Le jeudi 14 juin
Toronto
Merci au chancelier, l’honorable Peter Cory, à la présidente Marsden et au doyen Skinner.
J’en suis venu à croire que la vie est un parcours, et non une destination, et je vous félicite tous d’avoir accompli une autre étape.
Vers le tournant du siècle dernier, l’un des plus grands médecins de ce pays – et peut-être du monde – a déclaré : « Prévenir la maladie, alléger la souffrance et guérir les malades : voilà en quoi consiste notre travail. »
Je ne pense pas que l’ordre dans lequel Sir William Osler a énuméré les tâches état involontaire. Il dénote une logique inhérente.
Bien que la guérison soit au cœur de notre art, c’est dans la prévention des maladies et des blessures et dans les soins prodigués avec compassion que nous accomplissons, à mon avis, notre meilleur et notre plus important travail – même s’il nous arrive parfois de perdre l’équilibre.
Permettez-moi de vous donner juste un exemple simple.
Sans le vaccin contre la polio, personne ne se préoccuperait des arthroplasties de la hanche et du genou, car tous les chirurgiens orthopédistes que nous pourrions former s’évertueraient à composer avec les répercussions de la polio.
Et sans notre gain de poids collectif – que certains qualifient de pandémie d’obésité – nous pourrions vraisemblablement éliminer les longues listes d’attente pour ces arthroplasties de la hanche et du genou.
Enfin, sans la pauvreté dans les régions du monde qui sont déchirées par la guerre, nous aurions déjà éradiqué la polio, comme nous l’avons fait avec la variole.
Je dois avouer que je n’ai pas commencé ma carrière dans le domaine de la santé publique.
En fait, c’était l’une des dernières choses auxquelles j’aurais songé pendant mes études en médecine.
J’ai toujours été passionné par la médecine clinique, par le mystère et le défi du diagnostic, par les soins et le soutien prodigués aux autres. Et c’est seulement après avoir été accaparé par des problèmes de santé publique, à la suite de l’éclosion du SRAS, que j’ai abandonné la pratique clinique à temps partiel.
Œuvrer dans le secteur de la santé, quelles que soient les fonctions que l’on exerce, est, à mon avis, un immense privilège. Nous touchons à l’humanité dans ce qu’elle a de meilleur et dans ce qu’elle a de pire… à des tranches de profondes. À la naissance, à la mort, au milieu de la souffrance… nous sommes invités à partager les grandes joies et les grandes peines des autres.
J’ai eu le privilège, depuis plus de décennies que je suis prêt à admettre, de cheminer, non seulement avec des personnes, mais avec des collectivités entières.
C’est là l’un des aspects de la santé publique que j’ai le mieux aimé et celui qui nous apporte les défis les plus stimulants.
Compte tenu de nos connaissances sur la santé et sur ses déterminants sous-jacents... que devons-nous véritablement savoir d’autre pour améliorer la santé et le bien-être des personnes et des collectivités?
Nous continuons de mieux articuler les voies à suivre et les subtilités. Nous connaissons, par contre, les notions élémentaires depuis fort longtemps.
Les documents sur la santé publique du siècle dernier abordaient bon nombre des questions et des débats qui nous préoccupent aujourd’hui.
Et, comme le disait Benjamin Disraeli, premier ministre de la Grande-Bretagne, il y a environ 150 ans : « La santé du public est le fondement sur lequel reposent le bonheur du peuple et le bien-être de l’État. »
C’est tout aussi vrai aujourd’hui, même si nous avons semblé l’oublier pendant un certain temps.
Si ma carrière m’a permis d’apprendre quelque chose jusqu’ici, c’est que, premièrement, le peu de sagesse que nous pouvons posséder est rarement quelque chose qui n’appartient qu’à nous ou qu’à notre époque.
Et, deuxièmement, tout est relié.
Ce n’est pas une coïncidence si les régions les plus durement touchées par le tsunami et l’ouragan Katrina étaient également les plus pauvres.
Il ne devrait pas non plus être étonnant que les collectivités saines et résilientes aient moins de problèmes et qu’elles se remettent plus rapidement sur pied lorsqu’elles sont effectivement confrontées à des difficultés.
C’est la même chose pour les catastrophes naturelles ou causées par l’homme, les éclosions de maladies contagieuses ou le fardeau des maladies chroniques et des blessures.
Cela dit, des surprises nous attendent le long de la route.
Nous nous souvenons tous de Christophe Colomb. Il a cherché l’Inde, sans l’avoir véritablement trouvée. Il a atteint les Amériques. Il a supposé que les habitants étaient des Indiens et c’est ainsi qu’il les a nommés. Et deux siècles après son arrivée, 90 p. 100 de la population avait été anéantie, principalement par des maladies infectieuses importées.
Donc, en cherchant l’Inde, il est tombé sur le mauvais endroit et il a nommé les mauvaises personnes avec les résultats inattendus et désastreux que nous connaissons.
Mais en bout de ligne, il demeure quand même l’un des noms les plus connus et les plus célèbres de l’histoire. C’est à n’y rien comprendre.
Mais il ne faut jamais ignorer les aspects positifs qui peuvent naître d’un heureux hasard.
La pénicilline a été découverte tout à fait par hasard, c’est-à-dire par une invasion de moisissures dans des boîtes de Petri.
L’immunisation moderne, telle que nous la connaissons, est née après que l’on se soit aperçu que les personnes qui avaient déjà été exposées à la vaccine ne contractaient pas la variole.
Et, il n’y a pas si longtemps, la plupart des gènes dont nous connaissions les liens avec le cancer du sein ont été découverts par des gens qui travaillaient à quelque chose d’autre.
Nos intentions et nos réalisations ne commencent pas toujours sur la même voie.
Ce sont également les possibilités qui se présentent au moment où nous nous y attendons le moins qui sont souvent les plus grandes et les plus enrichissantes.
Une grande partie de mes réalisations, pour le meilleur ou pour le pire, n’étaient pas planifiées dans le sens où elles ne s’inscrivaient pas dans mes projets d’avenir.
On dit que la chance ne sourit qu’aux esprits bien préparés.
C’est un équilibre délicat qui consiste à penser plus loin, à faire le bon travail, à être suffisamment souple pour répondre aux besoins urgents, sans toutefois perdre de vue les objectifs à long terme.
Matsuo Basho, le poète japonais du XVIIe siècle, a affirmé : « Ne cherchez pas à suivre les traces des vieux maîtres, cherchez ce qu’ils visaient. »
Donc, où ces réflexions nous mènent-elles?
La santé publique est, par définition, les efforts concertés de la société pour améliorer la santé et le bien-être et réduire les inégalités en matière de santé.
Ce n’est pas qu’un ensemble de programmes et de services, mais une façon de voir les problèmes.
Il ne s’agit pas simplement de résoudre les problèmes actuels, mais de comprendre et d’aborder les causes des causes.De s’investir dans l’ensemble des secteurs et des perspectives afin d’apporter le nécessaire pour affronter les menaces présentes et pour prévenir les problèmes futurs.
Je crois que la plupart d’entre nous aimeraient mieux ne pas souffrir de cardiopathie à un jeune âge plutôt que d’avoir à se remettre d’un pontage.
C’est une question de but et d’équilibre. Savoir ce à quoi nous aspirons et canaliser notre énergie dans cette voie-là.
La santé publique repose sur notre compréhension et notre expérience de pratiquement toutes les disciplines et tous les domaines d’activité que vous puissiez imaginer. Je n’ai pas encore trouvé un secteur ou une perspective qu’il n’est pas important d’envisager.
C’est une approche qui met à contribution l’ensemble de la société pour s’attaquer aux déterminants, pour créer des milieux favorables et pour faire en sorte que chaque personne ait la possibilité d’être en santé et de prospérer.
Elle ne doit pas être une compétition entre la prévention, le traitement et les soins, mais plutôt l’équilibre qui donne les meilleurs résultats.
Ce n’est pas qu’une question d’espérance de vie, mais également de qualité de vie acquise et préservée.
Quelles sont les raisons qui nous poussent à faire ce que nous faisons?
Est-ce un emploi ou une vocation, peu importe l’endroit où nous travaillons ou les tâches que nous accomplissons?
Dans quelle démarche nous inscrivons-nous?
Et pour qui le faisons-nous?
Dès que la démarche ne concerne plus que notre propre personne, que nos besoins ou que nos intérêts, je crois que nous devenons moins efficaces et que nous sommes moins susceptibles d’être invités à cheminer avec les autres et que, par conséquent, nous sommes tenus à l’écart de l’endroit même où nous pouvons être les plus efficaces
Dorothy Soelle, une théologienne allemande, parle de la façon que nous avons, dans la société occidentale, de nous borner souvent à entreprendre uniquement des choses qui sont susceptibles de garantir un succès, une victoire ou un profit. Il y a, par contre, beaucoup de choses que nous accomplissons, pas parce que nous avons des chances de réussir, mais parce que c’est ce qu’il faut faire.
Je parle souvent de l’art de la santé publique.
Il y a des choses et des circonstances qui nous amènent à dire « vous ne ferez pas ceci » ou « vous ne mettrez pas cela dans l’eau », mais la plupart du temps, il s’agit d’apporter ce que nous avons à offrir et d’accepter que c’est la collectivité ou le patient qui doit vivre avec les conséquences et que nous devons en respecter les décisions. L’art consiste à savoir faire la différence entre le moment où chaque élément s’applique.
Peu importe le domaine de la santé (ou le secteur) dans lequel vous évoluez, les attentes à votre égard sont très grandes.
Votre dur labeur pour vous rendre à cette étape-ci est chargé d’espoir.
Et les récompenses sont là lorsque nous les reconnaissons pour ce qu’elles sont.
Vous participerez, chacun d’entre vous, si vous y êtes ouverts, à des événements miraculeux, parfois au milieu de ce qui serait autrement des tragédies. Ils vous transformeront.
J’ai oublié le nom de la femme avisée qui l’a dit, mais je me souviens, quand j’étais petit (même si je ne suis pas certain d’avoir fini de grandir) de l’idée selon laquelle, « si nous ne faisons pas partie de la solution, c’est que nous faisons partie du problème ».
Nous avons tous notre rôle à jouer et, même si l’entreprise peut sembler intimidante sur le plan individuel, il est assez remarquable de constater ce que nous pouvons accomplir et le chemin que notre carrière peut nous amener à parcourir ensemble et avec les autres.
Il est important que nous mettions toute notre énergie dans ce que nous pouvons faire. L’une de mes illustrations préférées de l’importance de ce point est la citation de Henry Van Dyke : « Sers-toi des talents que tu possèdes, car la forêt serait bien silencieuse si seuls les oiseaux qui chantent le mieux s’y faisaient entendre ».
Vos talents sont les bienvenus, car nous en avons grand besoin. Je vous félicite tous et mes vœux vous accompagnent dans votre cheminement.
Pour partager cette page, veuillez cliquez sur le réseau sociale de votre choix.