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Nouvelles de la Bibliothèque nationale
Janvier/Février 2000
Vol. 32, nos 1-2



SAVOIR FAIRE : L’imaginaire de l’enfance

Céline Gendron,
Service de recherche en littérature canadienne


Tiré de Tales of a Gambling Grandma (Montréal : Tundra Books, 1986).

À l’été 1999, la Bibliothèque nationale a préparé un hommage à l’auteure-illustratrice pour enfants Dayal Kaur Khalsa (1943-1989). L’exposition, fondée sur la collection de la Bibliothèque nationale du Canada de documents littéraires de l’auteure, offrait l’occasion d’étudier sa méthode de travail et d’avoir un aperçu des illustrations originales que renferment ses livres.

Le 20 juillet dernier, dans le cadre d’une présentation extraordinaire de SAVOIR FAIRE, Barbara Yoffee, libraire de livres pour enfants (Maryland, États-Unis), nous a présenté les résultats d’une dizaine d’années de recherche sur Khalsa. Son exposé était intitulé : « Dayal Kaur Khalsa : A Childhood Remembered, a Childhood Transposed ».

Le 17 juillet 1999 marque le 10e anniversaire du décès de Dayal Kaur Khalsa. Elle est née dans le Queens, dans l’État de New York, le 17 avril 1943. Elle est décédée à Vancouver le 17 juillet 1989. Elle a vécu plus de vingt-cinq ans au Canada et, en remerciement à son pays d’adoption, elle a laissé l’ensemble de ses illustrations et de ses manuscrits à la Bibliothèque nationale du Canada.

Son adolescence, durant les années 1950 et 1960, a été marquée par Woodstock, les Panthères noires, la guerre du Viêt-nam et le mouvement des droits civils. Elle était militante et ses parents ne savaient pas trop comment comprendre leur fille rebelle. Le fait que plus tard elle ait joint un ashram (monastère) sikh et qu’elle ait changé son nom, qui était alors Marcia Schonfeld, est assez peu courant pour une fille juive, de classe moyenne, élevée dans la banlieue de New York.


Tiré de Cowboy Dreams (Montréal : Tundra Books, 1990).

Sa bataille contre le cancer lui a permis de reprendre contact avec l’univers de son enfance, où sa relation avec sa grand-mère Shapiro l’avait profondément marquée. La mort de sa grand-mère, décédée d’un cancer du sein en 1953, l’a bouleversée et elle mentionne dans le texte qui accompagne la dernière illustration de son premier livre, Tales of a Gambling Grandma: « Alors, j’ai ouvert son placard et j’y suis entrée. J’ai refermé la porte derrière moi et j’ai étreint et respiré l’odeur des robes amples de ma grand-mère [adaptation] ». C’est à travers la magie des histoires de sa grand-mère - sa fuite spectaculaire vers l’Amérique, ses tentatives pour trouver un mari, ses deux règles de survie, son habileté au poker - que Khalsa va naître à l’imaginaire. C’est ainsi qu’elle va tisser des liens très privilégiés de tendresse et de complicité qui se transposeront dans son oeuvre.

D’autres personnes ont aussi marqué sa vie. On retrouve, dans son deuxième ouvrage, I Want a Dog, le personnage de la petite fille, mais celle-ci a désormais un nom, May, en l’honneur de May Cutler, éditrice de Khalsa à la maison d’édition Livres Toundra. Et Julian, le chien qu’elle a tant désiré, étant enfant, et qu’elle n’aura qu’à l’âge adulte, deviendra le titre de son avant-dernier album.

Son adolescence a été difficile. Les relations avec sa famille, en particulier avec sa mère, ont été mouvementées. L’alcool, les drogues et les séjours au Mexique et en Californie ont eu des effets assez perturbateurs chez Khalsa. C’est à Millbrook (Ontario), en 1974, qu’elle fera la rencontre d’amis qui auront une influence décisive sur elle. Elle entrera un peu plus tard dans un ashram où le développement de sa vie spirituelle, la discipline et la vie de famille, qui lui avait tant manquée depuis la perte de sa grand-mère, lui permettront d’atteindre l’équilibre et la sérénité qui accompagneront sa démarche d’auteure-illustratrice pour enfants. Entre 1986 et 1989, elle écrira et illustrera neuf livres. C’est par l’entremise de ces livres que nous ferons connaissance avec sa famille, lors d’un mémorable premier voyage en Floride. My Family Vacation relate l’excitation des préparatifs, le changement de température, les motels colorés, les piscines bleutées et les petits parasols en papier des cocktails de restaurants.

Selon les amis intimes de Dayal, son album le plus achevé est sans doute Cowboy Dreams, publié à titre posthume en 1990. Barbara Yoffee nous rappelle dans sa présentation, lors du seminaire de SAVOIR FAIRE, que ceci est sans doute non seulement dû au dessin et au détail minutieux des illustrations mais aussi à l’effort presque surhumain de l’auteure pour terminer cette oeuvre au moment où la maladie avait pris le dessus (sa mère et sa grand-mère, ont été emportées par un cancer). Des détails symboliques se retrouvent dans les illustrations de ce livre et, dans la dernière illustration, on voit May sur son cheval de bois suivre le cow-boy qui la guide par-delà l’image.

Avec persévérance, Barbara Yoffee a rassemblé des anecdotes, des lettres, des photographies ainsi que des copies de dessins laissés ça et là auprès d’amis. Elle a fouillé à plusieurs reprises le fonds Khalsa à la Bibliothèque nationale. Lors de son exposé, Mme Yoffee a peint un tableau qui nous a fait saisir la nature complexe d’une artiste dont les illustrations témoignent d’une fraîcheur, d’une vivacité et d’un imaginaire puissants : l’intelligence brillante combinée au tumulte intérieur de la première jeunesse, la loyauté envers les amis et la réconciliation avec soi-même qui a permis l’acceptation paisible de la mort. Peu d’auteurs et d’illustrateurs ont réussi à créer une oeuvre aussi riche et lumineuse en si peu de temps.

Pour de plus amples renseignements sur le fonds Khalsa, visitez le Service de littérature de jeunesse sur le site de la Bibliothèque nationale du Canada à l’adresse <http://www.nlc-bnc.ca/services/fclsc.htm>.


Droit d'auteur. La Bibliothèque nationale du Canada. (Révisé : 2000-2-2).