Écrit par M. Paul Fieldhouse, Consultant en politique et recherche nutritionnelles à Santé et Vie saine Manitoba
Durant l’année scolaire, un élève peut prendre jusqu’à 200 repas à l’école, consommer des aliments et des boissons à l’occasion de nombreuses fêtes, danses ou activités culturelles, acheter des aliments et des boissons de distributeurs automatiques, être inscrit au programme des petits‑déjeuners ou des collations, recevoir des aliments en classe en guise d’incitatif ou de récompense et vendre des produits alimentaires aux fins d’une collecte de fonds. Au total, les occasions quotidiennes de consommer des aliments ou des boissons à l’école sont nombreuses [environ 100 000 dans la seule province du Manitoba]. Par conséquent, en offrant des aliments et des boissons saines et en faisant la promotion de ceux‑ci durant toute la journée en milieu scolaire, nous pouvons contribuer grandement à l’amélioration de l’état nutritionnel et de la santé globale des enfants.
L’importance d’une saine alimentation et de l’équilibre alimentaire est un fait depuis longtemps reconnu et argumenté1. L’alimentation des enfants et des jeunes exerce une grande influence sur leur santé actuelle et future, car une piètre nutrition peut être à l’origine de l’obésité, de la malnutrition, de troubles de l’alimentation, du diabète de type 2, de l’anémie ferriprive et de caries dentaires chez les jeunes. Les mauvaises habitudes alimentaires acquises dans l’enfance persistent d’ordinaire à l’âge adulte et sont encore plus difficiles à corriger à ce stade. Selon de récentes études, il existe un lien entre la nutrition et le développement cognitif et il est avéré que la mauvaise alimentation est associée à de moins bons résultats d’apprentissage2,3,4.
L’école est le lieu clé de la socialisation primaire de l’enfant. Ce que les enfants apprennent et mettent en pratique à l’école constituera la base des attitudes et comportements qu’ils conserveront toute leur vie et qui leur seront fort utiles pour s’accommoder des multiples influences ou pressions des commerçants, médias, amis et membres de la famille qui entrent en ligne de compte dans le façonnage de leurs habitudes alimentaires.
Idéalement, voici ce que les écoles devraient faire :
D’où la nécessité d’une approche globale fondée sur le principe que l’école doit prêcher par l’exemple et l’intégration à la vie scolaire de multiples aspects de l’alimentation dans les cursus, les programmes, l’environnement et les lignes directrices. Il est essentiel que les messages pédagogiques et les signaux du milieu environnant soient cohérents, et non pas contradictoires, afin de tirer le meilleur parti de la promotion de saines habitudes alimentaires. Par exemple, il est contradictoire d’offrir des cours en matière de nutrition portant sur la saine alimentation tout en permettant l’accès aux distributeurs automatiques d’aliments peu nutritifs à haute teneur en calories. J’ai dans ma collection un dessin humoristique représentant deux jeunes de toute évidence obèses qui se présentent chez quelqu’un pour vendre des tablettes de chocolat afin de recueillir des fonds pour la sensibilisation au diabète et l’achat de trousses d’injection insulinique.
Programmes d’études
L’enseignement de la nutrition peut faire, et fait souvent, partie des programmes d’études de la maternelle à la douzième année ayant trait à divers sujets, par exemple, l’économie domestique, l’éducation à la santé, l’éducation physique et les sciences. Une foule de ressources et d’idées sont disponibles afin d’enseigner la nutrition de manière créative. Toutefois, puisque les élèves ne suivent pas tous des cours d’économie domestique, il vaut mieux ne pas compter sur ce seul programme d’études pour qu’ils acquièrent les principes de base d’une saine alimentation.
Cela est vrai, en particulier, en ce qui a trait aux compétences culinaires, qui sont en voie de fléchissement, et dont l’absence exerce une influence considérable sur les habitudes alimentaires au foyer. Une solution, adoptée au Royaume-Uni, consiste à rendre obligatoires les cours pratiques de cuisine pour tous les élèves de 11 à 14 ans – signalons que c’est la première fois que les écoles comptent des cours de cuisine parmi les cours obligatoires5.
Programmes
Les programmes de petits‑déjeuners ou de collations, les plus souvent offerts en milieu scolaire, ont pris naissance afin de répondre au besoin du moment, soit nourrir des « enfants affamés ». Avec le temps, ces programmes ont évolué et sont conformes aux normes régissant les meilleures pratiques relatives à la satisfaction des besoins nutritionnels dans un contexte social. Le programme des petits‑déjeuners en milieu scolaire peut avoir des objectifs nutritionnels, éducationnels et sociaux et il a été prouvé que les programmes de collation à base de fruits et de légumes favorisent la consommation de ces produits alimentaires par les enfants6. Ces programmes scolaires renforcent l’apprentissage en classe.
Au RU, le programme « Cooking Bus », conçu pour appuyer le programme national d’études, les propres objectifs de travail des enseignants et les messages diffusés par le gouvernement en matière de santé, illustre bien le mode de mise en application dans les écoles d’un programme centralisé7.
Environnement
L’apport de changements en ce qui a trait à l’alimentation dans les écoles, entre autres ceux liés au milieu physique et au milieu social, a une importance cruciale quant au succès des programmes d’enseignement de l’alimentation et de la nutrition. Les aliments servis ou vendus dans les cafétérias, cantines ou distributeurs automatiques, le prix de ceux‑ci de même que l’endroit où les élèves mangent doivent correspondre aux messages pédagogiques des programmes d’études. Certains aspects du secteur de l’alimentation en milieu scolaire peuvent être liés à des enjeux ou à des activités de nature plus générale, par exemple, le recyclage, le jardinage et le compostage en milieu scolaire. Le concept du projet Edible School Yard illustre merveilleusement bien le contexte plus large de l’enseignement de l’alimentation et de la nutrition8,9.
Lignes directrices
Au cours des dernières années, la plupart des provinces ou des territoires canadiens ont élaboré des lignes directrices sur la nutrition en milieu scolaire. Même si leur ampleur et leur nature varient plus ou moins, ces initiatives ont toutes le même objectif fondamental – améliorer l’accès à des aliments nutritifs et la consommation de ceux‑ci dans les écoles. Diverses approches peuvent être adoptées à cette fin, y compris l’interdiction ou la restriction de certains produits alimentaires, l’établissement de normes nutritionnelles pour les aliments servis, la diffusion de principes directeurs ou l’énoncé des résultats souhaités, qui sont conformes au processus décisionnel des écoles.
Les lignes directrices sont utiles en ce sens qu’elles constituent un engagement délibéré. Non seulement fournissent‑elles à la fois l’élan et le cadre des modifications, mais elles soutiennent et favorisent celles‑ci en cas de résistance. L’existence d’une ligne directrice écrite que la collectivité scolaire a élaborée et adoptée en commun constitue en soi un outil d’enseignement qui renforce la compréhension et autorise la prise de mesures. Bon nombre de lignes directrices fructueuses sont fondées sur la participation à part entière des administrateurs, enseignants, élèves, parents, prestataires de services alimentaires et autres employés de soutien. Des plans d’action réalistes doivent d’abord cibler les secteurs où les chances de succès sont les meilleures. Les changements doivent être contrôlés et communiqués afin que tous puissent constater de quelle manière ils font la différence. De même, les succès remportés doivent être reconnus et célébrés [en consommant de sains aliments bien sûr!].
La santé a des dimensions physiques, sociales, mentales et spirituelles... mais, pour ce qui est des aliments, nous nous préoccupons presque exclusivement, semble‑t‑il, de l’aspect physique et, de ce fait, nous risquons de les réduire à un ensemble d’éléments nutritifs ou, pire encore, à une source d’énergie. En tant qu’adultes, nous savons que l’alimentation joue un rôle central dans notre vie quotidienne; elle est partie intégrante de nos interactions sociales, par exemple, des repas en famille ou avec des amis. Les aliments exercent une influence sur nos émotions et nos sentiments de bien‑être et subissent leur influence; ils sont partie intégrante de la condition humaine.
Pourquoi n’en serait-il pas de même pour les enfants en milieu scolaire? À travers les aliments, les enfants se familiarisent avec la sécurité et l’affection, l’amitié et l’amour, l’acceptation des camarades, le prestige et le statut, la punition et la récompense, l’hospitalité et le partage. Quelle forme prendrait l’expérience des aliments en milieu scolaire si nous accordions plus d’attention à ces autres dimensions?
Le concept japonais de Shoku-iku est un exemple de tentative d’élargissement de l’approche en matière d’enseignement de l’alimentation et de la nutrition. Il vise, non seulement à permettre aux enfants d’acquérir des connaissances et la capacité de sélectionner des aliments et de préparer régulièrement des repas sains et équilibrés, mais également à leur inculquer le respect des aliments – depuis le jardin jusqu’à l’assiette, l’appréciation sur le plan esthétique de la présentation des aliments et des interactions sociales liées aux aliments, depuis les manières à table jusqu’au partage avec les autres et la prise en considération de ces derniers10.
Dans notre monde moderne, nous avons tendance à trop insister sur l’importance d’aliments particuliers – soit en les diabolisant, soit en leur prêtant des pouvoirs miraculeux. L’équilibre, la variété et la modération sont les règles de base d’une saine alimentation, comme le veut le sempiternel adage, mais la mise en application de ce message a toujours constitué un défi du point de vue de l’enseignement de la nutrition. Tout en prônant la prudence sur le plan alimentaire, nous devons éviter de susciter des fixations néfastes sur des aliments qui sont à l’origine de sentiments de culpabilité et qui peuvent exacerber les problèmes que nous tentons de résoudre. Il est encore plus important de faire en sorte que les enfants soient conscients du lien qui les unit aux aliments – en tant que source de vie et de célébration. Il est possible de le faire dans le cadre d’une approche attentive et exhaustive en matière d’alimentation et de nutrition en milieu scolaire.
1- Birch, H.G. et Gussow, J.D. (1970) Disadvantaged Children: Health, Nutrition and School Failure. Harcourt, Brace & World: New York.
2- Florence, M.D., Asbridge, M. etVeugelers, P.J. (2008) Diet quality and academic performance. J. School Health. Volume 78 : p. 209-215.
3- Bellisle, F. (2004) Effects of diet on behaviour and cognition in children, British Journal of Nutrition. Suppl. 2 : S227-S232.
4- Sorhaindo, A. et Feinstein, L. (2006) What is the relationship between child nutrition and school outcomes? Centre for Research on the Wider Benefits of Learning. Institute of Education, London, UK.
5- Department of Children, Schools and Families. Compulsory Cooking Lessons for All Young People. http://www.dcsf.gov.uk
6- He, M. et coll. (2007) Northern Fruit and Vegetable Pilot Program: Final Report. London, Ontario: Middlesex-London Health Unit.
7- Food Standards Agency. The Cooking Bus. http://www.food.gov.uk/healthiereating/nutritionschools/
8- The Edible Schoolyard [Berkeley] http://www.edibleschoolyard.org/
9- The Edible School Yard [Nova Scotia] http://slowfoodns.blogspot.com/2008/03/coming-in-may-2008-edible-schoolyard.html
10- Ministère de l’agriculture, des forêts et des pêches, Japon. What is Shoku-iku? http://www.maff.go.jp/e/topics/pdf/shokuiku.pdf
M. Paul Fieldhouse
Consultant en politique et recherche nutritionnelles
Santé et Vie saine Manitoba
300, rue Carlton
Winnipeg (Manitoba) R3B 3M9
Téléphone : 204-786-7350
Télécopieur : 204-948-2366
Courriel : Paul.Fieldhouse@gov.mb.ca
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