24 des 38 cas--non indiqués au tableau 3). L'étude des habitudes alimentaires a révélé que les diabétiques consomment en général des aliments trop riches en matières grasses et en sucres simples; on retrouve dans ce groupe 35 % de tous les cas d'hypertriglycéridémie, 20 % de tous les cas d'hypercholestérolémie et 63 % de tous les cas qui présentent un pourcentage d'HbA1c élevé.

En plus des efforts visant à améliorer l'équilibre glycémique pour les diabétiques, il faut mettre l'accent sur la prévention chez les personnes présentant un ATG et des profils normoglycémiques, qui regroupent 67 % de tous les cas d'hyperinsulinémie, 80 % de tous les cas d'hypercholestérolémie et 65 % de tous les cas d'hypertriglycéridémie. Les sujets normoglycémiques et ceux chez qui l'on a décelé un ATG semblent également consommer de grandes quantités de matières grasses. Dans l'échantillon d'Okanagan, une forte proportion de sujets normoglycémiques présentait des taux cliniques élevés d'HbA1c (16 %), ce qui évoque une consommation excessive de sucres simples en plus de matières grasses. Bien que l'on ne connaisse pas très bien le rôle des gras alimentaires ou du passage d'une alimentation autochtone traditionnelle à une alimentation occidentale riche en gras dans la pathogenèse du diabète 1 , des mesures diététiques s'imposent puisque nous avons observé que la concentration de triglycérides était un prédicteur de la glycémie (p < 0,001) et de l'insulinémie (p < 0,05) à jeun.

L'obésité est considérée comme le principal facteur de risque de DSNID 2 , et l'IMC est un prédicteur de l'atteinte diabétique, de la glycémie à jeun et de la concentration des hémoglobines glycosylées chez les autochtones canadiens 36 . Dans la présente étude, les valeurs moyennes de l'IMC et de la SPC dépassaient dans tous les échantillons les normes canadiennes et les valeurs limites au-delà desquelles il existe un risque pour la santé 14 . Même si l'IMC et la SPC sont chacun responsables d'une partie importante de la variation de la glycémie et de l'insulinémie lorsqu'on fait abstraction du RTTH et de la SPCT, ces dernières variables (qui sont des indicateurs de l'adiposité abdominale et centrale [tronc], respectivement) éclipsaient constamment la variation attribuée à l'origine à l'IMC ou à la SPC dans des analyses à plusieurs variables, à tel point que l'IMC et la SPC n'expliquaient aucune partie significative de la variation dans la glycémie et l'insulinémie en dehors de celle due au RTTH ou à la SPCT. Il faut donc en conclure que chez les diabétiques et les sujets à haut risque de cette étude, la prédominance des tissus adipeux au niveau de l'abdomen ou du tronc est plus étroitement corrélée à la glycémie et à l'insulinémie que les indicateurs d'obésité générale.

Pour ce qui est de la répartition de la masse adipeuse considérée comme un facteur de risque de DSNID, une étude prospective a montré qu'une répartition abdominale ou centrale était un facteur de risque de diabète plus puissant que l'obésité et indépendant de cette dernière 37 . Chez les autochtones du Canada, l'adiposité centrale a été associée à des concentrations élevées d'hémoglobines glycosylées 38 , à une intolérance au glucose ainsi qu'au diabète 39 . Dans la présente étude, 59 % des sujets à haut risque se situaient au-dessus du 70 e percentile pour l'IMC pour leur âge et leur sexe, alors que 73 % se classaient au-dessus du 70 e percentile pour le RTTH pour leur âge et leur sexe.

Comme les facteurs psychosociaux décrivant la façon dont les personnes se sentent sont des points importants à considérer dans tout programme de prévention et de lutte contre le diabète, la constatation que nous avons faite que le sentiment de maîtrise est un prédicteur de la glycémie à jeun (p < 0,05) et qu'il existe une relation inverse entre ces deux variables a un retentissement important sur les programmes communautaires d'intervention. La tendance linéaire positive en ce qui a trait à la maîtrise dans les différents groupes classés selon leur état diabétique (p = 0,05) comporte d'autres répercussions pour les interventions communautaires, bien qu'on n'ait établi aucune relation de cause à effet. On ignore si les faibles scores obtenus à l'échelle de maîtrise sont fonction de l'état physiologique ou clinique ou si les taux élevés de glucose et les comportements prédisposants sont imputables à un faible sentiment de maîtrise.

Comme indication de la mesure dans laquelle les sujets ont l'impression d'avoir une emprise sur les forces qui influent sur leur vie, la maîtrise est néanmoins déterminée en partie par le contexte social, économique et politique. Les efforts visant à opérer des changements au niveau des facteurs sociaux et culturels qui influent sur la maîtrise pourraient aider à accroître la prévalence des comportements favorables à la santé et promouvoir l'adoption de tels comportements. Ce raisonnement et les observations précédentes militent donc en faveur de méthodes communautaires de prévention et de lutte contre le diabète adaptées aux réalités culturelles.

De nombreuses études publiées témoignent de l'efficacité limitée des méthodes orthodoxes de soins de santé pour aborder le problème du diabète chez les populations autochtones. Les interventions communautaires adaptées sur le plan culturel risquent d'atténuer les effets psychosociaux de la maladie. Les concepts psychosociaux ont donc un rôle à jouer dans les interventions communautaires non pas à titre d'indications cliniques de l'état des sujets ni comme base de comparaison pour l'extrapolation des résultat à d'autres populations, mais comme moyen de suivre les changements avec le temps dans les ressources individuelles et collectives, changements qui peuvent permettre aux programmes de prévenir et de contrôler le diabète. Le présent projet repose sur la prémisse voulant qu'un programme élaboré, mis en oeuvre et géré par les membres d'une communauté favorisera l'efficacité personnelle et collective en encourageant les gens à travailler ensemble en vue d'opérer des changements à l'échelle communautaire. Cette démarche s'inspire de la théorie de l'apprentissage social 40 .

Comme le cadre théorique d'un programme constitue également un modèle d'évaluation, nous avons choisi des méthodes et des mesures qui correspondent à des éléments de la théorie. L'hypothèse sur laquelle repose l'évaluation est qu'un programme communautaire de prévention et de lutte contre le diabète qui est adapté aux réalités culturelles suscitera des réponses psychosociales positives qui seront associées avec le temps à des changements comportementaux bénéfiques, qui à leur tour s'accompagneront de changements aux niveaux physiologique et anthropométrique. Nous avons observé dans cette étude une relation entre les variables psychosociales et la notion d'efficacité personnelle 40 . Des changements dans le sentiment de maîtrise, l'équilibre de l'affect, l'estime de soi et le soutien social, assortis de changements dans les variables comportementales et physiologiques, pourraient justifier de façon très convaincantes l'adoption de mesures d'intervention visant à régler des problèmes liés au contexte qui ont été cernés par des membres de la communauté.

Dans le cas des communautés qui ont participé au projet, la prévalence du diabète et de l'ATG, ainsi que la prévalence des facteurs de risque chez les sujets étudiés militent en faveur de l'adoption de mesures de prévention et de mesures de lutte améliorées contre le diabète. S'il est vrai que les recherches dans les communautés présentent de nombreux défis sur le plan méthodologique et peuvent prêter le flanc à la critique à cause des variables de confusion ou du manque de fiabilité, cela ne devrait pas être un obstacle à l'élaboration, à la mise en oeuvre et à l'évaluation, aussi rigoureuse que possible, de stratégies d'intervention intégrées visant à lutter contre le problème croissant du diabète parmi les communautés des Premières Nations.

Pour opérer des changements comportementaux et environnementaux, il faut développer les compétences et mobiliser les ressources en vue de l'adoption de mesures adaptées et il n'existe pas de moteur plus puissant qu'une communauté qui s'est prise en main. L'habilitation n'est pas un processus directif : on ne peut l'imposer aux gens, ceux-ci deviennent habilités lorsqu'ils sont capables de s'aider eux-mêmes. Les recherches participatives dans la communauté peuvent faciliter le processus d'habilitation chez les individus et les groupes 7 . On peut ainsi chercher à accroître l'efficacité personnelle et collective et exploiter cette ressource à bon escient. Il peut être possible de prévenir et de contrôler le diabète en utilisant des stratégies acceptables, intéressantes et pertinentes aux yeux des personnes qui vivent chaque jour avec cette maladie.

Remerciements

Cette recherche a été financée en partie par le Programme national de recherche et de développement en matière de santé, qui a octroyé une subvention (#6610-2022-ND) au projet dans le cadre de l'Initiative spéciale de recherche sur le diabète dans la population canadienne des autochtones lancée en 1992. Une bourse de formation de troisième cycle en santé nationale a également été accordée à Mark Daniel. Ce dernier remercie les Killam Trusts qui lui ont accordé une bourse de doctorat honorifique.

Les auteurs tiennent à remercier les membres suivants de l'équipe de recherche pour leur contribution : Beatrice Bonneau, Laura Miller et Sadie Muik, de la Bande indienne d'Okanagan, Vernon, C.-B.; Linda Mitchell, de la Bande indienne de Spallumcheen, Enderby, C.-B.; et Bernice Strachan, infirmière diplômée, Diabetes Day Programme, Vernon Jubilee Hospital, Vernon, C.-B. Ce projet n'aurait pu être mené à bien sans l'aide et la coopération des participants communautaires et des membres du Comité consultatif de même que des conseils de bande d'Okanagan, de Penticton et de Spallumcheen. Il convient enfin de souligner l'aide technique précieuse apportée par Lowell Laidlaw et Betty Carlson, du Clinical Chemistry Laboratory, Vernon Jubilee Hospital, et par les étudiants bénévoles du Programme du baccalauréat en sciences infirmières de l'Okanagan University College.

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Références des auteurs

Mark Daniel, Department of Health Care and Epidemiology, Faculty of Medicine, University of British Columbia, 5804 Fairview Avenue, Vancouver, British Columbia V6T 1Z3
Diane Gamble et Joyce Henderson, Division of Health and Social Development, Okanagan University College, Kelowna (Colombie-Britannique)
Sandy Burgess, Direction générale des services médicaux, Santé Canada, Salmon Arm (Colombie-Britannique)

Cet article complète la description d'un projet qui a été présenté lors de la troisième Conférence internationale sur le diabète et les peuples autochtones : «Théorie, réalité et espoir», qui a eu lieu à Winnipeg (Manitoba) du 26 au 30 mai 1995.

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Dernière mise à jour : 2002-10-29 début