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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Janvier/Février 2000
Vol. 32, nos 1-2



SAVOIR FAIRE : Femmes de science du ministère de l’Agriculture, 1900-1920

Risë Segall,
Services de recherche et d’information


Avec la permission des Archives nationales du Canada.

Octobre est le mois de l’Histoire des femmes et il était approprié que le sujet du séminaire SAVOIR FAIRE du 19 octobre 1999 à la Bibliothèque soit : « Femmes de science du ministère de l’Agriculture, 1900-1920 ». Amber Lloydlangston, candidate au doctorat à l’Université d’Ottawa, a offert une vue d’ensemble et une analyse enlevante du travail des femmes au ministère de l’Agriculture, faisant ressortir la vaste gamme de ressources des collections de la Bibliothèque nationale du Canada dont elle s’est servie dans le cadre de la recherche pour sa thèse.

Dans son exposé, Mme Lloydlangston a insisté sur les points principaux de sa recherche : les perceptions au sujet des femmes dans la fonction publique canadienne dans les années 1900 à 1920; la culture scientifique qui avait cours au ministère de l’Agriculture au début du XXe siècle; la formation liée à la profession d’une femme au sein du Ministère (analyse des semences); et les scientifiques professionnelles.

Mme Lloydlangston a su faire ressortir les perceptions au sujet des femmes dans la fonction publique en analysant des extraits révélateurs des commissions royales de l’époque, nommées pour faire enquête sur la fonction publique. Dans le Report of the Royal Commissioners Appointed to Enquire into Certain Matters Relating to the Civil Service of Canada de 1892, les femmes au service du ministère de l’Agriculture étaient décrites comme efficaces et se comparaient favorablement aux hommes dans les postes de bureau. Toutefois, en 1907, quand une autre commission royale sur la fonction publique a remis son rapport, les femmes n’étaient plus accueillies de façon aussi favorable. On croyait que les femmes seraient de plus en plus nombreuses au sein des échelons inférieurs de la fonction publique, empêchant ainsi les jeunes hommes de trouver des postes de bas niveau à partir desquels ils pourraient alors être promus aux plus hauts échelons.

En 1919, la pratique d’embaucher seulement des femmes célibataires est devenue une politique grâce à un décret qui stipulait qu’aucune femme mariée ne devait être embauchée. En 1921, un autre décret était approuvé. Il indiquait qu’en se mariant, une femme devait démissionner de la fonction publique. Mme Lloydlangston a fait remarquer que des documents parlementaires de la Chambre des communes, abrités dans la salle de lecture de la Bibliothèque nationale du Canada, se sont révélés une ressource inestimable pour cette phase de sa recherche.

Au début du siècle, quand le ministère de l’Agriculture a commencé à centrer ses efforts sur la recherche pour améliorer les pratiques agricoles, les récoltes et la production de denrées alimentaires au Canada, les femmes ont trouvé des domaines particuliers leur convenant au sein du Ministère. Comme ce dernier se préoccupait de plus en plus de la diffusion et de la popularisation de l’information agricole, les femmes ont été embauchées comme rédactrices, expérimentatrices, démonstratrices et conférencières sur des sujets comme les bonnes méthodes de mise en conserve des fruits et légumes, de la fabrication du fromage et de la culture fruitière. Les publications de cette époque étaient diffusées non seulement auprès des cultivateurs mais également dans les écoles, les groupes de jeunes, les instituts des femmes et d’autres organismes.

L’analyse des semences est le domaine particulier au sein du ministère de l’Agriculture où les femmes ont trouvé de l’emploi. En 1902, le Ministère créait l’Ottawa Seed Testing Laboratory, le premier du genre au Canada. L’analyse des semences visait à améliorer la qualité de la production agricole, à promouvoir l’industrie de l’exportation des semences du Canada et à améliorer la qualité de la vie rurale. Mme Lloydlangston a souligné que « les normes de l’époque sur les sexes, combinées aux aspects pratiques des échelles de salaires et aux conditions de travail offertes par le Ministère dictaient que les femmes conviendraient, voire seraient exemplaires en tant qu’analystes des semences ». Les femmes consentaient à travailler pour moins d’argent en exécutant des tâches fastidieuses que les hommes répugnaient à effectuer. En consultant les annuaires de villes, conservés à la Bibliothèque nationale du Canada, Mme Lloydlangston a pu établir que les jeunes femmes employées au Ottawa Seed Testing Laboratory étaient, de façon générale, des filles en ascension provenant de familles de classe moyenne supérieure ou inférieure. Même si quelques-unes de ces femmes sont restées au Ministère durant quelque temps, la majorité d’entre elles ont donné leur démission pour se marier. Ce modèle suivait la norme du temps; les femmes travaillaient durant la période entre la fin de leurs études et la célébration de leur mariage.

Mme Lloydlangston a conclu son séminaire en abordant la question des femmes qui n’ont pas suivi la norme, et celles qui ont, en effet, entrepris une carrière professionnelle au Ministère. Puis elle a décrit les difficultés auxquelles ont eu à faire face un certain nombre de scientifiques comme la botaniste adjointe Faith Fyles, qui a été la première scientifique professionnelle nommée au Ministère. Durant sa carrière, Mme Fyles, qui s’occupait de ses parents âgés, a été, à plusieurs reprises, en conflit au sujet de son salaire et elle s’est vu refuser une prime qui était offerte aux fonctionnaires avec personnes à charge.

Par l’entremise des travaux de chercheurs tels Amber Lloydlangston, on peut voir à quel point les grandes collections de la Bibliothèque nationale peuvent aider à tracer une image plus complète de l’histoire du Canada.


Droit d'auteur. La Bibliothèque nationale du Canada. (Révisé : 2000-2-2).