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Volume 18, No 3- 2000

 

 

Agence de santé publique du Canada

Enquête sur la formation dispensée aux professionnels de la santé canadiens en matière de counselling antitabac


Roger Thomas


Résumé

On a demandé aux écoles canadiennes qui forment les professionnels de la santé d'évaluer dans quelle mesure elles favorisent l'acquisition, par leurs étudiants, des compétences en counselling qui leur permettront d'aider leurs clients à ne pas commencer à fumer ou à renoncer au tabac. On leur a également demandé de préciser les sujets abordés ainsi que le degré de connaissances et de compétences en counselling de leurs diplômés, et de déterminer s'il convenait de mettre sur pied, dans leur établissement, un programme intégré de formation en counselling antitabac. Un questionnaire a été expédié à 283 écoles ou départements d'enseignement professionnel, dont 165 ont répondu (taux de réponse de 58 %). Ce sont les vice-doyens aux études de premier cycle, les vice-doyens aux études supérieures ou les directeurs de programmes d'études supérieures qui ont répondu au questionnaire. Dans les écoles qui ont dit enseigner le counselling antitabac, on consacrait un plus grand nombre d'heures d'enseignement (entre 1 et 11 heures) aux maladies causées par le tabagisme qu'au counselling visant à décourager l'usage du tabac chez les enfants ou les adultes ou à aider les fumeurs à renoncer à cette habitude. Les écoles de sciences infirmières avaient généralement des programmes intégrés d'éducation à la santé et pouvaient difficilement déterminer le nombre d'heures consacrées exclusivement au counselling antitabac. Dans toutes les écoles professionnelles, peu de vice-doyens ou de directeurs de programmes jugeaient supérieures les connaissances ou les compétences en counselling de leurs diplômés; la majorité des répondants estimaient qu'il serait bon de mettre sur pied, dans leur établissement, un programme intégré de formation en counselling antitabac.

Mots clés : Canada; counselling; education, professional; smoking; tobacco

Introduction

Le tabagisme demeure un important risque pour la santé au Canada. L'Enquête sur le tabagisme au Canada1, effectuée en 1994 par Santé Canada, a révélé que 30 % de la population canadienne de plus de 15 ans fumait régulièrement (31 % des hommes et 29 % des femmes). Vingt-huit pour cent des personnes âgées de 15 à 19 ans fumaient; c'était le cas également de 38 % de celles de 20 à 24 ans; de 33 % de celles de 25 à 64 ans; et de 15 % de celles de 65 ans et plus. Les femmes consommaient en moyenne 17 cigarettes par jour, et les hommes, 20.

À l'âge de 10 ans, entre 30 % et 50 % des enfants auront fumé au moins une cigarette et, par la suite, les taux d'initiation au tabac grimpent rapidement2. En moyenne, entre 1 % et 3 % des enfants de 10 ans fument une cigarette par semaine3, et ce taux s'élève, pour s'établir entre 20 % et 24 % à l'âge de 15 ans4. Les enfants qui commencent à fumer à l'âge de 12 ans ou avant cet âge sont plus nombreux à devenir des fumeurs réguliers ou de gros fumeurs.

Objectif et méthodologie de l'enquête

Comme les professionnels de la santé ont un rôle important à jouer dans les habitudes de tabagisme de leurs clients, on a conçu une enquête pour déterminer dans quelle mesure ils sont bien préparés à dispenser des conseils contre la cigarette. L'enquête visait à déterminer de façon précise, si la formation en matière de counselling antitabac etait offerte dans les écoles professionnelles canadiennes; combien d'heures y étaient consacrées; quels étaient les sujets abordés; si un programme précis de counselling, «Guidez vos patients vers un avenir sans tabac», était utilisé. On souhaitait en outre évaluer les connaissances et les compétences en counselling des diplômés et déterminer si les répondants seraient favorables à la mise sur pied, dans leur établissement, d'un programme intégré de formation en counselling antitabac.

En raison de contraintes financières, on ne pouvait avoir recours qu'à un questionnaire adressé. Étant donné que l'enquête s'étendait à toutes les provinces, le coût aurait grimpé considérablement si l'on s'était rendu en personne dans toutes les écoles professionnelles. Afin d'encourager les gens à répondre, on a conçu un questionnaire d'une seule page (voir annexe), qui pouvait être rempli en quelques minutes.

Après un premier envoi postal et deux autres communications (en janvier et février 1997), soit par téléphone, soit par la poste, 165 des 283 écoles professionnelles qui avaient reçu le questionnaire y ont répondu (taux de réponse de 58 %). Neuf écoles de médecine de premier cycle, 30 départements d'études supérieures en médecine, 93 écoles de sciences infirmières, 9 écoles de pharmacie et 24 départements de psychologie ont répondu. Signe de la difficile situation financière vécue dans le monde de l'enseignement professionnel, 15 écoles de sciences infirmières ont écrit qu'elles ne répondraient pas officiellement au questionnaire, parce qu'elles fermaient leurs portes ou prévoyaient le faire d'ici peu. Les démarches administratives entreprises afin de communiquer avec les écoles d'art dentaire n'ont pas été terminées à temps pour l'enquête, aussi ce volet sera-t-il intégré à une étude ultérieure.

Résultats

Formation en matière de counselling dans les écoles professionnelles canadiennes

Cinquante-cinq pour cent des écoles de médecine de premier cycle, 22 % des départements de psychologie et 11 % des écoles de pharmacie (relativement à certains aspects du counselling) n'étaient pas en mesure d'indiquer si le counselling était intégré à leur programme d'enseignement (tableau 1).


TABLEAU 1

Prestation de counselling antitabac dans les écoles professionnelles au Canada

Vice-doyens ou directeurs de programmes

Médecine, premier cycle

Médecine, études supérieures

Sciences infirmières

Pharmacie

Psychologie

Nombre de sujets qui ont reçu le questionnaire

16

52

162

9

44

Nombre de sujets qui y ont répondu

9

30

93

9

24

Question

Type de réponse

   

Français

Anglais

   

Sensibilisation aux maladies dues au tabagisme

JNSP (%)
Heuresa

55
6

40
4

18
11

18
8

22
4

13
1

Counselling antitabac adressé aux enfants

JNSP (%)
Heuresa

55
0,25

43
0,9

44
1,4

41
0,7

22
0,25

21
0,5

Counselling antitabac adressé aux adultes

JNSP (%)
Heuresa

55
1

40
1,2

43
2

32
2,7

11
1,1

20
0,7

Aide aux fumeurs à cesser le tabagisme

JNSP (%)
Heuresa

55
0,75

40
1,8

43
1,6

50
0,5

11
1,2

20
1,7

a Les heures indiquent les heures d'apprentissage dans l'ensemble du programme professionnel, la moyenne n'étant calculée que pour les écoles qui ont
indiqué un nombre d'heures précis.
JNSP = «Je ne sais pas»


   

Dans les écoles professionnelles qui avaient répondu au questionnaire, on consacrait entre une heure et onze heures pendant l'ensemble du programme aux maladies causées par le tabagisme. Toutefois, bon nombre d'écoles n'avaient aucun programme d'enseignement du counselling antitabac, et on ne consacrait que deux heures en moyenne au counselling dans les écoles qui avaient répondu et indiqué un nombre d'heures précis.

De nombreuses écoles de sciences infirmières avaient des programmes intégrés d'éducation à la santé et pouvaient difficilement déterminer le nombre d'heures consacrées exclusivement au counselling antitabac. Les répondants ont formulé des commentaires concernant cette intégration à plusieurs cours, souvent axés sur un problème de santé précis, où l'on abordait l'éducation à la santé et le counselling en général et discutait des nombreux problèmes de santé dont le lien avec le tabagisme était établi ou soupçonné. Néanmoins, six écoles de sciences infirmières ont dit que plus de 20 heures de leur programme d'études étaient consacrées au counselling intégré, comprenant le tabagisme; dans deux autres écoles, on consacrait entre 20 et 30 heures au counselling; dans trois écoles, entre 40 et 50 heures; et dans une école, 80 heures.

Dans certaines écoles de sciences infirmières, le counselling antitabac était abordé dans le cadre de cours à option, par exemple, «15 heures la première et la deuxième années, dans le cadre d'un cours à option sur la thérapeutique (45 heures), si l'étudiante s'intéresse à la question» [traduction].

Une école de sciences infirmières a indiqué que l'enseignement du point de vue des opposants au tabac pourrait poser des problèmes éthiques.

Le tabagisme est cité comme facteur de pathologie. On recommande des habitudes saines, mais il n'y a pas d'approches spécifiques. L'intervention comme vous semblez la voir entre en conflit avec les valeurs et peut être perçue comme une intervention totale. Le dilemme entre former et endoctriner.

Une seule école de sciences infirmières a fait allusion au taux de tabagisme des étudiants.

De nombreux étudiants en sciences infirmières continuent de fumer. Nous offrons beaucoup de cours portant sur le counselling en général, qui peuvent s'appliquer au tabagisme. [traduction]

Certaines écoles de sciences infirmières préféraient offrir des outils conceptuels plutôt que de favoriser l'acquisition de compétences précises en matière de counselling.

La formation en sciences infirmières n'est pas axée sur des maladies spécifiques, mais plutôt sur des concepts, p. ex., les aberrations chromosomiques, le manque d'oxygène, l'ischémie, etc. De même, lorsqu'on aborde le générique tabagisme/ antitabagisme, le counselling n'est pas axé sur des aspects spécifiques. [traduction]

Nous croyons qu'il est préférable d'enseigner des concepts, plutôt que d'inculquer un grand nombre de faits. Le tabagisme est intégré en même temps que d'autres maladies/habitudes à certains cours en promotion de la santé et à certains principes d'enseignement. Je suis convaincu que notre programme intègre tous les principes et toutes les connaissances de base. [traduction]

Approches spécifiques en matière de counselling

Le counselling antitabac ne peut être efficace que dans la mesure où l'on intègre au moins des éléments adaptés à la culture et au sexe de la clientèle, de manière à intéresser celle-ci. Dans les écoles où il existait un programme d'enseignement du counselling antitabac, le pourcentage d'établissements proposant une approche adaptée au sexe s'échelonnait entre 44 % dans les écoles de médecine de premier cycle et 0 % dans les écoles de pharmacie (tableau 2). Dans le questionnaire, on demandait aux établissements s'ils utilisaient le programme de counselling «Guidez vos patients vers un avenir sans tabac» (du Conseil canadien sur le tabagisme et la santé, du Collège des médecins de famille du Canada et de l'Association médicale canadienne) : ce programme n'était utilisé que par moins de 10 % des écoles professionnelles.

 


TABLEAU 2

Prestation des approches spécifiques en matière de counselling

 

Réponse

Méd.
1er cycle

Méd.
études supr.

Sciences infirmières

Pharm.

Psych.

Question

Fr.

Ang.

Nous utilisons des approches adaptées au sexe

Oui

44

27

9

32

0

8

Nous utilisons «Guidez vos patients vers un avenir sans tabac»

Oui

11

13

5

3

0

4


   

Opinions concernant les compétences des élèves en matière de counselling

Le tiers des vice-doyens des écoles de médecine n'étaient pas en mesure d'évaluer les compétences de leurs étudiants dans ce domaine (tableau 3). Environ la moitié des vice-doyens estimaient que leurs étudiants avaient des compétences de base minimales ou élémentaires. Aucun des vice-doyens des écoles de médecine, des écoles francophones de sciences infirmières ou des écoles de pharmacie n'estimait que ses étudiants avaient des compétences supérieures dans ce domaine, et seulement 6 % des écoles anglophones de sciences infirmières et 8 % des départements de psychologie jugeaient supérieures les compétences pratiques de leurs étudiants.

 


TABLEAU 3

Opinions concernant les compétences des étudiants en matière de counselling

Question

Médecine, premier cycle

Médecine, études supérieures

Sciences infirmières

Pharmacie

Psychologie

Compétences des étudiants en matière de counselling antitabac à la fin du programme

Français

Anglais

 

Réponse

%

%

%

%

%

%

Connaissances

Aucune réponse

22

30

6

9

0

21

 

Minimes

11

3

10

45

44

50

 

Élémentaires

44

30

34

18

22

17

 

Satisfaisantes

11

30

40

23

33

8

 

Supérieures

11

7

9

5

0

4

Counselling

Aucune réponse

33

33

7

27

0

25

pratique

Minimes

33

7

30

55

44

38

 

Élémentaires

33

23

35

0

22

25

 

Satisfaisantes

0

37

21

18

33

4

 

Supérieures

0

0

6

0

0

8


   

Opinions concernant la nécessité de mettre sur pied des programmes intégrés de formation en counselling

Le pourcentage de vice-doyens qui ont exprimé leur opinion concernant la nécessité de mettre sur pied un programme intégré de formation en counselling oscillait entre 78 % chez les doyens des écoles de médecine de premier cycle, et 100 % chez les vice-doyens des écoles de pharmacie (tableau 4).

 


TABLEAU 4

Opinions concernant la nécessité de mettre sur pied un programme intégré d'enseignement
en matière de counselling

Question

Médecine, premier cycle

Médecine, études supérieures

Sciences infirmières

Pharmacie

Psychologie

Notre programme exige un programme intégré sur les sujets suivants

Français

Anglais

(1 = tout à fait d'accord, 5 = fortement en désaccord)a

Maladies dues au tabagisme

2,6

2,6

1,9

2,2

2,2

2,6

Counselling antitabac adressé aux enfants

2,0

2,3

1,9

2,4

1,9

2,4

Counselling antitabac adressé aux adultes

2,0

2,3

2,0

2,2

2,1

2,6

Aide aux fumeurs à cesser le tabagisme

2,1

2,3

2,0

2,2

2,4

2,0

Aucune réponse

22 %

18 %

12 %

9 %

0 %

16 %

a Les moyennes ne sont calculées que pour les personnes qui ont répondu. Le choix du chiffre 1 indique que le répondant est fortement en faveur d'un programme de counselling intégré, celui du chiffre 5, qu'il n'en voit pas la nécessité.


   

En général, les vice-doyens de toutes les écoles reconnaissaient la nécessité d'un programme intégré de formation en counselling (les scores s'échelonnaient entre 1,9 et 2,6, sachant que 1 = tout à fait d'accord, 3 = ni d'accord, ni en désaccord et 5 = fortement en désaccord), mais les opinions divergeaient considérablement d'une discipline à l'autre.

Les vice-doyens de deux écoles de médecine de premier cycle se sont attachés au fonctionnement des programmes intégrés de médecine.

Je ne suis pas certain que le programme intégré doive porter expressément sur la consommation de tabac, mais nous devons améliorer l'enseignement dispensé en matière de counselling et de modification du comportement dans le domaine des toxicomanies, du tabac et des autres drogues. [traduction]

Nous avons un programme axé sur des problèmes particuliers, où des groupes de sept étudiants abordent des questions précises. Le temps consacré à chaque classe dirigée peut varier considérablement. [traduction]

Certains vice-doyens aux études supérieures de médecine estimaient que le counselling était très probablement intégré aux disciplines touchant les soins primaires.

La psychiatrie s'attache à des maladies et syndromes graves; il serait sans doute plus indiqué d'aborder la question dans les milieux de soins primaires. [traduction]

Le niveau de formation dans ce domaine varie selon le programme - les étudiants en médecine familiale ont une solide formation, alors que les étudiants en chirurgie sont moins bien préparés, étant donné qu'ils n'ont généralement pas à dispenser de counselling. [traduction]

Les vice-doyens des écoles de pharmacie ont souligné le fait que leurs programmes s'attachaient à des aspects spécifiques et qu'il serait préférable d'adopter une approche plus intégrée.

Nous utilisons actuellement le «Butting Out for Life Program». Nous «enseignons» comment aider les fumeurs à abandonner la cigarette, mais notre enseignement est très axé sur les produits (p. ex., nicoderm, etc.) et non sur les patients. Il serait bon de disposer de ressources pour appuyer le counselling motivationnel. [traduction]

Jusqu'ici, nous avons surtout mis l'accent sur les auxiliaires antitabagiques, leur mode de fonctionnement, le counselling et le suivi des patients. Un programme intégré serait très utile, en particulier s'il aborde l'aide individualisée et la pratique du counselling auprès des patients. [traduction]

Les vice-doyens des départements de psychologie ont noté que l'importance de la formation en counselling variait selon le champ d'études.

Les internes qui font un stage en psychologie de la santé ou dans le domaine des soins périnatals reçoivent davantage de formation sur l'abandon du tabac que ceux qui travaillent dans d'autres domaines (p. ex., clinique auprès des adultes, neuropsychologie). [traduction]

Nous sommes un milieu d'internat et nous travaillons principalement auprès des enfants. Certains étudiants qui le souhaitent peuvent recevoir une formation spécialisée dans ce domaine. La psychologie a davantage pour objet de concevoir des programmes de prévention et de traitement. [traduction]

Les vice-doyens des écoles de psychologie ont également manifesté leur intérêt pour des programmes intégrés.

Si vous avez de la documentation à ce sujet, veuillez nous la faire parvenir. J'aimerais aborder la question avec les chargés de cours, et faire en sorte que ces modules soient au moins disponibles dans nos cliniques de formation. [traduction]

On enseigne des stratégies et des interventions plus générales, comme l'approche cognitivo- comportementale, qui pourraient s'appliquer aisément au problème du tabagisme. [traduction]

On pourrait intégrer un atelier sur ce sujet à notre série de séminaires cliniques. [traduction]

Nos patients sont des patients psychiatriques chroniques et de très gros fumeurs. [traduction]

Un seul vice-doyen (d'un département de psychologie) a indiqué qu'une recherche était en cours à ce sujet.

Nous disposons actuellement d'un protocole acceptable permettant d'évaluer un programme de renoncement au tabac faisant appel à un manuel et à une approche cognitivo-comportementale. Le programme devrait se révéler efficace. [traduction]

Les commentaires formulés par les répondants donnent à penser que les écoles (comme les écoles de médecine et de sciences infirmières) qui se sont tournées vers des programmes d'enseignement axés sur des problèmes particuliers offrent à leurs étudiants la possibilité d'explorer plus librement les sujets qui les intéressent; toutefois, les vice-doyens ont alors plus de difficulté à déterminer quels sont les sujets abordés dans chaque classe dirigée. Les disciplines (comme la psychologie) où il existe une structure composée de cours auxquels les étudiants s'inscrivent sont mieux en mesure d'intégrer une matière nouvelle au programme d'enseignement en proposant des cours ou des modules.

Recension de la littérature

Efficacité des interventions des médecins

Il a été établi que les interventions des médecins peuvent effectivement aider les patients à renoncer au tabac. L'American Guide to Clinical Preventive Services5 et le Guide canadien de médecine clinique préventive6 ont évalué la qualité des preuves en faveur du counselling antitabac et concluent qu'elle était excellente («A»).

Dans une méta-analyse, on a examiné les essais comparatifs randomisés portant sur les thérapies de substitution de la nicotine (TSN)7. Les résultats obtenus auprès de 18 000 patients indiquent que pour la plus longue période de suivi disponible (en général 12 mois), 19 % des patients ayant bénéficié d'une TSN et 11 % des témoins étaient abstinents. Les probabilités d'abstinence augmentaient donc de 71 % (intervalle de confiance [IC] à 95 % = 56-87 %) avec les TSN. Dans les essais où les sujets avaient bénéficié d'un appui très intensif, la probabilité d'abstinence après 6 à 12 mois était de 19,7 % (IC à 95 % = 18,7-20, 6 %), comparativement à 10,5 % (IC à 95 % = 9,9-11, 1 %) dans les groupes ayant reçu un appui peu intensif. Toutefois, dans les essais où l'on avait eu recours à un système transdermique de patchs à la nicotine, on n'a observé aucune différence significative dans les taux d'abstinence lorsqu'un appui très intensif était offert.

Dans une méta-analyse de 94 essais comparatifs randomisés portant sur des programmes visant à prévenir l'usage du tabac chez les adolescents ou à encourager le renoncement au tabac, on a relevé 48 études dont la qualité était acceptable sur le plan méthodologique8. Les programmes misant sur le renforcement social et les normes sociales, et orientés vers le développement avaient des effets positifs significatifs, mais ce n'était pas le cas de ceux qui avaient une orientation rationnelle (factuelle). Le nombre de séances de counselling était relié aux effets plus importants.

Repérer les fumeurs en cabinet

Les études ont montré que le counselling n'est efficace que dans la mesure où plusieurs éléments sont présents. Les médecins doivent recevoir de la formation pour demander à leurs patients s'ils fument et s'enquérir de leur exposition à la fumée ambiante; leur demander s'ils envisagent de renoncer au tabac et ont déjà fait des tentatives en ce sens; s'enquérir de leurs antécédents en matière de tabagisme et évaluer leur dépendance à la nicotine au moyen du test de Fagerström9,10; encourager les fumeurs à fixer la date à laquelle ils renonceront au tabac; leur offrir du counselling, de la documentation favorisant l'effort individuel et une thérapie de substitution de la nicotine; consigner les conseils dispensés et le plan de renoncement au tabac dans le dossier du patient; fixer des rendez-vous de suivi; et faire en sorte que l'organisation du travail au cabinet et l'effectif leur permettent d'offrir aux patients un programme complet.

Il faut offrir de la formation aux professionnels de la santé afin de les aider à repérer régulièrement les fumeurs parmi leur clientèle. Une étude menée auprès des médecins de famille du Nouveau-Brunswick a révélé que ces derniers n'avaient repéré que 20 % des fumeurs adultes faisant partie de leur clientèle11.

Les auteurs d'une étude menée en 1992 au Connecticut ont estimé que 48 % des médecins de famille, 38 % des pédiatres et 26 % des dentistes étaient en mesure d'estimer la prévalence du tabagisme parmi leurs patients âgés de 12 à 18 ans12. Leurs estimations étaient de 30 à 50 % inférieures aux taux nationaux. En outre, 24 % des médecins de famille, 20 % des pédiatres et 8 % des dentistes ont indiqué offrir «toujours» du counselling concernant le tabagisme aux jeunes de 10 à 12 ans; ces pourcentages s'élevaient à 51 %, 48 % et 9 %, respectivement, chez les 16 à 18 ans.

Dans le cadre d'une enquête, 2 095 médecins de famille de l'Indiana ont répondu à un questionnaire; 86 % d'entre eux avaient demandé à leurs nouveaux patients s'ils fumaient, et 23 % s'étaient enquis de leur exposition à la fumée ambiante13. Vingt-huit pour cent avaient recours à un programme antitabac structuré, mais seulement 11 % estimaient que leurs compétences en matière de counselling antitabac étaient excellentes.

Dans une clinique de médecine familiale de l'Université d'Ottawa, le fait que le patient fumait ou non n'était indiqué que dans 12 % seulement des dossiers des patients âgés de 15 à 65 ans. Une étude a révélé que le taux de consignation au dossier pouvait être accru de 26 % (à un coût moyen de 7,37 $ CAN par point de pourcentage gagné) au moyen d'une demande de 15 secondes adressée par un médecin, de 37 %, au moyen d'une lettre expédiée par la poste (61,80 $) et de 44 %, au moyen d'un appel téléphonique de la part d'une infirmière (22,03 $)14.

Offre de counselling en matière de tabagisme

Il faut également offrir de la formation aux professionels de la santé afin qu'ils soient en mesure de demander de façon régulière aux fumeurs s'ils désirent renoncer au tabac et de leur proposer une thérapie. Les médecins posent généralement davantage de questions à ce sujet aux patients qui fument un plus grand nombre de cigarettes par jour ou à ceux qui ont de graves problèmes de santé ou dans les cas où le tabagisme a une incidence sur la prescription (p. ex., pour les contraceptifs).

Les Centers for Disease Control and Prevention des États-Unis ont effectué en 1991 la National Health Interview Survey-Health Promotion and Disease Prevention Survey auprès de personnes âgées de 18 ans et plus15. On a estimé qu'il y avait 51 millions de fumeurs. De ce nombre, 36 millions ont signalé avoir consulté un médecin au moins une fois au cours de l'année écoulée, et 13 millions (37 % des fumeurs) avaient reçu certains conseils au cours de cette consultation relativement à l'abandon du tabac. Ce sont les personnes qui fumaient le plus et avaient le plus souvent consulté un médecin qui étaient les plus nombreuses à avoir reçu ce type de conseils : on avait recommandé de cesser de fumer à 45 % des personnes qui avaient consulté un médecin à 4 reprises ou plus et à 41 % de celles qui fumaient entre 15 et 24 cigarettes par jour. Soixante et un pour cent des fumeurs ont affirmé qu'on leur avait déjà conseillé de renoncer à la cigarette. Les médecins estimaient avoir donné ce conseil dans une plus forte proportion (entre 52 % et 97 %) que ne le révélait l'enquête. Cet écart pourrait être attribuable à une surestimation de la part des médecins ou à l'oubli des conseils qui leur avaient été dispensés, de la part des répondants.

Dans le Stanford Five-City Project, 51 % des personnes qui fumaient en 1989-1990 ont affirmé que jamais un médecin ne leur avait recommandé de renoncer au tabac; et seulement 3,6 % des ex-fumeurs ont affirmé qu'un médecin les avait aidés en ce sens16. On avait recommandé de renoncer au tabac à 13 % des fumeurs âgés de 13 à 17 ans et à 69 % des fumeurs âgés de 50 à 74 ans. Trente-cinq pour cent des personnes qui avaient consulté un médecin une fois au cours de l'année, et 60 % de celles qui avaient consulté un médecin à plus de 6 reprises ont dit qu'on leur avait recommandé de cesser de fumer.

Dans un échantillon composé de résidents du Michigan de plus de 18 ans, 44 % des répondants ont affirmé qu'un médecin leur avait déjà conseillé de renoncer à la cigarette (30 % des hommes et 46 % des femmes âgés de 18 à 34 ans). Quatre-vingts pour cent des hommes et 60 % des femmes qui avaient déjà fait une crise cardiaque avaient reçu le même conseil17.

Une enquête téléphonique effectuée auprès des étudiants de 1ère année des collèges de l'Arizona a révélé que 89 % d'entre eux avaient consulté un médecin au cours de l'année écoulée18. De ce nombre, 31 % des femmes et 21 % des hommes se rappelaient qu'on leur avaient demandé s'ils fumaient (17 % des femmes et 19 % des hommes fumaient).

En Californie, une enquête téléphonique effectuée auprès de 24 296 patients a montré que les médecins dispensaient généralement des conseils aux fumeurs qui étaient plus âgés, fumaient davantage et étaient apparemment en moins bonne santé19.

Dans une étude effectuée auprès des médecins de famille du Nebraska, on a utilisé la liste de membres de la Nebraska Academy of Family Physicians (sur laquelle figurent 90 % des médecins qui exercent au Nebraska) comme base de sondage. Les auteurs de l'étude prévoyaient choisir un cabinet dans chacune des 12 catégories, en se fondant sur le type de pratique (exercice de la médecine seul ou en groupe), le sexe du médecin et le lieu (région excentrique, rurale, urbaine)20. Après avoir effectué une visite sur place de 2 à 3 jours dans 11 cabinets, les auteurs sont arrivés aux conclusions suivantes : on dispensait peu de conseils pour prévenir l'usage du tabac chez les adolescents; il incombait exclusivement aux médecins de repérer les fumeurs, de consigner les données relativement au tabagisme, d'offrir du counselling et du suivi aux fumeurs; le counselling était élémentaire et consistait à recommander au patient de renoncer au tabac, à lui offrir une TSN et des conseils pour modifier ses habitudes; on n'utilisait aucune trousse, telle que la trousse de renoncement au tabac de l'American Academy of Family Physicians; aucun des médecins n'était optimiste quant à la possibilité d'un changement.

Formation des médecins afin de les aider à offrir du counselling et à organiser le travail au cabinet de manière à mettre en oeuvre un programme complet

Dans le cadre d'un essai comparatif randomisé, on a offert un enseignement théorique personnel ou un exposé d'une heure à 97 résidents en médecine interne et à 15 internistes faisant partie du personnel enseignant. Cette formation portait sur les conséquences du tabagisme et les avantages du renoncement au tabac; on y présentait en outre des données indiquant que les TSN et les conseils des médecins peuvent se révéler utiles à cet égard. Les personnes qui avaient rempli un questionnaire et bénéficié d'un exposé d'une heure sur le renoncement au tabac ont demandé à 41 % de leurs patients s'ils fumaient; lorsqu'un autocollant fluorescent offrant 10 paquets gratuits de gomme à mâcher à la nicotine était apposé sur le dossier, ils posaient cette question à 84 % de leurs patients; en présence de deux autocollants fluorescents demandant si le patient fumait et à quelle date il comptait renoncer au tabac, ils interrogeaient 75 % de leurs patients; lorsque les trois autocollants étaient présents, ce pourcentage grimpait à 95 %21. Après un an, 2,7 % des patients du groupe témoin avaient renoncé au tabac; c'était le cas de 8,8 % des patients qui avaient reçu de la gomme à mâcher à la nicotine, de 15 % de ceux à qui on avait adressé des rappels et de 9,6 % de ceux qui avaient reçu à la fois des rappels et de la gomme à mâcher. Il n'existait pas de différence statistiquement significative entre les trois groupes d'intervention, mais les différences observées entre le groupe témoin et les trois groupes expérimentaux étaient significatives (< 0,05)22. Les médecins des groupes d'intervention avaient consacré nettement plus de temps au counselling antitabac.

Dans le cadre d'un essai non randomisé effectué dans 10 cliniques aux environs de Minneapolis (Minnesota), des infirmières-enseignantes ont effectué en moyenne 6 visites sur place, 24 appels téléphoniques et 6 envois postaux par clinique afin d'offrir de la formation sur le renoncement au tabac ainsi que de l'aide au personnel en exercice. Un membre du personnel par clinique a participé à un atelier, et 13 des 142 médecins de soins primaires ont participé à un atelier. Dans ces 10 cliniques, le pourcentage de patients qui avaient été interrogés relativement à l'usage du tabac est passé de 23 % à 40 %, alors que, dans 8 cliniques témoins du Wisconsin, il est passé de 22 % à 26 %
(p < 0,05)23. Après l'intervention, 41 % des médecins des cliniques expérimentales avaient demandé aux fumeurs de renoncer au tabac, contre 26 % des médecins des cliniques témoins.

Dans une autre étude, on a offert un séminaire de 2 heures à des pédiatres (39 % des 28 pédiatres y ont participé) et un rappel ainsi qu'un système de consignation au dossier des données relatives à l'exposition à la fumée ambiante. Les entrevues menées auprès des parents et l'examen des dossiers ont révélé que le dépistage de l'exposition à la fumée ambiante avait passé de 17 % à 32 % (p < 0,03), alors que le counselling visant à dissuader les parents de fumer était passé de 19 % à 46 % (p < 0,03)24. Toutefois, la consignation au dossier des résultats de l'interrogatoire et le counselling n'avaient que légèrement augmenté, passant, respectivement, de 2 % à 6 % et de 4 % à 6 %.

En 1995, dans le cadre du Doctors' Stop Smoking Program de la C.-B., on a recruté 655 omnipraticiens afin de mettre en place une approche systématique d'intervention en matière de tabagisme. Quatre-vingt-dix pour cent des médecins participants ont affirmé demander régulièrement à leurs patients qui fumaient s'ils étaient prêts à renoncer à cette habitude. On a estimé que ces médecins et d'autres médecins qui avaient mis partiellement en oeuvre le programme avaient aidé 4 700 fumeurs à renoncer à la cigarette et offert du counselling et du suivi à 135 000 autres fumeurs25. Les fumeurs qui ont participé à une enquête effectuée en Colombie-Britannique ont affirmé que s'ils désiraient obtenir de l'aide pour cesser de fumer (les répondants pouvaient choisir plus d'une méthode), ils opteraient pour une thérapie de substitution de la nicotine (44 %); un programme offert par leur médecin (33 %); un programme offert par un autre professionnel de la santé (20 %); des brochures ou des bandes-vidéo (15 %). Toutefois, 23 % des répondants ont dit ne vouloir utiliser aucune des méthodes susmentionnées25.

Au Kansas, on a demandé à des orthodontistes de remettre à leurs patients âgés de 10 à 18 ans des recommandations écrites leur recommandant de ne pas fumer. Au cours de la première année, le taux moyen de recommandation était de 66 %, et une analyse de régression multiple a révélé que 20 % de la variance dans le taux de recommandation était imputable au fait de recevoir des commentaires positifs des patients et de savoir que les recommandations faisaient l'objet d'un suivi. Au cours de la deuxième période, le taux de recommandation s'établissait à 73 %, et 23 % de la variance était liée au fait de recevoir des commentaires positifs et d'avoir reçu un enseignement théorique sur l'application de la théorie de l'apprentissage opérant au counselling dispensé aux patients26.

Parmi les études sur la formation dispensée aux professionnels de la santé en matière de counselling antitabac qui ont été recensées aux fins du présent article, une seule comporte un calcul de la puissance visant à déterminer quelle doit être la taille de l'échantillon pour réduire la probabilité d'une erreur de deuxième espèce. Dans cette étude, des cabinets d'orthodontie de la Californie ont été choisis au hasard pour recevoir 1,5 heure de formation sur les ateliers de renoncement au tabac du National Cancer Institute. L'effet de cette intervention sur l'initiation au tabac dans les 30 jours suivants n'était pas significatif27. Toutefois, lorsque les adolescents avaient reçu entre 4 et 6 recommandations écrites contre l'usage du tabac, le rapport de cotes (RC) concernant l'initiation au tabac dans les 30 jours suivants était de 0,76 (IC à 95 % = 0,62-0,94), et chez les sujets qui avaient reçu 7 recommandations ou plus, le RC s'établissait à 0,75 (IC à 95 % = 0,59-0,95).

Dans le cadre d'une enquête menée auprès de 30 cabinets de médecins choisis au hasard dans chacune des 11 collectivités, les répondants (taux de réponse de 48 %) ont indiqué proposer une intervention aux fumeurs dans 70 % des cas28. Toutefois, peu de cabinets avaient fait le nécessaire pour que leur personnel soit en mesure de coordonner le programme de renoncement au tabac et d'expédier des rappels.

Les médecins de l'organisation de soins de santé intégrés Kaiser-Permanente, en Californie, ont reçu la formation voulue pour dispenser un message de 1 à 2 minutes sur le renoncement au tabac; quant aux infirmières, elles avaient reçu la formation voulue pour offrir une séance de counselling de 30 minutes axée sur la modification du comportement et quatre appels téléphoniques de suivi de 10 minutes aux patients qui étaient hospitalisés29. Après 12 mois, on observait des taux de renoncement au tabac plus élevés (RC = 1,4, IC à 95 % = 1,1-1,8) chez les patients qui avaient été choisis au hasard pour bénéficier de la thérapie intensive que chez ceux qui avaient bénéficié des soins courants.

Formation dispensée aux étudiants en médecine et aux résidents pour les préparer à offrir du counselling antitabac

En 1985, une étude a été effectuée dans le monde entier auprès des étudiants en médecine. Les étudiants de sexe masculin ont affirmé qu'ils fumaient dans les proportions suivantes : 41 % en l'ancienne URSS, 35 % au Japon, 19 % en Europe et 0 % aux États-Unis (les plus forts pourcentages de femmes qui fumaient ont été observés au Chili (15 %) ainsi qu'en l'ancienne URSS et en Europe (12 % dans les deux cas)30. En dernière année de médecine, voici quels étaient les pourcentages d'étudiants qui ont affirmé qu'ils recommanderaient «souvent» l'abandon du tabac à un patient ne présentant pas de maladie ni de problème lié au tabagisme et n'ayant pas abordé le sujet : entre 19 et 43 %, en l'ancienne URSS; entre 15 et 60 %, en Europe et en Asie; entre 20 et 41 % en Afrique et au Moyen-Orient et entre 2 et 9 % au Japon.

La formation en matière de counselling antitabac offerte aux étudiants et aux médecins résidents doit être analogue à celle destinée aux cliniciens chevronnés en exercice; elle doit insister sur la nécessité de demander au patient s'il fume, de lui proposer un traitement, de veiller aux rappels et d'organiser le travail au cabinet en conséquence.

En Australie, les auteurs d'un essai comparatif randomisé ont évalué, au moyen d'une échelle de notation de 82 points, le rendement des étudiants en médecine de cinquième année qui avaient bénéficié d'une formation en matière de counselling antitabac. On observait une amélioration marquée des conseils dispensés ainsi que des stratégies comportementales utilisées chez ceux qui avaient bénéficié d'une rétroaction audio, d'une rétroaction par les pairs et d'une rétroaction vidéo, comparativement aux sujets d'un groupe témoin31. On n'a pas évalué l'influence des conseils sur le comportement des patients en matière de tabagisme.

Un atelier de trois jours visant à améliorer les comportements préventifs en matière de santé chez des omnipraticiens stagiaires en Australie a montré qu'avant l'atelier, des questions étaient posées relativement au tabagisme dans 22 % des consultations32. Si le groupe expérimental posait davantage de questions à ce sujet après l'atelier (p < 0,01), il reste que les deux tiers des fumeurs n'étaient pas repérés et que moins de un fumeur sur cinq était invité à cesser de fumer. Les auteurs ont conclu qu'il fallait renforcer l'acquisition de nouvelles compétences dans la pratique clinique.

Les auteurs d'une étude ont tenté de déterminer s'il était possible d'intégrer au programme de formation en pédiatrie le Guide to Preventing Tobacco Use During Childhood and Adolescence du National Cancer Institute (NCI) des États-Unis. Ils ont observé que, selon les parents, 37 % des résidents qui avaient reçu la formation en classe concernant le tabagisme posaient des questions à ce sujet, contre 17 % de ceux qui n'avaient pas reçu la formation33. Parmi les résidents à qui on avait remis le guide du NCI, 12 % ne se rappelaient pas l'avoir reçu, et seulement 38 % affirmaient l'avoir lu.

Une étude effectuée à Lausanne auprès de 15 résidents en médecine interne a évalué l'influence d'un programme de formation. Après le programme, les questions concernant l'usage du tabac ont augmenté de 68 % à 77 %; les recommandations de cesser de fumer, de 28 % à 43 %; et le counselling concernant le renoncement au tabac, de 10 % à 25 %. Toutefois, la fourniture de documentation encourageant l'effort autonome n'a que légèrement augmenté (passant de 1 % à 7 %), et il en est de même de la planification de rendez-vous de suivi (qui est passée de 1 % à 5 %)34. S'il est vrai que l'intérêt des patients envers l'abandon du tabac a bel et bien augmenté, il n'y a pas eu de véritable augmentation du nombre de patients qui ont cessé de fumer au cours des 12 mois suivants.

Trente-cinq résidents en obstétrique et en médecine familiale de l'université du Vermont ont reçu la formation voulue pour offrir un bref counselling antitabac à des patientes recevant des soins prénatals; cette intervention était suivie par du counselling dispensé par un conseiller dans ce domaine35. Les résidents du groupe témoin n'ont pas reçu de messages-guides à inscrire au dossier ayant pour objet de les inciter à offrir du counselling. Au cours de la première visite postnatale, 96 % des résidents du groupe d'intervention ont recommandé à leurs patientes de renoncer au tabac, et 94 % des résidents du groupe témoin en ont fait autant. À la deuxième visite postnatale, ces pourcentages s'élevaient, respectivement, à 91 % et 52 % (p < 0,0001).

Des examens de santé pratiqués par des infirmières dans quatre cabinets de médecine générale de la région d'Oxford n'ont été associés à aucune modification du comportement sur le plan du tabagisme36.

Les envois postaux de documents favorisant l'effort personnel en matière de tabagisme et de brèves interventions téléphoniques ne permettent pas d'aider les patients à cesser de fumer. La Preventive Health Behavior Study, effectuée à l'université de la Californie, à Los Angeles, portait sur 2 786 fumeurs, parmi les 15 004 femmes membres d'une association de soins de santé intégrés. Les auteurs ont observé que l'envoi de programmes favorisant le renoncement au tabac par l'effort autonome n'avait eu aucun effet après 1, 6, 12 ou 18 mois37. Dans une étude, on a eu recours à des appels téléphoniques de 15 minutes pour recommander l'abandon du tabac. L'intervention a entraîné une réduction du tabagisme déclaré par l'intéressé et validé par le dosage de la cotinine après six mois, mais l'effet s'était estompé après 18 mois38. Il y a donc lieu de former les professionnels de la santé afin qu'ils demandent à leurs patients s'ils fument, repèrent ceux qui désirent cesser de fumer, offrent une TSN et du counselling et organisent le travail au cabinet de manière à offrir de la documentation, du suivi et des rappels dans un cadre structuré de manière à favoriser au maximum l'abandon du tabac.

Conclusions de l'enquête à la lumière de la recension de la littérature

De nombreux vice-doyens ne sont pas en mesure d'indiquer combien d'heures sont consacrées expressément au counselling antitabac dans le cadre de leur programme d'enseignement. Lorsqu'ils peuvent le faire, le nombre d'heures indiqué oscille entre 1 et 11 heures, et la moyenne est d'environ 2 heures, pour la totalité du programme de formation professionnelle. Étant donné que de nombreuses écoles de sciences infirmières ont des programmes intégrés de counselling en matière de santé, bon nombre d'entre elles ne peuvent déterminer combien de temps est consacré expressément au counselling antitabac.

Parmi les vice-doyens qui ont exprimé leur avis concernant le degré de compétence de leurs étudiants en matière de counselling, environ la moitié ont indiqué que ces compétences étaient minimales ou élémentaires. Ces compétences n'ont été jugées supérieures que dans deux types d'écoles (6 % des écoles anglophones de sciences infirmières et 8 % des départements de psychologie).

La prévention du tabagisme n'est efficace que dans la mesure où elle est adaptée au sexe et à la culture. Dans la présente enquête, nous n'avons posé des questions que relativement au counselling adapté au sexe, dont l'importance s'échelonnait entre 0 % dans les programmes de pharmacie et 44 % dans les programmes de médecine de premier cycle.

Les vice-doyens et les directeurs de programmes qui ont répondu au questionnaire ont reconnu la nécessité d'un programme intégré de counselling antitabac.

Bien que cette enquête ait été limitée - on a fait en sorte que le questionnaire compte une seule page et puisse être rempli rapidement, pour ne pas décourager les répondants - il est manifeste que les personnes responsables des programmes d'enseignement dans les écoles professionnelles n'ont pas conçu un programme intégré d'enseignement qui permettrait à tous les diplômés d'offrir un programme complet et efficace d'abandon du tabac lorsqu'ils seront en exercice. Un tel programme de formation permettrait de s'assurer que tous les diplômés en exercice agissent de la façon suivante : demander à tous leurs clients s'ils fument ou sont exposés à la fumée ambiante; leur demander s'ils ont déjà fumé et déterminer leur niveau de dépendance selon le test de Fagerström9,10; leur demander s'ils désirent cesser de fumer et ont déjà fait des tentatives en ce sens; fixer une date de renoncement au tabac; offrir de la documentation favorisant l'effort autonome, une TSN et du counselling; planifier les visites de suivi et les rappels; consigner au dossier le counselling et le plan thérapeutique; et organiser le travail au cabinet et l'effectif de manière à offrir un programme complet de renoncement au tabac à tous les patients.

Remerciements

Source de financement : Bureau des programmes de lutte contre le tabagisme, Division des questions relatives à la santé, Direction générale de la promotion et des programmes de la santé, Santé Canada

Bureau parrain et responsable de la coordination de l'enquête : Les médecins pour un Canada sans fumée

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ANNEXE

QUESTIONNAIRE

L'enseignement des connaissances pour le conseil contre le tabagisme

Pendant leurs études de premier cycle les étudiants reçoivent des heures d'enseignement sur les sujets suivants :
(___ = SVP indiquez le nombre; JNSP = je ne sais pas)

1. Maladies dues au tabagisme :
JNSP    0    1    2    3    4    5    6    7    8    9    10    ___

2. Counselling antitabac adressé aux enfants :

JNSP    0    1    2    3    4    5    6    7    8    9    10    ___

3. Counselling antitabac adressé aux adultes :

JNSP    0    1    2    3    4    5    6    7    8    9    10    ___

4. Aide aux fumeurs à cesser le tabagisme :

JNSP    0    1    2    3    4    5    6    7    8    9    10    ___

5. Nous utilisons le programme de conseil :

«Guidez vos patients vers un avenir sans tabac»

OUI                        NON

Nous utilisons des approches adaptées au sexe :

OUI                        NON


6. Après que les étudiant(e)s ont complété(e)s leurs études de premier cycle, leurs habiletés à fournir des
conseils sur le tabagisme sont :

 

Connaissances

 

Dans la pratique

   

minimes

   

minimes

   

élémentaires

   

élémentaires

   

satisfaisantes

   

satisfaisantes

   

supérieures

   

supérieures


 

Notre programme exige un programme intégré sur les sujets suivants :
(Tout à fait d'accord = TAFD; Accord = A; Ni un ni l'autre = NUNL; En désaccord = ED; Fortement en désaccord = FD)

7. Maladies dues au tabagisme

TAFD      A       NUNL      ED      FD

8. Counselling antitabac adressé aux enfants

TAFD      A      NUNL      ED      FD

9. Counselling antitabac adressé aux adultes

TAFD      A      NUNL      ED      FD

10. Aide aux fumeurs à cesser le tabagisme

TAFD      A      NUNL      ED      FD



Référence de l'auteur

Roger Thomas
, Professeur de Médecine familiale, Université d'Ottawa, 75, rue Bruyère, Ottawa (Ontario)  K1N 5C8; Télécopieur : (613) 241--1971; Courrier électronique : rthomas@uottawa.ca

     
     
     
     
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