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Bulletin de la CCA 13/10

 

13 mai 2010

 

Vers une stratégie numérique nationale?

 

Les faits en résumé

Le gouvernement fédéral lançait cette semaine une consultation nationale, visant au développement d’une stratégie sur l’économie numérique. L’annonce de cette consultation a été faite conjointement par les Ministres Clement (Industrie), Moore (Patrinmoine) et Finley (Ressources humaines et Développement des compétences ) au cours de la Conférence Canada 3.0.

Le communiqué cite le ministre Moore sur l’importance de cette consultation : « Notre gouvernement met tout en œuvre pour que les créateurs, les inventeurs et les entrepreneurs aient envie d’innover, la possibilité de prendre des risques et les outils nécessaires à leur réussite. Nous reconnaissons le rôle de premier plan du secteur des médias et du contenu numériques dans l’économie numérique et nous avons l’intention d’établir un plan à long terme qui résistera à l’épreuve du temps. »

Tous les Canadiens sont invités à présenter leur point de vue soit via le site web ou en faisant parvenir un mémoire au gouvernement avant le 9 juillet prochain

Il y a quelques semaines, le Comité permanent du Patrimoine a amorcé sa propre réflexion sur le Médias numériques et émergents. La CCA comparaissait aujourd’hui pour présenter une perspective culturelle et sociale globale sur la stratégie numérique dont les Canadiens ont un urgent besoin.

La CCA se réjouit du fait que le débat n’est plus uniquement centré sur la construction d’infrastructures mais tient également compte des conditions nécessaires à la présence de la culture canadienne dans l’univers numérique. L’avenir de notre culture et de nos artistes et la cohésion de notre société dépendront du type de législation et de politique que nous adopterons pour recalibrer les facteurs technologiques qui ont changé notre univers. Une loi du droit d’auteur désuète et une politique risquée concernant la propriété étrangère de nos industries culturelles dominantes pourraient mettre en danger nos “produits et services” culturels et en faire avorter le développement alors que le monde est à notre portée. Toute stratégie nationale doit donc inclure des outils et des plans d’action faisant en sorte que les Canadiens profitent au maximum des nouveaux médias et voient leur droit à leur propre culture respecté. C’est la raison pour laquelle la CCA insiste pour que le débat se déroule non seulement  en termes de développement d’une « Stratégie sur l’économie numérique du Canada » mais plutôt dans le cadre d’une réflexion qui couvre également les aspects sociaux et culturels de cette question nationale de première importance.

La présentation de la CCA identifie plusieurs aspects de l’impact du numérique sur la culture nationale. Parmi les questions de première importance se trouvent évidemment le besoin d’une approche globale qui couvre la formation, la propriété intellectuelle, l’appui au développement d’expressions culturelles canadiennes, le contrôle de nos infrastructures, industries et politiques culturelles. Il est également important de donner l’occasion à tous les Canadiens, non seulement d’avoir accès à des infrastructures hyper performantes, mais également de les former à se servir des nouvelles technologies pour donner une voix à leurs propres communautés. C’est entre autres la raison pour laquelle la CCA appuie la création de centre multi-médias à travers le pays sur le modèle présenté récemment au CRTC par la Canadian Association of Community Television Users and Stations (CACTUS).

Pour en savoir davantage

La consultation menée par le Comité du Patrimoine a vu défiler plusieurs acteurs de la scène artistique et culturelle canadienne. Ainsi, dans sa présentation du 29 avril, le Commissaire de l’Office national du film, Tom Perlmutter, a parlé avec éloquence et clarté des divers obstacles au succès  des industries culturelles numériques canadiennes. Il a réaffirmé l’urgence pour le Canada d’adopter une stratégie nationale capable d’exploiter la puissance de l’univers numérique, déclarant entre autres :                                                                                                         

« Le Canada est à peu près le seul pays au monde dont les citoyens fréquentent presque exclusivement des sites web non canadiens, en fait provenant des USA. On ne trouve aucune compagnie sous propriété et contrôle de Canadiens dans les 10 sites les plus fréquentés. Cela peut avoir changé tout récemment à cause du site en ligne de CTV, mais encore cela concerne-t-il essentiellement de la programmation américaine. La situation est complètement à l’opposé au Royaume-Uni, en Austratlie, en France, en Italie et dans plusieurs autres pays. Un des leaders du secteur numérique privé au pays a comparé  les Canadiens à des bûcherons et des porteurs d’eau dans l’univers numérique. Nous courons le danger de reproduire dans le nouveau contexte la situation qui existe déjà dans notre système de radiodiffusion où des sommes considérables d’argent fuient vers le sud pour acheter des émissions étrangères et où le contenu canadien est le parent pauvre de la famille. » (trad. libre)

Comme d’autres, M. Perlmutter a soulevé un nombre de faits qu’il importe de reconnaître dans le développement d’une stratégie nationale. Évidemment, l’abandon progressif par les auditoires de la télévision au profit d’autres plateformes de distribution que sont l’Internet et le sans fil est une réalité fondamentale du nouvel environnement. Il s’ensuit que la propriété intellectuelle et la production de contenu canadien sont de moins en moins protégées de la concurrence internationale.

Maureen Parker, directrice de la Writers Guild of Canada, déclarait pour sa part :

« …Une stratégie numérique nationale doit en premier lieu assurer qu’il y a suffisamment d’investissement dans la création professionelle d’émissions numériques de divertissement. Elle doit ensuite assurer le maintien d’entreprises sous propriété et contrôle canadien pour favoriser le contenu canadie, avec toutes les measures incitatives necessaries. Enfin, il faut amender la Loi sur la radiodiffusion et avoir des modalités commerciales assurant que les créateurs de contenu aient un revenu équitable pour leur travail. »

Selon certains témoins, il est clair qu’un des changements majeurs qui doit avoir lieu concerne le besoin d’investir dans l’économie numérique non seulement en termes d’infrastructures mais en termes de développement de contenu. Les entreprises créatives doivent pouvoir développer leurs nouveaux modèles d’affaires par le biais d’un changement fondamental du cadre de référence et non en étant obligées de se conformer aux règles existantes. Ainsi Jeff Anders, pdg fondateur de The Mark News, a décrit de la façon suivante les problèmes que confronte sa compagnie :

The Mark, par exemple, a passé au peigne fin au moins 70 programmes de subvention pour se rendre compte qu’elle est éligible à très peu d’entre eux. Si nous étions une entreprise à but non lucratif, si nous avions besoin de faire d’importants investissements en immobilisation, ou si nous imprimions notre contenu sur du papier, nous pourrions avoir accès à toute une série de subventions ou de prêts. Mais ce n’est pas le genre d’entreprise que nous sommes. Il y a un manque de cohérence flagrant entre les objectifs du Canada, soit l’urgent besoin d’investir dans tout ce qui se rapporte au numérique, et les mesures incitatives destinées aux entreprises novatrices comme The Mark. Nous n’avons pas besoin d’équipement, nous avons besoin d’aide à l’exploitation, un accès à des fonds qui nous permettent de continuer d’opérer pendant que nous expérimentons (et parfois faillissons) dans notre recherche de modèles d’affaires durables. Nous avons besoin d’appui pour que le numérique fonctionne, pas d’encouragement à regarder en arrière sur un modèle basé sur le papier. Nous avons besoin de passer d’un régime protectionniste à un régime d’encouragement et de propulsion en avant. »

D’autres pays ont déjà développé une stratégie numérique nationale découlant d’une consultation élargie et d’une planification systématique. Ainsi Digital Britain présente une approche nationale à la création de contenu et de portails qui permettent aux citoyens britanniques de s’impliquer dans les nouveaux médias. Le Canada arrivera-t-il à faire de même avant qu’il soit trop tard?

Que puis-je faire?

Assurez-vous que le gouvernement, et particulièrement les trois ministres directement intéressés au débat (James Moore, Tony Clement et Diane Finley) sont sensibilisés au point de vue des artistes et des créateurs et qu’ils comprennent bien ce dont nous avons besoin pour assurer que les Canadiens ont accès à leur propre culture dans le nouvel environnement numérique. Participez au Forum d’idées, ou encore faites parvenir une soumission formelle d’ici le 9 juillet prochain. Auparavant, vous pouvez vous familiariser avec les enjeux en lisant le document de consultation. Ne manquez pas une occasion de sensibiliser votre député(e).

Vous pouvez également aider la CCA à préparer son mémoire en partageant vos idées avec jessica.litwin@ccarts.ca.