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Maladies chroniques au Canada


Volume 23
Numéro 4
2002

[Table des matières]

Agence de santé publique du Canada

Perceptions de la gravité de la maladie et des obstacles à l'autogestion de sa santé : prédicteurs de l'équilibre de la glycémie chez les Autochtones atteints de diabète de type 2

Mark Daniel et Lynne C Messer


Résumé

L'utilité empirique du modèle de croyances relatives à la santé a été évaluée pour la prévention secondaire du diabète de type 2 dans une population d'Autochtones de la Colombie-Britannique. On a évalué les indicateurs de la glycémie (hémoglobine glycosylée [HbA1c], insuline et glycémie après provocation), les croyances relatives à la santé et au diabète (susceptibilité, gravité, bienfaits et obstacles), les connaissances et le comportement de 18 femmes et de 16 hommes atteints de diabète (âge [écart-type] = 57,7 [11,6]). Dix-huit mois plus tard, on a évalué le taux d'HbA1c et le comportement de tous les participants; on a également recueilli les croyances relatives à la santé de 17 des participants. La perception de la gravité de la maladie et des obstacles à l'autogestion de sa santé était liée à la glycémie des participants lors de l'enquête initiale et du suivi; elle a permis de prédire une diminution du taux d'HbA1c (ß[erreur-type] ³ |0,40| [0,18], p < 0,05). Les résultats obtenus appuient l'idée selon laquelle le fait de croire à la gravité des complications du diabète et, aussi, de croire que l'on peut surmonter les obstacles à l'autogestion de sa santé ont un effet thérapeutique et sont utiles dans les initiatives visant à aider les Autochtones atteints de diabète à gérer leur maladie. L'utilité empirique du modèle de croyances relatives à la santé par rapport à l'équilibre de la glycémie a été partiellement confirmée.

Mots-clés : Autochtones, Amérique du Nord; croyances relatives à la santé;
diabète sucré, type 2; équilibre de la glycémie



Introduction

Le diabète sucré (plus particulièrement le diabète sucré de type 2) est un problème de santé publique grave chez les Autochtones du Canada1. Parmi les membres des Premières Nations et les Inuits, la prévalence du diabète est de 8 % chez les hommes et de 13 % chez les femmes, ce qui représente respectivement une prévalence de 3,6 et de 5,3 fois supérieure à celle du diabète chez les autres Canadiens, après ajustement selon l'âge2.

Les stratégies communautaires de lutte contre le diabète visent à dépister la maladie chez les personnes à risque et dans la communauté en général, et à l'empêcher de prendre de l'ampleur3. Les initiatives de prévention visent également à aider les personnes atteintes de diabète à atténuer leur hyperglycémie et à réduire le risque de microangiopathies et de macroangiopathies. La compréhension du lien qui existe entre l'efficacité des traitements et les croyances relatives à la santé et au diabète contribue au traitement de la maladie par le comportement4. Dans le cas des personnes qui sont atteintes du diabète de type 1, il existe une association positive entre l'adhérence au traitement prescrit et les bienfaits perçus, la stabilité émotionnelle et les structures de soutien; l'adhérence au traitement prescrit est associée négativement aux obstacles perçus et à un milieu social négatif5.

Pour équilibrer un diabète de type 2 de façon efficace, les diabétiques doivent adhérer au régime prescrit, ce qui est difficile à prévoir et à influencer. Au départ, le modèle de croyances relatives à la santé6 a été conçu pour expliquer les raisons pour lesquelles les gens ne participaient pas aux programmes de dépistage de maladies7,8. Depuis ce temps, cependant, il a servi à expliquer les facteurs liés à l'adhérence des patients aux régimes prescrits pour diverses maladies, dont le diabète9. Dans le cas de cette maladie, l'utilité théorique du modèle de croyances relatives à la santé est de mener à des interventions plus efficaces visant le respect des traitements prescrits et l'amélioration de l'équilibre de la glycémie10. Fondé sur la théorie «valeur x attente» de la psychologie sociale, le modèle de croyances relatives à la santé suppose que les personnes seront davantage portées à adopter des comportements sains si elles souhaitent demeurer en bonne santé et si elles croient que le fait d'adopter de tels comportements protégera leur santé9,11. Le modèle de croyances relatives à la santé suppose de plus que les comportements positifs qu'adoptent les personnes dépendent de la perception qu'elles ont de la gravité de leur maladie et de la croyance que les obstacles à l'autogestion de leur santé peuvent être surmontés12.

L'utilité du modèle de croyances relatives à la santé pour expliquer les comportements liés à la santé a été examinée par des études allant de l'acceptation de recommandations visant au maintien d'une bonne santé7,8 à l'adhérence aux traitements prescrits pour les maladies aiguës ou chroniques13,14. Bien que les croyances positives relatives à la santé soient liées à la coopération des patients dans le cas des maladies chroniques, y compris le diabète, les perceptions relatives aux obstacles sont les plus fortement liées à l'adoption de comportements sains, et les perceptions relatives à la gravité de la maladie sont les moins fortement liées à de tels comportements14-19. Une méta-analyse de la constance de la validation du modèle de croyances relatives à la santé a cependant révélé qu'il n'y avait pas de preuve de son utilité générale pour prédire les changements de comportements20. S'il est vrai que certaines recherches comportementales adoptaient une approche cognitive simpliste à l'égard des changements de comportements ou des croyances, indépendamment du contexte dans lequel ces changements se produisaient21, il peut aussi être intéressant d'examiner les comportements avec une sensibilité suffisante pour permettre de les lier à certaines croyances sur la santé22, particulièrement dans les populations désavantagées et ethniquement distinctes.

Les études qui ont appliqué le modèle de croyances relatives à la santé et au diabète étaient en grande partie fondées sur des données fournies par les participants eux-mêmes et étaient axées sur les liens qui existent entre les croyances relatives à la santé et l'adhérence aux régimes thérapeutiques prescrits. Les premières recherches sur le diabète avaient tendance à n'observer les croyances que par rapport aux comportements. Cependant, un nombre croissant d'études ont ensuite porté sur les liens qui existent entre les croyances relatives à la santé et les comportements ainsi que l'équilibre de la glycémie chez les mêmes personnes10,23. De telles études sont importantes pour la détermination de l'utilité du modèle de croyances relatives à la santé dans l'établissement d'un lien entre les croyances relatives à la santé et les indicateurs de l'équilibre de la glycémie. Les données semblent suggérer, cependant, que le modèle explique mieux l'adhérence aux traitements prescrits que l'équilibre glycémique10,23,24. Il faut dire que peu d'études ont examiné l'efficacité du modèle de croyances relatives à la santé comme outil permettant de prédire de façon longitudinale l'équilibre de la glycémie tout en tenant compte de l'influence possible du comportement sur de tels liens25. Nous avons entrepris une telle analyse dans un échantillon d'Autochtones du Canada provenant d'une population très vulnérable au diabète et aux complications qu'il entraîne; le présent document fait état de nos résultats. Aucune recherche sur les croyances relatives à la santé et sur l'équilibre de la glycémie n'a été publiée pour les Autochtones. Les hypothèses que nous avons testées sont les suivantes : dans une cohorte de personnes atteintes de diabète, a) les croyances relatives à la santé sont liées aux indicateurs de l'équilibre glycémique au début de l'étude et lors d'un suivi effectué 18 mois plus tard, et b) les croyances relatives à la santé permettent de prévoir les améliorations de l'équilibre glycémique au moment du suivi.

Méthodes

Population et milieu étudié

Les données analysées dans le présent rapport proviennent d'un programme de dépistage du diabète utilisé auprès d'Indiens inscrits de la Colombie-Britannique, vivant en réserve dans la région rurale de l'Okanagan. Les personnes qui sont originaires de cette région peuvent être classées sur le plan linguistique comme étant des Salish de l'intérieur et, sur le plan culturel, comme des habitants de la région du Plateau. Les Indiens inscrits de cette région ont une scolarité limitée et un statut socio-économique inférieur à celui de la population générale26. Parmi les adultes âgés de 15 à 49 ans, 50 % ont terminé leurs études secondaires; parmi ceux âgés de 50 à 64 ans, 40 % ont fait huit années d'études. Quarante-quatre pour cent des adultes occupent un emploi, 16 % sont sans emploi et 40 % ne font pas partie de la population active.

Sélection des participants et protocole de mesure

Les participants se sont portés volontaires pour participer à une initiative communautaire de dépistage du diabète et des facteurs de risque qui y sont associés. Les femmes enceintes et les moins de 18 ans ont été exclus du dépistage. L'étude a reçu l'approbation du comité d'éthique du département des sciences du comportement (Behavioural Sciences Screening Committee) de l'Université de la Colombie-Britannique; le consentement éclairé de tous les participants a été obtenu. Le taux de participation à l'étude a été de 57 % (n = 202) de la population adulte admissible. La principale raison de la non-participation était le manque d'intérêt. Le fait d'être un homme et le fait d'avoir moins de 30 ans étaient les deux principaux facteurs associés à la non-participation. Les tests ont été effectués dans des salles de réunions, entre 7 h 30 et 12 h 00. Les critères de l'Organisation mondiale de la Santé27 ont été utilisés pour classer les participants dans des groupes de sujets normoglycémiques (n = 155), présentant une tolérance diminuée au glucose (n = 10) et diabétiques (n = 37) 28.

Le présent article compare seulement les personnes atteintes de diabète, tel qu'il a été indiqué au début de l'étude. Des 37 personnes chez qui l'on a diagnostiqué le diabète, 34 ont accepté de fournir des données sur leurs croyances relatives à la santé. On a confirmé que 17 de ces personnes souffraient déjà de diabète (renseignement fourni par les sujets eux-mêmes, durée médiane : 3,2 années). Les autres cas de diabète ont été dépistés au début de l'enquête. Tous les diabétiques ont été aiguillés vers des médecins pratiquant dans la région à des fins d'éducation et de suivi, ainsi que vers un hôpital régional situé à une heure de route où ils devaient participer à un programme de jour sur le diabète. Dix-huit mois après l'enquête effectuée au début de l'étude, on a mesuré le taux d'HbA1c des 34 sujets; on a également recueilli les croyances relatives à la santé de 17 d'entre eux. Les personnes dont les données de suivi étaient disponibles se sont toutes présentées chez les médecins à qui on les avait adressées et aux consultations (deux par année) du programme de jour sur le diabète.

Échantillons de sang et méthodologie de l'analyse

Aux fins du dépistage, les participants ont fourni un échantillon de sang veineux après avoir jeûné pendant la nuit. Les taux d'hémoglobine glycosylée A1c (HbA1c) et d'insuline ont été déterminés à partir de ces échantillons. La glycémie après provocation a été déterminée à partir d'échantillons de sang prélevé deux heures après la consommation de 75 g de glucose. Les taux d'HbA1c, d'insuline et de glucose sanguin après deux heures ont été déterminés au début de l'étude, mais seul le taux d'HbA1c a été réévalué après 18 mois.

Des échantillons de sang total conservés dans l'anticoagulant EDTA (éthylènediaminetétraacétate) ont été utilisés pour le calcul du taux d'HbA1c. Les analyses relatives à la concentration d'insuline et de glucose sanguin après deux heures ont été effectuées sur des échantillons de sérum. Les échantillons ont été transportés le jour même (maintenus à une température de 4 ºC) vers un laboratoire régional, aux fins d'analyse. La concentration d'insuline a été mesurée au moyen de trousses de dosage immunoenzymatique de microparticules; le pourcentage d'HbA1c a été déterminé au moyen de trousses de dosage par capture d'ions; la glycémie après deux heures a été mesurée au moyen de trousses de dosage immunoenzymatique. Les coefficients de variation intra-dosage et inter-dosage ont été, respectivement, de 3,8 % et de 4,2 % pour l'insuline; de 4,4 % et de 4,6 % pour l'HbA1c; et de 1,2 % et de 1,8 % pour la glycémie après deux heures.

Mesures anthropométriques

Les participants portaient des vêtements légers, sans chaussures. Leur poids et leur taille ont été mesurés au moyen d'une balance à fléau et d'une toise, et on a calculé leur indice de masse corporelle (poids [kg] / taille au carré [m2]) (IMC).

Connaissances et comportements relatifs au diabète

Les connaissances et les comportements ont été évalués au début de l'étude et au cours du suivi. Les connaissances sur le diabète ont été déterminées d'après le nombre de bonnes réponses fournies à 13 questions sur les facteurs de risque du diabète, les symptômes de la maladie et ses complications. La stabilité test-retest des réponses après deux semaines était élevée (r = 0,89). L'activité physique des sujets a été évaluée au moyen de l'échelle d'activité physique des Pimas29, afin qu'il soit possible d'obtenir un nombre d'heures-MET (MET : équivalent métabolique) d'activité physique liée au travail et aux loisirs pour le mois précédant l'évaluation. Dans le cas des Pimas, les corrélations de la stabilité test-retest (après deux semaines) sont de 0,62–0,96. Les comportements alimentaires ont été déterminés d'après l'information consignée par les participants au sujet des boissons et des aliments consommés pendant trois jours consécutifs (y compris un samedi ou un dimanche); la fiabilité de ce genre de notes est bien établie30. Les imprécisions ont été éclaircies au cours des entrevues de suivi. L'apport en nutriments a été calculé au moyen d'une base de données informatisée sur les nutriments, utilisée pour les enquêtes nutritionnelles canadiennes31. L'apport énergétique (en kilocalories) et les quantités relatives de protéines, de lipides et de glucides consommées (g/100 kcal) ont été calculés.

Croyances relatives à la santé et au diabète

Les croyances relatives au diabète ont été évaluées six semaines après la première évaluation et au cours du suivi, au moyen de l'échelle du modèle de croyances relatives à la santé portant sur le diabète, en 16 points32-35 (voir l'annexe). Cet instrument de mesure évalue quatre domaines de croyances relatives au diabète : a) la prédisposition aux complications liées au diabète, b) la gravité des complications du diabète, c) les bienfaits de l'équilibre du diabète, et d) les obstacles à l'autogestion de sa santé. Des scores ont été attribués aux réponses au moyen d'une échelle de Likert à cinq points. La validité conceptuelle de l'échelle a été établie, et les estimations liées à sa validité concourante et à sa validité prédictive confirment la validité de ses critères33,34. Le modèle a été pré-testé auprès de 10 personnes présentant une tolérance diminuée au glucose, pour qui la stabilité test-retest (r) variait entre 0,67 et 0,73 après trois semaines, pour les sous-échelles. Le coefficient Alpha de Cronbach pour sous-échelles, lorsqu'évalué pour les 34 personnes atteintes de diabète, a varié entre 0,69 et 0,82. Il fallait 15 minutes pour remplir le questionnaire.

Analyse statistique

L'hypothèse selon laquelle les croyances relatives au diabète concernant la prédisposition, la gravité, les bienfaits et les obstacles sont liées aux taux d'HbA1c, d'insuline et de glucose sanguin après deux heures a été mise à l'épreuve au moyen de modèles de régression linéaire, avec ajustement en fonction de l'âge et du sexe des sujets. Des modèles distincts ont été analysés pour chacune des quatre croyances relatives au diabète, au moyen du logiciel STATA (6.0). La linéarité des relations de dépendance a été établie par l'évaluation de graphiques de résidus; les coefficients bêta normalisés sont indiqués, et les valeurs de p inférieures à 0,05 sont considérées comme statistiquement significatives.

Les connaissances et les comportements relatifs au diabète, ainsi que l'IMC, au moment de l'enquête initiale et du suivi, ont été pris en compte séparément puis ensemble dans les analyses préliminaires, afin qu'il soit possible d'évaluer leur effet, conjugué à celui des croyances relatives au diabète, sur les indicateurs de l'équilibre glycémique. Les comportements n'étaient pas liés aux croyances, et en aucun cas les comportements ont-ils influé sur une association entre les croyances et l'état glycémique; aucun comportement n'était, non plus, lié aux indicateurs de la glycémie dans les modèles qui comprenaient les croyances. Par exemple, dans l'étude des relations entre la gravité perçue au début de l'étude et la variation de l'HbA1c après 18 mois, l'inclusion des comportements évalués au cours du suivi dans les modèles, avec ou sans indice de masse corporelle, a produit des résultats semblables à ceux des modèles qui ne tenaient aucunement compte des variables comportementales. Dans toutes ces analyses préliminaires, la relation entre la gravité perçue et la variation de l'HbA1c est demeurée significative; le degré d'association (ß[erreur-type]) variait entre 0,39 (0,18) (en tenant compte des connaissances) et 0,50 (0,22) (en tenant compte de l'apport en glucides). Dans de tels modèles, les b(erreur-type) relatifs à l'IMC ont varié entre -0,25 (0,21) et -0,18 (0,18) (c.-à-d. que l'IMC était négativement associé, mais de façon non significative, à une variation de l'HbA1c favorable à la santé). De plus, en aucun cas n'y a-t-il eu de comportement qui soit lié à une variation de l'HbA1c. En ce qui a trait aux comportements, les b(erreur-type) ont varié entre 0,03 (0,21) pour les connaissances et 0,31 (0,24) pour l'apport en protéines. Étant donné qu'en aucun cas un effet mesurable n'a pu être observé pour les comportements et dans le but de maintenir la puissance statistique des modèles, les modèles finaux n'ont pas tenu compte des connaissances, de l'IMC ou des comportements, et n'ont porté que sur les croyances et les indicateurs de la glycémie.

Résultats

Les caractéristiques des participants à l'enquête au début de l'étude sont présentées dans le tableau 1. Il n'y avait aucune différence significative entre les hommes et les femmes en ce qui concerne l'âge, l'IMC, le taux d'HbA1c et d'insuline, ou le nombre d'années de scolarité. Les croyances relatives au diabète des hommes n'étaient pas différentes de celles des femmes (tableau 2). Les corrélations entre les croyances relatives au diabète figurent au tableau 3. Les connaissances et les comportements relatifs au diabète n'étaient pas différents entre les hommes et les femmes, tant au moment de l'enquête initiale qu'à celui du suivi; aucun changement significatif de comportement, de taux d'HbA1c ou de l'IMC n'a été observé entre le début de l'étude et le suivi (tableau 4). Les connaissances et les comportements n'étaient pas liés aux croyances ou aux indicateurs de la glycémie.

Après les 18 mois de suivi, 16 des 34 personnes chez qui l'on avait diagnostiqué le diabète géraient leur maladie au moyen d'une diète seulement, 16 autres la géraient par une diète et par la prise d'agents hypoglycémiants oraux et deux autres personnes suivaient une diète et une insulinothérapie. Les stratégies de gestion de la maladie et le fait de savoir qu'on est atteint du diabète avant de participer à l'enquête ou de l'apprendre au début de l'enquête n'étaient pas associés au taux d'HbA1c mesuré au début de l'enquête ou au suivi. Les croyances relatives au diabète des 17 personnes qui n'ont participé qu'à l'enquête initiale pour fournir de telles données n'étaient pas reliées aux stratégies de gestion de la maladie ou au fait de savoir qu'on est diabétique avant de participer à l'enquête ou de l'apprendre au début de l'enquête. Il n'y avait pas de différence dans la distribution des sexes et des âges entre ceux qui participaient aux deux enquêtes et ceux qui ne participaient qu'à l'enquête initiale.


TABLEAU 1
Caractéristiques des Autochtones atteints de diabète de type 2
au moment de l'enquête initiale

Hommes
(
n = 16)

Femmes
(
n = 18)

Hommes et femmes
(
n = 34)

Moyenne (écart-type)

Âge (ans)

59,6

(17,4)

56,2

(15,5)

57,7

(11,6)

Indice de masse corporelle (kg/m2)

29,1

(8,5)

32,4

(7,6)

30,9

(5,7)

Hémoglobine glycosylée (%)

7,5

(3,0)

7,3

(2,0)

7,4

(1,7)

Insuline (pmol/L)

144,1

(33,2)

117,1

(44,4)

134,6

(26,6)

Années de scolarité (%) 1 à 5

6,3

(6,1)

5,6

(5,4)

5,9

(4,0)

6 à 9

43,7

(12,4)

44,4

(11,7)

44,1

(8,4)

9 à 12

50,0

(12,5)

50,0

(11,8)

50,0

(8,6)


TABLEAU 2
Croyances relatives à la santé et au diabète des Autochtones atteints de diabète de type 2 au moment de l'enquête initiale

Hommes
(
n = 16)

Femmes
(
n = 18)

Hommes et femmes
(
n = 34)

Moyenne (écart-type)

Croyances-prédisposition (20 points)
(score élevé = forte prédisposition)

7,5

(2,4)

9,1

(2,1)

8,4

(1,6)

Croyances-gravité (20 points)
(score élevé = gravité importante)

10,3

(2,9)

10,5

(2,6)

10,4

(1,9)

Croyances-bienfaits (20 points)
(score élevé = grands bienfaits)

9,4

(2,1)

8,7

(1,9)

9,0

(1,4)

Croyances-obstacles (20 points)
(score élevé = obstacles importants)

6,7

(3,9)

7,0

(3,5)

6,9

(2,6)


TABLEAU 3
Corrélations entre les construits liés aux croyances relatives au diabète et
à la santé chez les Autochtones atteints de diabète de type 2 (
n = 34)

Prédispositio

Gravité

Bienfaits

Obstacles

Prédispositio

1,00

Gravité

0,16

1,00

Bienfaits

0,50

0,43

1,00

Obstacles

-0,31

-0,28

-0,12

1,00


TABLEAU 4
Connaissances et comportements des Autochtones atteints de diabète de type 2 au moment de l'enquête initiale et du suivi après 18 mois (
n = 34)

Enquête initiale

Suivi

Degré de signification (p) (test t)

Moyenne (écart type)

Connaissances-diabète (13 points)a

8,4

(3,6)

9,2

(2,9)

0,07

Activité physique (MET-h/sem)b

11,0

(6,9)

8,5

(7,4)

0,27

Glucides (g/100 kcal)c

12,0

(14,4)

12,5

(14,6)

0,86

Protéines (g/100 kcal)c

5,1

(5,6)

4,5

(3,8)

0,47

Lipides (g/100 kcal)c

3,6

(5,1)

3,6

(4,7)

0,91

Énergie (pendant 3 jours) (kcal)

4 506

(1 363)

4 529

(1 648)

0,93

Alcool (consommations
par semaine)

1,1

(2,9)

1,3

(3,1)

0,52

a Score élevé = bonnes connaissances

b Activité physique pendant les temps libres et au travail, en MET-heures (MET : équivalents métaboliques) par semaine

c Grammes consommés par 100 kcal d'apport énergétique (total), pendant trois jours consécutifs


Croyances relatives à la santé et mesures de la glycémie au moment de l'enquête initiale

Les croyances relatives à la santé et au diabète n'étaient pas liées au taux d'HbA1c mesuré à l'enquête initiale (tableau 5). La concentration d'insuline était associée négativement à la gravité perçue (p = 0,042) et positivement aux obstacles perçus (p = 0,05). Ainsi, les faibles concentrations d'insuline étaient liées à la perception de graves complications entraînées par le diabète et à la perception d'obstacles moins importants à l'autogestion de sa santé. La perception de grands bienfaits découlant de l'adhérence à un régime diabétique était liée à une faible glycémie après deux heures (p = 0,012). La perception de sa prédisposition au diabète n'était liée à aucun indicateur de la glycémie.

Croyances relatives à la santé au moment de l'enquête initiale et variations du taux d'HbA1c

La gravité perçue des conséquences qui découleraient d'un diabète non maîtrisé, au moment de l'enquête initiale, était associée positivement (tableau 5) à une variation favorable du taux d'HbA1c (p = 0,036) survenue au cours des 18 mois de suivi et était ainsi un prédicteur de la diminution du taux d'HbA1c. On n'a pas pu établir d'association significative entre la prédisposition, les bienfaits et les obstacles perçus lors de l'enquête initiale et une variation du taux d'HbA1c.

Croyances relatives à la santé au suivi et taux d'HbA1c au suivi

Le taux d'HbA1c était associé négativement, au moment du suivi, à la gravité perçue des complications (p = 0,037); il était associé positivement (p = 0,0004) aux obstacles perçus à l'autogestion de sa santé (tableau 5). La perception de complications graves et d'obstacles moins importants était donc liée à un taux d'HbA1c plus favorable à la santé. La prédisposition et les bienfaits perçus n'étaient pas liés au taux d'HbA1c mesuré au moment du suivi.

Croyances relatives à la santé au suivi et variation du taux d'HbA1c

La gravité perçue des complications du diabète était associée positivement à une variation favorable du taux d'HbA1c entre l'enquête initiale et le suivi (tableau 5). De même, la perception d'obstacles moins importants à l'autogestion de sa santé était associée à une diminution favorable du taux d'HbA1c entre l'enquête initiale et le suivi. La prédisposition et les bienfaits perçus n'étaient pas liés à la variation du taux d'HbA1c mesuré au moment du suivi.


TABLEAU 5
Croyances relatives à la santé et au diabète à l'enquête initiale et
au suivi effectué après 18 mois par rapport aux résultats des indicateurs
de la glycémie et à la variation de l'équilibre glycémique (HbA
1c)
chez les Autochtones atteints de diabète de type 2
a

Indicateurb

n

Prédispositio

Gravité

Bienfaits

Obstacles

Enquête initiale

Insulinet1

34

-0,03 (0,18)

-0,36 (0,17)*

0,08 (0,19)

0,33 (0,16)*

Glycémie après 2-ht1


34


0,42 (0,27)


0,44 (0,26)


-0,62 (0,23)*


0,04 (0,32)

HbA1ct1

34

-0,10 (0,18)

0,09 (0,18)

-0,04 (0,19)

0,01 (0,19)

DHbA1ct1 – t2

34

-0,08 (0,20)

0,40 (0,18)*

0,29 (0,19)

-0,21 (0,19)

Suivi

HbA1ct2

17

0,20 (0,28)

-0,52 (0,23)*

-0,30 (0,26)

0,88 (0,19)**

DHbA1ct1 – t2

17

-0,43 (0,24)

0,48 (0,22)*

0,03 (0,26)

-0,63 (0,24)*

a Coefficients bêta normalisés (et erreur-type), ajustés selon l'âge et le sexe.

b Indicateurs de la glycémie : t1 = mesuré à l'enquête initiale, t2 = mesuré au suivi (après 18 mois)
et D = variation du score entre l'enquête initiale et le suivi (t1t2).

*p < 0,05, **p < 0,001.


Analyse

Dans cet échantillon d'Autochtones atteints de diabète de type 2, ni les croyances relatives au diabète ni le taux d'HbA1c n'ont changé pour le groupe entre l'enquête initiale et le suivi effectué 18 mois plus tard. Tous les participants ont été aiguillés vers des médecins de la localité pour le traitement de leur diabète, pour bénéficier d'un suivi et pour participer à un programme d'éducation en matière de diabète à un hôpital régional. Le présent rapport ne visait pas à évaluer les stratégies de traitement ou l'adhérence des patients à ces traitements, mais à évaluer les croyances relatives au diabète au début de l'étude et lors du suivi, afin de déterminer le lien qui existe entre ces croyances et les indicateurs de la glycémie. Malgré l'absence de relation, au début de l'étude, entre les croyances relatives au diabète et le taux d'HbA1c, les perceptions relatives à la gravité du diabète au début de l'étude ont prédit une diminution du taux d'HbA1c mesuré lors du suivi. Au moment du suivi, la perception de graves complications liées au diabète et la perception d'obstacles moins importants à l'autogestion de sa santé étaient associées à un taux favorable d'HbA1cainsi qu'à une diminution du taux d'HbA1c. De tels résultats indiquent que les croyances personnelles par rapport aux obstacles relatifs à l'équilibre du diabète et à la gravité des complications sont des facteurs importants qui influent sur la capacité des Autochtones atteints de diabète d'équilibrer leur glycémie.

Ce que l'étude fait ressortir avant tout, c'est l'utilité de pousser le modèle de croyances relatives à la santé au-delà de son but original, celui de prédire les comportements relatifs à la santé à partir des croyances relatives à la santé, et de lui faire prédire directement les résultats (mesurés par les indicateurs physiologiques). Limiter l'utilisation du modèle de croyances relatives à la santé à la planification et à l'évaluation des stratégies de modification du comportement en matière de diabète pourrait induire les professionnels de la santé ainsi que les clients en erreur, car, utilisé ainsi, le modèle est d'une efficacité très modeste10,23-25. Il convient de noter que lorsqu'on a mesuré les comportements à l'enquête initiale et au suivi pour évaluer la relation entre les croyances relatives au diabète et les indicateurs de la glycémie à chacun de ces moments et lorsqu'on a mesuré les comportements au suivi pour évaluer la relation entre les croyances et les variations dans l'équilibre de la glycémie, on n'a pas pu établir d'association avec une variation des coefficients du modèle, ou seulement une variation minime. Cependant, cela n'implique pas nécessairement que le comportement n'ait pas eu d'effet sur les résultats positifs observés. Malgré le fait que l'on n'ait pas établi de relation entre les comportements et les croyances ou les indicateurs de la glycémie, il se peut que les comportements, contrairement au taux d'HbA1c et aux croyances perçues, n'aient pas été évalués avec suffisamment de sensibilité pour qu'on puisse déterminer leur influence dans le lien entre les croyances relatives à la santé et au diabète et les indicateurs de la glycémie.

La relation constante, que la présente étude a montrée, entre la gravité perçue et l'équilibre de la glycémie est une observation importante, qui est appuyée par des recherches antérieures indiquant que la gravité perçue est la composante du modèle de croyances relatives à la santé qui est le plus fortement liée à l'adhérence aux traitements36. Néanmoins, bien qu'on ait déjà observé un lien entre la perception de la gravité de la maladie et un taux favorable d'HbA1c19, la plupart des études indiquent que la perception de graves complications découlant de la maladie est liée à un mauvais équilibre de la glycémie10,37. Certaines des divergences constatées pourraient être attribuables au fait que les études qui établissaient un lien entre un mauvais équilibre de la glycémie et la perception de graves complications étaient de nature transversale plutôt que longitudinale et qu'elles portaient sur des personnes atteintes de diabète depuis longtemps (depuis cinq ans ou plus). L'ancienneté relative du diagnostic de diabète peut affecter de tels résultats. Dans la présente étude, on a évalué les croyances relatives au diabète des cas nouvellement diagnostiqués six semaines après le diagnostic; les personnes chez qui le diagnostic avait déjà été posé étaient au courant depuis 3,2 ans (durée médiane).

Une relation entre la gravité perçue et le taux d'HbA1c pourrait être décrite comme le «risque perçu» (par rapport aux complications entraînées par le diabète), lequel découlerait des perceptions initiales relatives à la gravité; viendraient ensuite les perceptions relatives à la prédisposition6. Ainsi, il se pourrait que la perception de la gravité de la maladie doive atteindre un niveau élevé avant que la perception d'une personne de sa prédisposition à la maladie ne puisse prédire l'équilibre de la glycémie. Le fait que la prédisposition ne soit pas liée aux indicateurs de la glycémie, dans la présente étude, laisse entendre que plusieurs des participants «s'ajustaient» à leur maladie. Il se pourrait que l'importance de la prédisposition augmente et que celle de la gravité diminue avec le temps chez la personne diabétique. Il faut mener des études longitudinales pour déterminer si la relation inversement proportionnelle qui existe entre la gravité et le taux d'HbA1c se renverse au fil du temps et si la prédisposition joue un rôle dans un tel changement. À l'heure actuelle, le rôle joué par la perception qu'une personne a de sa prédisposition dans l'autogestion du diabète n'est pas constant36.

Le deuxième volet du modèle de croyances relatives à la santé expliquant l'équilibre positif de la glycémie dans la présente analyse repose dans les obstacles perçus, notés au suivi; cette constatation est conforme à celles d'autres rapports6,10,19,37. Les obstacles perçus au début de l'étude étaient associés positivement à la concentration d'insuline. À la base du modèle de croyances relatives à la santé se trouve l'hypothèse selon laquelle la valeur que l'on accorde à sa santé influence la façon dont on gère sa santé10,38. Cette prémisse suppose que les personnes sont libres de gérer leur santé comme bon leur semble. La voie menant à l'amélioration de la santé des Autochtones est pavée d'obstacles, comme les inégalités sur le plan de l'instruction, du statut socio-économique et du pouvoir2. Compte tenu des divers problèmes auxquels sont confrontés les Autochtones dans leur vie quotidienne, les initiatives médicales et communautaires doivent viser les obstacles subjectifs (perçus) et objectifs (structuraux) à l'autogestion de leur santé, afin de sensibiliser et d'encourager ces gens à adopter des comportements favorables à leur santé et de leur permettre d'adopter de tels comportements, et, ainsi, de réduire leur risque d'être atteints de diabète et d'en subir les complications3.

On croit que l'agencement des composantes «bienfaits perçus» et «obstacles perçus» du modèle de croyances relatives à la santé «guide» les mesures prises pour l'autogestion de sa santé9. Ainsi, la compréhension de la nature des obstacles auxquels se heurtent les Autochtones peut faire la lumière sur les raisons pour lesquelles les bienfaits perçus ne sont pas des prédicteurs des indicateurs de la glycémie. Il est peut-être difficile, pour les Autochtones, d'être impressionnés par les bienfaits possibles de l'équilibre de leur glycémie compte tenu des difficultés quotidiennes auxquelles ils sont confrontés. Le fait que la glycémie après deux heures ait été associée aux bienfaits perçus au début de l'étude est corroboré par d'autres recherches, qui font état d'un lien entre les bienfaits perçus et l'adoption de comportements ayant pour but l'équilibre du diabète37. La réaction physiologique après ingestion (aux deux heures) de charges de glucose à des fins diagnostiques est en grande partie liée aux comportements à risque associés à l'apparition du diabète, ces comportements faisant partie intégrante du mode de vie3.

Les hypothèses mises à l'épreuve dans la présente étude n'ont été que partiellement corroborées. Les quatre croyances du modèle de croyances relatives à la santé n'étaient pas liées de façon constante aux indicateurs de la glycémie des sujets. La gravité et les obstacles perçus permettaient le mieux de prédire l'état de la glycémie. Les bienfaits perçus étaient liés au taux d'insuline mais n'étaient pas liés comme tel au taux d'HbA1c, et la perception de la prédisposition n'était liée à aucun indicateur de la glycémie. Cette modeste confirmation empirique du modèle est conforme aux autres articles de la littérature traitant de l'utilité du modèle de croyances relatives à la santé dans la lutte contre le diabète et dans la gestion de cette maladie36. Bien que cette confirmation puisse constituer une conclusion raisonnable en elle-même, d'autres aspects de l'efficacité du modèle dans ce contexte doivent être évalués, comme son applicabilité à la population d'Autochtones étudiée. Il est possible que la valeur prédictive du modèle soit limitée dans le cas de populations aux prises avec d'importants obstacles socioculturels en matière de comportements favorables à la santé lorsque des facteurs non comportementaux neutralisent les croyances, ou les effets de ces croyances, qui pourraient être liés de façon plus étroite aux indicateurs de la santé dans les populations où les obstacles sont moins importants. On pourrait également se demander dans quelle mesure l'échelle du diabète du modèle de croyances relatives à la santé a pu saisir les principales croyances de la population d'Autochtones étudiée, en ce qui concerne leur perception de leur prédisposition aux complications du diabète et les bienfaits d'un équilibre efficace du diabète39.

Limites

La principale limite de la présente étude est la petite taille de l'échantillon et les conséquences que cela implique sur le plan de la puissance statistique de l'étude. Il semble être cependant improbable que cette faible puissance statistique ait eu une influence sur l'effet limité des bienfaits perçus sur les indicateurs de la glycémie et sur l'absence d'effet de la perception de la prédisposition sur ces indicateurs. Les erreurs-types des coefficients bêta normalisés de ces deux composantes de l'échelle du diabète du modèle de croyances relatives à la santé sont stables comparativement à ceux des autres composantes du modèle, et leur valeur est près de zéro. La faible puissance statistique de l'étude a également rendu impossible la réalisation d'analyses à variables multiples tenant compte des quatre croyances relatives au diabète en même temps et dans un même modèle (chaque croyance a été analysée séparément).

La faible taille de l'échantillon fait également en sorte qu'on ne peut généraliser et appliquer les résultats de l'étude à toutes les populations. Cependant, comme nous l'avons signalé, aucune étude empirique sur les croyances relatives à la santé et l'équilibre de la glycémie chez les Autochtones diabétiques n'a été publiée. Une analyse longitudinale, d'aussi petite envergure soit-elle, constituerait à notre avis une contribution valable à la littérature sur le diabète concernant cette population désavantagée et insuffisamment étudiée.

Troisième point : l'applicabilité sur le plan culturel de l'échelle du diabète du modèle de croyances relatives à la santé. Cette échelle semble être utile jusqu'à un certain point pour l'étude de la population concernée, comme le démontre la fiabilité des sous-échelles du modèle. Une utilisation de plus grande envergure de l'échelle, auprès d'autres populations d'Autochtones, bénéficierait d'une évaluation psychométrique plus approfondie, afin qu'il soit possible de déterminer dans quelle mesure cette échelle saisit les construits qu'elle prétend évaluer. Les différentes échelles évaluant les croyances relatives à la santé et au diabète peuvent ne s'appliquer qu'à une population donnée38,40.

Répercussions sur l'exercice
de la médecine

Les stratégies recommandées en matière de prévention secondaire du diabète de type 2 comprennent des stratégies personnalisées et axées sur les patients, fondées sur l'expertise des médecins, des éducateurs en matière de diabète et des autres intervenants en santé41. Les populations à risque élevé peuvent également tirer profit d'initiatives communautaires visant à les encourager à prendre des mesures pour prévenir le diabète3,42. Les stratégies drastiques de traitement du diabète que l'on prône actuellement (p. ex., une alimentation faible en gras saturés, de l'activité physique régulière, la prise de médicaments) sont cependant complexes, et les Autochtones atteints de diabète peuvent éprouver des difficultés dans leurs rapports avec des professionnels de la santé non autochtones, qui ont des valeurs différentes des leurs43.

Les résultats de la présente étude appuient l'idée selon laquelle le fait de croire à la gravité des complications du diabète et, aussi, de croire que l'on peut surmonter les obstacles à l'autogestion de sa santé ont un effet thérapeutique et sont utiles dans les initiatives visant à aider les diabétiques à gérer leur maladie. L'utilité de croire aux bienfaits de l'équilibre du diabète et à sa prédisposition aux complications de la maladie n'a pas été confirmée. Cependant, il peut être sage de ne pas négliger complètement de telles perceptions. Le mécanisme par lequel certaines perceptions deviennent importantes peut être un élément clé, car la valeur qu'accorde la culture autochtone au respect de l'autonomie de chacun fait en sorte qu'il est malvenu de tenter d'influencer autrui. Les Autochtones pourraient percevoir l'éducation didactique donnée par les Occidentaux comme une ingérence dans leur mode de vie ou une violation de leur vie privée44.

Ce que les Autochtones comprennent du diabète n'est pas le simple reflet du discours didactique en matière de santé qu'ils entendent ou des notions transmises par les professionnels des sciences biomédicales, lesquels sont principalement fondés sur des données historiques, s'adressent aux personnes sur une base individuelle et ne réussissent pas à expliquer la progression rapide, au XXe siècle, du diabète chez les populations d'Autochtones ayant eu peu de cas de la maladie par le passé45,46. Les réactions des Autochtones sont davantage dictées par leurs convictions culturelles sur la nature de l'expérience de la maladie que par leurs croyances relatives au diabète47. L'établissement d'une compréhension commune du processus morbide du diabète et des moyens de lutte contre cette maladie, entre Autochtones et intervenants occidentaux, s'est montré important pour l'éducation, le traitement et les interventions communautaires en matière de diabète48.

Conclusion

Les croyances relatives au diabète peuvent être changées au moyen d'une éducation à la santé25. La présente étude auprès des Autochtones a mis en évidence des liens empiriques entre les indicateurs de la glycémie et des perceptions sur le diabète. Peu de recherches ont fait état des facteurs cognitifs qui influencent l'équilibre du diabète chez les Autochtones49. La majorité des études qui portaient sur les croyances, les comportements et le diabète ont été de nature transversale. La principale recommandation qui découle de la présente étude longitudinale est qu'il faudrait aborder l'éducation à la santé des Autochtones en tenant compte de leur culture et en mettant l'accent sur la gravité des complications entraînées par le diabète et sur le fait qu'il est possible de surmonter les obstacles perçus à la maîtrise du diabète. Il faut effectuer d'autres recherches sur les croyances et les comportements relatifs au diabète, ainsi que sur l'équilibre de la glycémie, pour mieux lutter contre l'épidémie grandissante de diabète chez les Autochtones.

Remerciements

La présente étude a été réalisée grâce au concours du Programme national de recherche et de développement en matière de santé de Santé Canada, lequel a accordé une subvention de projet (nº 6610-2022-ND) et une bourse de recherche (nº 6610-2086-47) à Mark Daniel. Les auteurs tiennent à remercer le peuple des Salish de la région de l'Okanagan, en Colombie-Britannique, pour avoir accordé leur appui à la présente étude. Nous remercions chaleureusement nos collaboratrices de l'Okanagan University College, Diane Gamble, inf. (maîtrise en soins infirmiers), et Joyce Henderson, inf. (maîtrise en hygiène publique), pour leur contribution et Sandy Burgess, inf., Direction générale des soins médicaux, Santé Canada, pour son aide. Nous remercions également Lowell Laidlaw et Betty Carlson, technologues en radiochimie au laboratoire du Vernon Jubilee Hospital, pour l'excellent soutien technique qu'ils ont apporté aux dosages biologiques.

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Coordonnées des auteurs

Mark Daniel, Department of Epidemiology et Department of Health Behaviour and Health Education, School of Public Health, The University of North Carolina at Chapel Hill, Caroline du Nord, États-Unis.

Lynne C Messer, Department of Health Behaviour and Health Education, School of Public Health, The University of North Carolina at Chapel Hill, Caroline du Nord, États-Unis.

Correspondance : Mark Daniel, School of Public Health, The University of North Carolina at Chapel Hill, CB #7440, Rosenau Hall, Room 302, Chapel Hill, North Carolina 27599-7440, USA; Télécopieur : (919) 966-2921; Courriel : danielm@email.unc.edu

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ANNEXE
Modèle de croyances relatives à la santé – échelle du diabète

Tous les énoncés sont évalués au moyen d'une échelle de Likert à cinq cotes, allant de 1 (pas du tout d'accord) à 5 (tout à fait d'accord). Les scores les plus élevés (le fait d'être d'accord) correspondent à des croyances positives, sauf indication contraire.

Prédisposition:

1) Le diabète peut être une maladie grave s'il n'est pas surveillé.

2) Ma maladie serait plus grave si je ne m'en occupais pas.

3) Je crois que le fait de suivre une diète, de faire de l'exercice ou de prendre des médicaments préviendra l'apparition de complications.

4) Je surveille bien ma maladie.

Gravité :

1) Ma maladie ne me cause pas de problèmes tant et aussi longtemps que je me sens biena.

2) Ma maladie aura des effets néfastes sur ma santé, à long terme.

3) Le diabète me rendra très malade.

4) Je crois que j'aurai toujours besoin de suivre une diète, de faire de l'exercice ou de prendre des médicaments.

Bienfaits :

1) Je crois que je peux gérer ma maladie.

2) Je crois que le fait de suivre une diète, de faire de l'exercice ou de prendre des médicaments me permettra de gérer ma maladie.

3) Le fait de changer mes habitudes d'alimentation et d'exercice me sera probablement bénéfique.

4) La diète que je suis, les exercices que je fais ou les médicaments que je prends m'aideront à me sentir mieux.

Obstacles :

1) Je devrai changer trop d'habitudes pour suivre ma diète, faire de l'exercice ou prendre mes médicamentsb.

2) J'ai de la difficulté à suivre la diète qu'on m'a prescritb.

3) Je ne comprends pas ce qu'on m'a dit au sujet de ma dièteb.

4) Faire de l'exercice et/ou prendre des médicaments nuisent à mes activités quotidiennesb.


a
L'échelle est inversée, c'est-à-dire que le fait d'être en désaccord indique une croyance positive;

b Un faible score indique une croyance positive, mais l'échelle n'est pas inversée, ce qui signifie qu'un score élevé correspond à la perception d'obstacles importants.


Dernière mise à jour : 2003-01-06 début