Observations du
Dr David Butler-Jones
Le 13 novembre 2008 Toronto, Ontario
SEUL LE TEXTE PRONONCÉ FAIT FOI
Je remercie les aînés pour avoir partagé leur sagesse et leurs prières avec nous ce matin. Je remercie toutes les personnes présentes pour leur leadership, leur intérêt et leur engagement à l'égard de ces questions, non seulement aujourd'hui, mais à mesure que nous progressons. Je souligne également tout le travail qui nous a mené jusqu'ici.
Je suis très heureux d'avoir pu passer la matinée ici, avec vous tous, à assister aux présentations et à discuter de ces questions importantes.
Je peux affirmer, au nom de l'Agence de la santé publique du Canada et de notre partenaire fédéral, Santé Canada, que nous sommes fiers d'appuyer les objectifs du partenariat international Halte à la tuberculose et de la présente réunion.
Certaines personnes croient à tort que la tuberculose est une maladie d'antan. Même s'il est vrai que des progrès remarquables ont été réalisés depuis les années 1920, au moment où cette maladie était la principale cause de décès chez les jeunes adultes du Canada, le travail est loin d'être terminé. Que nous concentrions nos efforts sur un contexte national ou international, la tuberculose requiert une attention beaucoup plus grande que celle qu'elle reçoit en général.
Sir William Osler, qui enseignait aux universités McGill et Hopkins aux États-unis au siècle dernier, et qui fait sans doute partie des plus grands médecins que nous ayons connus, dirait que « Prévenir les maladies, alléger les souffrances et guérir les malades, c'est ça, notre travail. »
Et j'affirmerais que l'ordre dans lequel sir Osler a énuméré ces tâches n'était pas fortuit. Je crois que primaient, et priment toujours, la prévention de la maladie et des blessures ainsi que la gestion de la souffrance des gens et, finalement, leur guérison.
Or, si nous nous concentrons uniquement sur la guérison, nous passerons à côté de nombreux accomplissements possibles.
Pour ce qui est du contexte, rappelons que l'Agence de la santé publique du Canada a été créée il y a à peine quatre ans à titre de ministère relevant du ministre de la Santé du Canada, en partie pour répondre à la faiblesse de notre système de santé publique exposé, notamment, à l'éclosion de SRAS en 2003.
Cependant, de manière plus générale, nous avions besoin d'un organisme d'envergure nationale pouvant assumer un certain leadership en matière de santé publique et collaborer avec les gouvernements, différents secteurs et les collectivités pour améliorer la santé publique ainsi que la capacité s'y rapportant partout au pays.
Le poste d'administrateur en chef de la santé publique, que j'ai le privilège d'occuper, a été créé au même moment afin de produire des rapports à l'intention du ministre, de conseiller le gouvernement fédéral sur des questions de santé et d'aborder les questions importantes liées à la santé publique avec les Canadiens et certains organismes.
La présente réunion constitue donc pour moi une occasion de vous entretenir des conséquences de la tuberculose pour les collectivités autochtones du Canada et pour le monde entier.
Toutefois, je me souviens en même temps d'une mise en garde de Stephen Leacock, ancien économiste canadien et professeur à l'Université McGill, mais aussi fin observateur de la condition humaine (et humoriste pour certains d'entre nous). Cet homme dirait que la réussite est constituée de 10 % d'inspiration et de 90 % de transpiration.
Et je peux affirmer que le gouvernement du Canada attache beaucoup d'importance à cette question, et l'Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada travaillent en étroite collaboration afin de limiter l'incidence de la tuberculose au Canada.
De notre côté, à l'Agence de la santé publique, notre récent plan stratégique quinquennal exprime clairement notre engagement à collaborer étroitement avec les organismes autochtones en ce qui a trait à certaines questions relatives aux déterminants sociaux de la santé et à nous attaquer, par l'entremise de partenariats et de mesures, aux facteurs sous-jacents qui entraînent des problèmes de santé, y compris, bien sûr, la tuberculose.
Nous travaillons également avec d'autres ministères fédéraux, les provinces et les territoires de même que des organisations non gouvernementales par l'entremise du Comité canadien de lutte antituberculeuse dans le but de discuter des stratégies améliorant la prévention et le contrôle de la tuberculose à l'échelle nationale, provinciale et territoriale.
Ce comité a mis sur pied un sous-comité scientifique sur la tuberculose chez les Autochtones afin de fournir des conseils scientifiques spécialisés et axés sur des données probantes concernant la prévention et le contrôle de la tuberculose au sein des populations autochtones du Canada.
L'Agence de la santé publique du Canada et Santé Canada collaborent avec les provinces, les territoires, les organisations professionnelles ainsi que d'autres groupes afin de réduire le taux de tuberculose au Canada à 3,6 pour 100 000 habitants d'ici 2015, conformément aux objectifs en matière de réduction de la tuberculose de l'Organisation mondiale de la Santé, et finalement d'éradiquer la tuberculose avant l'an 2050.
À l'échelle nationale, il y a eu des progrès en ce qui concerne l'atteinte de cet objectif.
Grâce au Système canadien de déclaration des cas de tuberculose et au Réseau technique canadien des laboratoires de tuberculose, l'Agence de la santé publique recueille des données de surveillance apparaissant dans les rapports annuels sur la tuberculose au Canada. Cette surveillance et cette collecte de données constituent deux de nos forces.
Nous connaissons l'importance d'obtenir une information de qualité puisque, si nous pouvons mesurer quoi que ce soit, il sera plus facile non seulement de mieux nous concentrer sur le problème à résoudre, mais aussi d'évaluer si nous sommes efficaces ou non.
Il y a donc eu une certaine progression. Toutefois, nous savons tous qu'il nous reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Beaucoup de gens ne réalisent pas à quel point la tuberculose sévit depuis longtemps. Il s'agit d'une maladie qui date de plusieurs milliers d'années et qui a façonné l'histoire de l'humanité. Au premier coup d'œil, il semble que les progrès dans le traitement, l'hygiène ainsi que les conditions de vie et de travail depuis la révolution industrielle aient aidé la plupart des pays industrialisés à réduire considérablement l'incidence de la maladie.
Bien sûr, si nous examinons les données moyennes des pays à revenu élevé, elles sont généralement stables ou en légère baisse.
Cependant, comme nous le savons tous trop bien, non seulement la tuberculose est-elle toujours courante dans les pays en développement, mais si nous examinons plus attentivement les statistiques dans notre propre pays, il est clair que tout le monde n'a pas bénéficié équitablement des progrès en santé publique et en médecine au fil des ans.
Certains groupes de Canadiens affichent un taux de mortalité infantile plus élevé que d'autres. Certaines collectivités ont une espérance de vie moins grande ou des taux d'obésité et de diabète différents.
En outre, certains groupes au Canada ont, bien sûr, des taux de tuberculose beaucoup plus élevés. Les taux au sein des Premières nations sont beaucoup plus élevés que dans la population en général et la situation est bien pire chez les Inuits.
Alors pourquoi?
Dans ce cas, qu'est-ce qui fait que nous sommes en santé? Nous sommes tous influencés par nos caractéristiques physiques, mais nous le sommes également par notre logement, nos revenus, notre éducation, nos relations avec les autres, notre culture, nos expériences, notre accès à des services de santé et notre situation géographique. Les occasions que la vie nous offre, notre niveau d'influence sur notre avenir et les liens sociaux que nous établissons sont autant d'éléments tout aussi importants qui font que nous sommes en santé physiquement, mais aussi mentalement, spirituellement, économiquement, émotionnellement et culturellement.
En juin cette année, j'ai publié mon premier rapport annuel sur l'état de la santé publique au Canada qui constitue un moyen pour l'administrateur en chef de la santé publique de dresser le portrait des enjeux en matière de santé publique pour le gouvernement et la population.
Au cœur de ce rapport repose l'idée très simple que l'état de santé de notre société équivaut à celui des personnes les moins en santé d'entre nous.
Les problèmes de santé touchant les groupes au sein d'une certaine population auront inévitablement une incidence sur l'ensemble de la population. Si un groupe est tenu à l'écart, c'est le pays en entier qui est tenu à l'écart. Nous sommes tous dans la même situation.
Au bout du compte, il existe une corrélation très importante entre les maladies infectieuses, de même que les maladies chroniques et les blessures, et les conditions sociales dans lesquelles nous vivons. La tuberculose n'est pas la seule concernée et ce n'est pas seulement une question de santé.
Puisque la tuberculose dépend largement de nos conditions de vie, il nous est impossible de la soigner uniquement en traitant directement la maladie infectieuse avec des médicaments ou un traitement, bien qu'il s'agisse d'une étape extrêmement importante.
Il faut évaluer les moyens que nous utilisons collectivement pour régler les divers problèmes qui, en ce moment, donnent naissance aux conditions propices au développement et à la propagation de la maladie : que ce soit un logement surpeuplé et mal ventilé ou l'accès difficile à des services de diagnostic précoce et à des soins.
Ce problème ne se résume pas non plus à une seule alternative. Il faut l'aborder dans sa totalité.
Finalement, je crois qu'une des grandes questions que nous devons nous poser ne se limite pas à une maladie particulière, mais plutôt à la façon dont nous pourrions tous travailler ensemble – dans l'ensemble des secteurs, des collectivités, des ordres de gouvernement, des administrations de même que sur le plan international – pour nous assurer que tout le monde peut profiter des éléments de base permettant de jouir du meilleur état de santé possible.
Le fait d'assurer l'accès aux éléments de base ne nous permet pas uniquement de nous rapprocher de l'élimination de la tuberculose, mais aussi de progresser en ce qui a trait à d'autres questions liées à la santé publique, y compris la diminution d'autres maladies chroniques et infectieuses.
Maintenant, je reconnais qu'au Canada, nous avons déjà des antécédents concernant le traitement de la tuberculose au sein des collectivités autochtones qui n'ont pas toujours été très réceptives afin de minimiser le problème. Je ne diminuerai pas l'importance des conséquences des souvenirs culturels de certaines personnes qui ont été arrachées à leur communauté pour être isolées dans des sanatoriums.
En même temps, nous devons trouver des moyens de progresser vers un nouvel avenir, d'éliminer les obstacles au diagnostic et au traitement ainsi qu'à la surveillance rigoureuse de la maladie.
Il peut s'avérer difficile de surmonter ces obstacles. Cependant, ce processus nous engage, en tant que gouvernements et en tant que secteur de la santé et autres, à inviter des organismes autochtones et non autochtones de même que des collectivités et à collaborer avec les autres pour trouver les meilleures solutions possible.
Cela signifie aussi qu'il faut reconnaître que les efforts en santé publique sont plus efficaces lorsque nous épousons l'expertise et le savoir traditionnel de la collectivité et que nous aidons à renforcer la capacité communautaire au besoin.
Je me rappelle d'une conversation avec l'un des maires d'une importante collectivité au Brésil à propos de la frustration ressentie lors de la construction d'une école dans une favela et de la rapidité avec laquelle cette école se transformerait en ruine. Or, jamais les responsables n'ont vraiment invité la collectivité à prendre part au processus. Ils n'ont jamais engagé de discussions avec elle ni ne l'ont impliquée dans la conception ou l'emplacement du bâtiment ou encore les activités susceptibles de s'y produire. Donc, une fois de plus, il s'agissait d'une imposition provenant de l'extérieur. Peut‑on alors se surprendre que la collectivité ne puisse pas accueillir favorablement le projet, peu importe les bonnes intentions qui s'y dégageaient?
Il est absolument essentiel de continuer à chercher les meilleurs moyens d'établir des partenariats au sein d'une collectivité et à favoriser l'intégration du savoir et de la culture de la population si nous voulons, non seulement accroître le nombre de personnes qui passent des tests et ont accès à un traitement, mais aussi nous attaquer à la source réelle des problèmes de santé.
Nous ne pouvons pas simplement soigner une maladie et renvoyer les gens dans les conditions à l'origine même des problèmes.
Je conclurai sur ce sujet en ajoutant qu'au même titre que les problèmes donnant naissance à la tuberculose ne sont pas seulement médicaux, cette maladie ne s'attaque pas qu'au corps.
Comme il a été exprimé si clairement pendant toute la durée de cette réunion, la tuberculose tend à tout contaminer, que ce soit l'esprit, la collectivité ou même le développement économique.
Même au temps de la Grèce antique, la tuberculose était appelée consomption, car la maladie semblait dévorer le corps de l'intérieur. Elle peut avoir la même incidence sur la population.
Cette maladie pose des problèmes beaucoup plus profonds que nous ne pourrons résoudre qu'en travaillant ensemble.
Nous avons tous un rôle à jouer dans l'établissement des conditions physiques, économiques, sociales et culturelles nécessaires pour assurer la santé de tous et de chacun.
J'aimerais remercier les groupes qui se sont rassemblés pour participer à la présente réunion. L'APN, l'ITK, le RNM, l'OMS, l'ONU... les nombreuses autres personnes qui ont pris part à la planification de la réunion... et tous les membres de l'Agence de la santé publique, de Santé Canada ainsi que de l'ACDI qui se sont impliqués.
Je souligne le leadership de l'APN, de l'ITK ainsi que des autres groupes pendant la réunion et dans le cadre de I'initiative mondiale autochtone Halte à la tuberculose.
Finalement, j'ajouterais que nous avons fait un remarquable pas en avant au cours des dernières semaines avec la nomination du premier véritable ministre fédéral inuit du Canada. La ministre Leona Aglukkaq apporte son expérience en matière de gouvernement, de santé et de services sociaux à ce portefeuille, et je sais que nous serons tous impatients de travailler avec elle à mesure que nous progresserons.
Je vous remercie de m'avoir invité, et je souhaite que nous menions des discussions fructueuses durant le reste de la réunion. J'ai hâte de voir le plan d'action qui découlera des présentes discussions.
Souvent j'ai affirmé que la santé publique constitue un sport d'équipe. Elle nous regroupe afin que nous joignions notre expertise, notre sagesse et notre compréhension envers les collectivités ainsi que nos processus politiques et économiques. Comme le dirais Henry van Dyke : « Sers-toi des talents que tu possèdes, car la forêt serait bien silencieuse si seuls les oiseaux qui chantent le mieux s'y faisaient entendre. »
Enfin, il existe un dicton ojibway, une des Premières nations du Canada, qui dit que, parfois, nous sommes affligés et soudain, le ciel s'éclaircit et nous recevons de l'aide. Nous sommes tous essentiels et nous nous soutenons mutuellement. J'ai le privilège de jouer un petit rôle dans ce processus.
Merci.
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