20 octobre 2004
Division de l'hémovigilance et des infections acquises en milieu de soins de santé
Centre de prévention et de contrôle des maladies infectieuses
Agence de la santé publique du Canada
La prévention de la transmission du virus spumeux simien (VSS) par des transfusions de sang et de produits sanguins et/ou la transplantation de cellules, de tissus ou d'organes.
Revoir la documentation disponible et la recherche actuelle afin d'évaluer le risque potentiel du VSS chez les personnes ayant reçu du sang ou des tissus, et formuler des recommandations sur la question de l'exclusion des donneurs de sang et de tissus en fonction d'une exposition potentielle à une infection par le VSS.
Les rétrovirus humains connus (le HIV-1, le HIV-2, le HTLV-I et le HTLV-II) proviennent de primates non humains à travers une transmission hétérospécifique. Il a été clairement établi que les primates non humains hébergent des rétrovirus additionnels transmissibles aux humains. Parmi ces virus, le VSS s'avère celui qui se transmet le plus rapidement aux humains. En raison de la facilité de la transmission hétérospécifique et de la disponibilité des essais biologiques bien caractérisés, le VSS est considéré comme un bon indicateur de situations dans lesquelles des rétrovirus de primates peuvent être transmis aux humains. Le VSS a été décrit pour la première fois en 1954, lorsqu'on a découvert que le virus contaminait des cultures de cellules de rein de singe. Peu de temps après, on a découvert que le VSS infectait certaines espèces de primates non humains (PNH). Bien que la prévalence de l'infection par le VSS soit élevée chez les PNH, aucune pathologie n'a encore été observée parmi les primates infectés. (Il existe des données discordantes dans la documentation scientifique sur la pathologie du VSS chez des animaux de laboratoire.)
Le virus est présent à la fois dans les lymphocytes circulants et la salive. De plus, le virus possède différents profils génétiques généralement spécifiques à chaque primate hôte. Le seul virus spumeux (ou spumavirus) a été isolé en 1980 chez un individu du Kenya. Toutefois, la recherche réalisée entre 1978 et 1980 a constamment révélé que ce virus spumeux était phylogénétiquement similaire au VSS isolé chez un chimpanzé. Cela laisse supposer que le virus spumeux humain est une souche variable du VSS de type 6.
En 2001-2002, Santé Canada a envisagé des mesures préventives d'exclusion des donneurs dans le système du sang en rapport avec le statut du VSS. À ce moment-là, aucune mesure n'était mise en place. Cette décision reposait sur un manque de preuves à bien des égards. En effet, nous n'avions pas assez d'informations sur la capacité du VSS d'être transmissible par des transfusions sanguines. Nous ne parvenions pas non plus à établir clairement des liens entre le VSS et les maladies humaines. Enfin, nous manquions de données relativement aux voies d'entrée de l'infection chez les humains. À la lumière de ces pénuries d'information et de compréhension, il n'apparaissait pas nécessaire de prendre le risque de perdre des donneurs en instaurant une exclusion, alors que la pénurie de sang et de produits sanguins qui s'en serait suivie aurait représenté une menace immédiate et plus pertinente. Entre-temps, des informations scientifiques additionnelles sur la question de la transmission hétérospécifique des rétrovirus simiens en général et du VSS en particulier ont amené Santé Canada à demander à l'Agence de la santé publique du Canada (ASPC) d'évaluer les risques associés au VSS pour le système de distribution de produits sanguins au Canada. Récemment, des scientifiques de l'ASPC ont complété une nouvelle recherche sur cette question qui vient s'ajouter à l'ensemble des connaissances sur le VSS. En se servant d'un modèle expérimental, ces scientifiques ont démontré que le VSS peut être transmis entre des primates non humains par transfusions sanguines et, donc, qu'il existe une possibilité théorique de transmission du virus par transfusions sanguines chez les humains.
L'ensemble des connaissances sur le VSS et son potentiel de transmission de PNH aux humains n'est pas très vaste. Dans la documentation disponible, il est généralement admis que la prévalence du VSS chez les primates non humains nés en captivité oscille entre 70 et 90 %. Dans la nature, le taux de prévalence chute à environ 44 %, bien que cette estimation repose sur un échantillon relativement petit.
Pas plus tard qu'en 2000, les chercheurs partageaient largement cette opinion selon laquelle l'infection par le VSS chez les humains était une infection non pathogène qui n'avait pas de transmission subséquente. Depuis ce temps, certaines études ont examiné la relation entre les humains et les primates non humains et son incidence sur la transmission du VSS. Ces études ont conduit à des résultats similaires.
Parmi les personnes que le travail amène à être en contact fréquent avec des primates non humains, le taux d'une infection passée ou présente par le VSS se situe entre 1,8 et 4,3 %. La grande majorité de ces personnes ont eu des contacts directs percutanés avec des PNH, comme des morsures, des égratignures ou d'autres expositions telles que des coupures ou des piqûres avec des aiguilles. Malgré le taux relativement élevé de prévalence dans cette population, il n'existe pas de preuves démontrant que des personnes ayant contracté le VSS sont devenues malades parmi celles qui ont été suivies sur une période entre deux et 20 ans. Cependant, les données actuelles relatives aux effets d'une infection par le VSS sur la santé humaine sont limitées pour un certain nombre de raisons. De fait, le suivi à long terme des humains infectés par le VSS est biaisé en faveur des personnes en santé. La sélection des humains infectés dans les études actuelles exclurait les individus décédés et pourrait exclure les individus en mauvaise santé. Des données relatives à un suivi à long terme sont disponibles chez moins de 25 personnes infectées par le virus. Par ailleurs, la cueillette de données additionnelles sur l'infection par le VSS chez les humains pourrait être compliquée en raison de la période de latence prolongée et d'une faible incidence possible de pathogénicité qui est propre à certaines infections rétrovirales humaines.
Étant donné que le VSS est présent dans les lymphocytes circulants, il est théoriquement possible que le virus puisse être transmis entre des humains lors de transfusions sanguines et de transplantations de tissus. En conséquence, un certain nombre d'études menées jusqu'à maintenant ont tenté d'évaluer cette possibilité. Alors que les études ont montré que des personnes infectées par le virus ont donné du sang, il existe peu de données disponibles sur les produits sanguins résultants et sur les conséquences de leur utilisation. Aucune preuve d'une infection par le VSS n'a été trouvée sur trois personnes qui ont reçu du sang d'un vétérinaire ayant contracté le virus.
De plus, les informations disponibles n'indiquent pas que le VSS se transmet entre des personnes infectées et leurs conjoints, ce qui semble exclure la possibilité d'une transmission par voie sexuelle ou d'une transmission par d'autres voies de contacts personnels, y compris la salive.
Des données récemment publiées ajoutent une autre dimension au rôle que le VSS pourrait jouer dans les maladies humaines. Il a été démontré in vitro que, bien qu'il ne produise pas de pathogénicité par lui-même, le VSS pourrait altérer l'infectiosité d'autres virus. L'implication est la suivante: si un individu est exposé à la fois au VSS et à un certain virus enveloppé, l'infection par ce virus enveloppé est plus probable. Les virus dont le VSS pourrait théoriquement augmenter l'infectiosité incluent, entre autres, le virus de l'immunodéficience humaine (VIH), le papillomavirus humain et le cytomégalovirus humain.
Il faut noter que les données sur les humains infectés par le VSS proviennent presque exclusivement de personnes infectées par des catarrhiniens d'Afrique. Présentement, la vaste majorité des PNH utilisés dans la recherche biomédicale sont des catarrhiniens d'Asie, comme les macaques de Buffon. En conséquence, le type prédominant de VSS auquel les humains sont exposés en milieu de travail est le moins bien caractérisé en termes d'infections humaines. Il n'y a pas d'indications selon lesquelles le VSS provenant de primates du Nouveau-Monde, qui sont les principaux singes utilisés comme animaux de compagnie, peut être transmis aux humains.
En outre, une étude menée par des scientifiques de l'Agence de la santé publique du Canada indique que le virus spumeux simien est transmissible par le sang chez un modèle animal. Cette étude n'étant pas été publiée, ses particularités ne sont pas disponibles à des fins de discussions et demeurent encore confidentielles.
En 2002, des chercheurs rattachés à la Division de recherche en laboratoire sur le VIH/sida, les MTS et la tuberculose, aux Centers for Disease Control and Prevention, à Atlanta, ainsi qu'à l'American Red Cross ont déterminé qu'il n'existe pas de preuves qu'un donneur de sang séropositif à l'égard de l'anticorps anti-VSS ait transmis le virus à des receveurs des produits provenant de ce sang. Toutefois, malgré le manque de preuves, ces chercheurs ont déterminé qu'il serait prudent de recommander une exclusion des personnes dont l'infection par le VSS a été confirmée. Ces recommandations ne représentent pas la position officielle de la Food and Drug Administration (FDA), Center for Biologics Evaluation and Research (CBER).
Dans un effort visant à clarifier cette question aux États-Unis, le Blood Products Advisory Committee (BPAC) de la FDA tiendra une réunion le 21 octobre 2004. L'ordre du jour de cette réunion inclut une révision des informations disponibles sur le VSS.
Il n'y a pas d'indications selon lesquelles d'autres pays industrialisés auraient mis en place une politique qui fournit des conseils et des recommandations relativement à une exclusion des donneurs de sang en réaction à l'infection par le VSS.
Au Canada, il n'existe présentement aucune politique d'exclusion obligatoire pour les personnes infectées par le virus spumeux simien. Cependant, à la lumière des diverses études qui ont déterminé une séroprévalence élevée du VSS chez les personnes qui sont en contact fréquent avec des PNH, d'une recherche récente sur les effets du virus dans l'évolution d'autres agents viraux et de la démonstration chez des modèles animaux de la transmissibilité du VSS par des transfusions sanguines, Santé Canada a demandé cette évaluation des risques.
Il existe maintenant des données expérimentales, recueillies à partir de modèles animaux, qui démontrent que le VSS est transmissible par des transfusions de sang total (c'est-à-dire de sang dont on n'a retiré aucun de ses constituants), alors que les effets d'une infection par le VSS sur la santé humaine demeurent insuffisants pour exclure la pathogénicité du virus.
Entre 2 et 4 % des Canadiens que le travail amène à être en contact avec des primates non humains risquent de contracter le VSS. Il y a 21 institutions au Canada, à l'exclusion des zoos, qui ont des primates enregistrés auprès du Conseil canadien de protection des animaux et utilisés pour la recherche. Jusqu'à présent, les personnes en contact direct avec des primates n'ont pas été exclues du don de sang. Des preuves chez les animaux démontrent que le virus spumeux simien peut être transmis lors de transfusions de sang total. Les effets pathogènes de l'infection par le VSS chez les humains sont inconnus, et une incertitude demeurera probablement pendant encore un certain temps en raison des difficultés que nous avons à obtenir des données suffisantes.
Après avoir considéré les preuves scientifiques émergentes sur les VSS et d'autres rétrovirus simiens, l'Agence de la santé publique du Canada estime que toute introduction potentielle d'un nouveau rétrovirus simien dans le système de collecte et de distribution du sang au Canada, ou sa transmission par des organes ou des tissus, doit être évitée. Bien qu'il n'y ait pas de risques connus d'une infection par le VSS sur la santé humaine, la prudence exige de prendre des mesures afin d'empêcher ce virus et d'autres rétrovirus simiens de s'introduire dans le système de collecte et de distribution des produits sanguins ou d'être transmis lors de transplantations au Canada. Ainsi, en appliquant ce principe de précaution, Santé Canada doit se pencher sur les stratégies de réduction des risques qui sont requises pour protéger de cette menace potentielle les réserves de sang, ainsi que les receveurs de sang, de tissus et d'organes.
Sur la base des informations disponibles, l'Agence de la santé publique du Canada recommande que l'exclusion des donneurs de sang, de tissus et d'organes soit prise en considération dans le cas des personnes qui travaillent directement avec des primates dans des endroits comme des jardins zoologiques, des établissements de recherche biomédicale publics ou privés et des réserves d'animaux. Puisque les données disponibles ne nous permettent pas de définir le mécanisme de transmission ou les facteurs de risques associés aux infections par les rétrovirus à l'intérieur de ces groupes, nous recommandons qu'une exclusion soit considérée pour toutes ces personnes.
La préoccupation relative au VSS soulève la question du risque d'infection par le virus chez les propriétaires de primates de compagnie. Il n'existe présentement aucune étude permettant d'évaluer les risques de transmission des rétrovirus par des primates de compagnie. La plupart des primates de compagnie sont des primates du Nouveau-Monde considérés comme présentant peu de risques de transmettre des rétrovirus aux humains en raison de différences biologiques. En l'absence d'informations scientifiques à ce moment-ci, nous ne pouvons pas conclure que ces personnes doivent être assujetties ou non aux mesures de réduction des risques mises en place pour protéger le système de collecte et de distribution du sang au Canada.
Le présent document sera révisé une fois de plus, lorsque les données du Blood Products Advisory Committee (BPAC) de la FDA seront présentées après la réunion du 21 octobre 2004.
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