Agence de santé publique du Canada / Public Health Agency of Canada
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Volume 20, No 1- 2000

 

  Agence de santé publique du Canada

Article court
Les conséquences du tabagisme sur la santé des fumeurs canadiens : Mise à jour

Larry F. Ellison, Howard I. Morrison, Margaret de Groh et Paul J. Villeneuve


Résumé

On a déterminé le nombre de décès prévus dans quatre cohortes hypothétiques canadiennes  (fumeurs, hommes n'ayant jamais fumé, fumeuses et femmes n'ayant jamais fumé) en construisant des tables abrégées de survie. Il est ainsi apparu que le nombre de décès prématurés (avant l'âge de 70 ans) serait environ deux fois plus élevé chez les sujets ayant fumé toute leur vie que chez les sujets n'ayant jamais fumé, chez les hommes (2,3) comme chez les femmes (1,9). Le nombre supérieur de décès prématurés dans les cohortes de fumeurs des deux sexes était attribuable principalement au cancer et aux cardiopathies ischémiques. Le présent document fait ressortir l'impact considérable du tabagisme sur la mortalité prématurée.

Mots clés : Canada; cardiopathie ischémique; table de survie; mortalité; néoplasmes; tabagisme



Introduction

Le décès prématuré attribuable à la consommation de tabac est le pire problème de santé publique auquel sont aujourd'hui confrontés les Canadiens et les Canadiennes. Au moins le quart de tous les décès survenus chez les personnes âgées de 35 à 84 ans au Canada seraient dus au tabac1. Quelque 45 000 décès auraient ainsi été causés par le tabac au pays en 19912.

Cette étude visait à mettre à jour et à compléter les travaux antérieurs3,4 sur la mortalité prématurée (avant l'âge de 70 ans) attribuable au tabac. L'étude canadienne la plus récente qui a modélisé cette mortalité4 est en effet aujourd'hui périmée, en partie à cause des changements survenus dans les taux de mortalité, notamment pour ce qui est des cardiopathies ischémiques. Nous avons modélisé le nombre prévu de décès dans quatre cohortes hypothétiques (fumeurs, hommes n'ayant jamais fumé, fumeuses et femmes n'ayant jamais fumé) âgées de 15 ans ou plus.


Méthodes

Les taux de prévalence selon l'âge chez les fumeurs des deux sexes ont été estimés à partir des données de l'Enquête nationale sur la santé de la population de 19965. Les estimations du risque relatif de maladies attribuables au tabac ont été établies à partir des données de la Cancer Prevention Study II de l'American Cancer Society (American Cancer Society, communication personnelle, 1998), étude qui a été examinée en détail ailleurs6. Les taux de mortalité par âge, par sexe et par cause de décès ont été calculés à partir du dénombrement des décès provenant de la Base canadienne de données sur la mortalité de Statistique Canada ainsi que des données sur la population canadienne, ajustées en fonction du sous-dénombrement du recensement, également obtenues auprès de Statistique Canada. Nous avons supposé que ces taux de mortalité étaient valables pour les cohortes étudiées durant toute la durée de leur vie.

Pour calculer les taux de mortalité chez les fumeurs et les fumeuses, de même que chez les sujets n'ayant jamais fumé, nous avons utilisé la méthode décrite par Mattson et coll.7, en nous servant des taux de risque relatif, de prévalence et de mortalité déjà mentionnés. Nous avons ainsi établi les tables abrégées de survie8 pour chacune des quatre cohortes (fumeurs, hommes n'ayant jamais fumé, fumeuses et femmes n'ayant jamais fumé), puis nous avons évalué, à partir de ces tables, les probabilités de décès pour chaque intervalle d'âge. Nous avons ensuite estimé le nombre prévu de décès en multipliant les probabilités de décès selon l'âge par le nombre de survivants dans chaque cohorte, chiffre tiré également de nos tables de survie. Le nombre total de décès prévu pour chaque cohorte était basé sur une population initiale de 100 000 sujets âgés de 15 ans. Nous avons en outre supposé que les membres des cohortes de fumeurs resteraient fumeurs toute leur vie. Nous avons calculé le nombre de décès attribuables au tabagisme en soustrayant le nombre de décès chez les sujets n'ayant jamais fumé du nombre de décès survenus chez les fumeurs.

Pour chaque cause de décès, nous avons calculé de la même manière les probabilités de décès dans chaque intervalle d'âge. Nous avons ainsi estimé le nombre prévu de décès en multipliant les probabilités de décès selon l'âge et selon la cause par le nombre de survivants dans chaque cohorte. Nous avons présumé que les sujets fumeurs et les sujets n'ayant jamais fumé couraient les mêmes risques au chapitre des homicides, des accidents de la route, du VIH/sida et du suicide. Pour obtenir une base de comparaison directe, nous avons enfin répété la méthode en nous servant des taux de prévalence du tabagisme9 et des chiffres de la mortalité en 1990.


Résultats

On prévoit que plus du tiers de la cohorte des 100 000 fumeurs âgés de 15 ans et près du quart de celle des fumeuses mourront avant d'avoir atteint l'âge de 70 ans (tableau 1). Le nombre prévu de décès prématurés chez les sujets fumeurs était environ deux fois plus élevé que dans les cohortes similaires de non-fumeurs, tant chez les hommes (2,3) que chez les femmes (1,9). Le nombre plus élevé de décès prématurés dans les cohortes de fumeurs des deux sexes était attribuable avant tout au cancer et aux cardiopathies ischémiques.

Le tabagisme est à l'origine de 56 % et de 48 % des décès prématurés chez les fumeurs de sexe masculin et de sexe féminin, respectivement. Chez les premiers, environ 3,5 % des décès prématurés étaient attribuables au suicide, 2,1 % aux accidents de la route, 1,4 % au VIH/sida et 0,4 % à un homicide. Chez les seconds, 1,5 % des décès prématurés étaient dus aux accidents de la route, 1,6 % au suicide, 0,3 % à un homicide et 0,2 % au VIH/sida.

Le tableau 2 donne le même type d'information que le tableau 1, mais en tenant compte des données de 1990 sur la prévalence du tabagisme et la mortalité plutôt que de celles de 1996. Le nombre de décès prématurés attribuables au tabac obtenus en utilisant les données de 1996 est inférieur de 5,5 % par rapport à 1990. Les baisses les plus marquées sont observées pour les maladies cardio-vasculaires; le nombre de décès attribuables aux cardiopathies ischémiques est inférieur de 18 %, et celui des décès dus aux accidents vasculaires cérébraux de 8 %. Pour ce qui est des maladies pulmonaires obstructives, notamment, mais aussi des cancers, le nombre de décès prématurés attribuables au tabagisme a baissé chez les hommes, alors qu'il a augmenté chez les femmes.

 

TABLEAU 1

Nombre prévu de décès avant l'âge de 70 ans dans quatre cohortes de 100 000 sujets
aujourd'hui âgés de 15 ans, d'après les données canadiennes de 1996 sur la
mortalité et la prévalence du tabagisme

Cause de décès Code CIM-9

Décès chez les hommes

Décès chez les femmes

Fumeurs

Sujets n'ayant jamais fumé

Nbre de décès attribuables au tabagisme

Fumeuses

 Sujets n'ayant jamais fumé

Nbre de décès attribuables au tabagisme

Maladies liées au tabagisme
Cardiopathies ischémiques 410-414

7 726

3 589

4 137

3 436

1 334

2 102

Maladies vasculaires cérébrales 430-438

  1 570

632

938

1 370

444

926

Cancers 140-195, 199-208

13 895

4 809

9 086

10 814

6 230

4 584

Maladies pulmonaires obstructives chroniques 490-492, 496

948

82

866

955

85

870

Autres causes choisies a
Homicides E960-969

 141

145

-

61

61

-

Accidents de la route E810-819

786

810

-

349

354

-

Suicides E950-959

1 303

1 345

-

381

385

-

VIH/sida 177

510

521

-

46

47

-

TOUTES CAUSES  

 36 801

16 263

20 538

23 414

12 105

11 309

a  Le nombre estimatif de décès attribuables à d'autres causes choisies était moins élevé dans les cohortes de fumeurs que dans celles des non-fumeurs à cause de la mortalité concurrente. On a supposé que fumeurs et non-fumeurs couraient les mêmes risques par sexe et par âge.


   

Discussion

Les résultats de cette étude mettent en évidence l'impact considérable du tabagisme sur la mortalité prématurée. Le risque de décès prématuré chez les hommes qui ont commencé à fumer à 15 ans est en effet plus du double de celui des non-fumeurs, et près de deux fois plus élevé chez les femmes. Plus de la moitié des décès prématurés prévus seraient attribuables au tabagisme, comparativement à moins de 6 % pour le suicide, les accidents de la route, le VIH/sida et les homicides combinés. Comme les autres chercheurs3,4, nous avons observé que le nombre plus élevé de décès prématurés dans les cohortes de fumeurs était avant tout attribuable au cancer et aux cardiopathies ischémiques.

Notre estimation du taux prévu de mortalité prématurée attribuable au tabagisme était inférieure de plus de 10 % à celle qui avait déjà été établie dans une étude hypothétique similaire3 faite avec les données de 1990 sur la prévalence du tabagisme et la mortalité. Comme des différences méthodologiques entre les deux études rendaient les comparaisons directes difficiles, nous avons repris notre analyse avec les données de 1990 et avons obtenu, pour 1996, des estimations inférieures de 6 % à celles de 1990. Ces différences entre les deux séries d'estimations peuvent en grande partie s'expliquer par les changements dans les taux de mortalité survenus entre 1990 et 1996, et pourraient refléter une amélioration des taux de survie pour des affections comme les cardiopathies ischémiques et les accidents vasculaires cérébraux. Pendant cette période, le taux de mortalité attribuable aux maladies pulmonaires obstructives chroniques a diminué chez les hommes, alors qu'il a augmenté chez les femmes, notamment chez celles de 65 à 69 ans.

Nous avons relevé près de deux fois plus de décès attribuables au tabagisme chez les hommes que chez les femmes, phénomène dû en partie à des différences liées au sexe dans les taux de mortalité selon l'âge et dans les estimations du risque relatif. Les estimations du risque relatif utilisées dans la présente analyse reflètent en partie les différences antérieures dans les habitudes de consommation de tabac des hommes et des femmes (p. ex., l'âge au moment de la première cigarette, le nombre de cigarettes fumées par jour)10. Bien que cette étude n'ait pas pour objet de faire de prévisions sur les changements dans la prévalence du tabagisme, les taux de mortalité et les risques relatifs sous-jacents, il est raisonnable de présumer que, si les hommes et les femmes avaient les mêmes habitudes de consommation de tabac, les différences dans le nombre de décès attribuables au tabagisme entre les sexes s'en trouveraient considérablement réduites.

TABLEAU 2

Nombre prévu de décès avant l'âge de 70 ans dans quatre cohortes de 100 000 sujets aujourd'hui âgés de 15 ans, d'après les données canadiennes de 1990 sur la mortalité et la prévalence du tabagisme

Cause de décès

Code CIM-9

Décès chez les hommes

Décès chez les femmes

Fumeurs

Sujets n'ayant jamais fumé

Nbre de décès attribuables au tabagisme

Fumeuses

Sujets n'ayant jamais fumé

Nbre de décès attribuables au tabagisme

Maladies liées au tabagisme
Cardiopathies ischémiques 410-414

9 372

4 391

4 981

4 276

1 666

2 610

Maladies vasculaires cérébrales 430-438

1 776

727

1 049

1 474

492

982

Cancers 140-195, 199-208

14 577

5 116

9 461

10 833

6 263

4 570

Maladies pulmonaires obstructives chroniques 490-492, 496

1 031

93

938

825

77

748

Autres causes choisies a
Homicides E960-969

153

157

-

81

81

-

Accidents de la route E810-819

1 042

1 074

-

444

450

-

Suicides E950-959

1 205

1 245

-

337

340

-

VIH/sida 177

442

451

-

20

20

-

TOUTES CAUSES  

39 892

17 910

21 982

24 336

12 608

11 728

a  Le nombre estimatif de décès attribuables à d'autres causes choisies était moins élevé dans les cohortes de fumeurs que dans celles des non-fumeurs à cause de la mortalité concurrente. On a supposé que fumeurs et non-fumeurs couraient les mêmes risques par sexe et par âge.

   

Diverses interventions, depuis l'éducation du public sur les effets indésirables du tabac sur la santé jusqu'aux restrictions touchant la publicité et autres mesures législatives (p. ex., la taxation), ont contribué à diminuer considérablement la prévalence de la consommation du tabac dans les années 8010,11. Trente pour cent des Canadiens et Canadiennes de 15 ans ou plus n'en continuent pas moins à fumer, et la consommation de tabac a brusquement augmenté chez les adolescents au début des années 9012-14. Comme la plupart des fumeurs acquièrent cette habitude hautement toxicomanogène pendant l'adolescence10, ce sont les habitudes de consommation chez les jeunes qui détermineront le futur fardeau qui sera imposé aux services de santé ainsi que le chiffre des décès prématurés. Une approche globale de la prévention du tabagisme chez les jeunes s'impose donc si l'on veut réduire le nombre de Canadiens qui meurent de maladies liées au tabagisme10,15.


Remerciements

Nous voudrions remercier ici l'American Cancer Society de nous avoir fourni les données de sa deuxième étude sur la prévention du cancer (Cancer Prevention Study II).


Références

    1. Collishaw NE, Tostowaryk W, Wigle DT. Mortality attributable to tobacco use in Canada. Can J Public Health 1988;79:166-9.

    2. Ellison LF, Mao Y, Gibbons L. Projections de la mortalité imputable au tabagisme au Canada, 1991-2000. Maladies chroniques au Canada 1995;16(2):93-9.

    3. Villeneuve P, Morrison H. Effets du tabagisme sur la santé au Canada: mise à jour. Maladies chroniques au Canada 1994;15(3):117-20.

    4. Mao Y, Morrison H, Nichol RD, Pipe A, Wigle D. The health consequences of smoking among smokers in Canada. Can J Public Health 1988;79:390-1.

    5. Statistique Canada. Enquête nationale sur la santé de la population, 1996/97. Composante des ménages, Guide de l'utilisateur des fichiers de microdonnées à grande diffusion. Ottawa, 1998; Cat. 82M0009GPF.

    6. Garfinkel L. Selection, follow-up, and analysis in the American Cancer Society prospective studies. Natl Cancer Inst Monogr 1985;67:49-52.

    7. Mattson ME, Pollack ES, Cullen JW. What are the odds that smoking will kill you ? Am J Public Health 1987;77:425-31.

    8. Selvin S. Statistical analysis of epidemiologic data. New York: Oxford University Press, Inc., 1991:263-9.

    9. Santé et Bien-être social Canada (Stephens T, Fowler Graham D, réds). Enquête Promotion de la santé Canada 1990 : rapport technique. Ottawa, 1993; Cat. H39-263/2-1990F.

    10. US Department of Health and Human Services. Reducing the health consequences of smoking: 25 years of progress. A report of the Surgeon General. Rockville (MD): Public Health Service, Center for Chronic Disease Prevention and Health Promotion, Office on Smoking and Health; 1989; DHHS Pub No (CDC) 89-8411.

    11. Lewitt EM, Coate D, Grossman M. The effects of government regulation on teenage smoking. J Law Economics 1981;24:545-69.

    12. Clark W. Le tabagisme chez les jeunes au Canada. Tendances sociales canadiennes 1996;43:2-6. (Statistique Canada Cat. 11-008F).

    13. Poulin C, Wilbur B. Nova Scotia student drug use 1996: technical report. Province of Nova Scotia, 1996.

    14. Adlaf EM, Ivis FJ, Smart RG, Walsh GW. Ontario Student Drug Use Survey, 1977- 1995. Toronto: Addiction Research Foundation, 1995.

    15. Santé Canada. Orientation : document d'orientation de la Stratégie nationale de lutte contre le tabagisme : mise à jour, 1993. Ottawa, 1993.

 


Références des auteurs
Larry F. Ellison, Howard I. Morrison et Margaret de Groh
, Bureau du cancer, Laboratoire de lutte contre la maladie, Santé Canada, pré Tunney, Indice de l'adresse : 0601C1, Ottawa (Ontario)  K1A OL2
Paul J. Villeneuve, Ontario Tobacco Research Unit, Centre for Health Promotion, University of Toronto, Toronto (Ontario)

 

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Dernière mise à jour : 2002-10-02 début