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Maladies chroniques au Canada


Volume 25
Numéro 3/4 2004

[Table des matières]

Agence de santé publique du Canada

Recension de livre

Misconceptions about the Causes of Cancer


Publié sous la direction de Lois Swirsky Gold, Thomas H Slone, Neela B Manley et Bruce N Ames, éditeurs

Vancouver, Colombie-Britannique, The Fraser Institute, 2002 xiv + 141p.;
ISBN 0-88975-195-1; 19,95 $ (CAN)


Misconceptions about the Causes of Cancer avance que le débat au sujet des causes non établies de cancer détourne l'attention et les ressources et empêche l'établissement de politiques et d'interventions en santé pour lutter contre les causes évitables bien établies de cancer, dont le tabagisme et les facteurs alimentaires. De tels arguments ont été largement popularisés dans le domaine de la réglementation du risque aux États-Unis par Aaron Wildavsky1, de Berkeley, et de John Graham, de l'Université Harvard2. Ces idées ont fait leur chemin jusque dans la jurisprudence américaine, si l'on en juge par les coûts de la réglementation en matière d'environnement, de santé et de sécurité.

Sous de nombreux rapports, les arguments complexes s'articulent autour de trois éléments : a) le prix acceptable pour la population d'une vie sauvée grâce à une intervention réglementaire; b) la mesure dans laquelle les règlements coûteux et peu rentables empêchent la prestation de services de santé préventifs plus efficaces; et c) si on permet à tout le monde d'être riche, il vaut mieux ne pas intervenir sur le plan réglementaire, et les interventions réglementaires coûteuses et peu rentables nuisent à l'acquisition de la richesse et, peut-être, à la santé. À l'extrême, cette position se réduit à l'idée que les sommes déboursées pour la réglementation devraient être remises aux contribuables, et le gain financier qui s'ensuivrait se traduirait par une meilleure santé dans l'ensemble. Cette philosophie trouve un écho dans la position idéologiquement libertaire de l'Institut Fraser, qui est en faveur d'une ingérence minimale du gouvernement dans les questions réglementaires.

Trois des auteurs, Swirsky Gold, Slone et Manley, sont affiliés au Carcinogenic Potency Project de l'Université de la Californie à Berkeley. Le quatrième auteur, Ames, qui est bien connu dans le domaine de la toxicologie et comme ancien professeur à Berkeley, est actuellement chercheur principal au Children's Hospital Oakland Research Institute.

Les auteurs relèvent neuf idées fausses concernant les causes du cancer et examinent chacune d'elles dans le contexte de la recherche actuelle. Au chapitre 1, Misconception 1 - Cancer rates are soaring in the United States and Canada, les auteurs s'appuient sur les données de l'Institut national du cancer du Canada qui montrent un déclin dans les taux globaux de mortalité due au cancer au Canada; toutefois, comme ils le soulignent, ce déclin est en grande partie attribuable à une diminution du taux de certains cancers (estomac, col de l'utérus, colorectal). Ils font état d'un déclin analogue aux États-Unis. Misconceptions about the Causes of Cancer ne mentionne pas les taux d'incidence du cancer; il parle plutôt des changements dans le temps de ces taux, qui se sont accentués sous l'effet des programmes de dépistage, des innovations en matière de diagnostic et des changements dans les modes de vie. Néanmoins, il semble irresponsable de la part des auteurs d'écarter le fait que l'augmentation et le vieillissement de la population contribueront à une hausse considérable des taux d'incidence du cancer, ce qui se traduira par une demande accrue de services de santé liés au cancer3.

Huit autres chapitres sont consacrés aux idées fausses concernant les produits chimiques synthétiques, les pesticides, l'évaluation des risques de cancer et la réglementation des risques environnementaux. Selon la thèse centrale de ces chapitres, les facteurs de risque environnementaux occupent un rang très bas dans la liste des agents cancérigènes connus. Par exemple, les auteurs soulignent que la plupart des études portant sur des agents susceptibles d'être cancérigènes dans l'environnement sont fondées sur des modèles animaux et comportent l'admini tration de doses beaucoup plus élevées (« essai biologique ») que celles auxquelles les humains pourraient être exposés au cours de leur vie. Ils prétendent aussi qu'il est impossible d'appliquer les résultats de ces études aux humains en raison des différences entre les espèces.

Selon les auteurs, l'idée selon laquelle les produits chimiques synthétiques entraînent un plus grand risque de cancer que les produits chimiques naturels est également fausse. Leurs recherches révèlent toutefois que « [...] un pourcentage élevé de produits chimiques naturels ou synthétiques sont cancérigènes pour les rongeurs à la DMT [dose maximale tolérée], et les données relatives à l'incidence des tumeurs dans les essais biologiques chez des rongeurs ne permettent pas d'évaluer le risque à faible dose » [Traduction]. Le chapitre 7 présente une analyse et un classement sommaire de plusieurs produits (synthétiques et naturels) susceptibles d'être cancérigènes pour l'humain, selon les travaux déjà publiés par les auteurs. L'indice proposé, le « human exposure/rodent potency index » (HERP), a été utilisé pour classer les risques possibles de cancer. Selon l'indice HERP, l'exposition à des pesticides synthétiques entraîne un risque relativement faible de cancer par rapport à un bon nombre d'autres expositions courantes. De plus, les auteurs affirment qu'aucune donnée scientifique solide ne permet d'établir une relation entre d'une part, les pesticides et d'autres produits chimiques synthétiques et, d'autre part, le déséquilibre hormonal qui peut être à l'origine de certains cancers (p. ex., le cancer du sein). Finalement, au chapitre 9, les auteurs soutiennent que les règlements existants et proposés pour atténuer ces risques éventuels sont très coûteux et détournent le peu de fonds qui pourraient être alloués à la prévention du cancer et aux politiques fondées sur des données scientifiques. Encore une fois, cette remise en question des coûts douteux de la réglementation constitue une tradition politique aux États-Unis qui n'est pas sans détracteurs dans le débat sur les politiques publiques américaines et à laquelle ne souscrivent pas nécessairement les autres pays développés. Chaque jour, un débat réglementaire s'engage dans les corridors de l'Organisation internationale du commerce autour de ce qui est considéré par les uns comme une réglementation légitime en matière de santé et de sécurité et par les autres comme une pratique commerciale déloyale4.

L'argument central de Misconceptions about the Causes of Cancer est que les données scientifiques actuelles ne confirment pas les allégations au sujet des effets cancérigènes des produits chimiques synthétiques. Ce petit livre comporte toutefois des limites. Il ne présente aucune méthode claire ni systématique de recensement et de sélection des études dans la littérature pour appuyer son argumentation. Il ne fournit non plus aucun critère d'examen. Les auteurs semblent se fonder principalement sur leurs propres recherches lorsqu'ils citent des références pour étayer leurs conclusions. Le texte est pour la plus grande part narratif; aucun niveau de preuve n'est utilisé pour évaluer la qualité des données scientifiques utilisées pour confirmer ou réfuter les allégations concernant les risques possibles de cancer. Finalement, les auteurs n'abordent nulle part l'importante question de l'exposition professionnelle et des cancers chez l'humain.

Les auteurs ne parlent pas non plus du lien entre l'environnement et le cancer chez les jeunes adultes. Par exemple, il existe des études sérieuses qui indiquent que le lymphome non hodgkinien serait lié à l'usage de pesticides chez les agriculteurs et à l'exposition à la poussière de bois chez les travailleurs forestiers5. Les deux types d'exposition nécessitent des interventions réglementaires pour empêcher la présence de fortes concentrations de produits cancérigènes dans un petit nombre de populations fortement exposées. De même, bien qu'il soit exact d'affirmer que la mortalité globale par cancer est en déclin en Amérique du Nord, la hausse de certains cancers chez les jeunes adultes demeure inexplicable. C'est le cas du lymphome non hodgkinien, cancer dont l'incidence au Canada a augmenté, entre 1987 et 1996, de 3,9 % par année chez les personnes de sexe masculin et de 5 % chez les personnes de sexe féminin. Certains facteurs infectieux pourraient jouer un rôle important, mais on soupçonne toujours les facteurs environnementaux et les expositions professionnelles de contribuer à l'augmentation de ce type de cancer.

On ne peut s'appuyer sur l'absence de données environnementales probantes pour dire qu'il n'y a pas de preuves. On ne peut pas affirmer non plus que les preuves sont là. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'on ne dispose encore d'aucune donnée probante. Malgré la controverse entourant les données scientifiques relatives aux pesticides utilisés à des fins ornementales, la Cour suprême du Canada, invoquant le principe de prudence, a indiqué que les municipalités avaient le droit d'interdire l'utilisation de pesticides à des fins ornementales6. Il semble que notre propre Cour suprême ne soutient pas la position de Wildavsky et Graham.

Les responsables des politiques devraient lire Misconceptions About the Causes of Cancer. Les auteurs ont fourni certaines données probantes pour étayer leur argumentation, bien qu'ils aient fait une lecture sélective de la littérature dans la tradition de la réglementation environnementale aux États-Unis.

Nous sommes convaincus qu'il faudrait tenter sérieusement de trouver un juste équilibre entre la réglementation actuelle et les ressources servant à contrer les facteurs de risque de cancer qui ont été confirmés par la recherche (dans le cas où le fardeau de la maladie met sérieusement en cause le tabagisme, l'alimentation, l'inactivité physique et l'exposition au soleil). Toutefois, il faut soutenir les recherches actuelles sur les risques environnementaux et professionnels possibles, et chaque autorité nationale doit trouver sa propre façon d'aborder le processus réglementaire dans les domaines de l'environnement, de la santé et de la sécurité. Tout compte fait, nous ne sommes pas convaincus que Misconceptions about the Causes of Cancer apporte un éclairage intéressant pour le Canada.

Références

  1. Wildavsky A. Searching for Safety. (surtout le chapitre 3, « Richer is sicker versus richer is safer »), New Brunswick, NJ: Transaction Books, 1988.
  2. Graham J. The risk not reduced. New York University Environmental Law Journal, Volume III, 1994.
  3. Comité directeur de cancer 2020 (2003). Cancer 2020 - Rapport sommaire. Toronto, Ontario : Action Cancer Ontario. (http://www.cancer.ca/vgn/images/portal/cit_776/11/30/
    92818718od_advocacy_cancer_2020_ sumary_ french.pdf).
  4. Sullivan T, Shainblum E. Trading in health: The World Trade Organization (WTO) and the international regulation of health and safety. Health Law in Canada. November 2001;22(2):29-47.
  5. Waddell BL, Zahm SH, Baris E, Weisenburger DD, Holmes F, BurmeisterLF, Cantor KP, Blair A. Agricultural use of organophosphate pesticides and the risk of non-Hodgkin's lymphoma among male farmers (United States). Cancer Cause Control 2001;12:509-17. Voir aussi : Briggs NC, Levine RS, Hall HI, Cosby O, Brann EA, Hennekens CH. Occupational risk factors for selected cancers among AfricanAmerican and White men in the UnitedStates, Am J Public Health 2003; 93(10):1748-52.
  6. 114957 Canada Ltée (Spraytech, Société d'arrosage) c. Hudson (Ville), 2001 CSC 40.

Fredrick D Ashbury, PhD
Président
PICEPS Consultants, Inc.
700 Finley Avenue, Unit 5
Ajax (Ont.) L1S 3Z2
fashbury@picepsconsultants.com

Terrence Sullivan, PhD
Directeur de l'exploitation et
Vice-président, Lutte contre le cancer et recherche Cancer Care Ontario
620 University Avenue
Toronto (Ont.) M5G 2Y9


 

   

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Dernière mise à jour : 2005-01-28 début