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Conférence canadienne des arts

Un investissement dans la culture canadienne

Il y a un peu plus d'un an, le gouvernement fédéral a annoncé un investissement d'envergure dans la culture canadienne: plus de 500 millions d'argent frais, sur trois ans, devaient « assurer la croissance et le développement de la culture canadienne ». La communauté artistique et culturelle a accueilli avec joie cette nouvelle, après de longues années de compressions budgétaires à répétition.

Les dépenses fédérales en culture ont chuté au cours de la dernière décennie 1 . Bien que l'injection annoncée puisse donner l'impression de les renflouer jusqu'à un niveau comparable à celui du début des années 90, elles demeurent en réalité bien inférieures lorsqu'on les convertit en dollars constants, soit un étalon plus exact qui élimine les facteurs inflationnistes. En outre, si l'on tient compte de l'accroissement démographique, le montant par habitant diminue. Tous ces facteurs révèlent que le gouvernement fédéral est toujours en deçà de ses objectifs culturels.

La première année du financement annoncé venant de s'achever, il est temps de faire le point. Ce document examine les programmes annoncés, leurs lignes directrices et d'autres éléments pertinents. Il est le fruit de discussions avec les membres des divers secteurs qui ont bénéficié des nouveaux fonds et d'entretiens avec des hauts fonctionnaires. Nous y reprenons, dans l'ordre, les catégories annoncées par le gouvernement: essor et diversité de la création, patrimoine architectural, entreprises culturelles, contenu canadien en ligne, Routes commerciales et Équipe Canada. En regardant de plus près, on s'aperçoit que ces catégories correspondent aux programmes ministériels plutôt qu'aux objectifs. Cela suggère que les nouvelles initiatives ont été lancées pour répondre aux impératifs des programmes plutôt que conformément à une politique précise. L'absence d'une politique culturelle générale, fruit d'une vision lucide et assortie de principes directeurs clairs et nets, signifie que ces projets représentent les éléments de casse-têtes distincts, disparates du point de vue de la politique ministérielle. Il est donc à craindre que les effets de ces mesures ne soient circonscrits par les limites des programmes.

Le communiqué de presse du 2 mai 2001 annonçait que « cette contribution s'inscrit dans la volonté du gouvernement du Canada de viser l'excellence dans tous les aspects du processus créatif, d'encourager la diversité du contenu canadien et de favoriser l'accès aux arts et au patrimoine pour tous les Canadiens et les Canadiennes, en tenant compte de notre dualité linguistique, du caractère unique et distinct de la culture québécoise et de l'apport inestimable des cultures des Premières Nations ». Toutefois, il n'explique pas comment ces objectifs se concrétiseront par des initiatives financées par les nouveaux fonds. Le gouvernement fédéral considère cette injection comme un «investissement», mais contrairement à la définition traditionnelle, celui-là n'est pas assorti de buts et paramètres précis, qui permettraient d'évaluer ses effets. Par conséquent, les véritables répercussions sur le secteur seront très difficiles à évaluer. En outre, il faudrait que le gouvernement dispose d'une vision dont la clarté et la fermeté se refléteraient dans une stratégie qui guiderait son engagement envers les arts et la culture et permettrait à tous les ministères, agences et organismes de redistribution d'oeuver ensemble vers un but commun. À l'heure actuelle, les objectifs sont encore flous et la structure des programmes financés n'a pas été précisée. Comment nous assurer que les fonds gouvernementaux remplissent bien la fonction qu'on leur a attribuée? Dans l'ignorance des objectifs, il est difficile de mesurer l'impact des programmes. Ce document est essentiellement une évaluation de la manière dont les programmes sont mis en oeuvre.

Beaucoup de membres du secteur culturel s'inquiètent notamment de constater qu'un trop gros pourcentage de l'investissement est consacré à équiper les rouages bureaucratiques des ressources nécessaires - en particulier du nouveau personnel - pour mettre en oeuvre et administrer les nouveaux programmes et l'expansion des programmes existants, au lieu d'être directement consacré aux artistes, diffuseurs et auditoires. Ces inquiétudes ne sont pas entièrement dépourvues de fondement. Bien que nous ignorions l'augmentation exacte des effectifs du MPC, les dépenses d'exploitation de la branche d'activité Développement culturel et Patrimoine 2 , d'après le budget principal 2002-2003, révèlent une augmentation de 67,5 %, soit de 52,4 millions de $ en 2001-2002 à 87,7 millions 3 . L'annonce du programme des Capitales culturelles du Canada nous renseigne sur la portion consacrée aux rouages internes. En effet, chargé de financer « des activités spéciales qui mettent à profit les nombreux avantages que procurent les activités artistiques et culturelles à la vie des collectivités », le programme dispose d'un budget de 5 millions sur deux ans, dont 4 millions seront offerts aux cinq municipalités lauréates (ou regroupements de municipalités). Il semble donc que le solde, soit 1 million (20 %) sera utilisé pour administrer le programme.

On s'inquiète également de la décision du ministère de garder en main les cordons de la bourse, au lieu de se contenter de débloquer les fonds sans conditions. Bien que les agences sans lien de dépendance, telles que le Conseil des Arts du Canada, Téléfilm, la SRC et les organismes culturels sans but lucratif tels que FACTOR/Musicaction, qui gèrent les programmes pour le compte du ministère, aient bénéficié d'une augmentation de leurs crédits ou aient été chargés d'administrer de nouveaux programmes, il n'en demeure pas moins que le ministère du Patrimoine canadien s'est taillé la part du lion. Cela signifie que les nouveaux fonds risquent plus facilement d'être réorientés vers des priorités gouvernementales plus vastes ou vers des intérêts partisans. Il serait également envisageable que les organismes aient à respecter des exigences de plus en plus contraignantes en matière de reddition de comptes, compte tenu de l'évolution du climat politique.

Dans l'ensemble, le déblocage des nouveaux fonds a été lent, en partie à cause du temps consacré à la mise en oeuvre des politique d'évaluation du rendement et d'administration des subventions des nouveaux programmes. Dans certains cas, il a fallu plusieurs mois pour recevoir l'aval du Conseil du Trésor, ce qui a retardé l'annonce et la mise en place des programmes. Ajoutons à cela l'embauche de nouveaux employés, dans les bureaux régionaux et nationaux. On a suggéré que l'annonce de l'injection des 500 millions avait eu lieu plus tôt que prévu, bien avant que le gouvernement ait été en mesure de mettre les programmes sur pied. La plupart des nouveaux programmes ont été annoncés vers la fin de la première année, ce qui a obligé beaucoup d'organismes à se démener pour rédiger leur demande de subvention dans un délai très serré.

A. Essor et diversité de la création

Cette tranche est destinée à:

... encourager l'essor et la diversité de la création au pays, notamment chez les jeunes qui sont appelés à projeter nos traditions vers l'avenir, et favoriser l'accès aux arts et au patrimoine pour tous les Canadiens et les Canadiennes.

À l'exception des fonds versés au Conseil des Arts du Canada, tous les programmes mentionnés dans cette section sont administrés par le secteur des Politiques des arts, au ministère du Patrimoine canadien.

1. Le Conseil des Arts du Canada (75 millions sur trois ans)

Le 18 décembre 2001, le Conseil des Arts du Canada, agence nationale de financement des arts, a annoncé qu'une somme de 75 millions serait répartie équitablement sur trois ans, « pour encourager l'excellence et la diversité ».

Le gros des nouveaux fonds est venu alimenter la structure opérationnelle du Conseil des Arts, en étendant les programmes existants tels que les subventions aux artistes et les initiatives fructueuses telles que le programme des Brigades volantes en théâtre et danse, qui aide les organismes d'arts de la scène dans les domaines de l'administration et du développement des moyens d'action. Une petite partie de l'argent sera utilisée à l'interne, notamment pour renforcer les liens du Conseil avec la communauté des artistes autochtones, par l'embauche d'agents responsables des arts autochtones dans chaque discipline du Conseil. Les postes ont été affichés et sont aujourd'hui comblés.

Dans le cadre de l'augmentation des crédits du Conseil, la Commission du droit de prêt public, qui, sous l'égide administrative du Conseil, indemnise les écrivains, traducteurs et illustrateurs canadiens de l'usage de leurs oeuvres admissibles dans les bibliothèques de partout au pays, a reçu 1 million de $ supplémentaire par an. En 2001-2002, tous les fonds supplémentaires ont été reversés aux créateurs inscrits.

2. Programme national de formation dans le secteur des arts (13 millions sur trois ans)

Ce programme vient en aide aux établissements canadiens et indépendants sans but lucratif, qui se spécialisent dans la préparation de jeunes Canadiens à des carrières d'artistes professionnels. Il a été lancé en 1997 et est géré par les bureaux régionaux du Patrimoine canadien.

Selon le ministère, les nouveaux fonds apporteraient un appui à de nouveaux établissements, afin d'assurer une formation aux artistes débutants et financer des domaines artistiques nouveaux, tels que les arts autochtones et les traditions ethnoculturelles. Jusque-là, le programme avait tendance à subventionner les établissements qui assurent une formation en arts de tradition européenne de l'Ouest. Ces nouveaux fonds, grâce à la refonte des critères d'admissibilité, contribueront à inclure des établissements qui offrent une formation différente. En particulier, le programme n'exige plus que les écoles aient un rayonnement national, étant donné que c'est rarement le cas de celles qui forment dans les domaines des arts autochtones et autres traditions culturelles non européennes. C'est pourquoi, alors que seulement 18 établissements ont reçu des fonds aux termes du programme en 2001-2002, beaucoup d'autres en recevront vraisemblablement à l'avenir.

Le gouvernement a annoncé une première série de subventions. Étant donné qu'elles ont été consacrées à répondre aux candidatures déposées avant le 31 juin 2001, elles ont été principalement orientées vers les établissements qui bénéficiaient déjà du programme. Une échéance spéciale a été fixée au 15 avril 2002 pour les établissement désormais admissibles. Bien que les lignes directrices du programme et les formulaires de candidature n'aient été confectionnés qu'un mois avant l'échéance, la plupart des organismes susceptibles de déposer une demande avaient été avisés de l'expansion du programme à l'automne 2001 et, donc, avaient eu le temps de se préparer.

Le programme national de formation dans le secteur des arts, version revue et corrigée, entrera en vigueur pendant la deuxième année du nouveau financement. Le Conseil du Trésor a déjà ratifié sa prorogation au-delà de l'exercice de 2004.

3. Espaces culturels Canada (infrastructure culturelle) - (80 millions sur trois ans)

Il s'agit ici d'un nouveau programme du Patrimoine canadien, officiellement inauguré le 29 juin 2001. Il a pour objet de contribuer à la réfection et à la modernisation des institutions du patrimoine, en subventionnant la construction, la rénovation ou la conversion d'installations, l'achat de matériel spécialisé ou la réalisation d'études de faisabilité. Les candidatures sont évaluées et les fonds attribués à l'échelle régionale. Elles sont classées selon la manière dont elles répondent aux objectifs précis du programme. Un comité national d'examen évalue ensuite les projets à partir d'un certain nombre de critères dont les besoins des communautés mal desservies et des groupes cibles tels que les jeunes, les communautés de langues officielles en milieu minoritaire, les communautés autochtones et de cultures diverses.

Une première série de débours a eu lieu en février et mars 2002; près de 23 millions ont été ainsi versés aux organismes artistiques et patrimoniaux de partout au Canada (une partie de ce montant revêt la forme de financement pluriannuel). Bien que l'Ontario et le Québec se soient taillé la part du lion - près de 13 millions -, certains critiques estiment que cela ne suffit pas. Le programme a reçu trop de demandes dès le départ, étant donné qu'il y avait longtemps que le besoin s'en faisait sentir, notamment dans le centre du pays et, surtout, dans le Toronto métropolitain. Le secteur craint que les fonds ne soient épuisés avant la fin de la deuxième année, ce qui ne laisserait pas grand-chose pour la troisième. En outre, bien qu'il ne s'agisse pas d'un critère officiel, il semblerait que les institutions dont les activités ont une portée nationale soient jugées plus favorablement que les autres.

En mai 2002, le Premier ministre Jean Chrétien et son homologue ontarien, Ernie Eves, ont annoncé un investissement de 232 millions pour améliorer et moderniser sept installations culturelles dans la région du Toronto métropolitain. La portion fédérale est de 113,5 millions et assurée par le programme Infrastructure Canada-Ontario d'Industrie Canada, annoncé dans le budget fédéral de février 2000.

4. Programme de consolidation des arts et du patrimoine canadiens (63 millions sur trois ans)

C'est un tout nouveau programme administré par le Patrimoine canadien, lancé le 22 janvier 2002, dans le but d'améliorer la gestion des organismes artistiques et de les aider à accroître leur stabilité financière.

Le programme possède trois volets:

Projets de stabilisation: ils appuient la mise en oeuvre de projets (méthodes saines, planification stratégique, efficacité organisationnelle, etc.) dans une région précise (ville ou région). John Hobday, directeur général de la Fondation de la famille Samuel et Saidye Bronfman, oeuvre pour stimuler la création de fonds de stabilisation dans tout le Canada depuis la fin des années 80. Des projets étaient déjà en route à Vancouver, en Alberta, au Manitoba, à Hamilton et à Halifax lorsque le nouveau programme a été annoncé. Étant donné qu'il s'agit d'une tâche de longue haleine, il faudra un certain temps pour que d'autres projets de stabilisation soient annoncés, mais le travail semble se poursuivre sans anicroche.

Développement des compétences: Développement des compétences: ce volet permet aux organismes qui ont une mission nationale, mais qui ne sont pas admissibles au financement des projets de stabilisation, d'améliorer leur infrastructure administrative, organisationnelle et financière. Après un début plutôt lent, l'intérêt s'est accru et la demande a rapidement augmenté. Le programme, administré par les bureaux régionaux du MPC, semble être bien compris des organismes candidats. On s'inquiète toutefois que l'une des exigences - l'obtention d'un financement de contrepartie auprès du secteur privé - ne soit trop restrictive et ne profite qu'aux organismes bien établis, qui entretiennent déjà des liens avec les donateurs privés. Pour le moment, seuls les organismes culturels (y compris les organismes nationaux de service aux arts) sont admissibles (contrairement aux institutions patrimoniales, aux festivals et aux établissements de formation). La première échéance de remise des candidatures était fixée au 15 avril 2002; l'argent devrait être versé dans les six mois. Ce délai est aussi une source d'insatisfaction.

Incitatifs aux fonds de dotation: ce volet vise à encourager les dons du secteur privé (y compris les dons des particuliers) aux organismes professionnels, en fournissant un montant de contrepartie identique, afin de créer des fonds de dotation ou pour alimenter les fonds existants. La demande a été très enthousiaste, beaucoup plus que prévu, en dépit d'une échéance rapprochée (le projet a été annoncé en janvier 2002 et l'échéance fixée au 15 février). Étant donné que les organismes doivent disposer des fonds de contrepartie au moment où ils soumettent leur candidature, l'effet stimulant des fonds fédéraux ne se fera sentir qu'en 2002-2003, lorsque les organismes pourront avancer la probabilité d'une subvention fédérale supplémentaire pour attirer les dons privés. Les demandes émanent non seulement de gros organismes bien établis, qui possèdent déjà leurs fonds de dotation, mais encore de «collègues» plus petits, qui utilisent des fondations communautaires existantes.

5. Présentation des arts Canada (57 millions sur trois ans)

Présentation des arts Canada est un nouveau programme, officiellement inauguré en juillet 2001, pour appuyer les festivals d'arts de la scène et autres séries de spectacles présentés par des diffuseurs. Il est administré par le Patrimoine canadien, par l'intermédiaire des ses bureaux régionaux et finira par remplacer (en 2003-2004) le Programme des initiatives culturelles (PIC) / Festivals et événements spéciaux, qui fournit une aide financière aux festivals depuis une quinzaine d'années. Présentation des arts Canada a une portée plus générale que le PIC, car les critères d'admissibilité ont été assouplis pour inclure des organismes dont la candidatures n'avait pas été retenue jusqu'ici.

Le programme se divise en trois volets: soutien aux projets, soutien à la programmation, soutien au développement. Ce dernier volet vise les organismes communautaires qui ne travaillent habituellement pas dans le domaine du spectacle.

La première série de subventions a été annoncée en février et mars 2002. Le secteur a vivement apprécié la création du programme et, comme cela s'est produit dans les autres cas, les enveloppes régionales du Québec et de l'Ontario n'ont pas tardé à se vider, dès la première année. On s'est inquiété, au départ, de la lenteur avec laquelle les bénéficiaires étaient annoncés, mais ces inquiétudes se sont révélées sans fondement et le programme semble se poursuivre sans heurt.

6. Capitales culturelles du Canada - Programme de prix (5 millions sur deux ans, soit 2002-2003et 2003-2004)

Annoncé le 31 mai 2002, ce programme est le dernier-né d'Un avenir en art. S'inspirant du modèle des Villes européennes de la culture, il doit reconnaître

... les réalisations antérieures des municipalités qui démontrent un engagement continu aux arts et à la culture. Les fonds en contrepartie offerts dans le cadre des prix permettent de financer des activités spéciales qui célèbrent les arts et la culture ainsi que des activités visant à constituer un legs en faisant en sorte que les questions d'art et de culture soient intégrées à la planification municipale.

Il ya des années que la Conférence canadienne des arts recommande la création d'un programme de ce genre.

Deux millions de dollars seront décernés à cinq municipalités ou regroupements de municipalités, ce qui laissera 500 000 $ pour absorber les frais d'administration et de soutien, soit une somme élevée, compte tenu du budget du programme et du nombre limité des bénéficiaires.

L'évaluation prendra de 4 à 6 mois, en deux étapes: tout d'abord, un premier écrémage sera effectué par le MPC; ensuite un comité indépendant, constitué de sept personnes de divers domaines d'activité artistique et municipale, procédera à une deuxième sélection. La longueur de ce mécanisme inquiète le secteur.

B. Initiative de conservation des endroits historiques (24 millions sur trois ans)

Cette partie du fonds est destinée à « donner aux Canadiens les moyens de protéger leur patrimoine architectural ». C'est un nouveau programme, qui sera géré par un service de création récente, la Division des endroits historiques.

Il y a longtemps que le secteur du patrimoine architectural recommande la mise en place de ce programme. Voilà des années que des organismes, dont Héritage Canada, le réclament. Les fonds financeront la première étape, qui consiste à conserver et restaurer le patrimoine architectural au moyen d'incitatifs fiscaux et autres mesures, telles qu'un traitement fiscal préférentiel des frais de restauration des édifices classés, par exemple suppression de l'impôt sur les gains en capital pour don de propriété classée (comme c'est le cas des dons de biens culturels meubles ou de terrains situés dans des milieux écologiques sensibles). Mais avant que ces mesures puissent être appliquées, il faut mettre en place plusieurs éléments, notamment un registre national des édifices classés admissibles, des normes de définition d'une activité légitime de restauration, et doter le ministère d'une fonction d'accréditation. Les institutions ne commenceront à recevoir de l'argent qu'une fois cette première phase achevée.

C. Culture canadienne en ligne (108 millions sur trois ans)

Cette importante portion du fonds est destinée à

" ... accroître la production de contenu canadien sur Internet, qui est rapidement en voie de devenir le moyen de communication le plus populaire parmi les jeunes Canadiens, et promouvoir le développpement de l'industrie des nouveaux médias. "

En raison de l'envergure du fonds et de l'absence de détails, l'annonce du projet a d'abord été accueillie par une certaine perplexité. La Culture canadienne en ligne s'inscrit dans la volonté de «relier les Canadiens les uns aux autres», émise par le gouvernement fédéral. En outre, il s'agit d'étendre des programmes existants, qui visent à faciliter la numérisation des collections culturelles du Canada. Ces travaux de numérisation ont débuté en 1998, avec le Fonds multimédia de Téléfilm, par la suite refondu, rebaptisé le Fonds des nouveaux médias du Canada en décembre 2001 et doté d'un budget de 9 millions par an (soit 6 millions de plus que précédemment). La première phase de la Culture canadienne en ligne s'est ouverte en juin 2000, avec un budget de 75 millions sur trois ans, pour être étoffé en mai 2001 par un budget de 108 millions sur trois ans (ce qui inclut les trois millions supplémentaires consacrés au Fonds des nouveaux médias du Canada, administré par Téléfilm Canada).

La Culture canadienne en ligne réunit tout un éventail de programmes et partenaires, dont Téléfilm, le Réseau canadien d'information sur le patrimoine (RCIP), Industrie Canada, CANARIE ainsi que des tiers. Chacun a un rôle à jouer dans le développement, la promotion et la distribution du contenu culturel canadien sur Internet.

Il s'agit donc d'un projet nouveau, vaste et ambitieux. Bien que la première année ait été surtout consacrée à renforcer la charpente et installer les diverses composantes, plusieurs programmes ont été créés. Trois nouveaux fonds ont été lancés, d'autres verront le jour en 2002, notamment un portail vers la culture canadienne, destiné à faciliter l'accès en ligne à la pléthore de ressources culturelles canadiennes (l'ancien portail, CultureNet, n'existe plus).

•  Le Fonds des partenariats encourage la collaboration entre organismes et institutions privés, publics et sans but lucratif pour numériser les collections détenues par les organismes culturels provinciaux, municipaux et locaux. Jusqu'à présent, 21 projets ont été agréés. Par exemple, la Bibliothèque publique de Toronto, a reçu des fonds pour créer le Canadian Theatre Record (CTR), soit une bibliothèque de référence entièrement virtuelle. Ce sera la première collection centralisée de document originaux fournis par des compagnies théâtrales d'expression anglaise et française; elles comportera des images numériques de programmes, affiches, photos, costumes et décors.

•  Le Fonds du droit d'auteur électronique financera la création et la mise en place d'un système en ligne d'octroi des autorisations. Jusqu'à présent, trois organismes ont reçu des subventions, d'un total de 1,8 millions.

•  Le Fonds Mémoire canadienne est à la disposition des institutions fédérales détentrices d'importantes collections qui appartiennent au patrimoine culturel canadien. À ce jour, 9 ont reçu des subventions, d'un total de 14,5 millions.

Le 19 mars 2002, le gouvernement a annoncé la formation d'un conseil consultatif national, composé de membres du secteur privé, qui se réunira deux fois l'an. Il est chargé de guider le programme, dégager les priorités et fixer des redevances pour faciliter la création et l'utilisation du contenu. Le conseil est présidé par le sénateur Laurier L. Lapierre, ancien président de Téléfilm Canada.

Le secteur des arts visuels craint toutefois que le financement en ligne ne soit dépourvu de lignes directrices suffisamment strictes pour garantir que les artistes sont correctement rémunérés par les institutions qui exposent leurs oeuvres sur Internet. Tous les projets subventionnés par le Conseil des Arts du Canada, par l'intermédiaire de sa section des Arts visuels, doivent verser les droits d'auteur appropriés aux artistes participants, notamment les droits d'exposition, les droits de diffusion publique et les droits de reproduction. En outre, au Québec, le gouvernement provincial a annoncé, cet automne, que les artistes admissibles seraient rémunérés lorsque leurs oeuvres apparaîtraient sur un site appelé «Artimage», soit une collaboration du Musée des beaux-arts de Montréal, du Musée d'art contemporain et du Musée du Québec, et en partie financé par le gouvernement du Québec. Le gouvernement fédéral, grâce à la Culture en ligne, pourrait ouvrir la voie en s'assurant que les organismes, notamment ceux qui reçoivent des fonds fédéraux, indemnisent correctement les auteurs et artistes dont ils exposent les oeuvres sur la scène numérique.

D. Entreprises culturelles

Cette tranche vise à

" ... garantir que nos entreprises culturelles, notamment les secteur de l'édition et de l'enregistrement sonore, sont en mesure de prospérer dans la nouvelle économie numérique et de mettre en valeur une voix canadienne, forte et originale. "

Ces fonds seront essentiellement consacrés aux programmes de l'édition et de la musique, tous deux administrés par le Patrimoine canadien.

1. Programme de développement de l'industrie de l'édition (28 millions sur trois ans)

En mai 2001, le gouvernement fédéral a annoncé qu'il investirait « 28 millions de dollars supplémentaires dans ce secteur au cours des trois prochaines années afin d'encourager l'utilisation de nouvelles technologies, le perfectionnement professionnel des auteurs ainsi que la mise en marché et la promotion de leurs ouvres .» Peu après, le 1er juin 2001, il a fourni les détails de son plan: par voie du Programme de développement de l'industrie de l'édition, déjà en vigueur, des fonds seraient consacrés aux volets «Aide aux éditeurs», «Aide à la distribution» et «Aide à l'industrie et aux associations». On a également financé les capacités de recherche du Patrimoine canadien dans le secteur de l'édition de livres.

Grâce au volet «Aide aux éditeurs», 9,5 millions seront utilisés pour « aider l'industrie de l'édition à relever les défis à court terme » présentés par l'évolution du milieu et des conditions du commerce. Le nouveau fonds représente une augmentation de 20 % (en moyenne) sur trois ans (4,5 millions cette année, 3 millions en 2002-2003, 2 millions en 2003-2004). La moitié des fonds est débloquée dès la première année pour aider les éditeurs à survivre au déséquilibre du marché, notamment dans le sillage de la fusion Chapters-Indigo.

Une deuxième tranche sera gérée par le volet « Aide à l'industrie et aux associations », soit 7,5 millions pour faciliter le marché et «promouvoir les auteurs établis et les nouveaux talents». Ces fonds seront distribués aux regroupements tels que les associations professionnelles qui représentent les écrivains, comme suit: 1,5 million en 2001-2002, 3 millions en 2002-2003, 3 millions en 2003-2004.

Le volet «Aide à la distribution» permettra de consacrer 8 millions sur trois ans à développer une « infrastructure informationnelle »: amélioration des communications électroniques et de la collecte des données aux points de vente, pour mieux gérer les stocks et enregistrer les ventes et la distribution. Il s'agit de questions que l'industrie elle-même considère comme prioritaires. La première étape consistera à confectionner des méthodes fiables de collecte des données bibliographiques et à développer les communications électroniques. Ce volet est encore à l'état embryonnaire.

La dernière tranche, soit 3 millions sur trois ans, sera utilisée pour rationaliser la collecte des données effectuée par Statistique Canada, le Conseil des Arts du Canada, les conseils des arts provinciaux et le Patrimoine canadien (MPC), tout en accroissant les capacités de recherche du MPC lui-même. Le ministère a retenu les services d'experts-conseil pour organiser des consultations dans tout le pays. Le secteur craint qu'une rationalisation trop stricte des données ne compromette les objectifs culturels de cette collecte.

Le MPC a formé des comités, composés à la fois de fonctionnaires et de membres du secteur de l'édition, afin que les programmes soient adaptés aux besoins de l'industrie. Beaucoup de nouvelles initiatives ont été mises en oeuvre grâce à la collaboration avec le secteur ou lancées en réponse aux recommandations d'un rapport déposé en juin 2000 par le Comité permanent du patrimoine canadien, Le défi du changement: étude de l'industrie canadienne du livre .

2. Fonds de la musique du Canada (28 millions sur trois ans) et Programme des entrepreneurs de la musique (23 millions sur trois ans)

  1. Le Fonds de la musique du Canada (FMC) est un nouveau programme, qui remplace et reflète le Programme de développement de l'enregistrement sonore (PDES). Grâce à ses huit volets, le FMC encouragera la composition musicale et parolière, la création de nouvelles oeuvres musicales, la musique spécialisée, le développement du marché, ainsi que l'esprit d'entreprise en enregistrement sonore et la préservation des collections musicales canadiennes. Il est supervisé par un comité formé de membres de l'industrie de l'enregistrement sonore (Canadian Independent Record Production Association (CIRPA), Société Radio-Canada (SRC), Songwriters Association of Canada (SAC), Société professionnelle des auteurs et compositeurs du Québec (SPACQ), FACTOR/Musicaction et Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)). Les fonds seront orientés dans plusieurs directions, chacune devant aboutir à un objectif précis. Le MPC administrera le Programme d'aide aux associations sectorielles nationales et le Programme d'initiatives collectives à l'infrastructure (ainsi que le volet de mise en oeuvre de la politique fédérale).

À l'origine, les fonds devaient être ventilés comme suit sur trois ans: 8 millions en 2001-2002, 10 millions en 2002-2003, 10 millions en 2003-2004. Mais l'annonce préliminaire ayant eu lieu avant que le Conseil du Trésor ait donné le feu vert aux différents programmes, on a craint que le financement de la première année ne soit compromis. Heureusement, grâce aux vives pressions exercées par les associations professionnelles de la musique, tout est rentré dans l'ordre.

Néanmoins, la première année a quelque peu déçu le secteur, car l'argent n'a été débloqué que très lentement et le personnel embauché par le MPC manquait d'expérience. La situation devrait s'améliorer au cours des deux années suivantes.

  1. Un nouveau projet, le Programme des entrepreneurs de la musique (PEM), a été annoncé le 26 octobre 2001. C'est le premier du genre qui ne repose pas sur le financement de projets ponctuels. L'argent sera consacré à l'infrastructure des compagnies musicales du Canada, notamment les étiquettes indépendantes. Il sera administré par Téléfilm Canada, que le ministère juge être le mieux outillé pour mener cette tâche à bien. Cependant, il s'agit d'un domaine entièrement nouveau pour Téléfilm, qui devra se doter des ressources nécessaires, en personnel notamment. L'agence vient seulement de publier les lignes directrices du PEM (31 mai 2002). Ce retard est dû en partie à la lenteur du mécanisme de ratification du Conseil du Trésor. Compte tenu de la courbe d'apprentissage qui sera requise, il faudra probablement attendre la fin de l'année pour que les fonds du deuxième exercice soient débloqués.

E. Routes commerciales et Équipe Canada (32 millions sur trois ans)

Ces fonds sont destinés à:

" ...encourager l'exportation de produits et services culturels, en partenariat avec le ministère des Affaires étrangères et du commerce international, et explorer de nouveaux marchés pour nos artistes. ."

Le programme des Routes commerciales a été annoncé en novembre 2001. On prévoit débourser 23 millions sur trois ans, pour offrir aux exportateurs de produits culturels canadiens une formation, des conseils et des études de marché. L'an dernier, un large part des efforts a été consacrée à définir les lignes directrices et les objectifs du programme, et à engager du personnel, tant au MPC que dans les autres ministères (5 nouveaux spécialistes du commerce des produits culturels dans les ambassades canadiennes, 6 nouveaux responsables du commerce des produits culturels dans les centres de commerce international d'Industrie Canada, un peu partout au pays).

Le programme est géré par le MPC, en association avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ainsi que plusieurs agences gouvermentales (dont le Conseil des Arts et Téléfilm Canada qui possèdent tous deux des compétences internationales). La collaboration et le partenariat devraient être les pierres angulaires de ce nouveau programme, car toutes les parties intéressées souhaitent ouvrir un guichet de service commun aux exportateurs de produits culturels.

Les subventions à l'intention des particuliers et entreprises seront limitées, car une large part des nouveaux fonds a été consacré au recrutement. Néanmoins, Routes commerciales donnera la priorité aux projets qui s'inscrivent dans une stratégie d'exportation de longue haleine, formulée par le Comité consultatif sur le commerce culturel, organe formé de représentants du secteur des arts et des entreprises culturelles. Des «plans d'action pour le développement des exportations», dans le cadre de la stratégie générale d'exportation, ont été formulés pour les diverses disciplines artistiques et culturelles. Ils décrivent les marchés potentiels d'exportation, les débouchés et obstacles pour chaque discipline, et permettront de confectionner le type de proposition susceptible d'être subventionnée par Routes commerciales. L'évaluation du programme reposera principalement sur les résultats. Il sera donc intéressant de voir quels types de propositions recevront des fonds, pour déterminer dans quelle mesure les impératifs du commerce - soit le chiffre de ventes et le bilan - sont compatibles avec ceux de la souveraineté culturelle, de la protection et de la diversité de la culture.

Le Conseil consultatif sur le commerce culturel s'efforce aussi d'étoffer le volet culturel du mandat d'Équipe Canada, qui a reçu 9 millions. Ces fonds ne s'adressent ni aux particuliers ni aux institutions, mais, comme l'a expliqué un représentant du MAECI, «il y a seulement dix ans, la culture ne figurait pas sur l'écran-radar du commerce... aujourd'hui elle en fait partie intégrante.» Les deux programmes, Routes commerciales et Équipe Canada, sont importants pour s'assurer que les arts et la culture ne sont plus en marge des impératifs commerciaux au sens large et bénéficient des services d'agents dévoués, qui répondront aux besoins propres aux exportateurs de produits culturels.

Conclusion

  • Il y a longtemps que ces fonds auraient dû être déboursés. Bien que le secteur des arts et de la culture, en général, ait accueilli très favorablement la nouvelle, n'oublions pas qu'après de nombreuses années de compressions répétées, il a désespérément besoin de cet argent. Les fonds sont considérés moins comme un investissement - pour reprendre le terme du gouvernement fédéral, que comme un «réinvestissement» dans les arts et la culture.
  • Dans l'ensemble, la mise en oeuvre a été lente, peut-être parce qu'il a d'abord fallu attendre le feu vert du Conseil du Trésor. En l'absence de cet aval, il est impossible d'engager du personnel, de formuler les programmes, de débloquer les fonds. Maintenant que la plupart des détails de dernière minute ont été réglés, les années 2 et 3 devraient se dérouler beaucoup plus harmonieusement. Mais c'est seulement au cours de la deuxième année que les effets de l'injection de fonds se feront vraiment sentir.
  • Le ministère du Patrimoine canadien est en train d'accroître ses effectifs. D'un côté, cela signifie qu'une tranche considérable des fonds demeure à l'interne au lieu d'être distribuée au secteur culturel. Mais d'un autre, cette tendance nous fait espérer que les programmes se poursuivront au-delà des trois ans initiaux. Ce qui nous conduit à la question que tout le monde se pose: Et ensuite? Beaucoup de personnes consultées font preuve d'optimisme et croient que les montants seront ajoutés aux subventions de base des années futures. Si tel n'est pas le cas, que donnera-t-on à faire à tous ces nouveaux employés?
  • Lancer des initiatives culturelles et artistiques n'équivaut pas à formuler une politique culturelle nationale, fruit d'une vision lucide et assortie de principes directeurs clairs et nets. Cela signifie que les nouveaux projets ont été confectionnés pour répondre à des impératifs en matière de programmes plutôt que dans l'orientation d'une politique précise. Il est difficile d'évaluer leurs effets sur le secteur culturel en l'absence d'une politique culturelle nationale, qui fixerait des objectifs cohérents à l'intervention fédérale en matière de culture dans son ensemble. Par conséquent, il n'est possible d'examiner ces initiatives que séparément, comme les morceaux disparates de casse-têtes distincts.

Notes

•  Statistique Canada. Le Quotidien . «Dépenses publiques au chapitre de la culture» 27 mai 2002.

•  La branche d'activité Développement culturel et Patrimoine réunit les secteurs suivants: radiodiffusion, entreprises culturelles, arts et patrimoine.

•  Ce montant n'est pas entièrement imputable à l'augmentation des effectifs et d'autres dépenses d'exploitation, qui représente l'un des corollaires des nouveaux programmes et initiatives.