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Effets potentiels du dépistage en population du cancer colorectal au Canada Résumé Des essais comparatifs randomisés (ECR) ont mis en lumière l'utilité du dépistage du cancer colorectal (CCR) par la recherche de sang occulte dans les selles (RSOS) associée à un suivi par coloscopie. Nous avons évalué les effets potentiels du dépistage en population au moyen de la RSOS suivie de la coloscopie au Canada en termes de réduction de la mortalité, de coût-efficacité et de ressources requises. Nous avons adapté le modèle de microsimulation POHEM pour simuler le dépistage du CCR en utilisant les données canadiennes et les résultats des ECR concernant la sensibilité et la spécificité de cette analyse, la participation, l'incidence, la stadification, l'évolution, la mortalité et les coûts de soins de santé directs. Au Canada, le dépistage bisannuel de 67 % des personnes âgées de 50 à 74 ans en l'an 2000 a permis d'obtenir une réduction estimative de 16,7 % de la mortalité par CCR à 10 ans. L'espérance de vie de la cohorte a augmenté de 15 jours en moyenne, et la demande de coloscopie s'est accrue de 15 % au cours de la première année. Le coût estimatif du dépistage s'élevait à 112 millions de dollars par année ou 11 907 $ par année de vie gagnée (actualisé à 5 %). L'efficacité potentielle dépendrait de la capacité d'atteindre des taux de participation cibles et de trouver les ressources nécessaires pour répondre à la demande de RSOS et de coloscopie. Ces travaux ont été réalisés pour appuyer le Comité national sur le dépistage du cancer colorectal. Mots clés : dépistage du cancer colorectal; microsimulation; POHEM; rentabilité; RSOS Introduction Au Canada, le cancer colorectal (CCR) est la seconde cause en importance de décès par cancer après le cancer du poumon chez les deux sexes confondus, mais il se classe au troisième rang après le cancer de la prostate chez l'homme et le cancer du sein chez la femme. Il frappe les hommes et les femmes à peu près également, et l'on observe une élévation de l'incidence à compter de l'âge de 50 ans. Bien que les taux d'incidence et de mortalité aient fléchi lentement au cours des dernières années, les nombres absolus ont augmenté en raison du vieillissement de la population. En 2002, on a dénombré environ 17 600 nouveaux cas de CCR et 6 600 décès imputables à ce cancer1. Un examen des dossiers du Centre régional de cancérologie d'Ottawa a révélé que plus de la moitié des cancers colorectaux détectés au Canada étaient des cancers de stade III ou IV pour lesquels les taux de survie à cinq ans s'établissaient à 60 % et 10 % respectivementa. On s'attend à ce que la détection précoce résultant du dépistage permette d'améliorer la survie. Santé Canada a constitué le Comité national sur le dépistage du cancer colorectal (CNDCR) en 1998 et lui a confié le mandat de faire des recommandations sur le dépistage en population du CCR au Canada. Des essais comparatifs randomisés (ECR) ont montré l'utilité du dépistage du CCR par la recherche de sang occulte dans les selles (RSOS) suivie de la coloscopie chez les patients dont le résultat était positif3-5. Étant donné que les ECR ne rendent pas nécessairement compte des conditions réelles et que les périodes de suivi des ECR étaient relativement brèves, nous avons utilisé le Modèle de microsimulation de la santé de la population (POHEM) pour évaluer les effets potentiels du dépistage en population du cancer colorectal au Canada au moyen de la RSOS suivie de la coloscopie. Méthodes Les caractéristiques du protocole de dépistage ont été établies en étroite collaboration avec le CNDCR. Le dépistage par RSOS (Hemoccult II, échantillons non réhydratés) suivie de la coloscopie chez les personnes dont les résultats étaient positifs a été retenu comme la modalité de dépistage à modéliser étant donné que des preuves de son utilité ont été présentées dans trois ECR : Funen, Danemark3; Nottingham, Royame-Uni.4; et Minnesota, aux États-Unis5. L'essai de Funen a été réalisé en population et comportait une stratégie de recrutement clairement documentée qui pouvait être reproduite dans le modèle POHEM pour donner des périodes de suivi semblables (10 ans). Nous l'avons utilisé comme principal ECR pour définir le modèle de dépistage et repris des estimations des paramètres d'autres essais, selon les besoins. Nous avons validé le modèle de dépistage en fonction des résultats de l'essai de Funen avant de l'appliquer au contexte canadien. Le Modèle de microsimulation de la santé de la population (POHEM) Le modèle POHEM est un outil de microsimulation élaboré par Statistique Canada pour modéliser divers aspects de la santé des Canadiens et évaluer des interventions possibles6,7. Il crée des échantillons longitudinaux synthétiques de la population, à compter de la date de naissance de chaque individu dans la cohorte, et simule de façon dynamique leur vieillissement, y compris leurs expositions à des facteurs de risque, la survenue de maladies selon les risques, le traitement, la létalité et les coûts. Le modèle POHEM estime les caractéristiques d'une cohorte de population en faisant la synthèse de vastes échantillons de biographies socio-économiques et sanitaires individuelles complètes à partir d'innombrables observations empiriques détaillées. Le modèle POHEM englobe des modèles détaillés du cancer colorectal, du cancer du poumon, du cancer du sein, de l'utilisation de l'hormonothérapie substitutive, des cardiopathies et des fractures. Il a été utilisé pour évaluer les effets de l'administration prophylactique de tamoxifène au Canada8, les interventions dans le cancer du poumon9, le coût du cancer du sein10 et du cancer colorectal sur toute la vie. Un modèle canadien de l'incidence et de l'évolution du CCR a été établi et intégré dans le modèle POHEM en 2000. Il incluait l'incidence de la maladie selon l'âge, le sexe et le siège (côlon ou rectum); l'évolution de la maladie, de la récurrence locale, aux métastases et au décès, de même que les options thérapeutiques et les coûts. Les données sur l'incidence ont été tirées du Registre canadien du cancer (1995) tandis que les données sur la distribution des stades et la survie proviennent d'un examen des dossiers effectué au Centre régional de cancérologie d'Ottawa. Enfin, les données sur les options thérapeutiques et les coûts proviennent des résumés de notes à la sortie de l'hôpital, d'enquêtes réalisées auprès des oncologues, des données de facturation et de nombreuses consultations. Le module de dépistage du CCR a été intégré à ce modèle de base. Simulation d'un programme de dépistage Le dépistage a été simulé dans le modèle POHEM de manière à englober la période de recrutement; l'âge cible de la population; la fréquence du dépistage; la participation à la première séance de dépistage et aux séances subséquentes; la sensibilité, la spécificité et le temps de séjour de la RSOS; les résultats de la RSOS; l'observance du suivi par coloscopie; les complications de la coloscopie; la détection des cancers précliniques et des cancers d'intervalle et le suivi après la détection de polypes. Les personnes simulées qui se situaient à l'intérieur d'un intervalle d'âge ciblé pendant la période de recrutement étaient admissibles au dépistage par la RSOS, à condition de n'avoir aucun antécédent de CCR. La période de recrutement était l'année 2000 pour obtenir une cohorte fermée ou la période de 2000 à 2024 pour obtenir une cohorte dynamique. Les cohortes fermées ont été utilisées pour simuler les conditions des essais cliniques et pour estimer la réduction de la mortalité et la rentabilité (coûts-efficacité) du dépistage. Quant aux cohortes dynamiques, qui tiennent compte de l'évolution de la structure de la population, elles ont été utilisées pour la détermination des effets potentiels sur les ressources, comme les volumes d'analyses (RSOS) et de coloscopies qui devraient être pratiquées dans un programme de dépistage à l'échelle de la population. La participation a été simulée pour la première invitation et les invitations subséquentes à participer au dépistage par la RSOS et au suivi par coloscopie. Seules les personnes qui avaient participé au premier dépistage étaient invitées à participer aux dépistages subséquents. La participation aux dépistages subséquents ne dépendait pas autrement de la participation à un dépistage antérieur. Les personnes qui refusaient le suivi par coloscopie étaient exclues du programme de dépistage. La stratégie de recrutement joue un rôle important dans le taux de participation global et le coût d'un programme de dépistage. Il a été proposé qu'une stratégie de recrutement axée sur la promotion dans les médias, les lettres d'invitation et les consultations des médecins de famille permettrait d'obtenir un taux de participation de 67 % de la population cible au Canada. On a estimé que les personnes qui acceptaient de participer au dépistage devraient faire en moyenne 1,5 visite pour consulter les médecins et recevoir la trousse de RSOS. Comme on peut le voir à la figure 1, nous avons simulé les résultats des épreuves de RSOS en nous fondant sur les estimations de la sensibilité et de la spécificité établies dans les essais cliniques. Dans le cas des personnes simulées qui, selon la microsimulation, étaient atteintes d'un cancer préclinique, nous avons appliqué l'estimation de sensibilité afin de leur attribuer un résultat vrai positif ou faux négatif. Un résultat faux négatif signifiait que le cancer avait échappé au dépistage mais serait détecté cliniquement comme cancer d'intervalle avant le dépistage suivant. Dans le cas des personnes simulées qui n'étaient pas atteintes d'un cancer préclinique lors du dépistage, nous avons appliqué la spécificité pour leur attribuer un résultat vrai négatif ou faux positif. Nous avons simulé la présence d'un cancer préclinique potentiellement détectable par la RSOS en calculant la probabilité d'incidence du CCR au cours des deux années suivantes, dans le cas du dépistage bisannuel, et au cours de l'année suivante, dans le cas du dépistage annuel. FIGURE 1 ![]() Seules les personnes dont les résultats de la RSOS étaient positifs ont été invitées à consulter un gastro-entérologue et à subir un examen de suivi par coloscopie. On a supposé que la coloscopie avait une sensibilité de 95 %11 et une spécificité de 100 % pour la détection du CCR. Nous avons modélisé les complications découlant de la coloscopie pour la perforation (0,17 %), l'hémorragie (0,03 %) et le décès (0,02 %)12. Si la coloscopie s'avérait négative, les participants étaient exemptés du dépistage pendant une période de 10 ans, à condition qu'aucun polype ne soit découvert. Si l'on découvrait des polypes (mais aucun cancer), les coloscopies de suivi étaient pratiquées à des intervalles de 3, 5 et 10 ans selon les lignes directrices13,14 et l'opinion des experts. On a supposé que la coloscopie permettrait de détecter les polypes dont le diamètre était supérieur à 1 cm et que l'ablation des polypes n'aurait aucun effet sur l'incidence du CCR, ce qui est conforme aux résultats obtenus dans l'essai de Funen au cours de la période de suivi de 10 ans. On a supposé que la prévalence des polypes de plus de 1 cm augmentait de façon linéaire de 3 % à l'âge de 50 ans à 5 % à l'âge de 70 ans et à 5,5 % à l'âge de 80 ans15. Le stade a été déterminé selon la façon dont le cancer avait été détecté (tableau 1). La distribution des stades pour la population canadienne de référence (témoin) a été établie à partir d'un examen des dossiers du Centre régional de cancérologie d'Ottawa. La distribution des stades pour une population ayant fait l'objet d'un dépistage hypothétique au Canada a été estimée par l'application du changement relatif de stade observé dans les ECR à la distribution des stades dans la population canadienne de référence. TABLEAU 1
a Tiré d'un examen des dossiers à Ottawa. L'amélioration de la distribution des stades expliquait en partie, mais non totalement, l'amélioration de la survie observée dans les essais. Des risques relatifs ont été appliqués à la survie du groupe de référence pour les cancers détectés lors du premier dépistage (RR = 0,53), lors des dépistages subséquents (RR = 0,62), dans l'intervalle (RR = 0,88) et chez les non-participants (RR = 1,04)16. Il a été difficile d'estimer les coûts du dépistage du CCR étant donné qu'il n'existe pas de programme au Canada. Le tableau 2 montre le coût estimatif du dépistage pour chaque composante du programme ainsi qu'une option prévoyant un coût supérieur pour tenir compte de l'incertitude. Les coûts du traitement ont été tirés du modèle de base du CCR. Aucun coût indirect n'a été modélisé. TABLEAU 2
a Estimation établie à partir des données de Action Cancer
Ontario (2000) (rapport inédit). Le rapport coût-efficacité a été calculé comme le quotient du coût différentiel encouru par les années de vie sauvées grâce au dépistage. Les rapports coût-efficacité inférieurs à 40 000 $ par année de vie sauvée sont généralement considérés comme rentables17. Les coûts de même que les années de vie ont été actualisés à 0 %, 3 % et 5 %. Tous les coûts étaient exprimés en dollars canadiens. La simulation du groupe de dépistage et du groupe témoin Nous avons utilisé un échantillon d'environ sept millions de personnes afin de réduire au minimum l'erreur aléatoire inhérente à la simulation. Cet échantillon était composé de deux cohortes identiques, une cohorte de référence (témoin) et une cohorte de dépistage. Les cycles de vie des personnes faisant partie de la cohorte de dépistage étaient identiques à ceux des membres de la cohorte de référence jusqu'au moment où elles devenaient admissibles au dépistage. La cohorte de dépistage était alors assujettie au protocole de dépistage modélisé. Nous avons évalué les effets du dépistage en comparant les résultats de la cohorte participant au dépistage à ceux de la cohorte de référence. Nous avons répété cette façon de procéder pour chaque scénario de dépistage évalué. Les principaux résultats analysés étaient la réduction de la mortalité attribuable au CCR, les gains de l'espérance de vie, la rentabilité et le nombre de RSOS pratiquées et de coloscopies découlant du dépistage. Validation Pour valider la composante dépistage du modèle POHEM, nous avons utilisé les caractéristiques de l'essai de Funen (tableau 3) pour reproduire la réduction moyenne de la mortalité observée dans le cadre de l'essai. La distribution des stades observée dans l'essai de Funen a été utilisée pour attribuer le stade selon la façon dont le cancer avait été détecté. Nous avons standardisé les résultats selon le groupe d'âge et le sexe de la structure de la population de l'essai de Funen.
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TABLEAU 3
a Fondé sur les résultats de l'essai de Funen.
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Scénarios de dépistage canadiens Le tableau 3 indique les paramètres retenus pour chacun des scénarios canadiens. Les paramètres du scénario canadien de base ont été choisis de manière à correspondre le plus étroitement possible aux conditions de l'essai en population de Funen (c.-à-d. les paramètres de validation), étant donné que la relation entre les profils de participation à l'essai et la réduction de mortalité observée pourrait ne pas s'appliquer aux autres taux de participation. Ainsi, le scénario de base se caractérisait par un dépistage bisannuel, un taux de participation de 67 % au premier dépistage, un taux de participation de 93 % aux dépistages subséquents, un taux d'observance de 89 % du suivi par coloscopie, une sensibilité de 51 % et une spécificité de 98 % de la RSOS. Enfin, pour tenir compte du contexte canadien, nous avons utilisé une plage d'âge cible de 50 à 74 ans, les distributions des stades estimés pour le Canada et la structure par âge de la population canadienne. Le scénario de dépistage annuel pour le Canada utilisait les estimations de la sensibilité et de la spécificité observées dans l'essai du Minnesota (pour le sous-groupe des RSOS dans des échantillons non réhydratés). Pour évaluer les effets de la participation sur la réduction de la mortalité et la rentabilité (coût-efficacité), nous avons réduit la participation au dépistage bisannuel de 67 % à 50 %. Ensuite, nous avons augmenté graduellement la participation au niveau cible de 67 % sur une période de cinq ans afin d'étudier les répercussions sur les ressources. Enfin, pour évaluer les gains potentiels de l'espérance de vie, nous avons simulé une cohorte de personnes admissibles âgées de 50 ans qui participeraient pleinement à tous les aspects du dépistage bisannuel jusqu'à l'âge de 74 ans. Résultats Validation Le scénario de validation simulé a donné une réduction de mortalité de 17,9 % (IC à 95 % : 16,9 %-18,9 %). Ces chiffres correspondaient à la réduction de mortalité de 18 % obtenue dans l'essai de Funen (intervalle de confiance [IC] à 95 % : 1 %-32 %) après un suivi de 10 ans. Les intervalles de confiance étaient plus étroits dans notre modèle étant donné que l'échantillon était beaucoup plus important (7 millions comparativement à 60 000). La validation a rehaussé notre confiance dans notre simulation des effets du dépistage du CCR au Canada. Réduction de la mortalité et coût-efficacité Quand nous avons simulé le dépistage bisannuel en utilisant les hypothèses du scénario de base canadien, nous avons pu noter une réduction estimative de 16,7 % (IC à 95 % : 15,8 %-17,6 %) de la mortalité imputable au CCR à 10 ans. Ce résultat était inférieur à celui observé dans l'essai de Funen, ce qui s'explique par le fait que la plage d'âge cible était plus restreinte. La figure 2 montre le changement extrapolé de la réduction de mortalité dans le temps. La réduction a atteint un sommet au cours des quelques premières années du dépistage en raison du nombre élevé de cas prévalents qui ont pu être détectés et qui ont diminué progressivement par la suite, étant donné que l'amélioration de la survie n'excluait pas nécessairement le décès dû au CCR. En d'autres termes, le décès imputable au CCR a été différé chez certaines personnes. Pour les autres qui ne sont pas décédées du CCR, elles sont mortes d'une autre cause à une date ultérieure, comme en témoigne la courbe inférieure de la figure 2. Les décès imputables aux complications de la coloscopie avaient un effet minime sur la réduction de la mortalité estimée : pour chaque 178 décès dus au CCR qui ont été évités dans la cohorte simulée, nous avons relevé un décès attribuable aux complications de la coloscopie. Globalement, l'effet sur la cohorte des années de vie gagnées et perdues était un gain estimatif de l'espérance de vie de 0,040 année (IC à 95 % : 0,038-0,042) ou 15 jours (tableau 4).
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FIGURE 2 Remarque : Fondé sur une cohorte simulée de personnes admissibles âgées de 50 à 74 ans recrutées au cours de l’an 2000 (n = 7 001 322) TABLEAU 4
Remarque : Fondé sur une cohorte simulée de personnes admissibles âgées de 50 à 74 ans recrutées au cours de l'année 2000 (n = 7 001 322)
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Des tendances analogues en ce qui concerne la réduction de la mortalité ont été observées pour les autres scénarios. Après 10 ans de dépistage annuel, la mortalité due au CCR avait chuté de 26 % tandis que l'espérance de vie avait augmenté de 0,065 an (24 jours). Quand nous avons réduit la participation au dépistage bisannuel de 67 % à 50 %, la réduction de la mortalité due au CCR à 10 ans a chuté à 10 % et le gain de l'espérance de vie a fléchi à 0,025 an (neuf jours). La réduction de la mortalité due au CCR à 10 ans a accusé une baisse supplémentaire de 1,4 % quand nous avons réduit le taux de participation aux séances de dépistage ultérieures de 93 % à 80 % et l'observance du suivi par coloscopie de 89 % à 80 %. Dans le cas du dépistage bisannuel, le coût par année de vie gagnée s'établissait à 11 907 $, montant qui augmentait à 13 497 $ dans le cas du dépistage annuel (actualisé à 5 %). Le dépistage bisannuel et le dépistage annuel demeuraient tous deux rentables selon l'analyse de la sensibilité au coût élevé. Le dépistage bisannuel était moins rentable (15 688 $) lorsque le taux de participation était réduit de 67 % à 50 %. Nous avons effectué des analyses additionnelles pour évaluer l'âge idéal du début et de la fin du dépistage. En utilisant des incréments de cinq ans, nous avons évalué des âges de début de dépistage entre 40 et 60 ans et des âges de fin du dépistage entre 60 et 90 ans. Le coût accru du dépistage avant l'âge de 50 ans n'était pas justifié étant donné le faible gain de l'espérance de vie et, de même, le dépistage après l'âge de 75 ans n'entraînait aucun gain significatif de l'espérance de vie. Nous avons noté qu'il était plus rentable de débuter le dépistage à 50 ans et d'y mettre fin à l'âge de 74 ans que de le débuter plus tard et d'y mettre fin plus tôt. Effet sur les ressources Nous avons évalué l'effet sur les ressources en modélisant le recrutement de toutes les personnes âgées de 50 à 74 ans qui étaient admissibles au programme de dépistage pendant la période de 2000 à 2024. Le dépistage bisannuel prévu dans le scénario de base générait un nombre estimatif de 2,8 millions d'épreuves de RSOS et de 55 845 coloscopies par année, en moyenne (tableau 5). Le coût moyen du programme de dépistage s'élevait à 112 millions de dollars par année au cours de la période de 25 ans (actualisé à 5 %). Les consultations chez le médecin représentaient 63 % de ce coût tandis que les frais généraux s'élevaient à 8 % (figure 3). Le coût du dépistage représentait près du quart du coût total engagé pour la détection et le traitement du cancer colorectal. La détection précoce grâce au dépistage réduisait de 4,8 % le coût du traitement.
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TABLEAU 5
a Scénario d'augmentation progressive dans
lequel le taux de participation cible de 67 % a été atteint sur une période
de cinq ans. |
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FIGURE 3 Le dépistage annuel faisait presque doubler la demande de ressources comparativement au dépistage bisannuel, comme on peut le voir à la figure 4. En effet, le nombre moyen de tests de RSOS augmentait à 4,9 millions par année tandis que le nombre moyen de coloscopies atteignait 111 654 par année. La figure 4 montre également l'augmentation graduelle des ressources observée lorsque les taux de participation cibles de 67 % étaient atteints graduellement au cours des cinq premières années du programme (scénario de l'augmentation progressive). L'effet du vieillissement de la génération du baby-boom était perceptible dans l'augmentation prévue du volume de coloscopies au cours de la période de dépistage de 25 ans. FIGURE 4
Pleine participation Nous avons suivi jusqu'à leur décès une cohorte de personnes simulées âgées de 50 ans ayant participé pleinement à tous les aspects du dépistage annuel jusqu'à l'âge de 74 ans, et noté que l'espérance de vie de la cohorte augmentait de 0,10 an (37 jours). Une personne présumée atteinte du CCR dans cette cohorte gagnait 1,75 année de vie. L'incidence du CCR sur toute la vie augmentait légèrement, soit de 0,5 %, parce que le dépistage permettait de détecter le cancer chez certaines personnes qui autrement seraient mortes d'une autre cause avant la détection clinique. Le taux de mortalité attribuable au CCR sur toute la vie chutait de 3,0 % à 2,3 %. La probabilité de mourir des complications d'une coloscopie s'établissait à 0,005 %; 0,043 % des sujets ont subi une perforation tandis que 0,008 % ont présenté une hémorragie par suite de la coloscopie. Au cours de la période de dépistage de 25 ans, la probabilité de subir une coloscopie se chiffrait à 25 %. Analyses de la sensibilité avec des paramètres additionnels Nous avons procédé à une série d'analyses de la sensibilité pour évaluer les effets de plusieurs paramètres sur la réduction de la mortalité à 10 ans. Premièrement, le fait de modifier la plage d'âge cible de 45 à 75 ans à 50 à 74 ans a entraîné une réduction estimative de la mortalité de 1,2 %. Deuxièmement, la réduction de 67 % à 50 % de la participation a fait chuter de 6,7 % la réduction de la mortalité. Troisièmement, l'effet conjugué de la réduction de 93 % à 80 % de la participation aux dépistages subséquents et de 89 % à 80 % de l'observance du suivi par coloscopie a abaissé d'environ 1,6 % la réduction de la mortalité. Analyse Le dépistage du cancer colorectal par RSOS suivie de la coloscopie chez les personnes dont le résultat du test était positif était rentable dans le cas des scénarios canadiens simulés par rapport aux seuils couramment acceptés pour les interventions sanitaires7. Notons cependant que l'efficacité potentielle du dépistage dépendrait largement de l'obtention du taux de participation actualisé de 67 %. Pour remettre ce taux en perspective, rappelons que les taux de participation aux programmes structurés de dépistage du cancer du sein au Canada en 1997-1998 étaient bien inférieurs à l'objectif de 70 %, les estimations variant de 12 % à 55 % selon les provinces après une période de mise en oeuvre de 10 ans18. Un programme pilote qui est actuellement en cours en Ontario pourrait contribuer à indiquer les taux de participation atteignables dans le cas du CCR19. Comme pour les taux de participation, les estimations d'autres paramètres du modèle, comme la sensibilité et la spécificité de la RSOS, comportent une incertitude que nous n'avons pas évaluée. De même, nous avons construit le modèle de manière à reproduire l'estimation moyenne de la réduction de la mortalité, mais celui-ci ne tient pas compte de toute l'incertitude signalée dans les ECR. Il y aurait lieu d'effectuer d'autres analyses pour estimer l'effet potentiel de cette incertitude. Une stratégie de recrutement axée sur les médecins viendra alourdir le fardeau des médecins de famille et pourrait nécessiter le recrutement d'autres médecins ou professionnels de la santé convenablement formés pour répondre à la demande. Il pourrait également être difficile de trouver les ressources pour pratiquer les coloscopies supplémentaires requises. Selon le résultat de la simulation, le dépistage bisannuel augmenterait de 15 % la demande de coloscopies par rapport aux estimations de l'usage actuel (estimation pour l'année 2000 extrapolée à partir des estimations de 1995-1996 de l'Institut canadien d'information sur la santé). Le dépistage annuel pourrait faire doubler cette demande. Étant donné le nombre potentiellement considérable de coloscopies et de RSOS qui seraient requises dans un programme de dépistage pleinement opérationnel au Canada, les questions d'assurance de la qualité revêtent une importance considérable20, surtout parce que le risque de décès lié aux complications de la coloscopie chez des personnes par ailleurs en bonne santé soulève des questions d'ordre éthique. Les effets du dépistage sur la qualité de vie pourraient également soulever certains problèmes d'éthique. Un résultat faussement positif à la RSOS peut être une source d'anxiété chez des personnes par ailleurs en bonne santé. Le dépistage peut avoir un effet négatif sur la qualité de vie étant donné que les cancers sont détectés plus précocement. Ainsi, les patients vivent plus longtemps en se sachant atteints de la maladie et, de plus, les années de vie gagnées ne sont peut-être pas vécues en parfaite santé. En revanche, pendant les années de vie gagnées, la maladie peut être moins grave, comme en témoigne indirectement le coût inférieur du traitement dans la cohorte de dépistage simulée. On a supposé que l'ablation des polypes ne modifiait pas l'incidence du CCR, étant donné qu'aucun effet n'a été observé au cours du suivi de 10 ans dans l'essai de Funen. Cependant, les résultats plus récents du suivi de 18 ans de l'essai du Minnesota ont montré des taux d'incidence du CCR inférieurs à ceux qui étaient prévus21, et il en va de même d'une analyse antérieure dans la National Polyp Study22, ce qui donne à penser qu'il pourrait exister un lien éventuel avec l'ablation des polypes. Par conséquent, il est possible que notre analyse ait sous-estimé les bienfaits du dépistage à cet égard. Les estimations de la présente étude se voulaient représentatives du Canada, mais pourraient ne pas rendre compte des variations provinciales. Par exemple, en raison des ressources limitées, certaines provinces pourraient choisir de recourir au lavement baryté plutôt qu'à la coloscopie pour assurer le suivi d'une RSOS positive. Il faudrait poursuivre les analyses pour explorer en profondeur les conséquences potentielles du lavement baryté en tant que modalité de suivi. Le modèle actuel se prête facilement à l'utilisation de diverses modalités de dépistage primaire, mais nécessiterait des sources de preuves solides, comme les ECR, pour obtenir des estimations de l'utilité des tests. Quelle que soit la modalité choisie, l'acceptation par les communautés touchées demeurerait un élément critique de la faisabilité et de l'efficacité d'un programme, comme l'a montré cette analyse pour la RSOS. La présente analyse a fourni des réponses factuelles destinées à combler les lacunes en matière d'information qui avaient été relevées par le Comité national sur le dépistage du cancer colorectal et a permis d'appuyer l'élaboration de recommandations par le Comité national. Enfin, elle a montré l'utilité de la modélisation dans le processus de décision. Remerciements Les auteurs souhaitent reconnaître la contribution du sous-comité de la modélisation établi par le CMDCR, notamment les Drs Andrew Coldman, Jean-François Boivin, Dan Sadowski, Heather Bryant, Paul Villeneuve et Jean-François Dussault. Ces personnes ont fourni des conseils précieux en vue de la détermination du protocole de dépistage à modéliser et de l'adoption des paramètres correspondant au contexte canadien. Nous aimerions enfin transmettre nos remerciements à Rolande Bélanger pour son aide administrative.
Coordonnées des auteurs William M Flanagan, Christel LePetit, Jean-Marie Berthelot, Kathleen J. White, Groupe d'analyse et de mesure de la santé, Statistique Canada, Ottawa, Ontario, Canada B. Ann Coombs, Elaine Jones-McLean, Agence de santé publique du Canada, Santé Canada, Ottawa, Ontario, Canada Correspondance : Kathy White, Groupe d'analyse et de mesure de la santé, Statistique Canada, 24-A RH Coats, Ottawa, Canada, K1A 0T6; télécopieur : (613) 951-3969; courriel : kathleen.white@statcan.ca Les lecteurs désirant de plus amples renseignements sur le dépistage du cancer colorectal trouveront sur le site Web de Santé Canada le rapport technique de Santé Canada à l'intention du Comité national sur le dépistage du cancer colorectal ainsi que les recommendations de ce Comité à l'égard de dépistage au population de ce cancer. Rendez-vous à l'adresse suivante : <http://www.hc-sc.gc.ca/pphb-dgspsp/publicat/ncccs-cndcc/index_f.html>.
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Dernière mise à jour : 2004-01-09 | ![]() |