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Volume 18, No 1- 2000

 

 

Agence de santé publique du Canada

Utilisation de médicaments contre l'asthme dans deux populations québécoises d'utilisateurs d'antiasthmatiques : analyse de la base de données des ordonnances

Claudine Laurier, Wendy Kennedy, Line Gariépy, André Archambault et André-Pierre Contandriopoulos


Résumé

Cette étude décrit l'utilisation d'antiasthmatiques par deux groupes d'utilisateurs de ce type de médicaments au Québec au cours d'une année, soit entre le 1er juin 1990 et le 31 mai 1991. Il s'agit d'une analyse secondaire des banques de données sur les médicaments remboursés par les deux programmes gouvernementaux de remboursement de médicaments pour patients ambulatoires, qui s'adressent aux personnes de 65 ans et plus (personnes âgées) et aux bénéficiaires de la sécurité du revenu (bénéficiaires SR). L'analyse porte sur l'utilisation des antiasthmatiques figurant sur la liste des médicaments remboursables aux personnes âgées et aux bénéficiaires SR. L'utilisation de ces médicaments a été étudiée auprès de deux échantillons aléatoires de personnes ayant fait exécuter au moins une ordonnance d'antiasthmatique (2 566 personnes âgées et 3 695 bénéficiaires SR). Le produit le plus couramment utilisé dans les deux groupes était le salbutamol en inhalation, à 100 mcg. En outre, une proportion élevée de sujets a consommé diverses formes de comprimés de théophylline. Plus de 75 % des personnes âgées et 68 % des bénéficiaires SR ont utilisé au moins une forme de théophylline au cours de l'année. Les corticostéroïdes en inhalation ont été utilisés par 43 % des personnes âgées et 36 % des bénéficiaires SR, tandis que les sympathomimétiques (ß2-agonistes) l'ont été par 63 % des personnes âgées et 68 % des bénéficiaires SR.

Mots clés : Asthma; drug therapy; drug utilization; pharmacoepidemiology; Quebec


Introduction

Les médicaments contre l'asthme, surtout les bronchodilatateurs, les anti-inflammatoires et la théophylline, servent au traitement de la bronchite chronique ou de l'emphysème (bronchopneumopathie chronique obstructive ou BPCO), ainsi que de l'asthme. Parce que la classification des maladies n'est pas évidente et que l'établissement d'un diagnostic exact (surtout chez la personne âgée) est difficile, la mesure de la prévalence de ces maladies pose des problèmes1-4. On peut toutefois utiliser des estimations.

Les estimations de prévalence de l'asthme fréquemment utilisées sont de 5 % à 10 %5,6; on estime de plus que de 1 à 3 % des femmes et de 4 à 6 % des hommes souffrent de BPCO3. Selon l'enquête effectuée en 1987 par Santé Québec auprès de la population générale du Québec, la prévalence d'asthme, de bronchite et d'emphysème (considérés en une seule catégorie) était de 3,9 %, selon l'information fournie par les répondants7.

Ces taux relativement élevés de troubles respiratoires s'accompagnent d'une forte utilisation des médicaments contre ces maladies. En 1985, plus de 3 % des ordonnances exécutées dans les pharmacies communautaires des États-Unis l'étaient pour des médicaments indiqués contre l'asthme ou la BPCO. Entre 1972 et 1985, l'augmentation du nombre d'ordonnances a été de l'ordre de 200 % pour ces médicaments, tandis qu'elle n'a été que de 7 % pour tous les autres types de médicaments8. Au Canada, le nombre d'ordonnances de médicaments pour troubles respiratoires a augmenté de 38 % entre 1985 et 19909. Une étude réalisée récemment en Saskatchewan a révélé qu'entre 1989 et 1993, le nombre moyen de personnes utilisant des antiasthmatiques s'est accru de 33 pour 1 000 à 47 pour 1 00010.

Une étude transversale (une journée par mois) des prescriptions de médicaments pour troubles respiratoires faites en 1990 par un échantillon aléatoire de médecins canadiens a mis en évidence la répartition suivante : corticostéroïdes en inhalation pour 18 % des patients; ß2-agoniste en inhalation pour 49 % des patients; et théophylline pour 24 % des patients9. Par sa nature, cette étude n'a pas permis de suivre l'utilisation des médicaments dans le temps.

La présente étude vise à examiner la consommation de médicaments pour troubles respiratoires chez des sujets sélectionnés, pendant une période relativement longue, et cet article fait état des schémas d'utilisation sur douze mois échelonnés du 1er juin 1990 au 31 mai 1991.

Méthodes

Source d'information

L'analyse de l'utilisation de médicaments prescrits contre l'asthme a été effectuée à partir de l'information extraite de la base de données des médicaments de la Régie de l'assurance-maladie du Québec (RAMQ). Cette base de données contient l'information relative à la facturation des pharmacies pour les médicaments prescrits et les services pharmaceutiques dispensés aux deux groupes de personnes admissibles aux programmes de remboursement des médicaments pour patients ambulatoires : les personnes de 65 ans et plus (personnes âgées) et les bénéficiaires de la sécurité du revenu (bénéficiaires SR).

Échantillonnage

L'étude porte sur les personnes qui étaient admissibles aux programmes de remboursement des médicaments pendant toute la durée de l'étude (du 1er juin 1988 au 31 mai 1992) et qui ont reçu au moins une ordonnance entre le 1er juin 1990 et le 30 octobre 1990 de n'importe quel antiasthmatique remboursé à ce moment. Comme ils ne sont pas spécifiques de l'asthme ou de la BPCO, les corticostéroïdes oraux n'ont pas été considérés comme critère d'inclusion. Les médicaments à l'étude et la manière dont ils ont été groupés pour les diverses analyses sont indiqués à la figure 1.

Chez les personnes âgéesa, 51 327 sujets répondaient aux critères d'inclusion; un échantillonnage aléatoire à hauteur de 5 % a produit un échantillon de 2 566 sujets. Parmi les 18 475 bénéficiaires SR répondant aux critères d'inclusion de l'étude, un échantillonnage aléatoire à 20 % a produit un échantillon de 3 695 sujets.

a Comme les sujets du groupe «personnes âgées» devaient avoir 65 ans ou plus en 1988 pour satisfaire le critère d'inclusion de l'étude, les données analysées ont trait à des personnes de 67 ans ou plus en 1990-1991.

Dans les deux groupes, nous avons analysé l'utilisation des médicaments prescrits visés entre le 1er juin 1990 et le 31 mai 1991.

Pour nous assurer que l'analyse n'était pas trop faussée par l'inclusion de personnes dont la médication a été interrompue parce qu'elles ont quitté la province pendant l'année visée, nous avons éliminé de l'échantillon les personnes qui n'ont pas reçu d'ordonnance (de tout genre, c.-à-d. non seulement les antiasthmatiques) pendant les quatre derniers mois de l'année. Ce critère nous a également permis d'éliminer certains sujets qui consomment peu de médicaments prescrits. L'échantillon final se composait de 2 363 personnes âgées et de 3 266 bénéficiaires SR.

Analyse

L'analyse portait sur la proportion de sujets (utilisateurs) qui ont reçu des ordonnances pour divers antiasthmatiques au cours de la période d'un an, et du nombre moyen d'ordonnances par utilisateur. Les médicaments individuels ont été groupés en classes (figure 1), et la proportion d'utilisateurs a été analysée en fonction de l'âge, du sexe et de la région du domicile. L'analyse a également porté sur les utilisateurs de certaines associations médicamenteuses. La relation entre les variables démographiques et la proportion d'utilisateurs a été établie au moyen du test chi carré de Pearson, et les résultats ont été considérés comme significatifs pour les valeurs de p < 0,05.



   

Nous avons estimé la proportion d'utilisateurs d'antiasthmatiques dans un contexte ambulatoire chez les personnes de 67 ans et plus en comparant le nombre de personnes âgées dans la base de données qui avaient reçu un antiasthmatique à la population du Québec qui avait 67 ans ou plus en 1990b. Il s'agit là d'une estimation approximative car l'année civile et l'exercice financier de la Régie ne concordent pas et certaines personnes ont été hospitalisées et alors n'ont pas consommé leurs médicaments dans un cadre ambulatoire.

Résultats

Le tableau 1 décrit la répartition des sujets des échantillons selon l'âge et le sexe. Nous avons estimé que 8,0 % (51 537/641 345) de la population du Québec qui, en 1990, avaient 67 ans ou plus, ont pris un antiasthmatique dans un cadre ambulatoire pendant la période visée. La proportion estimée est semblable pour les deux sous-groupes d'âge des personnes âgées (de 67 à 76 ans; 77 et plus); elle est toutefois plus élevée chez les hommes (11,0 %) que chez les femmes (6,1 %).

b Les statistiques de population qui ont été utilisées portaient sur les résidents du Québec admissibles aux programmes de santé, en 1990; ces statistiques sont publiées par groupes d'âge quinquennaux. Pour obtenir des données sur les groupes d'âge de 67 à 76 ans et de 77 et plus, nous avons utilisé les proportions d'âge et de sexe tirées du recensement de 1991, pour le Québec (Statistique Canada, cat. 93-310).

TABLEAU 1

Caractéristiques des populations étudiées : personnes âgées et bénéficiaires de la sécurité du revenu

 

Personnes âgées

Bénéfic. SRa

Caractéristiques

n = 2 363

n = 3 266

Sexe

Homme

54,8 %

38,6 %

 

Femme

45,2 %

61,4 %

Âge

£6

 

8,6 %

 

7-16

 

8,0 %

 

17-41

 

27,7 %

 

42-66

 

55,7 %

 

67-76

63,9 %

 
 

77+

36,1 %


Région

Région de Québec

30,7 %

32,8 %

 

Région de Montréal

55,6 %

55,9 %

 

Autre

8,1 %

10,2 %

 

Région manquante

5,6 %

1,1 %

a Pour le calcul des pourcentages en fonction des groupes d'âge, nous avons exclu les quelques personnes de 67 ans ou plus.


   

Nous n'avons pas pu faire les mêmes estimations dans le groupe de bénéficiaires SR, car nous ne connaissions pas le nombre de sujets qui ont été bénéficiaires de la sécurité du revenu pendant ces quatre années.

Le tableau 2 décrit les médicaments utilisés par au moins 5 % des sujets, ainsi que le nombre moyen d'ordonnances par utilisateur. Dans les deux groupes, les médicaments le plus souvent utilisés sont très semblables.



Chez les personnes âgées, le médicament le plus courant est le salbutamol à 100 g : 46 % des sujets de ce groupe l'ont utilisé en 1990-1991. En outre, une proportion élevée (plus de 10 %) des sujets ont pris les médicaments suivants : diverses formes de comprimés de théophylline à action prolongée - 300 mg (27 %) et 200 mg (23 %); une forme de théophylline liquide - 80 mg/15 mL (13 %); deux formes de béclométhasone - 0,05 mg (24 %) et 0,25 mg (16 %); et de l'ipratropium à 0,02 mg (18 %).

Chez les bénéficiaires SR, le salbutamol à 100 g est également l'antiasthmatique le plus souvent utilisé (40 %). Les autres médicaments sont le béclométhasone à 0,05 mg (20 %) et à 0,25 mg (11 %), l'orciprénaline liquide à 2 mg/mL (11 %), deux des formes de théophylline à action prolongée - 200 mg (12 %) et 300 mg (25 %), et une forme liquide de théophylline, à 80 mg/15 mL (14 %).

Environ 30 % des personnes âgées et 25 % des bénéficiaires SR ont reçu au moins trois ordonnances de salbutamol en inhalation à 100 mcg. Puisqu'un dispositif contient 200 doses, ces patients ont dû en prendre au moins 600 durant l'année, ce qui correspond à un usage quotidien.

Les résultats de l'analyse de l'utilisation de chaque classe de médicaments figurent au tableau 3, avec les résultats du test du chi carré de Pearson pour la variable «sexe». Plus des trois quarts des personnes âgées et plus des deux tiers des bénéficiaires SR ont pris au moins une forme de théophylline au cours de l'étude (1990-1991). Les corticostéroïdes en inhalation ont été utilisés par 43 % des personnes âgées et 36 % des bénéficiaires SR; les sympatho- mimétiques (ß2-agonistes) en inhalation, par 60 % et 58 % des sujets, respectivement; les sympathomimétiques oraux, par 7 % et 17 % des sujets, respectivement; l'ipratropium, par 19 % et 10 % des sujets, respectivement; et le cromoglycate, par moins de 1 % des personnes âgées et par 3 % des bénéficiaires SR.



Le pourcentage d'utilisation variait notablement selon le sexe, dans les deux groupes, mais pas pour les mêmes groupes de médicaments, ni de la même manière. Chez les personnes âgées, les hommes prenaient proportionnellement plus d'ipratropium et de l'une ou l'autre forme de théophylline que les femmes, tandis que les femmes étaient proportionnellement plus nombreuses que les hommes à consommer des sympathomimétiques en inhalation. Chez les bénéficiaires SR, toutes proportions gardées, les femmes prenaient plus de corticostéroïdes en inhalation que les hommes, et l'inverse a été observé dans le cas du cromoglycate et des sympathomimétiques oraux.

Le tableau 4 résume les résultats de l'analyse de la distribution de la consommation par classe de médicaments, pour différents groupes d'âge. L'utilisation de médicaments chez les personnes âgées ne varie pas de manière significative en fonction de l'âge, sauf pour les formes de théophylline : les plus jeunes de ce groupe en consomment un peu moins (74 %) que les plus vieux (78 %). Par contre, chez les bénéficiaires SR, les proportions de consommation de tous les antiasthmatiques varient significativement en fonction de l'âge.



   

La région du domicilec (non montré) n'a été associée à aucune tendance significative chez les personnes âgées, peu importe la classe de médicaments consommés. Chez les bénéficiaires SR, une tendance a été observée seulement pour les formes de théophylline, qui sont moins souvent utilisées dans la région de Québec (66 %) que dans celle de Montréal (70 %) et ailleurs (72 %). Dans ce groupe, l'influence de la région du domicile sur la consommation de cromoglycate et de corticostéroïdes en inhalation se rapprochait du seuil de signification à p = 0,06 et à p = 0,08, respectivement. Dans la région de Québec, le cromoglycate est moins utilisé (2 %) que dans les deux autres régions (4 % et 5 %, respectivement), les corticostéroïdes en inhalation le sont davantage (38 %, contre 35 % et 33 %).

Le tableau 5 montre les proportions d'utilisateurs de certaines associations médicamenteuses, selon le sexe. La variation selon le sexe était significative chez les personnes âgées recevant au moins une ordonnance de sympathomimétique en inhalation, de corticostéroïde en inhalation à faible dosage et de théophylline à action prolongée, ainsi que pour celles qui ont reçu au moins une ordonnance de sympathomimétique en inhalation, de corticostéroïde en inhalation, de théophylline à action prolongée et d'ipratropium. Dans les deux cas, le pourcentage d'utilisateurs était plus élevé chez les hommes (14,9 % et 9,9 %, respectivement) que chez les femmes (11,4 % et 5,7 %). Pour les bénéficiaires SR, les femmes étaient proportionnellement plus nombreuses (37,6 %) que les hommes (27,9 %) à recevoir au moins une ordonnance de sympathomimétique en inhalation et de corticostéroïde en inhalation (dosage élevé ou faible), et la tendance était la même (18,3 % et 14,3 %, respectivement) chez les personnes ayant reçu au moins une ordonnance de sympathomimétique en inhalation et une de corticostéroïde en inhalation à dosage élevé.



Le tableau 6 présente la différence qui existe entre les groupes d'âge dans les proportions d'utilisateurs d'associations médicamenteuses. Chez les personnes âgées, une seule association (prescrite au moins une fois) montre une variation significative selon le groupe d'âge : sympathomimétique en inhalation et corticostéroïde en inhalation (dosage élevé ou faible). Chez les bénéficiaires SR, le pourcentage d'utilisateurs de toutes les associations d'antiasthmatiques sélectionnées variait d'une manière significative selon l'âge. Chez les jeunes enfants, la prescription d'associations médicamenteuses tendait à être plus rare.

Chez les personnes âgées, la région du domicile (non montré) avait une influence notable sur l'utilisation d'une association de sympathomimétique en inhalation, de corticostéroïde en inhalation à dosage élevé et de théophylline à action prolongée : la consommation est plus élevée dans la région de Montréal (15,0 %) que dans celle de Québec (11,6 %) et ailleurs (10,0 %). Chez les bénéficiaires SR, la région du domicile avait également une influence significative sur l'utilisation d'une association de sympathomimétique en inhalation et de corticostéroïde en inhalation, à la fois à dosage élevé et pour tous dosages confondus : la consommation était plus élevée dans la région de Québec (19,5 % et 33,1 %, respectivement) que dans celle de Montréal (15,5 % et 28,3 %) ou ailleurs (15,6 % et 31,8 %).



Discussion

Les données reflètent l'achat, la fourniture et le remboursement d'antiasthmatiques chez les bénéficiaires de deux programmes gouvernementaux de remboursement de médicaments pour patients ambulatoires. On peut considérer ces données comme relativement complètes, car les médicaments étant remboursés à 100 % (il n'y avait alors pas de frais à charge des bénéficiaires), les bénéficiaires avaient tout intérêt à se procurer tous leurs médicaments sur ordonnance par l'entremise de ces programmes. Bien qu'on ne puisse pas tirer de conclusion quant à la consommation réelle de médicaments, les remboursements servent d'indicateur de consommation et de mesure de l'exécution des ordonnances. Par conséquent, bien que notre analyse porte sur les proportions d'utilisateurs de différents médicaments, nous ne pouvons conclure quoi que ce soit quant aux habitudes réelles de consommation de médicaments dans la population.

 

Étant donné que cette étude examine un pourcentage d'utilisation pendant une année, les résultats sont supérieurs à ceux obtenus dans le cadre de l'étude transversale sur la prescription d'antiasthmatiques au Canada, en 1990, qui indiquait que l'utilisation de ß2-agonistes en inhalation était de 49 % et que celle de corticostéroïdes en inhalation était de 18 %9.

On doit s'attendre à ce que l'âge influe davantage sur les proportions d'utilisateurs chez les bénéficiaires SR (groupe comprenant des enfants, des jeunes adultes et des personnes d'âge moyen) que chez les personnes âgées. Cette variation de consommation associée à l'âge a également été observée dans le cadre d'autres études11,12.

Des études portant sur le recours aux ressources en santé12,13 ou sur l'incidence ou la prévalence de l'asthme11,14 ont également montré que la consommation de médicaments variait selon le sexe. Dans notre étude, le sexe de l'utilisateur avait souvent une influence marquée sur la consommation de médicaments ou d'associations de médicaments, tant chez les personnes âgées que chez les bénéficiaires SR. La variation en fonction du sexe observée dans la proportion d'utilisateurs de corticostéroïdes en inhalation était toujours manifeste chez les bénéficiaires SR lorsque l'utilisation de ces médicaments était considérée en association avec celle de sympathomimétiques en inhalation; cette variation pourrait surtout s'expliquer par la proportion de personnes qui consomment des corticostéroïdes en inhalation à dosage plus élevé.

Bien que les groupes de sujets comprennent des patients souffrant de BPCO ainsi que des personnes asthmatiques, il peut être utile de comparer les schémas d'utilisation avec les lignes directrices relatives au traitement de l'asthme, en particulier chez les bénéficiaires SR, qui tendraient à exclure les personnes souffrant de BPCO (surtout celles de moins de 42 ans). Les associations de médicaments pourraient révéler dans quelle proportion ces personnes sont traitées par les antiasthmatiques selon les recommandations formulées en 1989 par un groupe canadien de consensus, et revues récemment15. Ces lignes directrices définissent quatre stades de gravité de l'asthme, selon les médicaments nécessaires :

  • Stade 1 : ß2-agoniste en inhalation au besoin +/- cromoglycate
  • Stade 2 : Stade 1 + traitement d'entretien au cromoglycate ou à de faibles dosages de corticostéroïdes en inhalation
  • Stade 3 : Stade 1 + traitement d'entretien avec un dosage plus élevé de corticostéroïdes en inhalation essai avec de la théophylline à action prolongée ou un ß2-agoniste à action prolongée comme traitement d'appoint ipratropium en inhalation
  • Stade 4 : Stade 3 + prednisone orale

Cette étude n'a pas porté sur l'utilisation de corticostéroïdes oraux, mais nous pouvons constater que l'association sympathomimétique en inhalation et corticostéroïde à faible dosage pourrait correspondre au second stade de gravité de l'asthme, et que le recours à un sympathomimétique en inhalation et un corticostéroïde en inhalation à dosage élevé, avec ou sans théophylline, correspond au stade 3. Ainsi, nous avons estimé que 18 % des bénéficiaires SR ont reçu un traitement correspondant au stade 2. Il reste qu'une certaine proportion de ces personnes sont traitées plutôt en fonction d'un stade 3, car 60 % d'entre elles ont également pris de la théophylline à action prolongée. Cela pourrait signifier qu'au lieu d'une augmentation du dosage du corticostéroïde en inhalation, le traitement ferait appel à des doses accrues de médicament au même dosage, ou ajouterait la théophylline à action prolongée plutôt que d'augmenter la dose de corticostéroïde. Cela pourrait également indiquer que les personnes ont déjà utilisé de la théophylline, à laquelle ont été ajoutés des corticostéroïdes, ou pour lesquels ils ont été substitués au cours de l'année.

Dix-sept pour cent des bénéficiaires SR seraient traités pour un stade 3 (ß2-agoniste et corticostéroïde en inhalation à dosage élevé), et certains d'entre eux reçoivent en plus de la théophylline à action prolongée (10 %). Environ 27 % des bénéficiaires SR semblent avoir pris des sympathomimétiques en inhalation sans corticostéroïdes en inhalation, la même année.

Certaines des données concernant les associations de médicaments ne reflètent pas nécessairement la consommation en un moment particulier, puisque les données couvrent une période de 12 mois. Elles pourraient plutôt révéler l'évolution ou le changement des schémas de traitement durant cette période. En particulier, la consommation de sympathomimétiques en inhalation en plus de corticostéroïdes en inhalation, tous dosages confondus, a été estimée à 37 % chez les personnes âgées et à 30 % chez les bénéficiaires SR. Si on ajoute la proportion d'utilisateurs d'une association de sympathomimétique et de corticostéroïde en inhalation, peu importe le dosage, on obtient 43 % pour les personnes âgées et 35 % pour les bénéficiaires SR, autrement dit une consommation de plus d'un dosage de corticostéroïde en inhalation chez 6 % et 5 % des sujets, respectivement. Certains sujets pourraient certes recevoir plus d'un corticostéroïde à un moment donné, mais il est plus vraisemblable d'expliquer ces chiffres par un changement survenu pendant la période visée.

La nature des populations étudiées nous empêche de généraliser à partir des données de l'étude, car les schémas de consommation ne reflètent pas nécessairement la situation qui existe actuellement au Québec chez les plus jeunes ou dans la population du marché du travail. Cette étude peut tout de même être considérée comme relativement représentative de la population québécoise de 65 ans et plus, chez qui un médecin a diagnostiqué l'asthme, une BPCO ou les deux, et prenant des médicaments pour traiter ou soulager leurs états. Les personnes pour qui aucun diagnostic n'a été établi ou qui n'ont besoin que d'un traitement minimal ne sont pas incluses dans l'étude. Les bénéficiaires de l'aide sociale seraient relativement moins représentatifs de la population générale de moins de 65 ans, car ce groupe est plus vulnérable aux maladies que la population générale. De plus, seuls les bénéficiaires de l'aide sociale admissibles à ce programme pendant toute la période visée, soit 4 ans, ont été pris en compte, ce qui restreint davantage leur représentativité.

Remerciements

Nous tenons à remercier Glaxo Canada, en partie responsable du financement du projet, ainsi que Mme M. Paré, pour son aide précieuse.


Références des auteurs

Claudine Laurier
, Faculté de pharmacie, Université de Montréal, CP 6128, succ. Centre-ville, Montréal (Quebec)  H3C 3T4; et Groupe de recherche interdisciplinaire en santé de l'Université de Montréal
Wendy Kennedy, Faculté de pharmacie, Université de Montréal; et Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, Université de Montréal; et Centre québécois d'excellence en santé respiratoire, Hôpital du Sacré-Coeur, Montréal (Québec)
Line Gariépy, Faculté de pharmacie, Université de Montréal; et Conseil d'Évaluation de Technologie de Santé de Québec, Montréal (Québec)
André Archambault, Faculté de pharmacie, Université de Montréal
André-Pierre Contandriopoulos, Groupe de recherche interdisciplinaire en santé, Université de Montréal; et Département d'administration de santé, Université de Montréal

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Dernière mise à jour : 2002-10-29 début