Notes d'allocution pour le Dr David Butler-Jones
Administrateur en chef de la Santé publique, à la
Création d'un environnement favorable – perspective de la santé publique
Le 6 septembre, 8 h 40
Montréal
159, rue Saint-Antoine Ouest
Salle 517d
15 Minutes
LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI
J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les participants à la séance plénière de ce matin sur la création d'environnements habilitants. Je suis très heureux de participer à un groupe d'experts qui réunit des représentants du monde entier, devant un auditoire aussi hétérogène et international.
Tout d'abord, afin d'offrir un aperçu historique à nos invités étrangers, rappelons-nous qu'en 2003 un événement a marqué un tournant décisif sur le plan de la santé publique au Canada – l'épidémie du syndrome respiratoire aigu sévère, communément appelé le SRAS.
Je n'approfondirai pas la question de l'épidémie – il suffit de rappeler que nous avons été pris de court lorsque les cas, auparavant confinés à l'Extrême-Orient, ont atteint nos côtes.
L'épidémie a mis en évidence de nombreux atouts de notre système de santé publique, mais aussi de nombreuses faiblesses.
Nous n'étions pas préparés. Nous n'étions pas en mesure de mettre en oeuvre une mobilisation de cette envergure dans le secteur de la santé publique. Et nous ne disposions pas de la collaboration et de la communication optimales nécessaires pour faire face à une nouvelle épidémie complexe. En outre, malgré la présence de dirigeants, nous étions dépourvus d'un leadership propre à la santé publique qui pouvait assurer une orientation et une coordination à l'échelle nationale.
Ainsi, en 2004, le gouvernement fédéral a créé l'Agence de la santé publique du Canada et, en même temps, établi la fonction d'administrateur en chef de la santé publique, fonction que j'ai le privilège d'exercer.
Il s'agit d'un rôle unique au Canada. D'une part, j'exerce une fonction de représentant au sein du gouvernement fédéral et je gère l'Agence, en conseillant le ministre et le gouvernement sur le plan de la santé publique, en vertu d'une responsabilité financière et en matière de politiques et de programmes. D'autre part, à titre d'administrateur en chef de la santé publique, j'assume un rôle correspondant qui consiste à communiquer avec les gouvernements et les intervenants et – ce qui est peut-être plus important – à communiquer directement avec les Canadiens en ce qui touche la santé publique.
L'élaboration d'environnements habilitants constitue un élément fondamental de la santé publique en général.
L'Agence de la santé publique a adopté une vision organisationnelle relativement simple et directe : des Canadiens et des collectivités en santé dans un monde plus sain.
C'est une vision simple, mais complexe à réaliser.
Dans tout ce que nous faisons à l'Agence, ou dans le secteur de la santé publique en général, qu'il s'agisse de protéger et de promouvoir la santé, ou de prévenir les blessures et la maladie… nous collaborons avec des partenaires de l'ensemble de la société afin d'élaborer des environnements sains et habilitants – ensemble. Finalement, la santé publique se compare à un sport d'équipe.
Le mot d'ordre selon lequel « nous devons nous occuper des enfants parce qu'ils représentent l'avenir » est une formule que je trouve irritante. Et bien que cela puisse être vrai, leurs idées et leur collaboration sont également essentielles à notre réussite actuelle. De même, l'importance du rôle de nos aînés ne se limite pas à notre passé. Ils contribuent d'une manière cruciale au succès que nous connaissons aujourd'hui.
Le Canada n'est pas le seul touché par le phénomène d'une population qui vieillit et qui vit plus longtemps, et en meilleure santé.
Ce phénomène est une bonne chose. Il témoigne en partie de nos réalisations collectives dans le domaine de la médecine et de la santé publique.
Bientôt, un Canadien sur cinq aura atteint le troisième âge. Avant longtemps, la proportion passera à un sur quatre.
Cela ne devrait pas poser de problème. Notre capacité d'appuyer les besoins et la participation d'une population vieillissante contribuera largement à déterminer notre réussite future.
Il n'est donc pas étonnant que l'on accorde autant d'intérêt à l'incidence économique possible du vieillissement de la population.
En particulier, on nous parle du fardeau futur sur notre système de santé et de la nécessité d'investir maintenant, afin de nous préparer à y faire face.
C'est un point de vue qui mérite réflexion. Cependant, prenons du recul et repensons au concept de fardeau.
Comme pour toute maladie ou blessure, la prévention est préférable au traitement. Si nous avions le choix, la plupart d'entre nous préférerions ne jamais devoir subir un pontage que de nous en remettre avec succès.
La promotion de la santé, la prévention des blessures et l'élaboration d'environnements habilitants … ces approches n'épuisent pas nos ressources financières. Elles réduisent les coûts, et contribuent à une économie saine.
Sir William Osler, qui a grandi en Ontario et qui a enseigné ici, à Montréal, et qui est sans doute l'un des plus grands médecins et professeurs du Canada, a affirmé ceci : « Prévenir la maladie, alléger la souffrance et guérir les maladies, voilà en quoi consiste notre travail ». Je ne crois pas que ce mot d'ordre ait été une question de hasard. Les efforts visant à promouvoir et à maintenir la santé sont notre priorité absolue. L'allégement de la souffrance et la compassion constituent des éléments essentiels et notre capacité de guérir, bien qu'elle soit limitée, sera plus fructueuse si elle prend appui sur une population en santé.
Cependant, la prévention, le traitement et les soins ne doivent pas être l'objet d'un débat axé sur des options; il s'agit plutôt de déterminer l'équilibre le plus efficace pour maintenir et améliorer la santé.
Il s'agit non seulement d'une voie financièrement responsable… mais simplement de la bonne voie.
Je dirai d'emblée que dans notre pays – et dans les pays représentés au sein de notre groupe aujourd'hui – nous jouissons d'un avantage de moyens… et nous disposons des ressources nécessaires pour cibler ces enjeux, même s'il est parfois complexe d'en faire une priorité.
Cependant, en général, et quel que soit le pays, nous savons que la qualité du vieillissement collectif et individuel dépend non seulement de notre bagage génétique et de notre comportement, mais aussi de notre condition sociale et du milieu qui nous entoure.
Et tandis que nous nous efforçons de créer des environnements sécuritaires et sains pour les aînés, nous ne pouvons faire abstraction de l'importance de reconnaître le rôle particulier, crucial et fondamental que ces derniers peuvent jouer – qu'ils jouent – et qu'ils joueront de plus en plus au sein de la société.
Comment pouvons-nous nous assurer de bâtir des environnements qui favorisent la santé, qui protègent la santé physique et qui invitent les aînés à continuer de jouer un rôle sur les plans familial, communautaire et culturel, ou dans le secteur bénévole, et dans le cadre des nos processus politiques?
Cette question touche le cœur même de la santé publique.
Il y a quelques mois, j'ai publié le premier Rapport de l'administrateur en chef de la santé publique sur l'état de la santé publique au Canada.
Je voulais rédiger ce rapport depuis très longtemps, car je crois que l'état de santé d'une population se mesure uniquement à l'état de ses membres les moins en santé. Nous devons non seulement reconnaître les facteurs sous-jacents qui entraînent des inégalités en matière de santé, mais aussi des moyens et des données probantes en vue de les régler.
En général, au Canada, nous nous targuons d'être en santé. Cependant, nous ne profitons pas tous de la même manière des politiques et des avancées qui, au fil des ans, ont amélioré les résultats moyens sur le plan de la santé.
J'ai donc axé ce rapport sur les inégalités liées à la santé au Canada. Il ne s'agit pas d'un rapport prescriptif… il vise à accroître la sensibilisation à la question et à fournir des exemples de mesures que nous pouvons prendre, individuellement et collectivement, pour améliorer la santé en général et réduire les écarts entre les populations les moins en santé et les populations les plus en santé.
Si nous pouvons tirer une leçon de la crise du SRAS, c'est que tout est relié. Nos vulnérabilités transcendent les maladies et les risques.
La pauvreté ne se limite pas à l'absence de moyens financiers. Il est fondamental de disposer de ressources suffisantes pour répondre aux besoins essentiels. Cependant, la capacité d'influer sur notre situation et sur notre avenir, d'aimer et d'être aimés, joue un rôle déterminant dans la distinction entre une santé satisfaisante et une santé excellente.
Ainsi, il s'agit non pas de « faire des choses pour les gens », mais plutôt de mettre en place des environnements favorables qui leur fournissent les outils nécessaires pour prendre leur avenir en main.
Le président Lincoln a jadis affirmé que le rôle des gouvernements consiste à « faire pour les gens ce qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes ».
Il ne fait aucun doute que tous les ordres de gouvernement, toutes compétences confondues, ont un rôle à jouer dans l'élaboration d'environnements habilitants.
Toutefois, comme pour la plupart des activités touchant la santé publique, une collaboration étroite entre les secteurs, les autorités compétentes et les niveaux, à l'échelle nationale et internationale, constitue une nécessité absolue. Comme toujours, c'est une approche qui englobe l'ensemble de la société et qui déborde le secteur de la santé, bien qu'il s'agisse d'un secteur important dans lequel nous devons mettre en œuvre, faire valoir et appuyer ces efforts.
J'aimerais soulever rapidement trois exemples qui, à mon avis, illustrent la manière dont ce type de démarche peut se concrétiser.
Il y a tout d'abord – je crois qu'Alex abordera cette question d'une manière plus détaillée – l'initiative des « Villes amies des aînés » de l'OMS. Je suis fier du rôle que l'Agence de la santé publique du Canada a joué en collaborant avec l'OMS sur ce plan.
En outre, non seulement l'OMS, mais aussi la Fédération internationale du vieillissement, de même que les provinces et les territoires du Canada ont collaboré afin de promouvoir des collectivités amies des aînées.
L'initiative consiste à offrir des options axées sur des collectivités qui appuient la santé et le mieux-être non seulement des aînés, mais de l'ensemble de la société.
J'aimerais aussi prendre un moment pour souligner le travail important qui est effectué en ce qui concerne les mesures et les interventions d'urgence au niveau des aînés. L'Agence de la santé publique a collaboré étroitement avec des partenaires nationaux et internationaux dans ce dossier.
Le but consiste à répondre aux besoins des populations vulnérables en cas d'urgence. Qu'il s'agisse d'éviter les décès évitables en cas de vague de chaleur ou d'ouragan ou de lutter contre une éclosion de maladie infectieuse, il faut de la planification, de la préparation et de l'organisation.
Par ailleurs, il ne faut pas aborder les aînés uniquement comme un groupe vulnérable. En tant que membres fonctionnels à part entière de la société, ils doivent contribuer à nos plans d'urgence et à notre préparation, et participer aux mesures d'intervention communautaires.
Au Canada, nous émergeons d'une éclosion de listériose – une infection causée par une bactérie que l'on trouve couramment dans l'environnement, mais qui présente un risque relativement faible pour la plupart d'entre nous. Les personnes âgées, les femmes enceintes, les nourrissons et les immunocompromis constituent les groupes les plus vulnérables, chez qui la maladie se révèle souvent fatale.
Bien que le système de santé publique ait réagi efficacement et soit intervenu rapidement, il importe d'aborder chaque événement comme une occasion de tirer des leçons.
La nature est créative. Elle comporte de nombreux facteurs qui peuvent causer des problèmes ou des urgences sur le plan de la santé humaine. Nous continuerons de faire face à ce type de défis; cependant, nous devons toujours être conscients des répercussions que ceux-ci peuvent avoir sur une population vulnérable, et nous devons savoir d'avance comment nous réagirons.
J'aimerais enfin souligner un dernier exemple lié à la prévention des chutes.
Évidemment, il s'agit d'un enjeu important de santé publique dans le monde entier.
La prévention des chutes a fait l'objet d'un certain nombre de guides et de rapports récents – du « rapport mondial de l'OMS sur la prévention des chutes chez les personnes âgées » au rapport de 2005 de l'Agence de la santé publique sur les blessures et les décès liés aux chutes chez les Canadiens de 65 ans et plus. En outre, l'Agence a récemment collaboré avec les intervenants afin de déterminer comment nous pourrions améliorer les données de surveillance touchant les chutes parmi les aînés au Canada.
Nous pouvons également tirer des leçons des nombreux programmes et activités locaux, de même que de l'expérience internationale.
En fin de compte, les interventions modestes et la sensibilisation peuvent contribuer largement à modifier la qualité de vie.
Au-delà de nos activités courantes liées aux fléaux, aux épidémies et à la prévention des maladies chroniques et des blessures, la santé publique joue un rôle fondamental qui consiste à comprendre l'incidence des milieux physiques et sociaux sur la santé.
En outre, de nos jours, de nombreuses tendances façonnent notre environnement – de l'urbanisation aux changements climatiques, en passant par la migration –, tendances qui s'entrecoupent avec le vieillissement de la population.
La santé publique joue donc un rôle essentiel et permanent dans la perspective future. Nous devons être un chef de file auprès des autres secteurs, en fournissant des conseils en ce qui touche les mesures que nous pouvons prendre collectivement pour nous permettre de vieillir en santé dans un monde qui se transforme.
L'élaboration d'environnements habilitants et favorables constitue une démarche à long terme. En outre, compte tenu des nombreuses composantes sociales et économiques qui s'y rattachent, la démarche n'est pas simple.
Cependant, nous devons planifier maintenant, et bâtir maintenant, dans la perspective d'une espérance de vie prolongée.
Il y a presque 3 000 ans, le poète grec Hésiode mettait en garde les cultivateurs : « Ce ne sera pas toujours l'été. Bâtissez vos étables maintenant. »
En effet, dans 20 ou 30 ans, lorsque le quart de la population aura plus de 65 ans, nous ne voulons pas avoir à choisir entre un noyau urbain qui n'appuie pas une population plus âgée… et des banlieues dépourvues d'allées piétonnières et de bancs, où les parcs sont rares et où les services sont concentrés dans d'immenses galeries commerciales accessibles uniquement par voiture.
La présente conférence et les travaux qui en découleront représentent un pas important dans cette démarche.
En terminant, j'aimerais citer deux personnes que je considère comme de grands philosophes nord-américains – ou humoristes, selon le point de vue que l'on adopte.
Premièrement, Stephen Leacock, un économiste qui a enseigné à l'Université McGill, a dit ceci : « La réussite, c'est 10 % d'inspiration et 90 % de transpiration ».
Enfin, comme l'affirmait Samuel Clemens, ou Mark Twain : « Même si nous sommes sur la bonne voie, si nous n'avançons pas, nous nous ferons écraser ».
Merci, thank you.
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