En décembre 2004, l'Agence de santé publique du Canada (ASPC) a convoqué une réunion spéciale du Comité consultatif sur la prévention et la lutte contre la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ). Ce comité a été chargé d'examiner et de réviser, au besoin, la version de 2002 du « Guide de prévention des infections pour la maladie de Creutzfeldt-Jakob (MCJ) classique au Canada ».
Cette réunion avait été précédée d'une rencontre scientifique internationale sur la MCJ organisée par l'ASPC au cours de laquelle les participants ont passé en revue les données scientifiques les plus récentes sur la MCJ et sur la transmission iatrogène de cette maladie.
Le présent document vise à préciser et à réviser certains éléments du Guide de 2002, à la lumière des données qui étaient disponibles au moment de la rencontre scientifique internationale sur la MCJ organisée par l'ASPC en 2004. Pour prendre connaissance du texte intégral des recommandations, le lecteur est invité à se reporter aux « Lignes directrices de la MCJ de 2002 ».
Le moyen le plus sûr et le plus efficace de prévenir la transmission iatrogène de la MCJ consiste à identifier les patients à risque élevé avant une intervention invasive afin d'appliquer les mesures requises de prévention et de lutte contre l'infection et de mettre en place un système permettant de retracer les instruments (section 3, page 6).
Note : Les mesures de prévention et de
lutte contre les infections visant à prévenir ou
à réduire au minimum l'exposition à la
variante de la MCJ (vMCJ) ne seront pas abordées dans le
présent document. Si l'on soupçonne ou
diagnostique un cas de la variante de la MCJ en clinique, le
praticien devra communiquer avec la Section des infections
nosocomiales et professionnelles de la Division de
l'hémovigilance et des infections acquises en milieu de
soins de santé, au Centre de prévention et de
contrôle des maladies infectieuses, Direction
générale des maladies infectieuses et des mesures
d'urgence, à l'Agence de santé publique du
Canada, pour obtenir des renseignements sur les mesures
spécifiques de prévention et de lutte contre les
infections au numéro de téléphone (613)
952-9875.
Les patients considérés comme étant à risque élevé de transmettre la MCJ par voie iatrogène sont ceux ayant reçu un diagnostic prospectif ou rétrospectif de :
La section 4 décrit les méthodes appropriées de gestion des instruments qui ont été en contact avec des patients à risque élevé, en fonction du potentiel infectieux des tissus auxquels les instruments ont été exposés.
Afin de réduire au minimum le risque de transmission de la MCJ, les interventions non urgentes chez les patients à risque élevé (impliquant des tissus à fort potentiel infectieux ou à faible potentiel infectieux) devraient être dûment justifiées et soigneusement planifiées à l'avance.
1 Pour prendre connaissance des définitions de cas utilisées aux fins de la surveillance de la MCJ classique, se reporter aux « Lignes directrices de la MCJ de 2002 », annexe II, p. 65-66.
Les patients suivants sont à risque de MCJ iatrogène :
Après un examen des données disponibles, le groupe de travail considère que le risque de transmission par des instruments utilisés chez des patients à risque, asymptomatiques, est faible et négligeable. Il recommande donc que ces instruments soient décontaminés de façon courante puis réutilisés. Ceci représente un changement par rapport aux « Lignes directrices de la MCJ de 2002 ».
Des méthodes de dépistage pour identifier les
patients à risque élevé devraient être
mises en place mais non pour identifier les patients à
risque. Un patient qui se déclare à risque devrait
subir une évaluation clinique afin de rechercher des signes
et symptômes de la MCJ.
Les méthodes recommandées pour la gestion des instruments utilisés chez les patients à risque élevé dépendent du potentiel infectieux des tissus avec lesquels ils ont été en contact. À la lumière des données provenant d'études chez les animaux et de rapports d'exposition iatrogène, les tissus humains sont classés dans trois catégories, en fonction du risque de transmission de la MCJ qu'ils présentent. La mise à jour de cette information est basée sur les lignes directrices de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) « Guideline on tissue infectivity distribution in transmissible spongiform encephalopathies 2006 » et est sujette à changer dès que de nouvelles informations deviendront disponibles.
Tissus à fort potentiel infectieux | Tissus à faible potentiel infectieux |
---|---|
|
|
Tissus sans potentiel infectieux détecté | |
Dans la présente mise à jour des « Lignes directrices de la MCJ de 2002 », la cornée, le nerf optique et la rétine ont été différenciés sur le plan du potentiel infectieux. Les ganglions spinaux et les ganglions trigéminaux sont classés comme tissus à fort potentiel infectieux. Des expériences récentes n'ont pas détecté de protéine prion anormale dans la pulpe dentaire chez des patients humains atteints d'une EST. En se basant sur ces expériences, la pulpe dentaire a été reclassifiée de tissu à faible potentiel infectieux à un tissu sans potentiel infectieux détecté. L'exsudat séreux a été complètement retiré de la liste des tissus.
2 Bien que le LCR soit un tissue à faible potentiel infectieux, un contact avec le LCR sous-entend forcément un contact avec un tissue à fort potentiel infectieux, et devrait donc être géré comme tel.
3 Les autres tissus de la chambre antérieure de l'oeil (cristallin, humeur aqueuse, iris, conjonctive) ont été testés et le résultat s'est avéré négatif pour les EST humaines. Il n'y a pas d'évidence épidémiologique que ces tissus ont été associés à une transmission iatrogène.
4 Certains tissus ont été examinés afin de déterminer leur potentiel infectieux et/ou la présence de protéine prion anormale et les résultats se sont avérés négatifs pour la MCJ classique.
5 Des recherches récentes en EST humaines ont démontré la présence de la protéine prion anormale (PrPEST) dans plusieurs tissus périphériques (vaisseaux sanguins, muqueuse nasale, nerfs périphériques, muscles squelettiques). À ce jour, aucun potentiel infectieux n'a été démontré avec ces tissus dans la MCJ classique et la relation précise entre la présence de PrPEST et l'infectiosité est incertaine. Par exemple, la détection d'une petite quantité de PrPEST dans un tissu n'implique pas nécessairement qu'il y aurait transmission de la maladie en toute circonstance. Pour les fins de contrôle des infections, ces tissus seront considérés non infectieux.
Il est recommandé de:
À défaut de savoir de façon précise quels instruments réutilisables ont été exposés à des tissus potentiellement infectieux, la seule façon d'éliminer tout risque de transmission iatrogène consiste à jeter tous les instruments potentiellement contaminés. Cette pratique est évidemment du gaspillage.
L'absence de cette information nous prive de la possibilité de réduire le risque de transmission par des instruments déjà en circulation - risque auquel certains patients ont déjà été exposés.
Afin de réduire ou d'éliminer ce risque sans gaspillage, il est fortement recommandé de s'assurer que l'on puisse retracer tous les instruments réutilisables. Il existe maintenant des technologies qui permettent de retracer les instruments, bien qu'elles ne soient pas encore largement utilisées, et l'on s'emploie à mettre au point des technologies plus efficaces.
Certains exemples des mesures utilisées pour retracer les instruments sont énumérés ci-dessous, de façon générale par ordre croissant d'efficacité et par ordre décroissant de faisabilité. L'adoption immédiate des mesures réalisables les plus efficaces est recommandée, éventuellement complétée par l'ajout de méthodes encore plus efficaces dès qu'elles deviendront réalisables. Les établissements qui n'ont pas encore mis en place un système complet permettant de retracer les instruments (mesure 1) devraient, à tout le moins, isoler les instruments utilisés sur les tissus à fort potentiel infectieux (mesure 2).
Nous recommandons de combiner certaines des mesures suivantes pour gérer ou réduire le risque de transmission iatrogène de la MCJ par le biais d'instruments réutilisés.
Par « jeter », on entend rendre impossible la transmission de l'infection à un autre patient par un instrument. L'incinération constitue sans équivoque le meilleur moyen d'atteindre cet objectif. Notez toutefois que selon certaines données, les prions peuvent survivre à de très hautes températures.
Lorsque l'incinération n'est pas disponible, une alternative acceptable est la décontamination pour la MCJ (voir ci-dessous) suivie par l'enfouissement dans une décharge.
Nous recommandons, lorsque cela est approprié, une méthode combinée de décontamination pour la MCJ en quatre étapes :
Les modifications suivantes peuvent être apportées aux étapes 2 et 4 :
2. Remplacer la
solution d'hydroxyde de sodium 1N (NaOH) par une solution
d'hypochlorite de sodium (NaOCI) à 2 % (20 000 ppm de
chlore disponible);
4. Stériliser en chauffant dans un autoclave à vide
partiel à une température de 134ºC pendant 18
minutes au lieu de 60 minutes.
Notes:
Idéalement, on devrait appliquer à tous les instruments les méthodes de décontamination dont la capacité d'inactiver les prions est reconnue, indépendamment des patients pour lesquels ils ont été utilisés ou des tissus avec lesquels ils ont été en contact. Malheureusement, les seules méthodes de décontamination dont la capacité de désactiver efficacement les prions est attestée ne peuvent être systématiquement utilisées, car elles risquent d'endommager de nombreux instruments. Nous ne croyons pas, à la lumière des données disponibles, que le passage à l'autoclave à une température de 134ºC pendant 18 minutes suffise à lui seul pour désactiver les prions; par conséquent, nous ne recommandons pas l'utilisation courante de cette méthode pour prévenir la transmission de la MCJ.
Décontaminer et stériliser/désinfecter de façon courante tel qu'il a été recommandé dans les normes de l'Association canadienne de normalisation (CSA).
Après avoir subi une décontamination et
stérilisation/désinfection de façon courante
séparément des autres instruments (voir
l'algorithme décisionnel, p. 13), les instruments
doivent être conservés dans un endroit sec. Il ne faut
pas les réutiliser à moins qu'un diagnostic
n'ait permis d'exclure la MCJ chez le patient pour lequel
les instruments ont été utilisés. Les
instruments ne peuvent être remis en circulation que
lorsqu'un diagnostic autre que celui de la MCJ est
confirmé sur une base clinique ou pathologique ou si une
autopsie permet d'exclure la MCJ. Une biopsie du cerveau
négative pour la MCJ, en l'absence d'un autre
diagnostic confirmé, ne suffit pas pour justifier la remise
en circulation des instruments mis en quarantaine.
MCJ* | |
---|---|
Instruments ayant été en contact avec:*** | Mesures à prendre**** |
Tissus à fort potentiel infectieux** | Jeter. |
Tissus à faible potentiel infectieux** |
Les instruments peuvent-ils tolérer le procédé de décontamination pour la MCJ? - si oui, décontaminer pour la MCJ et
réutiliser; |
Tissus sans potentiel infectieux détecté** | Décontaminer et stériliser/désinfecter de façon courante et réutiliser. |
Cas suspect de MCJ* | |
Instruments ayant été en contact avec :*** | Mesures à prendre**** |
Tissus à fort potentiel infectieux** |
Décontaminer et stériliser/désinfecter de façon courante, séparément des autres instruments, et mettre en quarantaine. Le diagnostic de MCJ a-t-il été exclu? - si oui, réutiliser; |
Tissus à faible potentiel infectieux** |
Les instruments peuvent-ils tolérer le procédé de décontamination pour la MCJ? - si oui, décontaminer pour la MCJ et
réutiliser; Le diagnostic de MCJ a-t-il été exclu? - si oui, réutiliser; |
Tissus sans potentiel infectieux détecté** | Décontaminer et stériliser/désinfecter de façon courante et réutiliser. |
Porteur asymptomatique d'une EST génétique* | |
Instruments ayant été en contact avec :*** | Mesures à prendre**** |
Tissus à fort potentiel infectieux** | Jeter. |
Tissus à faible/sans potentiel infectieux détecté** | Décontaminer et stériliser/désinfecter de façon courante et réutiliser. |
* Vous reporter à la section 1
« Le patient risque-t-il de transmettre
la MCJ? », p. 2.
** Vous reporter à la section 2 «
Y a-t-il eu un contact avec des tissus
infectieux? », p. 4.
*** Vous reporter à la section 3 « Quels instruments ont été
utilisés? », p. 6.
**** Vous reporter à la section 4 « Définition des mesures à prendre
», p. 8.
MCJ* | |
---|---|
Instruments ayant été en contact avec :*** | Mesures à prendre**** |
Tissus à fort/faible potentiel infectieux** |
Peut-on identifier des instruments ou des ensembles d'instruments précis? - si oui, procéder comme dans la prise en charge
prospective de la MCJ; Dans un document cadre, le « CJD Incidents Panel » (Royaume-Uni) a conclu qu'il est peu probable que la plupart des instruments ayant subi dix cycles d'utilisation et de décontamination présentent un risque significatif de contamination croisée. Cette conclusion est fondée sur un modèle de scénarios utilisant l'évaluation du risque de transmission de la variante de la MCJ, évaluation approuvée par le « Spongiform Encephalopathy Advisory Committee ». Toutefois, il n'existe pas de données expérimentales permettant de confirmer les conclusions de ce modèle. Compte tenu de cette information et des coûts importants associés à la nécessité de jeter un grand nombre d'instruments chirurgicaux, le comité directeur chargé de l'élaboration des guides de prévention des infections de l'ASPC a estimé que le présent Guide doit rendre compte de l'incertitude dans ce domaine et autoriser les établissements de santé à choisir l'option A ou B. Cette décision doit considérer si les instruments ont été décontaminés et stérilisés/désinfectés de façon adéquate6. |
Tissus sans potentiel infectieux détecté** | Continuer à réutiliser. |
* Vous reporter à la section 1
« Le patient risque-t-il de transmettre
la MCJ? », p. 2.
** Vous reporter à la section 2 «
Y a-t-il eu un contact avec des tissus
infectieux? », p. 4.
*** Vous reporter à la section 3 « Quels instruments ont été
utilisés? », p. 6.
**** Vous reporter à la section 4 « Définition des mesures à prendre
», p. 8.
Receveurs de traitements aux hormones hypophysaires issues de tissus humains, d'une greffe de dure-mère, d'une greffe de cornée. Patients qui ont été exposés, par un contact avec des instruments contaminés, à des tissus à fort potentiel infectieux chez un cas confirmé de MCJ* | |
---|---|
Instruments ayant été en contact avec : *** | Mesures à prendre : **** |
Tous les tissus** | Décontaminer et stériliser/désinfecter de façon courante et réutiliser. |
* Vous reporter à la section 1
« Le patient risque-t-il de transmettre
la MCJ? », p. 2.
** Vous reporter à la section 2 «
Y a-t-il eu un contact avec des tissus
infectieux? », p. 4.
*** Vous reporter à la section 3 « Quels instruments ont été
utilisés? », p. 6.
**** Vous reporter à la section 4 « Définition des mesures à prendre
», p. 8.
6 Une condition qui sous-tend ce modèle de scénarios est qu'un cycle de décontamination pour des instruments chirurgicaux implique deux étapes : le nettoyage physique en utilisant typiquement une laveuse/sécheuse mécanique suivi de l'inactivation de tout matériel infectieux résiduel, par exemple, par stérilisation à l'autoclave à vapeur haute pression. Le critère de plus de 9 cycles d'utilisation et de décontamination est basé sur ce principe et n'est peut-être pas applicable aux instruments qui n'ont pas été décontaminés et stérilisés/désinfectés en conséquence.
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